dimanche 21 décembre 2008

Two lovers

Alors qu’il livrait l’année dernière une splendide chronique familiale sur fond de film noir avec La nuit nous appartient, James Gray réitère l’exploit avec Two lovers qui est certainement l’un des plus beaux films traitant de l’amour de ces dernières années.
Le film s’ouvre sur la tentative de suicide de Leonard Kraditor, un jeune homme un peu perdu interprété par Joaquin Phoenix. Leonard vit chez ses parents et travaille dans le pressing familial. Il rencontre tour à tour deux femmes. Sandra la brune, la fille de l’associé de son père est amoureuse de lui. Michelle la blonde, sa voisine de palier dont il tombe éperdument amoureux. S’ensuit alors une succession d’évènements qui font une relation amoureuse.
Si les personnages féminins, la brune introvertie qui incarne la sécurité et la blonde plus libérée, en apparence, qui représente l’aventure, peuvent faire penser à Vicky Crisitna Barcelona, la comparaison s’arrête là. Car là où Woody Allen nous montrait sous l’angle de la comédie la légèreté des rapports qui s’établissent entre des personnes qui cherchent à se séduire, James Gray nous propose une vision à la fois cérébrale et terriblement viscérale de ces mêmes rapports.
James Gray filme ses acteurs au plus prés et ne laisse rien échapper de leurs magnifiques interprétations. Vinessa Shaw joue tout en douceur une femme amoureuse qui n’a de cesse de prendre soin de l’homme qu’elle aime. Gwyneth Paltrow incarne une femme perdue qui s’attache à une relation extra conjugale et qui ne voit pas l’amour à sa porte. Quand à Isabella Rossellini, elle est une mère à la fois attentionnée et un peu étouffante qui exprime plus de sentiments par ses silences qu’en paroles. Au milieu de ces femmes, Joaquin Phoenix habite à la perfection un homme emprunté, maladroit, qui par amour fait les mauvais choix, tout aussi aveugle que celle qu’il aime.
La grande réussite du film tient tout autant à ses interprètes, en tout point impeccables, qu’à une réalisation à la fois stylisée et humaine et à une direction d’acteurs remarquable. Le réalisateur prend le temps d’installer ses personnages, de les faire vivre, de nous les faire aimer ou détester dans tout ce qu’ils ont de plus beau ou de plus mesquin, de plus humain en somme. Que ce soit lors d’une scène de boite de nuit où Joaquin Phoenix occupe la piste pour séduire la femme qu’il aime, lors d’un repas douloureux où celui-ci devient le confident et le témoin involontaire du bonheur de cette même femme, chaque scène de Two lovers a des accents de vérité que seuls les grands cinéastes savent nous faire ressentir.
James Gray parle de la relation amoureuse non pas comme d’une histoire d’amour contrariée qui finit bien, mais comme d’un ensemble d’évènements tragiques, heureux ou cruels.
Il en parle comme quelqu’un qui a aimé, que l’on a aimé, sans que cela soit tout le temps réciproque, et c’est cette vérité qui parle à chacun de nous, comme l’écho d’histoires passées ou à venir.

Le bon, la brute et le cinglé

Le bon, la brute et le cinglé est un projet atypique, retransposition du western italien et presque homonyme de Sergio Leone par le coréen Kim Jee-Woon qui a déjà œuvré dans le polar stylé et réussi (A bittersweet life) et le film d’épouvante (Deux sœurs).
L’histoire, transposée dans la Mandchourie des années 30, se cantonne à une course poursuite entre une multitude de protagonistes qui, poussés par des motivations diverses telles que la vengeance, l’appât du gain, ou des raisons politiques, cherchent à mettre la main sur une mystérieuse carte au trésor.
Tous ces personnages, militaires ou bandits, gravitent autour du trio annoncé dans le titre, trois personnages liés entre eux par un passé que l’on ne découvrira qu’à la fin.
Le premier reproche que l’on peut faire au film est sa longueur. L’histoire, ou plutôt le pitch qui sert de prétexte à une succession de moments de bravoure, est tellement peu développée que le réalisateur aurait gagné à raccourcir son film d’une bonne demi-heure, à défaut de s’appuyer sur un vrai scénario.
Car si les personnages de la brute et surtout du cinglé interprétés respectivement par Byung-hun Lee et Song Kang-Ho sont bien écrits, habités par les acteurs qui les incarnent et donc intéressants, celui du bon joué par Jung Woo-Sung est d’une incroyable fadeur, terne et sans profondeur. Quand on sait qu’il fait écho au rôle de Clint Eastwood dans Le bon, la brute et le truand, il y a de quoi se sentir frustré.
Kim Jee Woon s’essaie donc au mélange des genres, non seulement en s’attaquant à un représentant mythique du western spaghetti, mais en passant régulièrement de la pure comédie aux gunfights acrobatiques, sans oublier d’impressionnantes scènes de cascades et de poursuites. Il en ressort un film visuellement réussi mais sans réel scénario, une succession de scènes d’anthologie au service d’une intrigue presque inexistante, deux personnages complexes et charismatiques qui mettent d’autant plus en évidence le vide du troisième.
Un mélange des genres qui laisse au final l’impression d’un film inachevé. Un beau spectacle un peu long, pas désagréable mais un peu vain.

mardi 16 décembre 2008

Burn after reading

Les frères Cohen reviennent avec ce qu’ils savent faire de mieux, les portraits croisés d’une bande d’idiots mêlant comédie et brusques montées de violence.
Burn after reading est un film d’espionnage (presque) sans espion. Mis à part Osbourne Cox, un membre de la CIA mis au placard qui décide d’écrire ses mémoires, tous les personnages du film sont sans rapport avec le monde de l’espionnage. Et pourtant le film nous emmène dans les méandres de ce monde secret, du siège de la CIA aux sous sols de l’ambassade de Russie, de filatures en assassinats en passant par le chantage et l’extorsion.
Et c’est la grande force de ce film construit autour des faux semblants que de nous entrainer dans la même confusion que celle qui règne entre les différents protagonistes de l’histoire. Harry Pfarrer, un flic coureur de jupon se croit suivi en permanence et devient complètement parano alors que c’est sa femme qui entame une procédure de divorce qui le surveille. Les dirigeants des services secrets américains voient des complots là où il n’y a que magouilles opportunistes de bas étage.
Fidel à leur style reconnaissable entre tous, Joël et Ethan Cohen surprennent le spectateur en parsemant ce qui est avant tout une comédie loufoque d’actes de violence aussi soudains que brutaux (John Malkovich et sa hachette) ou de scènes complètement décalées (Georges Clooney et sa machine…).
Bien que le film soit totalement maitrisé et réalisé de main de maitre, Burn after reading est avant tout un film d’acteurs, un festival de personnages tous plus barrés les uns que les autres interprétés par les comédiens les plus doués du moment.
Georges Clooney et Brad Pitt campent, chacun dans des registres différents, des imbéciles avec une évidente délectation et le talent qu’on leur connait. Frances McDormand retrouve un rôle pas très éloigné de l’ingénue de Fargo, John Malkovich est plus énervé que jamais, Tilda Swinton enfin campe admirablement une bourgeoise rigide et arriviste.
Tout se petit monde se croise, s’entretue, se trompe, se ment pour notre plus grand plaisir.
Burn after reading n’est certes pas le plus grand film des frères Cohen ni une date majeur dans l’histoire du cinéma, c’est simplement un film réussi servi par des interprètes extraordinaires, des personnages haut en couleurs sur lesquels les réalisateurs portent un regard aussi distancié (voir le générique de début et de fin) que respectueux. Et c’est déjà beaucoup.

dimanche 7 décembre 2008

Hunger

Caméra d’or au dernier festival de Cannes, Hunger débarque sur nos écrans précédé d’une réputation élogieuse.
Ce premier film de l’anglais Steve McQueen raconte le calvaire de Bobby Sands et de ses compagnons irlandais emprisonnés en Irlande du Nord en 1981. Alors que le gouvernement anglais de Margaret Thatcher leur refuse le statu de prisonnier politique, ils entament une grève de la faim qui se soldera par dix morts, dont celle de l’homme qui fut l’initiateur de ce mouvement protestataire.
Nous entrons dans la prison, et dans le film, en suivant le quotidien d’un gardien de prison, qui passe ensuite le relais au prisonnier Davey Gillen qui partage sa cellule avec Gerry Campbell, lui aussi détenu politique. C’est par leur intermédiaire que nous rencontrons enfin Bobby Sands pour ne plus le lâcher jusqu’à la fin, sa fin.
Pour illustrer son propos, le réalisateur ne recule devant rien et utilise même l’horreur de chaque situation pour mieux faire passer ce qu’il a à dire. Pour témoigner de leur colère, les prisonniers irlandais entament une grève de l’hygiène et tapissent d’excréments les murs de leurs cellules. Cette situation extrême, tout comme les humiliations, la répression excessive des matons anglais, ou les exécutions sommaires commises par les milices de l’IRA, servent de matériau à Steve McQueen pour construire un film choc et entrainer le spectateur dans une expérience physique parfois difficile.
Le film est construit à partir de longs plans fixes (le nettoyage du couloir), comporte dans sa première partie très peu de dialogues, et restitue de manière presque palpable la saleté dans laquelle vivait ces hommes. Cette impression est exacerbée lors du calvaire de Bobby Sands durant lequel rien ne nous est épargné. On partage avec lui ses draps tachés de sang et de vomissures, ses escarres, sa lente agonie due à 66 jours de privation.
Si Hunger est un film fort et implacable, un film dont on ne ressort pas indemne, on peut toutefois regretter le choix scénaristique du réalisateur qui divise son film en deux parties, séparées l’une de l’autre par le dialogue entre le prisonnier et le prêtre.
Hunger commence par être un film politique ancré dans une réalité forte (le conflit irlandais au début des années 80), mettant en scène des militants de l’IRA prisonniers des anglais. Le film s’attarde sur leurs revendications, le bras de fer qu’ils entament avec le gouvernement anglais et leurs conditions de détention injustifiables.
Survient alors un incroyable plan séquence de presque 20 minutes, une discussion admirablement bien construite entre Bobby Sands et le père Dominic Moran qui tente de le dissuader d’utiliser son corps comme une arme au service de ses idéaux. Le propos verse alors dans la théologie, avant que le film ne bascule dans l’idéologie lorsque le réalisateur s’attarde (trop ?) sur l’agonie presque christique du prisonnier. La grève de la faim est presque déconnectée du contexte politique du film et pourrait servir n’importe quelle cause. Le sujet semble se suffire à lui-même et tellement captiver le réalisateur que celui-ci filme des scènes à la limite de la complaisance. Ce ne sont que les indications du générique de fin qui viennent nous ramener au sujet premier du film.
On pourra trouver Hunger difficile à appréhender dans son approche formelle, trop extrême dans la représentation de la déchéance des corps, il n’en demeure pas moins un film éprouvant, que l’on ressent physiquement et dont on ne sort pas indifférent.

mardi 2 décembre 2008

Mesrine, l’ennemi public numéro 1

Deuxième partie du dyptique de Jean François Richet consacré à Jacques Mesrine, L’Ennemi public numéro 1 pouvait laisser craindre une dérive du réalisateur vers une certaine fascination pour son personnage et l’iconisation de celui qui fut une figure mythique du grand banditisme français. L’affiche du film, largement inspirée de celle de La passion du Christ de Mel Gibson, abondait dans ce sens.
Curieusement, cette suite se différencie radicalement du premier épisode aussi bien par le fond que par la forme, pour le meilleur comme pour le pire.
Si la réalisation est toujours maitrisée et la direction d’acteur inattaquable, on peut toutefois déplorer un certain manque de dynamisme et de panache dans les scènes d’action. Alors que l’Instinct de mort nous proposait des séquences de fusillades jusqu’alors rarement vu dans le cinéma français, en terme de maitrise et de construction, L’Ennemi public numéro 1 fait presque preuve de paresse et tombe dans les travers d’une production calibrée pour la télévision. La scène finale qui voit la dernière sortie de Mesrine espionné par les policiers est interminable, d’autant plus qu’elle nous a déjà été présentée.
A l’inverse, cette suite se démarque du premier opus par son discours. Largement inspiré par les divers écrits et déclarations de Mesrine lui-même, dont l’enregistrement posthume que l’on retrouve aussi en partie dans la chanson de Trust, l’Instinct de mort, le scénario se montre beaucoup plus fin et intéressant que précédemment.
L’Ennemi public numéro 1 suit l’évolution d’un homme qui a décidé de vivre non pas en marge de la société mais d’en profiter au maximum selon ses propres règles. On découvre un personnage mégalomane, manipulateur, intelligent, qui ose tout pour parvenir à ses fins. Confronté à l’image que lui renvoient ses amis, notamment François Besse et Charlie Bauer interprétés respectivement et remarquablement par Mathieu Amalric et Gérard Lanvin, Mesrine se retrouve face à une réalité qu’il n’accepte pas. Il se voudrait rebelle, anti social alors qu’il ne fait que voler de l’argent pour mieux consommer et participer à cette société qu’il décrie.
Son combat contre les Quartiers de Haute Sécurité l’entraine dans une spirale de plus en plus folle et cache mal un désir de reconnaissance ainsi qu’une pulsion autodestructrice. Son amour pour Sylvia Jeanjacquot ne pourra le sauver de lui-même et c’est dans un acte presque suicidaire qu’il tombera porte de Clignancourt.
Les dialogues sont remarquables mais il est vrai que le personnage n’était pas avare en déclarations percutantes et en bons mots.
Il serait intéressant de revoir les deux films bout à bout, chacun ayant une personnalité marquée, brillant tantôt par la mise en scène et tantôt par le scénario, avec toujours une galerie de personnages brillamment interprétés.
Mesrine reste un personnage marquant plus de trente ans après sa mort, et si les films ne prétendent pas lever le voile sur tous les mystères que revêt encore le destin hors du commun de cet homme, ils ont au moins le mérite de montrer que l’on peut réaliser en France une œuvre ancrée dans une certaine réalité, un contexte politique et social marqué sans pour autant en sacrifier le coté spectaculaire.

jeudi 20 novembre 2008

L'échange

Clint Eastwood adapte un incroyable fait divers dans l’Amérique des années 20 passé jusqu’alors inaperçu.
L’échange raconte le destin d’une femme ordinaire dont la vie bascule lorsque son enfant est kidnappé et que la police lui ramène un garçon qui n’est pas le sien. Commence alors pour elle un combat contre les institutions qui, dans le contexte de l’époque, prend des proportions à peine imaginables aujourd’hui.
L’échange est un film de facture classique, que certains accusent d’être sans éclat, alors qu’il est parfaitement maitrisé à tous les points de vue.
En artiste complet, Clint assure une réalisation impeccable et écrit une musique en complète harmonie avec son histoire. Les décors sont minutieusement reconstitués, la photographie est superbe, et l’ensemble des acteurs, Angelina Jolie en tête, sont parfaitement dirigés et habités par leurs rôles.
Ce qui frappe surtout à la vision de ce film, outre le fait que l’on est totalement pris dans l’histoire et que l’on ne voit pas passer les deux heures vingt, est qu’il brasse une multitude de thèmes qui auraient justifiés un film pour chacun d’eux.
L’échange est un film historique qui restitue parfaitement la condition sociale d’une femme célibataire dans l’Amérique de l’entre deux guerres, un thriller qui suit les agissements puis la traque d’un serial killer tueur d’enfants, un film de tribunal, grande spécialité du cinéma américain, l’histoire d’une femme qui se bat contre un système implacable et à priori inattaquable (Erin Brockovich n’est pas loin) et un film inquiétant qui frôle le fantastique lorsque l’enfant retrouvé prend la place du disparu dans la maison de Christine Collins. On pense alors à l’Invasion des profanateurs de sépultures et à tous ces films emprunts de la paranoïa des années de Guerre Froide.
Si le réalisateur s’efface devant son histoire, certaines scènes comme l’exécution du condamné, intense et dramatique, ou les meurtres du serial killer, à peine entrevus mais traumatisants, laisse percevoir la maitrise d’un cinéaste qui n’a plus rien à prouver et qui continue d’explorer une certaine histoire de l’Amérique.

vendredi 7 novembre 2008

Quantum of Solace

Casino Royale avait marqué d’une pierre blanche la saga des James Bond et insufflé un renouveau salutaire chez un personnage de plus en plus anachronique.
L’attente suscitée par Quantum of Solace, qui réunit à nouveau Marc Foster à la réalisation et Daniel Craig dans le rôle de l’espion le plus célèbre du monde, et dont l’intrigue débute tout de suite après la fin de Casino Royale, était donc à la hauteur de l’évènement.
La déception n’en est que plus grande.
On ne s’ennuie pas, mais on se croirait revenu dix ans en arrière, dans les épisodes les moins réussis de la série. Le scénario semble inachevé et confus, les acrobaties de Bond redeviennent totalement surréalistes, bref, on regarde le film détaché comme on feuillèterait une bande dessinée légère, sans que cela ne suscite une grande implication.
Qu’est ce qui ne va pas dans ce nouvel opus ?
Le méchant tout d’abord, clef de voute de tout film réussi. Mathieu Amalric avait pourtant un potentiel intéressant pour incarner un personnage inquiétant, fou et dangereux. Il est ici d’une inactivité assez surprenante, accompagné par un homme de main qui est affublé d’une coiffure ridicule et dont la seule action avant de mourir bêtement sera de passer une mallette à un dictateur sur le retour.
Le personnage féminin ensuite, ne supporte pas la comparaison avec la grâce, le charme, l’intelligence de Vesper incarnée par une étonnante Eva Green. Olga Kurylenko est certes belle, sportive, essaie de paraitre déterminée mais rien n’y fait, on pense pendant tout le film avec regret à Vesper.
Daniel Craig enfin, est loin de l’incarnation animale qui nous avait tant surpris lors du précédent film. Si Bond multiplie les meurtres, il n’en parait pas pour autant plus inquiétant que cela. A la manière de ses illustres prédécesseurs, il emballe une pauvre fille en quelques minutes, couche avec avant qu’elle ne se fasse bien entendu tuer. On peut remarquer à ce propos un clin d’œil à Goldfinger dans la manière dont sa mort est mise en scène.
Le générique de début n’est pas particulièrement remarquable et la chanson, interprétée par Alicia Keys, est plus que moyenne. On peut toujours rêver de ce qu’en aurait fait Amy Winehouse qui semblait toute désignée pour prendre la succession de Shirley Bassey.
La fin du film ne nous apporte que peu de renseignement sur cette fameuse organisation omniprésente qui est sensée représenter une menace mondiale. Si le film surfe sur la vague écologique (le bien précieux convoité par les méchants est l’eau), le scénario n’en demeure pas moins bancal pour ne pas dire sacrifié.
Quantum of Solace est donc un Bond moyen, un film d’action bien réalisé mais une réelle déception par rapport à ce que laissait espérer Casino Royale.

mercredi 5 novembre 2008

Hellboy 2 - Les légions d'or maudites

Comme c’est souvent le cas pour un second épisode, le réalisateur, libéré de toute contrainte de présentation de ses personnages, peut s’exprimer pleinement sans passer trop de temps à planter le décor.
C’est exactement ce que fait Guillermo Del Toro qui nous offre avec ce second volet des aventures de Hellboy un spectacle total, complètement décomplexé et pourtant sensible et intelligent.
Le réalisateur mexicain continue ce qu’il avait initié dans le premier Hellboy, c'est-à-dire faire vivre et dynamiser l'univers si particulier de Mike Mignola, et construire un monde impensable peuplé de créatures sorties de toutes les mythologies possibles, et néanmoins d’une rare cohérence. Le cinéphile amateur de fantastique peut y piocher de multiples références, les non initiés en prendront plein la tête et les yeux.
Ainsi, le peuple des elfes auxquels les membres du BPRD sont confrontés auraient tout à fait sa place dans la trilogie du Seigneur des Anneaux de Peter Jackson. Les gardes qui défendent le roi contre son fils semblent tout droit sortis de l’univers de Silent Hill illustré par Christophe Gans. Le dieu de la forêt qu’affronte Hellboy en pleine ville pourrait être issu de l’imaginaire de Miyazaki. Et comment ne pas penser à A toute épreuve de John Woo lors du gunfight avec un bébé dans les bras ?
Aussi à l’aise avec des films de commande (Blade 2, Hellboy) que des œuvres plus personnelles (L’échine du diable, Le labyrinthe de Pan), Guillermo Del Toro confirme, si besoin était, qu’il est un grand cinéaste, un visionnaire qui sait rendre crédible les univers les plus fous, et surtout un passionné qui respecte ses personnages, et donc le spectateur. Les histoires d’amour entre Hellboy et Liz Sherman d’une part, et entre Abe Sapien et la princesse Nuala d’autre part, sont émouvantes car crédibles. Le réalisateur ne considère pas ses personnages comme des monstres mais comme des êtres sensibles, imparfaits et surement plus humains que les gens qu’ils s’efforcent de défendre et qui les jugent sur leur apparence physique. Le passage de la Fiancée de Frankenstein sur une télévision dans l’appartement de Hellboy n’est d’ailleurs pas innocent.
Hellboy apparait comme un être immature, incontrôlable et impulsif. Lorsque la mort (l’une des plus belles représentations de la Mort que l’on ait vu depuis longtemps) demande à Liz de choisir entre la vie de son amour et le destin de la Terre, elle choisit de sauver celui qu’elle aime. Abe Sapien n’hésite pas à donner le pouvoir à son ennemi par amour pour la princesse. Si les membres du BPRD sont des héros, ils sont aussi et avant tout des êtres vivants doués d’émotions et pas aussi irréprochables que cela, ce qui les rend d’autant plus crédibles.
Autre élément fort du film, le personnage du méchant qui, comme le disait Hitchcock, conditionne la réussite d’un film. Prince déchu, héros tragique d’un peuple qui s’éteint, meurtrier de son père et lié à jamais au sort de sa sœur jumelle, le prince Nuada est à la mesure du film, crédible, impressionnant dans ses combats, sans pitié pour la race humaine qu’il méprise et qui meurtrit une nature chère aux elfes.
Enfin, les combats de Hellboy 2 sont remarquablement chorégraphiés et plongent le spectateur au sein d’affrontements titanesques dignes des mangas les plus fous. Hellboy 2 est un spectacle de tous les instants, sans aucun temps mort, tour à tour épique, émouvant, comique, haut en couleur et totalement maitrisé.
Le fait que Peter Jackson ait choisit de confier à Guillermo Del Toro la prequel de sa trilogie du Seigneur des Anneaux est une excellente nouvelle et la preuve qu’il a su reconnaitre en lui un réalisateur passionné, respectueux et doté d’un talent fou.

mercredi 29 octobre 2008

Mesrine, l'instinct de mort

Le choix de Jean François Richet pour adapter à l’écran la vie de Jacques Mesrine est à la fois un bon et un mauvais parti.
Le réalisateur a montré avec Assaut sur le central 13, le remake du Assault de Carpenter, qu’il savait réaliser un film d’action efficace et hors norme. Mais Richet est aussi le réalisateur de Ma 6-T va crack-er, un militant qui ne cache pas son refus de l’ordre établi, voire de la société actuelle. Le message de fond de Ma 6-T va crack-er était contestable en légitimant quasiment les émeutes et les violences des banlieues.
Malgré ses déclarations, force est de constater qu’avec ce premier volet de Mesrine, il retombe dans les mêmes travers et peine à cacher son admiration pour celui qui fut dans les années 80 l’ennemi public numéro 1.
Mesrine est certes montré dans le film comme un homme violent, extrémiste et un véritable metteur en scène de ses actes. Il commet des meurtres mais ils sont plus ou moins légitimés, notamment quand il venge une prostituée défigurée par son mac. Il vole, mais seulement aux riches, il kidnappe un milliardaire et sympathise avec des indépendantistes canadiens. Bref nous ne sommes pas loin des figures mythiques de révoltés qui défient la société. Mais ce serait oublier un peu vite que ces personnages de légende (Guevara en tête pour ne citer que le plus emblématique) défendait une cause. Mesrine lui agit pour son propre compte et n’hésite pas à tuer pour arriver à ses fins personnelles.
Ceci étant, Mesrine est bien réalisé, habité par un Vincent Cassel animal, secondé par des seconds rôles impeccables (Depardieu, Lellouche) mais parfois sacrifiés (Cécile de France). On peut reprocher à Richet certains effets de style un peu artificiels (les split screens et les effets de miroirs quand il se prend pour De Palma !), mais on doit lui reconnaitre une parfaite maitrise des scènes d’actions.
L’un des principaux points faible de ce premier volet, dans sa forme, est cette sensation que le réalisateur a tourné 3 ou 4 heures de film et que, forcé par des contraintes de production, il en a monté les meilleures séquences bout à bout. On a ainsi la sensation de traverser la première période de la vie si tumultueuse de cet homme hors du commun à toute vitesse. Les années défilent et on aimerait parfois s’attarder un peu sur certains personnages (Jeanne en particulier) ou certains épisodes de son existence.
Attendons le second volet de Mesrine pour porter un jugement global sur un film ambitieux et décomplexé dans sa forme, mais discutable sur la manière dont sont montrés les faits.

dimanche 19 octobre 2008

Tropa de Elite

Se situant à mi chemin entre la Cité de Dieu (dont le scénariste à participé à l’élaboration de ce film) et The Shield, Tropa de Elite suit le quotidien des policiers du BOPE, une section spéciale de la police militaire brésilienne intervenant dans la lutte anti drogue au cœur des favelas.
L’histoire, racontée en voix off par le capitaine Nascimento, se concentre sur la volonté de celui-ci de quitter sa fonction pour se consacrer à sa femme et son fils nouveau né. Pour cela, il doit auparavant sélectionner et former celui qui le remplacera. Deux candidats sortent du lot, Neto et Matias. L’un a tendance à intellectualiser, et peut être idéaliser un peu sa fonction, l’autre fonce tête baissée et réfléchit ensuite. Les deux ont comme point commun de ne pas être corrompus comme la majorité de leurs collègues policiers. Bien entendu, rien ne se passera comme prévu et le choix du capitaine Nascimento se trouvera précipité par des évènements tragiques.
Tropa de Elite est un film qui a suscité une certaine polémique lors de sa sortie, certains journalistes accusant son réalisateur José Padilha de tendance fasciste pour montrer sous un angle trop favorable ces troupes d’élites. Force est de constater à la vision du film qu’il n’en est rien.
Certes, le tournage caméra à l’épaule, les éclairages soignés, la bande son rap, la maitrise des scènes d’action font de Tropa de Elite un film prenant, formellement réussi. Mais est-il nécessaire d’être ennuyeux ou de filmer des images pourries pour dénoncer les personnages ou les actions que l’on montre ? De la formation des jeunes recrues aux descentes dans les favelas, des rites d’initiation aux séances de tortures, rien dans ce que nous montre José Padilha ne peut être taxé de sympathie pour cette police aux méthodes aussi dures que les meurtriers qu’elle traque.
La BOPE constitue la réponse extrême à une criminalité de plus en plus dure et organisée, et à la corruption généralisée des services de police brésiliens. Le réalisateur n’excuse en aucune manière leurs pratiques extrémistes, mais les resitue dans leur contexte.
On peut en effet regretter que certains personnages gravitant autour des policiers de la BOPE (trafiquants, étudiants, membres d’ONG) ne soient pas suffisamment développés et manque un peu d’épaisseur. De même, la première demi heure du film parait assez confuse et l’on a du mal à identifier chaque protagoniste et à comprendre les trafics et combines montées par chacun.
Cette exposition étant faite, Tropa de Elite prend toute sa mesure de tragédie et le film conduit chacun des principaux protagonistes vers sa destinée forcement douloureuse. Une mort violente pour certain, le désagrégement de la cellule familiale, la perte des illusions et la spirale de la violence pour d’autres. José Padilha n’épargne personne, des narco trafiquants qui contrôlent les favelas et ont le pouvoir de vie ou de mort sur ses habitants, aux policiers aux chemises noires qui renvoient directement aux milices des dictatures sud américaines de sinistre mémoire, en passant par ces étudiants fils et filles de riches qui prennent la pose en s’insurgeant contre l’ordre établi et la police, en s’investissant dans des ONG locales tout en s’encanaillant avec les dealers de drogues, en sniffant de la cocaïne ou en fumant des joints.
Certains d’entres eux en paieront le prix élevé et c’est surement pour ces personnages que le réalisateur a le moins de compassion. On le comprend.

dimanche 12 octobre 2008

Vicky Cristina Barcelona

Vicky et Cristina, deux new yorkaises amies passent un été à Barcelone. L’une (Rebecca Hall) est brune, sur le point de se marier avec un bon parti, sage et peu aventureuse en amour. L’autre (Scarlett Johansson) est blonde, elle vient de quitter son fiancé, elle ne sait pas ce qu’elle veut mais seulement ce qu’elle ne veut pas. Sur place, elles font la connaissance de Juan Antonio (Javier Bardem), un peintre entreprenant et séducteur qui leur propose un week end avec lui. Après cette rencontre, plus rien ne sera comme avant pour les deux amies. Jusqu’au retour de Maria Helena (Penélope Cruz), l’ancienne femme de Juan Antonio, aussi lunatique qu’explosive.
Précédé d’une réputation sulfureuse et très élogieuse dans la presse, ce nouveau film de Woddy Allen risque de décevoir un peu son public. Certes, le film est drôle, enlevé, coloré comme l’Espagne, servi par des interprètes magnifiques. Mais l’on y cherche pourtant en vain l’élégance, la maitrise et même la sensualité de Match Point.
Bien que l’on retrouve dans ce film les dialogues brillants, la frénésie et les thèmes récurrents qui font l’univers si reconnaissable du cinéaste, Woody Allen semble, dans certaines scènes, se contenter d’observer une palette d’acteurs il est vrai de premier plan.
Scarlett Johansson y est sensuelle, inconsistante, Javier Bardem représente le stade ultime du séducteur latin, Penélope Cruz est une tornade qui bouffe chacune des scènes où elle apparait. Entre toutes ces célébrités, Rebecca Hall aurait pu être écrasée. C’est elle au contraire qui joue avec le plus de nuance cette femme écartelée entre son désir de vivre sa passion jusqu’au bout et sa peur de s’écarter des conventions et de la promesse d’une vie surement un peu ennuyeuse mais rassurante. Elle exprime à merveille sa peur de s’engager, son désarroi devant son amant d’un jour, son ennui des mondanités.
Vicky Cristina Barcelona est un spectacle de tous les instants, des dialogues savoureux servis par une distribution prestigieuse, des personnages hauts en couleur, la beauté de Barcelone qui fait écho à celle des protagonistes du film. Cependant, on ne peut se détacher en sortant de l’impression d’avoir assisté à une succession de scènes un peu décousues. Décousues mais brillantes.

samedi 11 octobre 2008

Eden Lake

Le cinéma de genre anglais confirme sa bonne santé en produisant régulièrement des films coup de poing, sans concession et souvent brillants. Eden Lake n’est pas aussi réussi que The Descent dont l’affiche du film se réclame, mais il est d’une noirceur qui ne laisse pas indifférent.
Jenny, interprété par la charmante Kelly Reilly, est une maitresse d’école que son fiancé emmène en week end sur les bords d’un lac. Ils rencontrent une bande d’adolescents bruyants et sans gêne qui, de fil en aiguille, va se montrer de plus en plus agressif, jusqu’au drame.
Eden Lake oppose d’emblée le jeune couple de cadre moyen comme ils se définissent eux même, qui roule en 4x4, possède un GPS et rêve d’un petit chalet dans la campagne, aux autochtones rustres, vraisemblablement pauvres, brutaux, et aux physiques peu engageants. La comparaison aurait pu s’avérer délicate et réductrice si le film avait pris la voie du drame sociale, mais il n’en est rien.
Après une première partie de mise en place un peu longue, Eden Lake suit très vite la trace de Délivrance et des Chiens de paille sur la voie de la chasse à l’homme en pleine forêt et de la victime qui se retourne contre ses agresseurs. Malheureusement la comparaison s’arrête là, car le film est loin de ses prestigieux modèles.
Malgré la très bonne interprétation de Kelly Reilly, le personnage de Jenny trahit cependant un certain manque de cohérence dans ses actes, notamment lorsqu’elle décide de se cacher dans une poubelle nauséabonde (la sortie de la poubelle n’est d’ailleurs pas sans rappeler l’une des scènes de The Descent) ou qu’elle assiste au martyrs de son fiancé plutôt que de s’éloigner pour appeler de l’aide sur son portable. De plus, le rythme du film est souvent coupé par des retours en ville qui, s’ils peuvent apporter quelques éléments d’explications sur les familles et l’environnement des enfants, perturbent cependant le sentiment d’oppression ressenti au sein de la forêt.
Le thème de la délinquance juvénile, voire de la violence la plus extrême chez les groupes d’enfants ou d’adolescents, est un sujet souvent abordé dans le cinéma anglais. D’Orange Mécanique à This is England, du phénomène du hooliganisme aux skins head, la violence chez les jeunes semble être un problème sociétal très présent en Angleterre. Eden Lake aborde les faits de manière brutale, en apportant quelques éléments d’explication (l’influence d’un chef sur une bande de gamins, l’environnement familiale de ces enfants), mais sans proposer vraiment une réflexion poussée sur ce thème.
L’intérêt du film n’est pas dans l’approche psychologique des personnages, mais bien dans leur comportement extrême. D’une scène de torture éprouvante à un final d’une noirceur totale, Eden Lake est un film qui marque. Malgré quelques invraisemblances scénaristiques, la réussite du film tient surtout dans l’interprétation des personnages, Kelly Reilly et la bande de gamins en tête.

mardi 30 septembre 2008

Entre les murs

François Bégaudeau adapte son livre pour un film homonyme réalisé par Laurent Cantet et interprété par l’auteur lui-même, entouré d’élèves d’un collège considéré comme difficile.
On pouvait craindre une peinture sociale réaliste et potentiellement peu cinématographique, à la manière de certains films d’Abdellatif Kechiche, il n’en est rien. Entre les murs, outre ses qualités de témoignage sur le milieu scolaire urbain et sur la société française actuelle en général, se révèle fascinant.
Nous suivons l’année scolaire d’un groupe de professeurs et plus particulièrement d’une classe de français dont le professeur n’est autre que Bégaudeau. Chaque cours est une joute oratoire, et parfois physique, entre des élèves aussi différents dans leurs origines que dans leurs attitudes, et un jeune professeur qui tente tant bien que mal de les comprendre et de leur enseigner sa matière.
Au-delà de la transmission de savoir, il est question de savoir être, de vie en société, de reconnaissance et de respect, choses aussi peu partagées que difficiles à intégrer. Le film évite tout didactisme et démagogie en nous montrant des professeurs qui peuvent être de mauvaise foi, avoir une attitude partiale et qui sont les premiers à juger ces adolescents de manière expéditives (gentils, pas gentils).
Ce quotidien aurait pu être assommant, il est passionnant.
D’un conseil de classe à une leçon d’autoportrait, d’un conseil de discipline au quotidien dans la salle des professeurs, chaque scène est vecteur d’une charge émotionnelle énorme et parfois d’un certain suspens. Le mérite en revient à un scénario intelligent et vivant qui a su intégrer le langage de ces élèves sans le caricaturer ni le dénaturer, et à une interprétation impressionnante, d’autant plus que la plupart des protagonistes sont amateurs.
Entre les murs aborde de vrais problèmes scolaires et d’une manière plus générale sociologiques. Témoin cette élève qui avoue ne rien comprendre de ce qu’on lui enseigne mais qui crains par-dessus tout de se retrouver en techno. Ou cet adolescent d’origine africaine dont les parents ne parlent pas français, qui se fait renvoyer du collège et qui risque d’être également renvoyé au bled. François Bégaudeau et Laurent Cantet posent beaucoup de questions difficiles sans se risquer à apporter de réponses toutes faites et forcement restrictives. Ils évitent l’écueil consistant à magnifier les différences au nom de la beauté de la diversité.
Etre professeur dans ces établissements est passionnant et très difficile. Etre à la fois élève et citoyen français quand on vit dans un milieu modeste et que l’on est à la recherche de son identité aussi. Entre les murs est le constat implacable de ces états de fait.
Ce film n’est ni désespérant ni utopiste, il est utile.

dimanche 28 septembre 2008

Aguirre, la colère de Dieu

C’est en 1972 que Werner Herzog réalisa ce film resté célèbre pour son tournage épique et les démêlés entre deux personnalités hors du commun, le réalisateur et son acteur principal Klaus Kinski. Et en effet, Aguirre est un film où la folie est omniprésente.
En 1560, une troupe de conquistadors part à la recherche du mythique Eldorado. Alors que les soldats s’enlisent dans la forêt, la troupe se divise et un petit groupe est dépêché en reconnaissance en aval du fleuve. Il est placé sous la responsabilité de Pedro de Ursua secondé par Lope de Aguirre, un guerrier ambitieux, machiavélique (au sens premier du terme) et avide de pouvoir. Ce dernier conduira tout le monde à sa perte à force de trahison et de rêve de grandeur.
A la manière du colonel Kurtz dans Apocalypse Now, Aguirre entend bien profiter de l’isolement et des territoires nouveaux que lui offre la jungle pour bâtir un empire dont il serait le seul maitre. A la différence de ses compagnons, ce n’est pas tant la soif de l’or ou un quelconque sentiment religieux qui l’animent, mais bien ce désir de pouvoir que rien ne semble devoir apaiser.
Pour arriver à ses fins, Aguirre ne reculera devant rien. Meurtres (qu’il fait commettre par d’autres), trahisons, parjures, tout est bon pour arriver à son but. Mais plus que la conquête d’un nouvel empire, c’est un voyage à l’intérieur de lui-même qu’il fera, ne trouvant à son arrivée que folie et solitude.
Dès les premières images, Werner Herzog nous fait ressentir toute la pesanteur, la fatigue et la détresse qui pèse sur ces hommes. La jungle est étouffante, le fleuve est menaçant, la nature est hostile pour ces soldats qui, loin de chez eux, se comportent pourtant en terrain conquis. Le réalisateur en profite pour régler quelques comptes avec la religion. Le prêtre résume ainsi des siècles de christianisme quand il déclare à la femme de Pedro de Ursua venue demander son aide face à Aguirre « Afin de mieux servir le Seigneur, l’Eglise a toujours était du coté des puissants ». Ce même prêtre et les soldats espagnols sont horrifiés quand ils découvrent que les indiens n’ont jamais entendu parler de la Bible, pourtant ils n’hésitent pas à faire courir nu un esclave noir afin d’effrayer ces derniers.
Quête mystique et cauchemardesque, voyage au bout de la folie, Aguirre est traversé de moments forts comme le du suicide de la splendide Inez qui s’enfonce dans la jungle face aux indiens, ou la découverte d’un bateau échoué en haut d’un arbre. Le film doit une grande partie de son intensité à l’incroyable interprétation d’un Klaus Kinski totalement habité par son rôle. Un regard halluciné, un tremblement de la mâchoire, une démarche entravée par son armure, l’acteur est complètement en phase avec ce personnage dément.
On ne saurait mieux résumer le film qu’en reprenant la phrase d’un jeune prince indien réduit à l’esclavage qui déclare « nous ne pouvons nous battre contre vous, nous vous regardons vous détruire ».

Le silence de Lorna

Jusqu’où est on prêt à aller pour s’en sortir quand on est soit même une victime ?
Ken loach avait brillamment illustré cette question avec It’s a free world, et les frères Dardenne en ont fait l’un de leurs thèmes récurrents.
Lorna est une jeune albanaise mariée à un drogué belge dans le seul but d’obtenir la nationalité de son mari. Elle doit effectuer la même démarche avec un riche russe pour que celui-ci devienne belge à son tour en échange d’une forte somme d’argent. Mais pour cela, il faut que son mari actuel disparaisse…
Le silence de Lorna est autant un film sur la culpabilité, la responsabilité qu’un film social. Porté par une étonnante Arta Dobroshi, l’une des faiblesses du film provient pourtant du reste de la distribution. Jérémie Rénier, malgré ses kilos en moins et ses efforts convainc à peine en drogué qui essaie de décrocher. Quand au personnage de Fabio, sensé représenter la pègre, il dégage plus de sympathie qu’un réel sentiment de danger pour Lorna.
Alors que les réalisateurs prennent souvent leur temps pour filmer des scènes qui auraient pu être plus épurées, ils usent en revanche de redoutables ellipses pour faire avancer l’histoire. La mort de Claudy est ainsi expédiée de manière tellement rapide qu’il nous faut quelques secondes pour se rendre compte qu’il n’est plus de ce monde. Le film renferme néanmoins des moments forts, comme cette scène où Lorna fait l’amour à Claudy comme on sauve quelqu’un de la noyade.
Le silence de Lorna est un film nécessaire de part la réalité qu’il dépeint, un film sensible et intéressant, mais dans lequel on peine à complètement s’immerger.

mercredi 24 septembre 2008

Martyrs

Le nouveau film de Pascal Laugier est l’un des plus attendu de l’année.
Cette attente est en grande partie suscitée par l’interdiction aux moins de 18 ans, donc de quasi censure, dont il a failli être victime avant un tardif revirement de la commission de censure.
Si cette interdiction scandaleuse n’est en aucun cas justifiée, force est de constater qu’en effet, Martyrs n’est pas à mettre entre toutes les mains. D’une violence physique et psychologiques extrêmes, Martyrs est un film aux multiples facettes dont on ressort en ne sachant que penser.
Le film brasse différents thèmes et touche à plusieurs genres. Films de vengeance, de monstre, de torture, réflexion sur la souffrance, le final n’apporte aucune réponse aux questions sensibles qui sont abordées.
Entre recherche de la vérité et justification indéfendable de l’usage de la torture, on en ressort en se demandant si l’on a assisté à une expérience quasi mystique ou à une tentative fumeuse d’explication de la violence brutale qui nous est montrée, et que l’on devine être celle que ressentait le réalisateur lors de l’écriture du scénario.
Pascal Laugier a cependant le mérite de ne pas tomber dans le piège de la facilité et de la vulgarité, et de ne pas surfer sur la vague des films de tortures actuellement en vogue. En effet, alors que l’on assiste à l’enfermement de jeunes filles violentées, le film ne comporte aucun sévice sexuel. De même, les scènes où Anna est tabassée sont brutales, traumatisantes mais en aucune cas exagérées dans l’étalage gore, dans le contexte du film bien entendu.
A la différence des Saw, la violence que montre le réalisateur n’est pas fun ni exutoire pour le spectateur. A la manière d’Irréversible, elle fait mal et ne suscite que l’aversion.
Martyrs est scindé en deux parties assez distinctes.
Dans la première, nous suivons le parcours de deux filles paumées qui se sont connue à l’orphelinat. L’une d’elle a été séquestrée et torturée. Elle est parvenue à s’enfuir mais elle est depuis poursuivie par une créature que l’on devine être la matérialisation de ses peurs. Croyant reconnaitre ses tortionnaires, elle massacre une famille modèle et appelle son amie à la rescousse.
Commence alors un second film, dont l’ambiance des longs couloirs froids de la prison n’est pas sans rappeler Saint Ange. Lucie passe le relais à Anna et l’histoire se répète. Mais autant la première était une expérience ratée, autant Anna se révèlera être une réussite pour le groupe mystérieux qui poursuit ses monstrueuses recherche dans un seul but, découvrir ce qu’il y a après la mort.
Et c’est face à cette révélation, ou plutôt à cette non réponse que nous laisse pantelant le réalisateur. Tout cela est vain et il faut recommencer le cycle des souffrances. Martyrs peut être interprété comme un film radicalement religieux (les martyrs ont la chance d’accéder au Paradis qui est tellement beau qu’il faut le rejoindre immédiatement), ou au contraire profondément athée (il n’y a rien après la mort, tout cela est vain et ces souffrances n’ont servi à rien).
Rares sont les films à ce point percutants que l’on ne sait pas si on l’aime ou on le déteste, ce que l’on doit en penser et comment l’interpréter. Rien que pour cela, Martyrs devait être vu.

lundi 22 septembre 2008

Les jeux vidéo sont ils dangereux ?

Je souhaite réagir à propos d’un flash d’information entendu dimanche matin 21 septembre 2008 à 9H sur France Inter et qui m’a profondément agacé. Voici les faits en substance : un enfant de 13 ans a été arrêté alors qu’il mettait le feu à une troisième voiture. L’adolescent était fan du jeu vidéo ultraviolent GTA 4 et se serait inspiré de ce jeu pour commettre ses actes.

Quelques points de détail pour commencer. Je ne pense pas que l’on puisse qualifier GTA 4 comme ultraviolent, bien que cette notion, je vous l’accorde, soit subjective. Moralement discutable peut être dans la mesure où l’on incarne un truand, mais ultraviolent me semble un peu disproportionné.Deuxièmement, il faut savoir pour lier les faits entre eux que le principe de base de GTA (Gran Theft Auto) est de voler des voitures pour se déplacer en ville, pas de les brûler…

Enfin, et c’est le point le plus important, GTA 4 est un jeu interdit aux moins de 18 ans. Ce qui signifie que, théoriquement, un adolescent de 13 ans ne devrait pas passer ses journées devant un jeu de ce type. Et c’est là que se trouve, à mon avis, le nœud du problème.

Je ne pense pas que la cause principale de ce délit soit le jeu en lui-même comme le prétendait clairement le journaliste, mais bien l’usage que l’on a permis à ce jeune d’en faire. Je serais assez curieux de connaitre l’environnement familial, social et scolaire de ce garçon. La responsabilité de son acte n’incombe telle pas davantage à ceux qui n’ont pas su lui imposer les limites de l’usage qu’il doit faire d’un jeu vidéo (limitation du temps passé devant sa console ou simplement interdiction puisque le jeu ne lui est apparemment pas destiné) ? Je ne juge pas les parents ou l’entourage de ce jeune car je ne les connais pas, mais il me semble un peu facile et pour tout dire démagogique de stigmatiser un jeu vidéo en lieu et place de l’autorité parentale. Ce type de discours est de plus en plus généralisé et concerne de la même manière les films d’horreur, le hard rock ou le rap pour ne parler que de cinéma ou de musique.

Je suis moi-même un joueur occasionnel et à ce titre je connais les risques de dépendance, de troubles physiques ou même psychologiques que peuvent entrainer de longues heures passées devant un jeu vidéo. Je ne les nie pas, ils sont réels, c’est d’ailleurs pour cela que des interdictions à certaines tranches d’âge ou des recommandations d’utilisation sont clairement indiquées sur les jaquettes. Mais lorsque le journaliste indique que des milliers de licences de GTA 4 ont été vendues en France et sous entend par là, vu son discours préalable, que des milliers d’incendiaires ou de meurtriers en puissance sont peut être en train de naitre, je trouve le discours irresponsable.

Un enfant mangera du chocolat jusqu’à s’en rendre malade si personne ne lui dit d’arrêter, faut il pour cela déclarer le chocolat danger à la santé publique ? Encore une fois, il est plus facile de blâmer la violence au cinéma ou dans les jeux vidéo que d’analyser les véritables problèmes qui mènent au drame. Un enfant qui brûle des voitures après avoir joué à GTA 4 l’aurait de toute manière surement fait après avoir vu un film ou regardé les informations à la télévision. Il y a un problème, c’est évident, mais je doute qu’il se trouve du coté des jeux vidéos.

mardi 2 septembre 2008

The Dark Knight

Si le second film de Christopher Nolan consacré au chevalier noir reprend l’intitulé de la saga de Franck Miller, ce Dark Knight n’en est pas pour autant l’adaptation.
En effet, la bande dessinée nous présentait un Batman vieillissant qui, décidant de reprendre les armes pour nettoyer les rues de Gotham City, se retrouvait face aux critiques d’une population divisée en partisans et opposants à ses méthodes. Devenant peu à peu un élément anarchique incontrôlable, Batman s’opposait alors au gouvernement par l’intermédiaire de son représentant Superman.
Dans le film, certains éléments de l’œuvre de Franck Miller sont repris, comme les citoyens déguisés en Batman qui essaie de l’imiter, ou la population de la ville, parfois positive mais le plus souvent critique et hostile. Batman est fatigué de vivre cette double vie de justicier masqué et l’arrivée du procureur Harvey Dent, aussi inflexible que lui dans la lutte contre le crime, pourrait bien être l’occasion de donner à Gotham City un vrai héros qui pourrait agir à visage découvert.
Mais c’est sans compter la brusque apparition du Joker, un psychopathe surgit de nulle part (mais annoncé à la fin de Batman Begins) bien décidé à mettre la ville à feu et à sang.
Après avoir exploré de manière originale les origines du mythe, Christophe Nolan livre avec The Dark Knight un second volet beaucoup plus sombre que tout ce qui a déjà été fait à propos de ce personnage, Batman Returns de Tim Burton mis à part. Le personnage de Batman trouve en la personne du Joker son double inquiétant, un personnage masqué qui fait de Gotham City son champ de bataille. « Nous sommes des monstres » clame le Joker à son ennemi, et il lui précise qu’il n’est qu’un instrument dont se servent les forces de police. Jusqu’à ce qu’ils le jettent.
Mais qui se sert de qui ? C’est toute la complexité des relations qui unissent les différents personnages de ce film dense et complexe. Le procureur Harvey Dent, le lieutenant de police Jim Gordon, le justicier Batman, le milliardaire Bruce Wayne, la fiancée (de qui ?) Rachel Dawes, le Joker bientôt rejoint par Double Face, le mafieux Salvatore Maroni, le maire de Gotham. Tout le monde utilise ceux ou celles qui peuvent l’aider à atteindre son but, avec souvent des conséquences désastreuses.
Outre les qualités de réalisation du film, que ce soit dans les scènes intimistes ou les spectaculaires séquences d’action, la cohérence et l’écriture de chaque rôle, une interprétation impeccable, la réussite de ce Dark Night vient en grande partie du personnage du Joker. A mille lieues du super vilain cabotinant à outrance interprété par un Jack Nicholson en roue libre, Heath Ledger habite littéralement son rôle. Il fait de son personnage un vrai tueur psychopathe, un homme sans autre valeur que celle de l’anarchie et de la destruction. Les tendances suicidaires du Joker dans le film font d’ailleurs étrangement écho à la disparition tragique de l’acteur quelque temps après la fin du tournage. Son rôle n’en est que plus émouvant, mais ce n’est pas la mort Heath Ledger qui lui donne cet impact, mais bien une qualité d’interprétation impressionnante.
Face à lui, Batman se retrouve devant un miroir déformant qui lui renvoie une image de ce qu’il pourrait devenir s’il ne contrôle pas ce sombre chevalier qui est en lui. Le film souffre d’un seul défaut, il est un peu trop long et certaines scènes auraient gagné à être écourtées. Ceci dit, entre les exactions aussi drôles que cruelles du Joker (le crayon qui disparaît, la bombe cousue dans le ventre d’un complice, le braquage qui ouvre le film,…) les disparitions de personnages importants, la naissance de Double Face qui marque la victoire du Joker, et la fin qui voit Batman se faire pourchasser par des chiens et des policiers comme un paria, The Dark Night est définitivement la vision la plus noire, et sûrement la plus juste, d’un personnage ambivalent qui n’a sûrement pas fini de faire parler de lui.

dimanche 24 août 2008

Gomorra

Gomorra est une peinture aussi réaliste que possible de l’intrusion de la camorra, la mafia napolitaine, dans la vie d’une dizaine de protagonistes dont nous suivons le quotidien durant quelques jours.
Entre film de fiction et documentaire (les noms des protagonistes sont fictifs mais les faits montrés s’inspirent d’évènements réels, ce qui a valu à son réalisateur une protection rapprochée suite à des menaces des mafieux qui se reconnaissaient un peu trop à leur goût dans le film…), Gomorra a le mérite de ne pas chercher à plaire à tout prix.
Les évènements et les personnages qui nous sont montrés sont brutaux et dénués de toute l’imagerie romantique, glamour ou simplement visuellement attrayante que pouvaient dégager le Parrain, les Affranchis ou Scarface. Ce dernier est d’ailleurs le modèle à suivre pour deux jeunes délinquants en devenir qui se voient comme les Tony Montana italiens et qui finiront aussi tragiquement que la plupart des protagonistes de ces histoires entrecroisées.
Entre enfouissements de déchets toxiques à proximité des zones habitées, enrôlement de gamins pour vendre de la drogue et exécution de femmes, l’image des mafieux en prend un coup et on comprend aisément que cette vision des choses n’ait pas plu à tout le monde.
Gomorra est donc un film choral souvent tourné caméra à l’épaule qui nous propose, en fonction des personnages que nous accompagnons, d’observer les différentes strates de cette redoutable organisation qui représente une part non négligeable de l’économie italienne, voire européenne.
Certains personnages profitent du système, la plupart le subissent, presque tous s’y font broyer. Entre rêve de réussite et d’argent facile, seul échappatoire à une existence vouée à la misère (ou vue comme telle) et système institutionnalisé auquel il est difficile de se soustraire quand on vit à Naples, la pieuvre napolitaine laisse peu de place à l’espoir et à une espérance de vie correcte. La seule limite de ce film direct et efficace se trouve sûrement dans l’écriture et la multiplicité des personnages et des intrigues secondaires que l’on peine parfois à suivre, entre guerre des gangs et trahison.
Là où Romanzo Criminale arrivait à transcrire de façon plus limpide, mais moins crédible, le récit d’une page de l’histoire italienne, Gomorra, de par son parti pris de cinéma qui colle au réel, peine parfois à trouver le souffle nécessaire pour emmener le spectateur dans cette spirale sans le perdre en route de temps en temps. C’est le moindre défaut de ce film courageux et nécessaire.

Wall E

Dire qu’une production Pixar est techniquement superbe est presque devenu un pléonasme tellement la branche animation des studios Disney impose à chaque fois un esthétisme de haut niveau.
Mais cette réussite ne serait rien si la réalisation des films n’était avant tout au service d’une histoire solide et maîtrisée, d’un scénario écrit avec minutie et de personnages fouillés et attachants. Car le secret d’un bon film est avant tout une histoire, et cela les équipes de chez Pixar l’ont bien compris.
Wall-E est donc à la fois un conte écologique, une formidable aventure de science fiction, une histoire d’amour entrecoupée de moments de bravoure et de scènes comiques. La quasi absence de dialogue durant la première partie du film n’empêche en rien l’adhésion au quotidien de ce petit robot chargé de nettoyé une Terre saturée de déchets après le départ des derniers humains vers des cieux plus cléments. Jusqu’à l’arrivée d’Eve, un autre robot en mission qui vient perturber la vie de notre héros.
Les rôles de l’homme et de la femme sont traditionnellement inversés dans Wall-E. Ce dernier, sensé représenter le genre masculin, est romantique, tête en l’air, maladroit, et amoureux. Eve quand à elle est sous des apparences de petit robot nippon l’équivalent d’un Terminator de dernière génération pour qui seule compte la mission qui lui a été confiée.
Les humains, qui apparaissent dans le second segment du film, sont en exil dans l’espace. Enfermés dans leur vaisseau et assistés par une armée de robots, ils sont en train de régresser physiquement et mentalement vers l’état de grosses larves. Jusqu’au retour de Eve et l’arrivée imprévue de Wall-E qui viennent perturber cette inertie. La découverte d’une trace de vie végétale indique qu’il est temps de rentrer et de recoloniser la Terre. Mais c’est sans compter des ordres enregistrés des années auparavant par les dirigeants de l’époque, auxquels le robot pilote ne compte pas déroger.
Wall-E lorgne alors allégrement du coté de 2001, l’Odyssée de l’Espace, que ce soit avec la révolte du robot contre l’humain, ou au travers de la bande musicale qui reprend le célèbre morceau de Strauss. Encore une fois, ce nouveau film Pixar est à double lecture. Intelligent, divertissant, maîtrisé, Wall-E marque d’une pierre supplémentaire la place prépondérante de Pixar dans le monde de l’animation.

jeudi 21 août 2008

Surveillance

Il est tentant de chercher dans les films de Jennifer Lynch des réminiscences de l’univers si particulier de son père.
Si la première partie de Surveillance peut parfois faire penser à une extension de Twins Peaks, la réalisatrice réussit toutefois à imposer son style pour raconter une histoire atroce par le biais des regards croisés des différents protagonistes de ce drame.
Suite à des agressions sauvages dans le sud des Etats-Unis, deux agents du FBI sont envoyés sur les lieux pour interroger les trois témoins rescapés. Un policier traumatisé par la mort de son partenaire, une junkie et une petite fille. Chacun donne sa version des faits sous l’œil et les caméras de l’agent joué par Bill Pullman.
Jennifer Lynch place le spectateur au coté de Bill Pullman pour suivre les interrogations des différents témoins et recouper les histoires de chacun. Sauf lorsque celui-ci laisse échapper un geste de complicité amoureuse et c’est alors la petite fille qui prend sa place derrière la caméra de surveillance qui s’en aperçoit. Tout le monde ment pour cacher des faits gênants et se protéger. Tout le monde sauf la petite fille dont le regard est le seul à être innocent. C’est par les yeux de l’enfance que la vérité apparaîtra, plus tordue que tout ce qui nous a été donné de voir jusqu’à présent.
Le principal intérêt de Surveillance ne réside pourtant pas dans sa chute et sa révélation finale. Celle-ci se devine en effet assez vite, surtout en tenant compte des spoilers et des indices qui pullulent dans la presse et qui viennent de plus en plus gâcher la surprise des films, du moins ceux qui nous en réservent encore. La force du film, outre sa construction donc, réside dans la galerie de personnages que Jennifer Lynch dépeint de manière crue et sans artifice. Des flics pourris et vicieux aux tueurs machiavéliques, Surveillance doit autant à Tueurs Nés qu’à The Devil’s Rejects. Chaque personnage cache derrière son discours officiel et l’image qu’il projette une vérité dérangeante et seule l’enfant, d’une froideur assez incompréhensible après tout ce qu’elle a vécu, sera à même de découvrir la vérité car elle-même ne cache rien. C’est d’ailleurs ce qui la sauvera alors que tous les autres acteurs de cette pièce de théâtre tragique seront sacrifiés.
La réalisatrice exploite à fond ces paysages désertiques et écrasés de chaleur des Etats-Unis, si propices aux exactions et aux attaques des serials killers. Ces tueurs pour qui elle éprouve une réelle empathie, proche encore une fois d’un Oliver Stone ou d’un Rob Zombie.
Surveillance est au final un film certes imparfait, avec quelques longueurs, des personnages parfois un peu caricaturaux et quelques facilités scénaristiques. Mais le film témoigne surtout du regard d’une vraie réalisatrice qui ne recule devant rien pour imposer sa vision des choses, et mettre en scènes des personnages controversés, déviants, rebutants et au final que l’on se surprend à trouver attachants. Jennifer Lynch est une réalisatrice à surveiller !

lundi 21 juillet 2008

Kung Fu Panda

Le dernier né des studios DreamWorks est un film bancal.
Techniquement, l’animation est sans faille, la réalisation et le découpage des scènes d’actions est un model du genre. On retiendra particulièrement l’évasion de Taï Lung depuis sa geôle qui n’est pas sans rappeler la prison d’Askaban dans Harry Potter.
Toute la séquence, depuis l’arrivée du messager jusqu’à l’évasion finale, est graphiquement splendide et d’une fulgurance rarement atteinte dans les films d’animation. Et cette scène d’anthologie n’est pas la seule, loin de là.
A coté de cela, Kung Fu Panda souffre d’un scénario convenu pour ne pas dire paresseux. Le message répété tout au long du film (le dépassement de soi, le fait de croire en ses rêves) a déjà était entendu mille fois. Les personnages des cinq guerriers disciples sont à peine esquissés, et l’histoire, dont on peut deviner chaque scène à venir, se suit sans aucun intérêt.
C’est d’autant plus dommage que le sujet et le cadre du film se prêtaient à de multiples références aux films de kung fu, mythologie d’une richesse incroyable. Kung Fu Panda est donc au mieux une semi réussite, un bel emballage un peu creux.

Hancock

Les supers héros peuvent avoir des états d’âme et cacher de douloureux secrets, on le sait au cinéma depuis Spiderman et dans les comics depuis le début. C’est sur ce postulat, la face cachée d’un super héros désacralisé, que Peter Berg et Will Smith ont bâti leur film.
Hancock est un super héros au sens le plus classique du terme. Il vole dans les airs, est super fort et redresseur de torts. Mais il est aussi alcoolique, misanthrope, limite clochard, et détesté de tous à cause des effets collatéraux de ses actions héroïques qui coûtent des milliers de dollars aux contribuables. Evidemment, tout cela cache un lourd et douloureux secret que sa rencontre avec un publicitaire contribuera à révéler.
Si la première partie du film, irrévérencieuse, originale de par son traitement est diablement efficace (les scènes d’actions n’ont rien à envier à celles des X Men), le film s’alourdit par la suite à force de vouloir toucher à tous les genres. On navigue du film d’action au drame en passant par la pure comédie, et cette partie n’est pas la plus réussie quand entrent en action des méchants d’opérette qui, à l’image du Superman de Brian Singer, plombent et discréditent immédiatement le film.
Will Smith et Charlize Theron sont irréprochables, le pitch final qui emprunte au mythe d’Arwen dans le Seigneur des Anneaux (rencontre de l’amour et perte de l’immortalité) et l’esquisse d’explication de l’origine des super héros (qui n’est pas sans rappeler le mythe des vampires qui traversent les ages) sont intéressants mais peu développés, et gâchés par un scénario brouillon et une réalisation convenue.
La réaction versatile des citoyens qui tour à tour fustigent ou acclament leur héro selon que celui-ci est naturel ou conseillé par un consultant en image (mais pas un consultant cynique heureusement, un honnête homme qui veut rendre le monde meilleur…) aurait pu donner lieu à une réflexion intéressante sur le rôle de l’image dans notre société. Hancock est donc une bonne idée de départ dont les premières minutes laissaient présager un film incorrect et jouissif. Il en résulte au final une histoire convenue et morale bridée par les conventions d’un cinéma trop commercial pour se permettre le moindre écart, et un film qui se perd à force de vouloir manger à tous les râteliers. C’était somme toute assez prévisible mais cependant frustrant.

Valse avec Bachir

Film sur la guerre autant que travail sur la mémoire, Valse avec Bachir inaugure un genre nouveau, celui de dessin animé documentaire.
Son réalisateur, Ari Folman, était soldat dans l’armée israélienne en poste au Liban lors des massacres des camps de réfugiés palestiniens de Sabra et Chatila. Alors spectateur impuissant des atrocités qui ont été commises à l’époque par les phalanges chrétiennes suite à l’assassinat du président Bachir, il a depuis lors occulté ces évènements. Jusqu’à ce que le récit d’un rêve de l’un de ses amis, lui aussi ancien soldat, réveille sa mémoire.
Des bribes de souvenirs lui reviennent sous forme d’un puzzle encore incomplet. Il décide alors d’aller à la rencontre des protagonistes de l’époque, ses anciens compagnons d’armes, pour tenter de reconstituer ce que son subconscient se refuse à admettre.
De par la représentation onirique de certaines scènes de guerre, Valse avec Bachir n’est pas sans rappeler à certains moments Apocalypse Now. Film de guerre anti militariste traversé de moments poétiques, cruels, et de témoignages directs de témoins et d’acteurs des évènements passés, Valse avec Bachir nous propose d’assister à une page tragique de l’histoire du moyen orient au travers de l’enquête du réalisateur qui part à la recherche de ses souvenirs.
Le film est tragique, beau, percutant, et il n’était pas du tout indispensable d’y ajouter des extraits d’archives d’époque pour le clôturer. Ari Folman pensait peut être que son film, dessiné et animé, ne rendait pas suffisamment justice à la tragédie qui s’est déroulée durant cette période, et qu’un brusque retour à la réalité par le biais ce ces témoignages filmés devait le rendre plus réaliste. A tort.

samedi 21 juin 2008

Diary of the Dead

Georges Romero est de retour avec ses morts vivants pour un nouveau film, un film de trop ?
Dans la lignée des films pseudo documentaires que Rec et Cloverfield ont remis au goût du jour, Diary of the dead entend bien utiliser toutes les possibilités offertes par les nouvelles technologies, de la caméra de surveillance au téléphone portable en passant par internet, pour nous faire suivre la tragique fuite d’un groupe d’étudiants en cinéma. Et dénoncer en passant le pouvoir de ces nouveaux médias.
Comme le fait répéter Romero à son personnage principale tout le long du film, ce qui n’est pas filmé n’existe pas. L’exercice avait tout pour être excitant, malheureusement il tombe à plat. Si le réalisateur n’a rien perdu de son savoir faire pour filmer les morts vivants, ceux-ci ne font que répéter le message de leurs illustres aînés. La séquence d’ouverture, d’une fulgurante efficacité ainsi que la poignante et visuellement impressionnante scène finale, renvoient directement à la Nuit des Morts Vivants. Un cadavre poussant un caddie peut être perçu comme un clin d’œil à Zombie, ou bien comme la redite d’un discours dénonciateur des travers de notre société qui n’a plus la force ni la pertinence d’antan.
Romero prend visiblement plus de plaisir à filmer ses morts vivants que ses acteurs encore en vie qui forment un groupe de personnages peu attachants car simplement esquissés, et aux comportements souvent incompréhensibles.
A la différence de Rec, le principe du documentaire n’est pas utilisé jusqu’au bout puisque le film est coupé, monté, accompagné d’une bande musicale, ce qui s’explique d’ailleurs par le travail de montage réalisé par les survivants afin que d’autres personnes (connectées à internet !) puissent connaître la vérité. Leur vérité.
Diary of the dead est donc un film efficace, traversé de moment de bravoure, ce qui ne nous fait que plus regretter que pour une fois, le film ne s’accompagne pas d’une critique sociale comme savait si bien le faire le réalisateur quelques années auparavant.

Phénomènes

Après le choc de Sixième sens, la réflexion intéressante d’Incassable et quelques errements plus ou moins réussis, M. Night Shyamalan revient avec un film de genre efficace et épuré. Trop peut être, et c’est le principal reproche que l’on pourra lui faire.
Il faut dire que le sujet mériterait une mini série tellement les possibilités d’exploration des thèmes abordés sont vastes. Alors qu’une vague de suicides frappe certaines régions des Etats-Unis, un professeur (très, trop) sobrement joué par Mark Wahlberg s’enfuit avec sa fiancée et la fille de son meilleur ami disparu. L’explication est implacable, les plantes se sentant menacées par l’homme sécrètent une substance qui poussent ceux-ci au suicide.
Commence alors une course poursuite entre le danger omniprésent (les espaces verts n’ont jamais été aussi menaçants !) et une poignée de survivants que nous suivons dans leur fuite.
Phénomènes se rapproche alors aussi bien de la Guerre des Mondes de Spielberg (la séquence de l’ermite) que de Destination Finale où le tueur n’était autre que la Mort elle-même. Ici c’est la Nature qui tue, tout aussi inexorablement que la Grande Faucheuse. Et les hommes entre eux bien sur, entraînés par un instinct de conservation et un égoïsme exacerbé qui les poussent aux dernières extrémités.
Le danger ne vient pourtant pas que des autres puisque les personnes contaminées sont conduites au suicide, ce qui donne lieu à des tableaux d’une incroyable cruauté. Tout est bon pour se donner la mort, tondeuse à gazon, tête qui défonce une vitre, gardien mutilé par des lions, arbre avec des dizaines de pendus, ouvriers qui se jettent dans le vide. Shyamalan ne nous refuse rien et signe un slasher efficace aussi bien qu’une charge écologique d’une force incroyable.
Le final, qui renvoie directement à la contamination de 28 semaines plus tard, donne au film une dimension encore plus tragique après un intermède heureux d’une touchante simplicité avec le couple réconcilié. Cette scène ne nous fait que plus cruellement ressentir les faiblesses de l’interprétation et des dialogues. Des personnages mieux dirigés et plus construits aurait fait de Phénomènes un film d’anticipation majeur.

Bons baisers de Bruges

Les tueurs ont des états d’âme depuis que Tony Soprano consulte une psychologue.
Cette fois, l’action se déroule en Belgique où deux tueurs à gage que tout semble séparer attendent les instructions de leur chef. L’un est jeune, peu cultivé, impulsif. L’autre est plus âgé, s’intéresse à l’art et réfléchit avant d’agir. Les deux sont tourmentés et leur destin va vite prendre un tournant dramatique lorsque les évènements s’accélèrent.
Il faut attendre la deuxième partie du film et passer une quarantaine de minutes bavardes et assez peu intéressantes pour que l’histoire prenne toute sa dimension. Bons baisers de Bruges révèle alors sa véritable identité, celle d’un polar tragico comique d’une incroyable méchanceté.
Un petit garçon se prend une balle en pleine tête, un nain raciste et drogué croise des prostitués et nos tueurs tourmentés, Ray balance des blagues sur les pédophiles belges et son poing dans la figure d’une dame.
Au milieu d’un environnement qui frôle parfois le surréalisme, Colin Farell et Brendan Fraser s’en donnent à cœur joie et nous livrent une partition sans faute, entouré d’un ensemble de comédiens à l’unisson de leur talent. Les dialogues font souvent mouche, et malgré la réserve d’un démarrage un peu lent, Bons baisers de Bruges apporte une touche iconoclaste bienvenue et une pierre de plus dans l’univers du polar anglais bavard et déjanté.

mercredi 18 juin 2008

Les ruines

Les ruines débute comme n’importe quel film d’horreur, par la présentation d’un groupe de touristes en vacances au Mexique qui décident d’aller explorer une pyramide maya.
Les filles sont belles, les garçons musclés, les corps sont mis en valeur. Pour mieux les corrompre par la suite.
Car l’une des grandes réussites de ce film d’une remarquable efficacité, est bien de nous proposer un danger peu commun. Pas de monstre ou de tueur en série pour venir inquiéter nos protagonistes, mais des plantes qui s’insinuent dans les corps et s’emparent des esprits. Et l’intérêt du film, tout comme dans The descent d’ailleurs, est bien la confrontation des différents personnages coincés dans un endroit clos (ici la pyramide assiégée par des indiens hostiles) et menacés par un danger inconnu et omniprésent.
Bien que parcouru de scènes gores très réussies, c’est bien la psychologie de chacun et sa manière de réagir face à cette situation qui contribue à la tension de l’histoire.
Celle-ci ne se relâche d’ailleurs pas un seul instant et fait des Ruines un film prenant qui, s’il ne renouvelle pas les codes du genre, parvient à parfaitement les illustrer.

dimanche 18 mai 2008

Juno

Juno est une jeune américaine de 16 ans attachante, agaçante, pétillante de vie et… enceinte ! Elle choisit alors de partir à la recherche des parents idéaux pour son futur enfant.
Juno est un film à l’image de son héroïne, drôle, intelligent, plein d’une vitalité et d’une fraîcheur revigorantes. Servis par les dialogues impeccables de Diablo Cody et une interprétation sans faille, Hellen Page en tête, Juno se rapproche par son esprit gentiment subversif, de Little Miss Sunshine.
Sans être un brûlot implacable dénonçant les travers de la société américaine, le film pose néanmoins la question de la maternité et des responsabilités que cela implique, en écorchant au passage quelques idées reçues, ainsi que l’image des garçons qui n’en sortent pas vraiment grandis !
Bourré de références geek en matière de musique, bande dessinée ou de films d’horreurs (dont un extrait du Wisard of Gore de Hershell Gordon Lewis !), Juno s’inscrit pleinement dans la veine du cinéma indépendant américain qui peut être à la fois amusant, billant et intelligent. Une vraie réussite.