dimanche 19 décembre 2010

A bout portant

A bout portant est l’exemple presque parfait de ce que devrait être un film de genre. Un scénario travaillé et épuré à l’extrême, des acteurs convaincants, des personnages crédibles et bien écrits, une action sans temps mort qui emmène le spectateur dès les premières scènes pour ne plus le lâcher.
Samuel est un homme tout ce qu’il y a de plus ordinaire. Il prépare son diplôme d’infirmier et s’apprête à devenir papa. Entre sa femme enceinte qu’il chérit et son métier dans un hôpital comme il en existe des centaines en France, son existence se déroule sans heurts.
Jusqu’à ce que sa vie bascule quand il croise, bien malgré lui, la route de Hugo Sartet, un braqueur hospitalisé objet de toutes les attentions. La police, son frère, des flics ripoux, tous le recherchent pour différentes raisons. Quand sa femme se fait kidnapper, Samuel se voit obliger d’aider le malfrat à s’échapper de l’hôpital s’il veut la revoir vivante.
Commence alors une longue course contre la montre qui va le changer à jamais.
Pour son deuxième film en tant que réalisateur, Fred Cavayé a eu l’intelligence de se démarquer des artifices qui alourdissent la plupart des thrillers actuels. Ici, pas de fusillades chorégraphiées à l’extrême, de montage cut, de ralentis artistiques, de personnages invraisemblables ou d’explosions monumentales.
Samuel n’est pas un surhomme ni un agent super entrainé. Au terme d’une longue course poursuite dans le métro parisien, il s’écroule et vomit sur le trottoir. Ses actes de bravoure lui sont dictés par l’urgence de la situation et la volonté farouche de sauver sa femme et son bébé, qu’elles qu’en soient les conséquences.
Longtemps cantonnés aux seconds rôles mémorables, Gilles Lelouch campe avec aplomb cet homme ordinaire plongé au cœur d’une situation extraordinaire. Face à lui, Roschdy Zem incarne avec une sobriété exemplaire un truand froid et méthodique que l’on devine aussi droit que dangereux.
L’une des forces du film tient aussi dans une galerie de seconds rôles efficaces, avec en tête de file un Gérard Lanvin impressionnant dans le rôle de l’ordure de service. Le commandant Werner qu’il interprète et sa bande de flics ripoux auraient toute leur place dans l’univers du Dobermann imaginé par Joël Houssin.
A bout portant est un modèle de rythme, l’action ne faiblit jamais si ce n’est au cours d’un flash back explicatif en plein milieu du film, surement nécessaire pour la compréhension de l’histoire mais qui vient casser inévitablement le cours de l’action. Autre petit défaut du film, un montage un peu trop court d’une scène durant laquelle Samuel, au prise avec un flic dans le commissariat, se saisit d’une haltère pour l’assommer. La scène est coupée au moment où il prend les poids et on ne peu qu’imaginer la suite.
De bien petits détails au sein d’un film tendu et remarquablement maitrisé qui montre bien si besoin est, que le paysage cinématographique français peut engendrer des films d’actions qui n’ont à rougir d’aucune comparaison avec leurs homologues américains ou asiatiques.
Qualité d’écriture, d’interprétation et de réalisation, tous les ingrédients sont réunis pour donner au spectateur le maximum de plaisir pendant une heure trente. C’est d’autant plus rare en France qu’il faut le souligner et ne pas bouder son plaisir.

mardi 7 décembre 2010

Machete

Le diptyque Grindhouse inventé et réalisé par Quentin Tarantino et Robert Rodriguez comportait une série de fausses bandes annonces aussi réussies que totalement jouissives. Devant le succès rencontré par Machete, Robert Rodriguez décide de franchir le pas et de réaliser le film correspondant.
Il met alors en scène un film dont la tête d’affiche est Danny Trejo, éternel second couteau des films de genre, alors que des stars comme Robert De Niro ou Don Johnson interprètent des seconds rôles. Belle revanche pour cette gueule burinée de 66 ans trop longtemps reléguée au second plan.
Mais au-delà du concept, Machete s’impose surtout comme un film dont le seul but est de procurer le maximum de plaisir coupable aux spectateurs. Et dans ce domaine, le pari est totalement réussi.
Car au contraire de son copain Tarantino, Robert Rodriguez n’oublie pas que pour qu’un hommage à un genre soit réussi, il faut avant tout en respecter les règles. Si Frankenstein Junior, le Bal des Vampires ou Shaun of the Dead sont de telles réussites, c’est parce qu’ils sont des films de monstres, de vampires ou de morts vivants avant d’être des parodies. Alors que depuis Kill Bill, Tarantino semble privilégier le coté référentiel plutôt que le plaisir engendré par les films qu’il cite en pagaille, Rodriguez marie harmonieusement les deux.
Avec Planète Terreur il rendait hommage aux films qu’ils aiment sans oublier de réaliser une authentique série B. Pendant ce temps, Tarantino réalisait un Boulevard de la Mort non dénué de qualité, mais qui se regardait un peu trop le nombril.
Machete est donc un condensé de tout ce que l’on peut trouver dans les séries B réalisées dans les années 70. Une violence exacerbée et presque cartoonesque, un soupçon d’érotisme, des personnages hauts en couleurs, des méchants qui se prennent au sérieux et des héros qui ne meurent (presque) jamais, une flopée de seconds rôles hauts en couleurs et surtout un héros hard boiled comme on n’en fait plus.
Le film regorge de moments de bravoure (la scène d’introduction, redoutable d’efficacité), de situations irréelles (Machete saute d’une fenêtre en s’agrippant à l’intestin d’un méchant qu’il vient d’éventrer…), de dialogues cultes (« Machete n’envoie pas de texto »). Et surtout, chose assez rare pour être soulignée, tous les acteurs, sans aucune exception, sont excellents.
Rodriguez n’oublie pourtant pas le contexte social et invente quasiment le concept de mexploitation des années après celui de blacksploitation. Ici, ce ne sont pas des noirs de Harlems qui sont persécutés et qui relèvent la tête devant l’oppresseur blanc, mais des mexicains immigrés plus ou moins légalement au Texas qui doivent faire front devant des politiciens corrompus et racistes, les cartels de la drogue et des brigades d’auto défense fascistes.
Loin de n’être qu’un spectacle sans cervelle, Machete explore l’une des faces cachées de l’Amérique contemporaine, celle des dos mouillés, des problèmes frontaliers et de l’intégration. Du spectacle engagé donc, mais avant tout du spectacle.
Et la grande force de Rodriguez (largement partagée par Tarantino tout de même) est de créer des personnages immédiatement cultes interprétés par des acteurs qui n’ont jamais été aussi bons. Dans le rôle du trafiquant Torrez, Steven Seagal livre ainsi sa meilleure partition depuis… bien longtemps ! A l’instar Mickey Rourke, c’est à une véritable résurrection que nous assistons là. Il en va de même pour Don Johnson, Lindsay Lohan, un Jeff Fahey hallucinant, Cheech Marin, Michelle Rodriguez ou Jessica Alba, tous plus impressionnants les uns que les autres.
Bon, Machete n’est certes pas un film parfait. Robert Rodriguez cède à la tentation de l’autocitation et nous refait la scène du lit de Desperado où Danny Trejo et Jessica Alba remplacent Antonio Banderas et Salma Hayek alors que les méchants encerclent la maison. Le final dérive quelque peu vers le grand n’importe quoi où tout le monde règle ses comptes dans le plus grand désordre. Certains personnages, comme celui de Lindsay Lohan qui passe de mannequin camée à nonne vengeresse en quelques heures semblent un peu trop artificiels.
Mais en dehors de ça, quelle claque !
Robert Rodriguez possède un vrai sens de la mise en scène, on le savait depuis El Mariachi. Mais surtout, il est lui aussi (avec Tarantino, oui, quand même) un véritable passionné qui connait sur le bout des doigts autant qu’il les respectent les règles des genres qu’il illustre.
Machete est dans la droite ligne de Planète Terreur, un film de passionné pour les passionnés.

dimanche 28 novembre 2010

Outrage

Outrage marque le grand retour de Takeshi Kitano, devant et derrière la caméra, au film de yakuzas qui l’ont rendu célèbre.
Ici, nulle place pour l’humour qui pointait dans certains de ses films. Beat Takeshi filme le monde des yakuzas avec un cynisme, certains diront un réalisme, qui place immédiatement Outrage dans le registre d’une noirceur totale.
Les yakuzas sont montrés comme des êtres avides de pouvoir qui passent leur temps à se trahir et à fomenter des plans pour accéder au plus haut de l’échelle hiérarchique. Parmi eux, Otomo interprété par Kitano, est un homme de main de la vieille école qui se fait manipuler par ses supérieurs. Ces derniers n’hésiteront d’ailleurs pas à le sacrifier comme tant d’autres pour parvenir à leurs fins.
Le film suit une construction assez similaire à celle du Parrain de Coppola.
La première partie est une introduction des différents personnages et des luttes entre les différents clans. On a d’ailleurs un certain mal à comprendre qui fait quoi tellement les machinations et les luttes de pouvoirs sont tortueuses et les personnages nombreux.
Dans sa seconde partie, le film n’est autre qu’une succession d’exécutions sommaires, de tortures et de règlements de compte. On a à peine démêlé les relations entre les différents personnages que Kitano s’amuse à les faire disparaitre les uns après les autres de manière pour le moins brutales.
Le réalisateur semble d’ailleurs prendre un malin plaisir à dresser une liste de toutes les exactions dont peuvent faire preuve les mafieux pour faire parler ou tuer leur prochain. Des doigts coupés au hachoir aux baguettes enfoncées dans l’oreille en passant par des passages à tabac multiples et une quasi décapitation dans une voiture, c’est à un véritable festivals de torture que se livre le réalisateur. Comme pour mieux nous rappeler l’aspect bestial et dénué de toute noblesse de ce milieu.
Car ici, il n’y a pas de place pour une quelconque vision romancée du grand banditisme. Le monde des yakuzas est brutal, c’est un combat perpétuel sans aucun code de l’honneur et les personnages ressemblent plus à des chiens enragés qu’à des hommes. Les grands chefs tirent les ficelles d’intrigues tortueuses mettant en scène des soldats dont la vie n’importe pas plus que celle de marionnettes. Jusqu’à ce qu’un bras droit plus retors ou ambitieux ne prenne leur place pour recommencer cette ronde sanglante et absurde.
Au milieu de ce chaos, Takeshi Kitano prête son visage immuable semblable à un masque de théâtre kabuki à un homme dépassé par un monde qui change trop vite pour lui. Le fait de se couper le petit doigt en signe d’offrande pour réparer une faute commise n’a plus de signification pour cette nouvelle race de prédateur. Seul compte le pouvoir et l’argent, peut importe le moyen d’y parvenir et les vies qu’il faut sacrifier pour cela.
Outrage est donc un film qui se démarque dans la filmographie de Takeshi Kitano par le regard sans concession qu’il porte sur le monde des yakuzas, et par extension la société actuelle ? Pourtant, il manque au film une réelle consistance au niveau des personnages que l’on ne voit que d’un point de vue « professionnel » pour égaler les plus grands.
S’il n’atteint pas le niveau d’un Casino, des Affranchis ou des Parrains, Outrage reste un film qui par son quasi nihilisme marque les esprits. Beat Takeshi est de retour !

dimanche 7 novembre 2010

Buried

Buried est un film sacrément gonflé car reposant sur un principe risqué : nous faire partager 90 minutes de l’existence d’un homme enterré vivant dans un cercueil.
Un seul acteur filmé en gros plan, avec une unité de lieu et une durée en temps réel, il fallait du cran pour oser en faire un film qui tienne la route.
Car Buried aurait très bien pu se contenter d’être un coup de bluff, de reposer sur un concept unique sans chercher à aller plus loin, bref de sacrifier au syndrome « Snakes on a plane » (par ailleurs totalement jouissif).
Mais en situant l’action en Irak, en faisant du seul protagoniste visible à l’écran un travailleur américain de la classe moyenne kidnappé par une organisation mafieuse qui réclame une rançon, Rodrigo Cortes ancre son film dans une toute autre réalité que celle du seul huit clos ultime.
Si le film débute de manière mystérieuse (qui est cet homme ? Pourquoi est il enfermé sous terre ?), appuyé en cela par des numéros de téléphone et des noms notés sur le bois du cercueil par Paul, comme autant de pièces d’un puzzle qu’il tente de reconstituer, il prend rapidement une toute autre direction.
Nous ne sommes pas dans un épisode de la Quatrième Dimension mais dans un contexte politico économique bien réel. Paul est enfermé parce qu’il est américain, non pas pour ce qu’il est mais pour ce qu’il représente. Les dialogues qu’il engage avec son ravisseur sont d’ailleurs assez clairs et mettent en évidence le fait qu’il symbolise à lui tout seul la politique américaine en Irak. Pas étonnant que Buried soit réalisé par un espagnol, on imagine difficilement un américain ayant un tel discours sur l’action de son pays.
Buried est donc un film engagé, même si ce n’est pas le propos principal du film. C’est aussi un sacré tour de force visuel. Car à aucun moment l’attention du spectateur ne faiblit et on reste scotché devant cet homme qui tente de survivre à l’aide d’un briquet et d’un téléphone portable, seul moyen de communication possible avec l’extérieur. Nous découvrons d’ailleurs en fonction des interlocuteurs qu’il appelle combien il peut être difficile de communiquer avec les gens et comment une mise en attente peut se révéler traumatisante.
Porté par une excellente interprétation de Ryan Reynolds et une réalisation parfaitement maitrisée et inventive de Rodrigo Cortes, Buried bénéficie aussi d’un très beau travail sur la lumière. Alors qu’il est plongé dans le noir le plus profond, Paul ne peut s’éclairer qu’à l’aide de son Zippo, d’une lampe torche, ou de son téléphone portable. En fonction de ce qu’il utilise, le film est baigné par une couleur jaune (la lampe, le briquet), rouge (la lampe avec filtre) ou bleu (le portable). Chaque séquence possède ainsi une identité propre qui nous permet de voir Paul sous un jour à chaque fois différent.
Le seul reproche que l’on pourrait faire un film serait de ne pas rendre assez compte de la claustrophobie que doit engendrer une telle situation. A plusieurs moments, la caméra prend de la hauteur pour nous montrer ce corps enfermé entre quatre planches comme si on l’observait d’en haut. On imagine mal le réalisateur filmant pendant des semaines un homme dans une vraie caisse en bois fermée de toute part mais de ce fait le film perd une partie de son capital anxiogène.
Film syndrome (parmi tant d’autres) de l’invasion américaine en Irak, tour de force en matière de mise en scène, d’éclairage et d’interprétation, Buried se termine sur une note noire et désespérée. On peut parier qu’un remake américain en 3D n’est pas prés de voir le jour !

vendredi 15 octobre 2010

Kaboom


Prenons une secte aussi puissante que dangereuse, des personnages doués de pouvoirs psychiques, une prétendue sorcière, un campus américain, du sexe homo et hétéro, des drogues, une jeunesse dorée américaine, et une apocalypse nucléaire.
Ce pourraient être les ingrédients de base d’une énième série Z ou un mélange indigeste. Ce sont tout simplement quelques éléments du scénario du nouveau film de Gregg Aarki que l’on n’avait pas vu aussi en forme depuis The Doom Generation.

Avec Kaboom, le réalisateur signe un film d’une incroyable énergie, mélange improbable entre la comédie de campus, le thriller parano et le fantastique.
Kaboom fait irrésistiblement penser à un courant de la littérature américaine représenté entre autre par Bret Easton Ellis et Chuck Palahniuk.
Ce dernier pour l’ambiance bizarre qui flirte avec le fantastique avant d’y sombrer entièrement au fur et à mesure que progresse l’intrigue, pour la secte qui renvoie à son roman Survivant, ses personnages qui ne pensent qu’à baiser (on pense à Choke) et par cette atmosphère de suspicion qui nous fait douter de tous les personnages (atmosphère que l’on retrouve dans Journal intime).
Mais Kaboom pourrait tout aussi bien être l’adaptation de l’un des romans de Bret Easton Ellis, improbable croisement entre les Lois de l’attraction (pour sa jeunesse friquée qui oscille entre des études incertaines, les drogues et le sexe) et Lunar Park, roman dans lequel l’auteur lui-même voit son quotidien s’effriter petit à petit en se demandant s’il devient fou ou s’il est le témoin d’évènements para normaux.

Kaboom est tout cela à la fois, la critique sociétale et le mal de vivre en moins. Car le film ne se veut ni un brûlot contre un certain mode de vie américain, ni un état des lieux pessimiste voire désespéré.
Au contraire, le film regorge de couleurs pétantes, de musique et d’une folie réjouissante. Bourré de répliques cultes (une jeune fille à son compagnon qui lui fait (maladroitement) un cunnilingus : c’est un vagin, pas un plat de spaghettis. Ou encore après une étreinte trop rapide à son goût : j’ai connu des frottis vaginaux qui durait plus longtemps), porté par toute une bande de jeunes acteurs et actrices pour la plupart inconnus et terriblement bon(ne)s, débordant d’énergie, Kaboom est une bouffée d’oxygène avant le Grand Cataclysme final.

Même si le film s’essouffle un peu dans sa seconde partie, on est immédiatement happé par cette histoire tellement invraisemblable qu’elle n’en est que plus jouissive. On passe une heure et demi en compagnie de personnages plus drôles et dingues les uns que les autres (le colocataire surfeur abruti, le dealer constamment stone, une galerie incroyable de gays, une sorcière nymphomane et j’en passe) et on sort de la salle avec un sourire béat sur le visage. Merci Gregg Araki pour ce trip joyeux et coloré, vivement la suite !

mardi 12 octobre 2010

Des hommes et des dieux

Des hommes et des dieux apparait de prime abord comme un film difficile par le traitement de son sujet. Il n’en est rien. Le réalisateur refuse simplement tout effet de facilité dans la forme pour servir au mieux son sujet.
On oublie les montages cut, les scènes d’action épileptiques ou les effets larmoyants qui constituent la grande majorité des productions actuelles. Le réalisateur fait le pari de la simplicité, de la contemplation et de la lenteur en nous invitant à suivre la vie quotidienne des moines de Tibéhirine, et remporte haut la main le défi.
Le fait divers qui sert de base au scénario est connu de tous, le moindre effet de suspens est donc éliminé dés le début. L’intérêt du film est ailleurs, dans le partage des semaines douloureuses qui aboutirent à la mort de la plupart de ces moines Cisterciens.
Cette communauté, nous y pénétrons pas à pas, progressivement comme le montrent les scènes de chant qui ponctuent le film comme autant de chapitres. Au début, les moines prient et chantent dos au spectateur. Vers le milieu du film, nous les voyons se tourner et apparaitre de coté, pour finalement dans la dernière partie nous faire face dans une scène magnifique où leur chant tente de couvrir le bruit des pâles d’un hélicoptère de l’armée qui survole le monastère.
Comme le titre du film l’indique, Xavier Beauvois parle des hommes avant tout et évite ainsi le piège grossier d’un hymne à la religion ou d’une ode au sacrifice religieux. Car les moines dont nous partageons la vie quotidienne sont avant tout des hommes qui ont peur de mourir, de souffrir. Leur condition même d’hommes d’église, plutôt que de les protéger, accentue encore les doutes qui les assaillent. Certains veulent partir, d’autres insistent pour rester, mais tous partagent la même peur devant la menace terroriste ou étatique.
Car le film renvoie dos à dos les combattants islamiques et l’armée algérienne. Chaque camp commet des atrocités et on ne sait toujours pas avec certitude qui porte la responsabilité du massacre des moines. Quelle importance d’ailleurs ? Xavier Beauvois nous fait ressentir l’atrocité, l’imbécilité et l’inéluctabilité de la guerre de l’intérieur.
La menace est d’abord diffuse, prenant la forme de rumeurs d’attentats colportées par les villageois. Puis, petit à petit, elle se précise. Nous assistons d’abord au meurtre d’ouvriers croates, puis c’est l’irruption des terroristes dans le monastère et la première confrontation avec les moines.
Une scène capitale intervient à ce moment là, qui résume à elle seule tout le film. Alors que le chef des combattants se voit refuser par les moines les médicaments qu’il entend bien confisquer à son profit, il dit à frère Christian interprété par Lambert Wilson qu’ils n’ont pas le choix. Ce à quoi ce dernier répond, si, nous avons le choix. Et c’est bien ce choix et toutes les conséquences qu’ils devront en assumer qui fait le sujet du film.
Il est ici question de moines, mais ce pourrait être des ouvriers, des soldats ou des paysans, la question serait la même. Jusqu’où accepte t‘on d’aller pour assumer les choix les plus graves et être en accord avec soit même ? Alors même que l’un des moines déclare aux villageois qu’ils sont comme des oiseaux sur une branche, ne sachant s’ils doivent partir ou rester, une femme leur répond que ce sont eux les oiseaux et que les moines sont la branche. S’ils partent, alors les habitants du village ne sauront plus où se poser.
Il n’est pas question ici de religion puisque les deux communautés célèbrent des dieux différents, ou du moins d’une manière différente. Il est question de solidarité, de partage et d’aide envers son prochain. C’est ce choix douloureux que les moines vont assumer jusqu’au bout, non sans passer par des périodes de doute, de renoncement et de lâcheté.
Le pas est franchi lors d’une autre scène poignante qui n’est pas sans rappeler la dernière Cène. Les moines se mettent à table, frère Luc apporte deux bouteilles de vin au grand étonnement de ses compagnons. Alors que retentit le Lac des Cygnes de Tchaikovski, les moines dégustent ce verre de vin et prennent conscience que ce plaisir est peut être le dernier qu’ils vivront ensemble. Le réalisateur filme sans aucun dialogue ces visages transfigurés par l’émotion et nous offre un moment d’une rare émotion.
Servi par un casting impeccable dominé par un Michael Lonsdale toute en ironie contenue, Des hommes et des dieux est un film qui refuse toute concession et toute facilité. On aime ou pas, on peut trouver cela chiant mais on ne peut qu’être admiratif devant l’honnêteté et la cohérence de l’œuvre.

dimanche 12 septembre 2010

Piranha 3D

Le film s’ouvre de manière symbolique sur le personnage interprété par Richard Dreyfuss, survivant des dents de la Mer, qui se fait dévorer par une horde de piranhas préhistoriques.
Piranha 3D est clairement placé sous le signe des références. Il n’y a pour s’en convaincre qu’à regarder le casting convié par le réalisateur.
La craquante Elisabeth Shue qui se faisait rare depuis le Hollow Man de Paul Verhoeven, Ving Rhames, Christopher Lloyd, la bombe Kelly Brook, l’actrice de films X Crystal Shepard, sans oublier une apparition du réalisateur Eli Roth.
Alexandre Aja s’est donc fait plaisir et contente en même temps les fans des films de genre. Car plus que le remake du film original de Joe Dante datant de 1978, c’est à un véritable plaisir coupable que se livre ici le français expatrié à Hollywood.
Piranha 3D est un film incorrect qui pousse aussi loin que possible les limites du gore et du mauvais goût. Et seul un français pouvait se permettre une vision aussi trash du film d’horreur fun et décomplexé dans un système de production américain.
Le film s’ouvre d’ailleurs sur le Spring Break, un week end durant lequel des centaines de jeunes garçons musclés et de filles en maillot de bain font la fête, boivent de la bière et se trémoussent à moitié nus. Une ambiance qui plairait à Jason d’ailleurs. Et le fait que c’est une bouteille de bière jetée dans les eaux polluées de Lake Victoria qui déclenche une secousse sismique et l’attaque des poissons tueurs n’est pas neutre. Alexandre Aja porte un regard d’européen sur cette jeunesse décérébrée qui sert si souvent de chair à pâté aux tueurs des slashers destinés à un public adolescent. Nul doute que la critique aurait pu aller plus loin si les studios l’avaient permis.
Mais le propos de Piranha 3D n’est pas une critique sociale de l’Amérique. Le réalisateur semble décidé à livrer le film d’horreur le plus fun aux adeptes du genre. Et il n’hésite pas pour cela à aller loin, très loin, parfois trop dans le mauvais goût. Témoin ce gag en trois temps où Jerry O’Connell, à moitié dévoré par les piranhas, se plaint d’avoir perdu sa « bite ». Le réalisateur enfonce le clou en nous montrant l’organe en question et en trois dimensions flottant dans l’eau et goulument avalé par un poisson. Il va encore plus loin quand le piranha rote le pénis à moitié déchiqueté à la figure des spectateurs. On n’est pas loin de la surenchère et du trop plein dans le mauvais goût.
Autre scène difficilement imaginable dans un film identique réalisé par un américain, celle où l’hélice d’un bateau à moteur se prend dans les cheveux d’une malheureuse nageuse, d’abord trainée par le bateau puis écorchée vive quand la peau de son visage est brusquement arrachée par le moteur qui redémarre. Il fallait oser et tout le film est constellé de scènes de ce genre.
On devine que le réalisateur a du prendre un plaisir monstrueux, à la hauteur de la scène incroyablement longue, en filmant le massacre de ces jeunes américains bodybuildés et/ou siliconés.
Mais les scènes gores ne sont pas le seul élément de plaisir du film. Comme dans tout bon film d’horreur, d’autant plus se doublant d’un film de plage, Alexandre Aja n’est pas avare en pin up topless. Que ce soit avec Eli Roth en organisateur d’un concours de tee shirt mouillés ou avec les Wild Girls, référence à peine voilée au show américain Girls Gone Wild, le français ne lésine pas sur poitrines mises en avant par la 3D.
Car si jusqu’à présent les films tournés (ou gonflés après coup pour les plus opportunistes) en 3D se divisaient en deux catégories (les réussites totales pensées en 3D type Avatar et les opportunistes type Alice au Pays des Merveilles), Alexandre Aja invente une troisième catégorie. Celle des films pour qui la 3D est le moyen d’amplifier les effets qui font l’essence même d’un film ou d’un genre. Pour Piranha 3D, cette technologie n’est là que pour nous permettre de voir des scènes encore plus gores, plus comiques ou plus aguichantes. Comme un sale gosse, le réalisateur exploite cette technique couteuse pour nous montrer de plus prés ses créatures, les poissons tueurs comme les filles topless.
Piranha 3D est donc un immense pied de nez à une industrie qui ne génère plus que des produits formatés, d’autant plus jouissif qu’il dynamite le système de l’intérieur. En réalisateur accompli, Alexandre Aja remplit parfaitement le cahier des charges des studios, allant même jusqu’à en faire un film extrême dans le plaisir coupable qu’il procure, non sans oublier qu’il s’adresse avant tout à des fans et en écorchant au passage ce que l’Amérique peu engendrer de moins intéressant.
Piranha 3D est certainement l’un des films les plus réjouissants de l’année. Souhaitons cependant qu’un réalisateur talentueux comme lui ne se cantonne pas à faire des remakes de films américains, aussi réussis soient ils.

jeudi 26 août 2010

Le bruit des glaçons

Comment faire un pied de nez au cancer qui tue des milliers de personnes chaque année ? En le regardant droit dans les yeux et en se foutant de sa gueule, chose permise par le cinéma où tout est possible.
C’est le parti pris par Bertrand Tavernier pour son nouveau film, celui de l’humour parfois grinçant, et de la dérision. Et qui mieux qu’Albert Dupontel avec sa coupe de cheveux improbable pour incarner cette saloperie qui rend visite à sa prochaine victime, un écrivain alcoolique campé par Jean Dujardin dans un rôle qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler l’Octave de 99 Francs ?
Il s’ensuit alors une confrontation tragicomique prenant pour cadre la demeure de Charles, sous l’œil inquiet de Luisa, la bonne fidèle et aimante.
Le bruit des glaçons est surement l’un des meilleurs films de Bertrand Tavernier depuis Merci la vie. Le cinéaste retrouve sa verve et son goût des situations décalées qui sont sa marque de fabrique. Il y a quelque chose du Bunuel du Charme discret de la bourgeoisie chez ce cinéaste hors norme à la patte reconnaissable entre toute. A chacun de ses films, on a davantage l’impression d’assister à une pièce de théâtre filmée mettant en scène l’absurdité de la vie qu’à un long métrage classique.
Les acteurs qui s’adressent directement à la caméra, une bande son au même niveau sonore que les dialogues et qui joue elle-même son propre rôle dans le film, des dialogues hauts en couleurs bourrés de répliques cultes, telles sont les marques de fabrique de ce cinéaste qui s’était quelque peu perdu ces derniers temps.
Il revient ici en grande forme, épaulé par toute une série d’acteurs fabuleux, Dujardin, Dupontel et Anne Alvaro en tête. Le bruit des glaçons traite bien sur de la maladie de façon frontale en choisissant de prendre le sujet à bras le corps, sans pathos ni commisération mais avec une ironie mordante.
Mais le film met aussi en scène un homme qui a gâché sa vie en se réfugiant dans la boisson plutôt que d’affronter une existence qu’il juge vide de sens. Il faudra l’irruption de son cancer et l’amour enfin révélé d’une femme jusque là effacée pour lui redonner le goût de se battre.
Film tour à tour épicurien et désespéré, délicieusement drôle et touchant, Le bruit des glaçons est un pied de nez à la maladie, un hymne à la vie et à l’amour envers et contre tout, une succession de scènes plus réjouissantes les unes que les autres, et le grand retour d’un cinéaste qui, on s’en rend compte en voyant ce film, nous manquait cruellement.

mardi 24 août 2010

The Expendables

Pour toute personnes ayant eu entre 15 et 25 ans dans les années 80, pour ceux qui ont fait la queue pendant des heures pour voir Rocky 4 au cinéma, pour les inconditionnels des Cobra, Cyborg et Nico, The Expendables est bien plus qu’un film. C’est un fantasme, la rencontre ultime, ou presque, des stars de films d’action burnés qui ont fait de ces années là une période bénie pour le genre.
En effet, mis à part Jean Claude Van Damme et Steven Seagal vraisemblablement absents pour cause d’égos surdimensionnés, il ne manque pas grand monde au rendez vous. Et il fallait une légende de la trempe de Stallone pour réussir à réunir tout ce beau monde.
L’acteur réalisateur mêle ici toutes les générations, de Jason Statham à Arnold Schwarzenegger, et tous les genres, du kung fu représenté par Jet Li au catch avec la présence de Randy Couture et Steve Austin. Sans oublier sans ancien partenaire Dolph Lungren aussi hargneux que dans Rocky 4 !
C’est donc avec le cœur serré que l’on se rend à ce qui ressemble de prime abord au chant du cygne du film testostéroné sans image de synthèse et avec de vrais combattants. La magie opère t’elle toujours ?
Il est indéniable que tous ces acteurs ont une vrai gueule et une personnalité hors norme, qu’ils semblent s’entendre comme de vieux copains et qu’ils ont vraisemblablement eut plaisir à tourner ensemble.
Mais en imaginant que The Expendables n’ait pas bénéficié de ce casting de rêve, il faut bien reconnaitre que cela aurait donné un film moyen. Alors que Stallone a démontré, entre autre, avec John Rambo, qu’il était capable de réaliser un film de guerre hargneux et maitrisé, il semble s’être ici laissé gagner par la facilité.
Passons le scénario relativement simple, les personnages qui frôlent la caricature et l’absence de personnage féminin suffisamment développé, c’est une constante du genre et le public averti ne s’en étonnera pas. Ce qui est plus gênant, c’est la façon dont il filme les combats qui sont en quelque sorte l’essence même du film et qui définissent les personnalités de chaque personnage.
Les affrontements à mains nus sont filmés presque toujours en gros plans et découpés à outrance. Il en résulte un manque de visibilité que l’on retrouve habituellement chez les réalisateurs qui veulent masquer les faiblesses de leurs acteurs et donner l’impression de combats brutaux sans trop d’efforts. C’est d’autant plus impardonnable de la part de Stallone qu’il a montré par le passé qu’il savait filmer des fusillades et de combats rapprochés de manière parfaitement lisible.
Ceci étant, que reste-t-il de The Expendables ? Des scènes cultes, comme cet affrontement verbal très second degrés et très référencé entre Stallone et Schwarzenegger arbitré par Bruce Willis. Le simple fait de réunir ces trois piliers de l’action dans une même scène justifierai presque à lui seul de voir le film.
Mais The Expendables réserve encore bien d’autres surprises : une bonne dose d’humour lorsque Jet Li se plaind de sa petite taille au milieu de ces géants par exemple, des scènes de combats spectaculaires, particulièrement l’attaque du ponton en avion, le personnage touchant interprété par un Mickey Rourke plus abimé, intérieurement comme extérieurement, que jamais. Et même s’ils ne sont pas filmés comme ils le devraient, des combats titanesques entre Jet Li et Dolph Lungren, entre Steve Austin et Sylvester Stallone, lequel allant même jusqu’à reconnaitre qu’il s’est pris une branlée !
The Expendables a d’abord était pensé par son réalisateur comme un ultime hommage aux films d’actions de ces trente dernières années. Il en résulte davantage un souffle nouveau qu’une odeur de mort et on peut même espérer que le film ouvre la voie à une nouvelle génération de Commando, Rambo et autres Universal Soldiers.

vendredi 13 août 2010

The killer inside me

Le titre du film ainsi que le matériau d’origine, le roman de Jim Thompson, laissaient présager une descente vertigineuse dans la tête d’un tueur psychopathe. Le pari est à moitié tenu pour ce film qui oscille entre polar et portrait d’un tueur en série en puissance.
Casey Affleck, froid et lisse comme un glaçon, incarne Lou, l’adjoint du shérif d’une petite ville du Texas. Marqué par un passé déjà chargé et une enfance perturbée, Lou voit se réveiller les démons qui sommeillent en lui lorsqu’il rencontre Joyce, une prostituée aussi charmante que manipulatrice.
Tous les ingrédients du film noir sont présents : manipulation, femme fatale, ambiance si caractéristique du Texas où les étrangers ne sont pas les bienvenus.
Difficile alors de ne pas être frustré par un scénario bancal qui empêche le film d’atteindre le statu de chef d’œuvre.
Car de l’interprétation impressionnante de Casey Affleck aux multiples seconds rôles tous plus intéressants les uns que les autres en passant par une réalisation qui capte à la perfection la lenteur du quotidien texan, tout concourait à faire du film un croisement idéal entre l’immersion dans la tête d’un tueur sans pitié et le polar pur et dur. Les meurtres perpétrés par Lou sont en effet d’une violence et d’une sécheresse dérangeantes et les relations sado masochistes qu’il entretient avec les femmes de sa vie, sa fiancée et sa maitresse, sont suffisamment intéressantes pour étayer le portrait de ce jeune homme bien sous tous les rapports qui cache en fait un monstre de froideur ne distinguant pas le bien du mal. Il est d’autant plus dommage que le scénario nous laisse sur notre faim.
Le passé de Lou d’abord, que l’on devine coupable d’un acte violent dont la responsabilité fut endossée par son frère, n’est montré que sous forme de flash back insuffisamment explicites.
(Attention, spoiler) Les raccourcis se succèdent jusqu’à la réapparition de Joyce qui lui dit n’avoir rien avoué alors qu’elle est accompagné par les forces de l’ordre venues arrêter son prétendu meurtrier. Alors que la première confrontation entre Lou et Joyce plaçait l’histoire sous le signe d’une relation basée sur le sexe et la violence, violence initialement instaurée par Joyce qui frappe Lou en premier, cette dernière n’apparait plus que comme une poupée qui se laisse casser sans opposer la moindre résistance.
Jessica Alba, encore une fois intéressante dans sa première scène, ne nous sera plus montrée que sous la forme de flash back un peu mièvres où elle sourit aux anges. C’est dommage car elle représente le véritable déclencheur de la folie sanguinaire qui parcourt le film, et il aurait été intéressant de pousser plus loin ses relations d’amour et de violence avec Lou.
(Attention, spoiler) Le personnage de Kate Hudson qui interprète Amy, la fiancée de Lou, est en ce sens beaucoup plus intéressant et sa mort est d’ailleurs psychologiquement plus violente que celle de Joyce.
The killer inside me est donc un bon film, un très bon film même, mais malheureusement assez éloigné du chef d’œuvre annoncé par la critique. La faute n’en incombe ni aux interprètes, tous au diapason de cette atmosphère que n’auraient pas reniés les frères Cohen, ni au réalisateur qui a su capter avec intelligence l’essentiel de cette histoire vénéneuse.
Dommage que le scénariste (trop impressionné par l’œuvre de Thompson ?) n’ait pas su en tirer une histoire qui transcende son sujet d’origine.
On peut toujours rêver d’une version longue qui rendrait justice au chef d’œuvre noir qu’aurait dû être The killer inside me.

mardi 3 août 2010

Inception

Christopher Nolan continue son exploration des tréfonds de l’âme humaine et nous confirme avec Inception qu’il est un réalisateur hors pair. Mêlant avec une rare intelligence des moyens (de plus en plus) énormes et des histoires aussi tordues que cohérentes, il privilégie une fois encore l’histoire aux effets spéciaux pourtant spectaculaires dans ce film. Grace lui soit rendu de ne pas avoir tourné en 3D soit dit en passant !
Inception tourne autour du concept du voyage dans le subconscient par le biais de rêves partagés. Une équipe menée par Dom Cobb est spécialisée dans le vol de secrets enfouis au plus profond des gens, dans leur esprit. Une nouvelle mission aux enjeux multiples leur fera faire le contraire : implanter, plutôt que voler, une idée dans la tête de l’héritier d’un empire industriel. Bien entendu, tout ne se déroulera pas comme prévu.
Inception est dans la droite ligne des précédents films de Christopher Nolan.
Il emprunte à Memento et au Prestige une narration déstructurée et pourtant d’une lecture relativement aisée pour le spectateur, preuve d’une parfaite maitrise d’écriture et de réalisation.
Mais le personnage principal incarné par un Leonardo DiCaprio plus impressionnant de film en film a aussi des points commun avec Bruce Wayne / Batman. Comme lui, il est hanté par un remord qui le ronge et qui se matérialise, non pas au travers de super vilains (encore que…), mais par le personnage de son ex femme tragiquement morte.
Marion Cotillard, plus femme fatale que jamais, incarne cet amour perdu qui va se révéler être pour Dom Cobb l’un de ses pires ennemis dans le monde des rêves. Elle est entourée par une distribution absolument parfaite qui contribue grandement à la réussite du film. Impossible d’en remarquer un plutôt qu’un autre, ils sont tous excellents et incarnent parfaitement des personnages que l’on croirait avoir été écrit pour eux.
Inception est donc clairement un film sous influence. Comment ne pas penser à Dark City et ses villes qui se transforment selon le bon vouloir de ceux qui en sont à l’origine ? Une séquence de fusillade à ski renvoie à l’une des scènes de l’Espion qui m’aimait, mais il est surtout difficile de ne pas avoir constamment à l’esprit l’univers de Matrix.
Les thèmes abordés et des scènes entières semblent en découler, comme cette bagarre en apesanteur entre Arthur et l’un des tueurs qui fait clairement penser à l’empoignade dans les couloirs du métro entre Neo et l’agent Smith. Les hommes de main qui affrontent l’équipe de Dom Cobb et tente de les stopper par tous les moyens sont aussi des références directes à l’agent Smith et ses clones.
Quand à l’un des sujets principaux, l’alternance et le mélange entre le monde réel et celui des rêves, il suffit de remplacer ces derniers par la Matrice et l’on retrouve le thème principal de Matrix.
Ceci étant, Inception possède suffisamment de qualités propres pour ne pas avoir à rougir de ces comparaisons. Et mis à part une dernière partie peut être un peu longue mais incroyablement maitrisée en termes de découpage et de tension, l’ensemble du film est d’une rare cohérence, porté par le score de Hans Zimmer qui n’est pas sans rappeler celui du Dark Knight. L’immersion dans le monde des rêves permet au réalisateur de nous offrir les scènes les plus folles, alternant film d’espionnage et film de casse en passant par la science fiction et la romance. Car le moteur principal de l’histoire, outre la mission que doivent mener à bien l’équipe de spécialistes, c’est bien cet amour perdu qui mine le personnage de Dom Cobb et le fait constamment osciller entre raison et folie, entre rêve et réalité.
Le final du film est d’ailleurs un model de fin ouverte. Alors que toute l’explication tient à un objet des plus banals (une toupie) qui doit répondre ou non aux lois de l’apesanteur (s’arrêtera-t-elle de tourner ?), Christopher Nolan coupe brusquement la scène, laissant le spectateur seul avec son interprétation, libre de choisir sa propre fin. Ce respect de l’histoire et cette interaction avec le public est la marque d’un grand réalisateur.

mardi 27 juillet 2010

Toy Story 3

Si John Lesseter cède la place à Lee Unkrich pour la réalisation de ce troisième volet des aventures de Woody et Buzz, bien entendu tourné en 3D, ce dernier est suffisamment entouré pour que le cahier des charges du studio soit pleinement respecté. Et force est de constater qu’une fois encore, Pixar s’impose comme une référence incontournable du film d’animation.
Alliant avec une réussite rare divertissement et réflexion, les équipes qui entourent John Lasseter parviennent à renouveler le défi. Toy Story 3 est une réussite comme l’étaient les deux premiers épisodes.
La trilogie voit les personnages humains évoluer, en particulier le petit garçon Andy devenu ici un jeune homme qui s’apprête à quitter sa maison (et ses jouets) pour l’université. Se croyant délaissés, ses jouets favoris décident alors de rejoindre une crèche avec l’espoir de jouer de nouveau avec des enfants. Ce sera le début d’une série d’aventures rocambolesques avec comme point d’orgue une fantastique séquence d’évasion digne des meilleurs films du genre.
Une fois encore, nous retrouvons avec le même plaisir tous les personnages qui ont fait le succès des premiers épisodes, avec en prime quelques nouveautés dont Barbie et Ken qui ont enfin la place qu’ils méritent.
Après une ouverture trépidante qui nous propulse dans l’imagination d’un enfant, Toy Story 3 alterne les scènes spectaculaires (l’évasion de la crèche, la décharge), les moments franchement comiques (en particulier avec un Ken en fashion victime et un Buzz hispanique du meilleur effet) ou carrément effrayants. Les personnages de Big Baby et du singe surveillant les caméras semblent en effet sortir d’un film d’épouvante.
Mais la grande réussite du studio vient une fois encore du respect avec lequel ils traient leur histoire, leurs personnages et donc le spectateur. Toy Story 3 nous offre une vraie réflexion sur le temps qui passe, les objets chargés de souvenirs et les personnes qu’on laisse derrière soit, la transmission des valeurs au travers de simples jouets.
Le passage en 3D n’était pas obligatoire et ne se justifie que dans la profondeur de champ qu’il donne au film (tout en obscurcissant l’image), comme c’était le cas pour Là haut.
On pardonnera cette facilité au studio d’autant plus facilement qu’ils ont évité le piège des effets tapes à l’œil comme c’est trop fréquemment le cas ces derniers temps.
John Lasseter et ses équipes ont compris depuis longtemps que l’on peut s’amuser intelligemment et que les parents devaient prendre autant de plaisirs que les enfants dans une salle de cinéma pour assurer le succès d’un film. Pari gagné une fois encore.

vendredi 23 juillet 2010

Tamara Drewe

Journaliste people à Londres, Tamara Drewe revient dans son village natal perdu au fin fond de la campagne anglaise avec son nez refait à neuf et son physique qui affole tous les hommes qui la croisent. Et des hommes, il y en a de toutes sortes dans ce village.
Des écrivains en mal d’inspiration retirés dans une pension pour travailler au calme, un romancier a succès dont l’activité principale consiste à tromper sa femme, une rock star échappée d’un concert qui a mal tourné, un enfant du pays beau gosse et paysan à ses heures.
Mais les femmes non plus ne sont pas en reste, et ce sont même elles qui mènent la danse et les hommes par la braguette. Femme trompée, adolescentes en mal de sensations fortes ou bimbo citadine, elles représentent le vrai moteur des évènements qui secouent cette petite communauté le temps de quatre saisons qui chapitrent le film.
Stephen Frears réalise avec Tamara Drewe un film délicieusement incorrect, bercé par une musique qui n’est pas sans rappeler celle de Desperate Housewives. Comédie grinçante et remarquable peinture d’une galerie de personnages hauts en couleurs qui interfèrent les uns avec les autres dans un espace clos (la campagne anglaise), Tamara Drewe renoue avec la grande tradition des meilleures comédies anglaises.
Stephen Frears ne prétend pas réaliser une étude sociologique, il se contente de diriger au mieux des acteurs formidables qui incarnent à merveille ce que la société anglaise peut donner de plus tordu. Le film n’est d’ailleurs pas centré sur la charmante Gemma Aterton dont le personnage agit plutôt comme un catalyseur sur les évènements qui se produisent, parfois malgré elles. Le personnage de la femme trompée interprété par Tamsin Greig est bien plus présent, central dans l’histoire et beaucoup plus maitre de ses actes que ne peut l’être Tamara. Sans parler de Jody et Casey, deux adolescentes tour à tour hystériques, incorrectes, teigneuses, qui représentent l’un des principaux moteurs comiques du film. C’est toute la finesse du réalisateur de laisser à chacun de ses personnages la possibilité d’exister autour de l’héroïne principale.
Stephen Frears illustre le roman graphique Posy Simmonds et il utilise d’ailleurs dans son film des éléments très graphiques pour illustrer certaines situations. Par exemple, lors de la première apparition de Tamara en mini short moulant devant la petite communauté d’écrivains, Roger Allam qui joue le romancier volage Nicholas Hardiment débouche une bouteille de champagne dont le bouchon saute. Il s’en suit un jet qui jaillit de la bouteille au niveau de son entrejambe, l’allusion ne saurait être plus claire sur l’effet que la jeune fille produit chez les hommes.
On pourra toujours reprocher au film un personnage de prince charmant un peu trop beau, une fin un peu convenue. Mais voir un chien de star se faire descendre au fusil à lunette par une vieille dame vindicative ou un personnage antipathique mourir piétiné par un troupeau de vaches sont des plaisirs suffisamment rares pour ne pas bouder notre plaisir.
Ce sont des détails comme cela qui font de Tamara Drewe un vrai plaisir coupable comme seuls les anglais savent le faire.

jeudi 15 juillet 2010

Predators

Un extra terrestre belliqueux prend en chasse une poignée d’hommes et de femmes qu’il massacre, ne laissant qu’un survivant qui arrive à le tuer.
La suite arrive quelques années plus tard, le titre s’enrichit d’un s pour signifier que ce n’est plus une seule mais un groupe de créatures qui affrontent cette fois une équipe de professionnels armés jusqu’aux dents.
Cela vous rappelle quelque chose ? Aliens ?
Oui, mais aussi Predators qui tente de relancer la saga après deux cross over qui s’éloignaient sensiblement des deux premiers épisodes de la série.
Le problème, c’est que quand le scénario d’Aliens est écrit de main de maitre par James Cameron, Walter Hill et David Giler, celui de Predators n’est qu’esquissé par un Robert Rodriguez que l’on a connu moins feignant.
Certes, Nimrod Antal n’est pas James Cameron, mais le réalisateur fait ce qu’il peut avec le matériau qu’il a, réduit ici au strict minimum.
Predators avait tout pour être une série B nerveuse et jouissive. Une histoire intéressante se déroulant sur la planète des chasseurs, une distribution hallucinante, allant de Danny Trejo (merci Robert, entre cousins il faut bien s’aider) à Laurence Fischburne en passant par Walton Goggins échappé de The Shield et Adrien Brody reprenant tant bien que mal le rôle laissé vacant par Arnold Schwarzenegger à la fin du premier opus. Si l’on est sceptique au début, il faut reconnaitre que l’acteur s’en sort plutôt honorablement dans la peau d’un mercenaire individualiste.
Les effets spéciaux sont convaincants et les Predators ont de la gueule, chaque personnage sensé personnifié ce qui se fait de pire en la matière (soldat, membre des escadrons de la mort, yakuza, serial killer, condamné à mort,…) comporte un potentiel suffisamment intéressant pour le combat avec les Predators laisse présager le meilleur.
Hélas, l’histoire déroule les poncifs les plus éculés (le mercenaire qui laisse tomber tout le monde pour sauver sa peau et qui, surprise, revient au dernier moment !), des dialogues frôlant le ridicule (mention spéciale à Topher Grace qui débite les pires banalités sans y croire une seule seconde), des facilités scénaristiques dignes des plus mauvaises sétries Z (Royce, interprété par Adrien Brody, comprend avant tout le monde ce qui va se passer et s’empresse de l’expliquer au groupe, et au spectateur par la même occasion).
Robert Rodriguez traine son histoire depuis quinze ans dans ses cartons, soit dix ans après Aliens et le premier Predator. Il a eut tout le temps de digérer ses influences qui jaillissent partout dans le film.
Les similitudes avec Aliens sont évidentes (un groupe surarmé et entrainé affronte des extra terrestres sur leur propre terrain et se font passer à la moulinette).
Le scénariste producteur n’oublie pas non plus de citer le premier Predator avec la mitraillette au canon rotatif ou le yakuza qui affronte une créature, sabre en main et torse nu (référence au soldat indien du premier épisode).
Mais il a simplement oublié de faire d’un pitch diablement excitant un scénario digne de ce nom. C’est d’autant plus frustrant que le bonhomme est d’ordinaire doué et sincèrement passionné par ce qu’il fait.

dimanche 4 juillet 2010

Dirty Diaries

Le projet initié par Mia Engberg de repenser la pornographie au travers de douze courts métrages réalisés par des femmes était aussi excitant que salutaire. Enfin un regard neuf sur un genre encore aujourd’hui cantonné au marché de la vidéo et à des stéréotypes d’arrière garde.
Malheureusement, Dirty Diaries non seulement ne tient pas ses promesses mais en plus contribue à enfoncer encore un peu plus un genre déjà bien malmené. Bref, tout le contraire du projet d’origine.
Première constatation, la quasi majorité des douze segments qui constituent Dirty Diaries semblent filmés par un épileptique à l’aide d’un téléphone portable (c’est réellement le cas, et c’est justifié, pour Come Together dans lequel des femmes se filment elle-même à l’aide de leur portable en train de se masturber et de jouir) ou au mieux d’un vieux caméscope. L’image est dégueulasse, le cadrage et la mise au point semblent effectués par un enfant de dix ans, ce qui confère à l’ensemble une impression d’amateurisme malvenue pour ce type de sujet.
Un segment montre ainsi en caméra caché une fille se masturbant avec un gode dans un taxi. Soit, et alors ? On n’est pas loin des vidéos amateurs que l’on peut voir sur internet ou en vidéos.
Deuxième problème, et non des moindres, les courts métrages, à quelques exceptions prés, se scindent en deux catégories.
D’un coté les films qui se veulent artistiques, Fruit Cake par exemple qui nous propose une succession de gros plants de fruits, de fleurs et d’anus. C’est conceptuel, surement trop pour le spectateur moyen, c’est surtout illisible, chiant et d’une laideur incroyable.
D’un autre coté, les films pornographiques explicites. Authority nous offre un segment lesbien limite hardcore et carrément fétichiste avec sodomie à l’aide d’une matraque entre autre joyeuseté.
En ce sens, Dirty Diaries résume de façon limpide la vision la plus courante du sexe au cinéma, et dans l’art en général. Soit c’est arty avec gros plans, fondus enchainés, symbolisme à tous les étages pour donner au final un grand n’importe quoi, soit c’est du sexe dur, violent, brassant les thèmes de la soumission, de la femme (ou de l’homme) objet, du plaisir simulé et de la représentation grossière du sexe.
Il semble impossible de montrer le sexe en dehors de ces deux voies. Heureusement, tout n’est pas à jeter dans Dirty Diaries.
Avec Dildoman et Body Contact, les réalisatrices essaient, par le biais du film d’animation et d’une sorte de parodie de l’imagerie que les films pornographique et les sites de rencontres imposent chez les hommes, de renouveler le genre. Ce n’est pas complètement réussi mais les deux courts métrages sont cohérents avec le projet de repenser la pornographie d’un point de vue féminin.
La vraie, et seule réussite de l’ensemble est Skin. Un homme et une femme recouverts d’une sorte de tissu couleur chair se caressent dans une chambre d’hôtel. Peu à peu, ils vont se débarrasser de cette seconde peau qui les empêche de se toucher et de faire l’amour. Skin, de par son symbolisme et sa réalisation soignée constitue un court métrage intelligent par la façon qu’a la réalisatrice de montrer les corps de ses acteurs. C’est frontal, sans fausse pudeur et pourtant leurs étreintes débordent de sensualité.
C’est le seul film de Dirty Diaries qui arrive à aborder l’acte sexuel non pas comme un véhicule à fantasmes ou un alibi pseudo artistique mais comme une source de plaisir, une communion entre deux êtres sans que l’un cherche à dominer ou à blesser l’autre. Enfin débarrassés de cette peau synthétique, ils peuvent s’aimer et profiter pleinement l’un de l’autre. Ce qui n’est malheureusement pas le cas de Dirty Diaries qui lui n’arrive pas à se libérer d’une imagerie datée qui enfonce encore plus la pornographie dans un ghetto dont il n’arrive pas à sortir. Un comble pour un projet qui se voulait révolutionnaire.
Depuis le temps qu’un certain nombre de réalisateurs (Gaspard Noé dernièrement) tournent autour du sujet sans trop oser s’y attaquer, espérons que l’un d’entre eux réalise enfin un film rendant hommage au genre cinématographique le plus décrié, ghettoïsé, et incompris, et pourtant pas le moins intéressant.

Dirty Diaries

Le projet initié par Mia Engberg de repenser la pornographie au travers de douze courts métrages réalisés par des femmes était aussi excitant que salutaire. Enfin un regard neuf sur un genre encore aujourd’hui cantonné au marché de la vidéo et à des stéréotypes d’arrière garde. Malheureusement, Dirty Diaries non seulement ne tient pas ses promesses mais en plus contribue à enfoncer encore un peu plus un genre déjà bien malmené. Bref, tout le contraire du projet d’origine. Première constatation, la quasi majorité des douze segments qui constituent Dirty Diaries semblent filmés par un épileptique à l’aide d’un téléphone portable (c’est réellement le cas, et c’est justifié, pour Come Together dans lequel des femmes se filment elle-même à l’aide de leur portable en train de se masturber et de jouir) ou au mieux d’un vieux caméscope. L’image est dégueulasse, le cadrage et la mise au point semblent effectués par un enfant de dix ans, ce qui confère à l’ensemble une impression d’amateurisme malvenue pour ce type de sujet. Un segment montre ainsi en caméra caché une fille se masturbant avec un gode dans un taxi. Soit, et alors ? On n’est pas loin des vidéos amateurs que l’on peut voir sur internet ou en vidéos. Deuxième problème, et non des moindres, les courts métrages, à quelques exceptions prés, se scindent en deux catégories. D’un coté les films qui se veulent artistiques, Fruit Cake par exemple qui nous propose une succession de gros plants de fruits, de fleurs et d’anus. C’est conceptuel, surement trop pour le spectateur moyen, c’est surtout illisible et d’une laideur incroyable. D’un autre coté, les films pornographiques explicites. Authority nous offre un segment lesbien limite hardcore et carrément fétichiste avec sodomie à l’aide d’une matraque entre autre joyeuseté. En ce sens, Dirty Diaries résume de façon limpide la vision la plus courante du sexe au cinéma, et dans l’art en général. Soit c’est arty avec gros plans, fondus enchainés, symbolisme à tous les étages pour donner au final un grand n’importe quoi, soit c’est du sexe dur, violent, brassant les thèmes de la soumission, de la femme (ou de l’homme) objet, du plaisir simulé et de la représentation grossière du sexe. Il semble impossible de montrer le sexe en dehors de ces deux voies. Heureusement, tout n’est pas à jeter dans Dirty Diaries. Avec Dildoman et Body Contact, les réalisatrices essaient, par le biais du film d’animation et d’une sorte de parodie de l’imagerie que les films pornographique et les sites de rencontres imposent chez les hommes, de renouveler le genre. Ce n’est pas complètement réussi mais les deux courts métrages sont cohérents avec le projet de repenser la pornographie d’un point de vue féminin. La vraie, et seule réussite de l’ensemble est Skin. Un homme et une femme recouverts d’une sorte de tissu couleur chair se caressent dans une chambre d’hôtel. Peu à peu, ils vont se débarrasser de cette seconde peau qui les empêche de se toucher et de faire l’amour. Skin, de par son symbolisme et sa réalisation soignée constitue un court métrage intelligent par la façon qu’a la réalisatrice de montrer les corps de ses acteurs. C’est frontal, sans fausse pudeur et pourtant leurs étreintes débordent de sensualité. C’est le seul film de Dirty Diaries qui arrive à aborder l’acte sexuel non pas comme un véhicule à fantasmes ou un alibi pseudo artistique mais comme une source de plaisir, une communion entre deux êtres sans que l’un cherche à dominer ou à blesser l’autre. Enfin débarrassés de cette peau synthétique, ils peuvent s’aimer et profiter pleinement l’un de l’autre. Ce qui n’est malheureusement pas le cas de Dirty Diaries qui lui n’arrive pas à se libérer d’une imagerie datée qui enfonce encore plus la pornographie dans un ghetto dont il n’arrive pas à sortir. Un comble pour un projet qui se voulait révolutionnaire. Depuis le temps qu’un certain nombre de réalisateurs (Gaspard Noé dernièrement) tournent autour du sujet sans trop oser s’y attaquer, espérons que l’un d’entre eux réalise enfin un film rendant hommage au genre cinématographique le plus décrié, ghettoïsé, et incompris, et pourtant pas le moins intéressant.

mercredi 30 juin 2010

Dog pound

Le film de prison est, plus qu’un genre, une véritable institution régie par des codes que l’on retrouve presque immuablement dans tous les films, romans ou séries télévisées traitant du milieu carcéral.
Phénomène de bandes, victimes et bourreaux, humiliation, violence, matons souvent sadiques, viols, sont quelques uns des poncifs d’un genre qui n’est souvent que le reflet, plus ou moins exagéré, d’une cruelle réalité. L’homme est un loup pour l’homme, et quand on enferme plusieurs loups derrières des barreaux, il se détache des chefs de meute, des dominants et des dominés.
En s’attaquant à cet univers, Kim Chapiron prenait le risque de répéter ce que d’autres avant lui avait fait avant lui, parfois de manière définitive. Que reste-t-il à dire du milieu carcéral après Oz, la série culte de Tom Fontana ? Le réalisateur a l’intelligence de ne pas bêtement copier ses ainés en transposant l’action de son film dans un centre de détention américain pour mineurs.
Nous pénétrons dans cette prison en compagnie de Davis, Angel et Butch âgés de 15 à 17 ans. Tous sont des délinquants ayant commis des délits plus ou moins graves. Tous sont des garçons à la dérive qui réagiront de manière différente à l’enfermement et aux rapports de force qui leurs sont imposés par un petit caïd. En prenant le parti de raconter son histoire du point de vue d’adolescents, Kim Chapiron se rapproche beaucoup plus de l’Animal Factory d’Edward Bunker que d’Un prophète pour citer un exemple récent. Le réalisateur se met à la hauteur de ses personnages, à la frontière entre l’âge adulte et l’enfance, tour à tour touchants et terrifiants.
La force du film vient d’ailleurs en partie d’un casting incroyable et d’une direction d’acteur sans faille. Le personnage de Butch interprété par Adam Butcher est l’incarnation d’une bombe à retardement, tout en violence difficilement contenue. Quand au tortionnaire Banks joué par Taylor Poulin, il est d’une crédibilité totale. Tour à tour violent, grossier, il incarne ce que la cruauté de l’enfance et la force brutale d’un adulte peuvent engendrer de pire.
Kim Chapiron a le bon goût de ne pas céder aux pires clichés du genre en faisant de ses gardiens de prison des hommes ordinaires, des pères de famille qui cherchent à trouver le bon équilibre entre l’autorité qu’ils incarnent et l’aide qu’ils essaient d’apporter à ces enfants. Dog Pound est une plongée dans l’enfer malheureusement ordinaire de ces centres de détention où, malgré toute la bonne volonté du personnel en place, des drames se jouent à chaque instant.
La succession d’évènements à priori bénins qui vont conduire à l’explosion de violence finale est représentative de la vie de ces jeunes qu’une série d’accidents a conduits en prison. Les incidents se succèdent, la haine et la colère s’accumulent de part et d’autre, jusqu’à une scène de mutinerie impressionnante qui se clôt sur une porte qui se ferme brusquement, comme une chape de plomb sur le destin de ces jeunesses brisées.

dimanche 30 mai 2010

Mammuth

Mammuth, c’est à la fois le surnom de Serge Pilardosse, employé d’abattoir nouvellement retraité, et la marque de sa vieille moto qu’il va enfourcher pour partir à la recherche des bulletins de salaire qui lui manquent, justifier ses cotisations et toucher sa retraite. Il entame alors un voyage vers son passé qui va lui faire rencontrer toute une galerie de personnages hauts en couleurs.
Mammuth, c’est le nouveau film de Gustave Kervern et Benoît Delépine, ce duo un peu anar à l’origine du programme Grolandais diffusé sur Canal Plus.
Mammuth, c’est un peu l’antithèse de Camping.
Les deux réalisateurs mettent en scène une France prolétaire, socialement ou psychologiquement en marge de la société (mais quelle société ?), avec respect, tendresse et humour. Mais plutôt que de rire de leurs personnages, ils invitent le spectateur à s’immerger dans leur quotidien fait de débrouille, de galères et de moment de pure poésie. On rit avec eux et pas forcement à leur dépend. Et de la poésie et de l’humour, le film en regorge.
Que ce soit à l’occasion d’un pot de départ à la retraite criant de vérité, lors d’un entretien d’embauche surréaliste, ou pendant une conversation téléphonique avec un répondeur interactif, chaque scène, chaque plan du film oscille constamment entre le rire et les larmes, entre une infinie tendresse et le plus profond désespoir.
La réussite du film tient bien sur de l’écriture, juste et sensible, d’un casting taillé sur mesure et du regard sincère que les réalisateurs portent à leurs personnages. Mammuth est interprété par un Depardieu tout en retenu qui trimballe sa masse imposante sur les route de France.
Serge Pilardosse est un homme simple, un travailleur acharné qui tourne en rond comme un lion en cage désœuvré dans son petit appartement. Mais quand il se décide enfin à partir sur sa moto à la recherche de son passé, c’est un homme transformé qui, au fil de ses rencontres, va enfin pouvoir se libérer du fantôme de son amour passé, retrouver sa femme et lui exprimer son amour.
Le casting de Mammuth a un air de copinage, et les rôles sont plus ou moins bien assortis aux acteurs qui les interprètent. Mais le film est traversé par des personnages merveilleux, magnifiquement habités par Yolande Moreau, Isabelle Adjani, Benoit Poelvoorde ou Miss Ming qui transcende son handicap pour construire un personnage unique de femme enfant.
Gustave Kervern et Benoît Delépine filment leurs personnages au plus prés, sans aucune fioriture et avec pour seul objectif de les laisser s’exprimer pleinement à l’écran. Ils font totalement confiance à leurs acteurs et ils ont raison.
Il en résulte un road movie sensible et intelligent, une œuvre drôle et poétique, un regard complice sur ces gens communs au destin banal qui transcendent leur quotidien pour en faire des moments magiques.

dimanche 16 mai 2010

La merditude des choses

Des familles Strobbe, tous ceux qui ont vécu à la campagne ou dans de petites villes en ont connus. Chez moi, ils habitaient en face de chez ma grand-mère. L’un des fils était en classe élémentaire avec moi, il était le seul à tenir tête à l’instituteur qui d’ailleurs en avait peur. Il faut dire qu’il avait bien trois ou quatre ans de plus que la plupart des élèves dociles que nous étions tous.
Gunther Strobbe vit une adolescence compliquée entre son père alcoolique, ses trois oncles marginaux et sa grand-mère qui essaie de maintenir tout ce petit monde à flot. Les quatre frères Strobbe forment en effet une famille à part. Grandes gueules, ivrognes, bagarreurs, sales mais pas vraiment méchants, ils vivent au jour le jour de séjours en prison aux bals de campagne.
Le réalisateur belge Félix Van Groeningen nous invite à partager le quotidien haut en couleur de ces gens qui vivent en marge de la société, n’obéissant qu’à leur propres règles ce qui leur confère au final plus de liberté que ne pourra jamais en acheter tout l’argent du monde.
Entre un documentaire de Strip Tease et Les Démons de Jésus, la merditude des choses se révèle au final une réflexion tour à tour amère et drôle sur la vie. Le sens des responsabilités, la vieillesse, le rôle de la famille, les moyens que l’on se donne pour concrétiser ses rêves, tout cela est abordé dans ce film plus grave qu’il n’en a l’air.
Il y a un coté Kusturica chez ce réalisateur qui filme ses personnages démesurés quand ils font la fête ou qu’ils inventent des jeux alliant course cycliste et concours de boissons. Mais Félix Van Groeningen les colle au plus prés, sans chercher le moindre artifice pour faire passer une idée ou un sentiment. La force et le naturel des acteurs suffisent à donner au film une énergie qui oscille entre euphorie et désespoir.
Si l’alcool a un rôle prédominant dans la vie sociale de l’ensemble des protagonistes, ce n’est pas comme par exemple dans Un singe en hiver, un moyen d’évasion. Ici au contraire, l’ivresse ancre encore plus fermement les hommes et les femmes de cette petite ville des Flandres dans leur quotidien. Simplement, la bière leur permet de transformer ce quotidien et de l’adapter à leurs rêves les plus improbables. Des rêves de record du monde d’ingestion de bière ou de Tour de France éthylique. Et c’est dans des moments comme ceux là que le film acquiert une dimension quasi surréaliste. Il se dégage une indéniable poésie des ces personnages extrêmes dans leurs amours comme dans leurs colères. Et ce faisant, le réalisateur nous tend aussi un miroir en nous faisant découvrir une frange de la société qui n’a rien d’exceptionnellement rare. Ces gens là, on veut bien les voir au cinéma ou à la télévision, admettre que leurs excès sont amusants et folkloriques, mais d’ici à les avoir comme voisins…
En grandissant, Gunther Strobbe quitte ce monde un peu fou pour l’internat puis la vie active. Il se confronte alors aux dures réalités du quotidien. La paternité, pas toujours voulue, le travail alimentaire pour subvenir aux besoins de sa famille qui prend chaque jour le pas sur sa véritable passion, l’écriture. Et c’est cette enfance hors du commun pour la plupart des gens, ceux qui sont assis dans la salle du cinéma, qui, couchée sur le papier va lui permettre de se faire publier. Tout comme son oncle à qui un sociologue demande de retranscrire par écrit les chansons paillardes qui ont rythmées ses soirées arrosées.
On passe de l’oralité à l’écrit, comme pour figer et conserver une trace de ces morceaux de rêves, ces tranches de vies hors du commun.

jeudi 13 mai 2010

Enter the Void

Fidel à son habitude, Gaspar Noé prend un malin plaisir à diviser et à déstabiliser son public. Une fois encore, le film aura ses farouches détracteurs et ses partisans convaincus.
Difficile en effet de se faire un avis après les deux heures trente six minutes du voyage hallucinatoire auquel nous invite ce réalisateur inclassable.
Enter the Void est avant tout une expérience sensorielle. Dés le début du film, quand Oscar, un jeune occidental qui vit à Tokyo, prend des substances hallucinogènes, l’écran se remplit de tentacules phosphorescentes tandis qu’une bande son agresse les oreilles des spectateurs qui n’en sont qu’aux premiers instants de ce voyage hors norme. Déjà, les premiers quittent la salle.
La suite sera un mélange de trip sous LSD ou autre drogue, de scènes de sexe et de fragments de la vie d’Oscar, avec comme fil conducteur le livre des morts tibétain. Car Oscar meurt sous les balles de policiers venus l’arrêter dans un bar alors qu’il dealait de la drogue. Dés lors, son âme quitte son corps et nous l’accompagnons dans son au dessus de Tokyo avant qu’il ne choisisse de se réincarner en un autre être vivant. Gaspar Noé nous convie alors à un survol de Tokyo la nuit (la ville se prête admirablement bien à cette errance urbaine baignée de néons), entre club de strip tease et deal de drogue, tandis que nous revivons les scènes qui ont précédées l’accident jusqu’à remonter à l’enfance d’Oscar et de sa sœur Linda.
Nul doute qu’Enter the Void soit un film de Gaspar Noé, on y retrouve en substance les thèmes majeurs qui ponctuent sa filmographie. Le long tunnel dans lequel se faisait agresser Monica Bellucci dans Irréversible annonçait déjà le couloir de la mort dont parlent les personnes ayant vécu une expérience de mort cérébrale pendant quelques secondes. Les relations ambigües entre Oscar et sa sœur (Linda semble nourrir des pulsions incestueuses envers son frère tandis qu’Oscar tend à la confondre avec une mère de substitution) renvoient directement au boucher amoureux de sa fille dans Carne et Seul contre tous.
Le talent, indéniable, de Gaspar Noé transparait lorsqu’il met en scène ce puzzle de moments vécus par Oscar ou ses proches. Que ce soit l’accident où ses parents trouvent la mort, d’une brutalité et d’une efficacité redoutable, les visions fugitives et pleines de tendresse d’une mère à jamais disparue, la faune hétéroclite dans lequel évolue le jeune homme, toutes ces scènes sont tour à tour touchantes, captivantes ou choquantes.
Mais à force de vouloir choquer justement, le réalisateur prend le risque de sombrer dans la gratuité. Le gros plan un fœtus suite à un avortement ou une pénétration vue depuis l’intérieur d’un vagin ne semblent pas absolument nécessaire au film. Surtout, en réalisant un long métrage aussi atypique de plus de deux heures trente, Gaspar Noé semble vouloir tester les limites de la résistance des spectateurs. Le film aurait gagné en intensité et en cohésion, à être coupé d’une demi-heure, surtout vers la fin. Mais il ne semble pas que cela soit la préoccupation première du réalisateur qui semble prendre un malin plaisir à jouer les sales gosses. On peut imaginer qu’il a du partager quelques champignons ramené du tournage de Blueberry par son copain Jan Kounen et que les effets ne se sont pas complètement dissipés au moment du montage.
Enter the Void apparait par moment comme un improbable croisement sous acide entre Trainspotting et Lost in Translation. Sous des aspects un peu provocateur (la musique agressive, le jeu de Paz de la Huerta qui interprète une Linda tête à claques, la durée excessive, les longues scènes de trip, l’interprétation un peu simpliste des principes de la réincarnation), Enter the Void est traversé de vrais moments d’émotions allant de la douleur extrême à l’amour fusionnel. C’est en tout cas un film suffisamment atypique dans le paysage cinématographique français pour que l’on s’y arrête.

L'élite de Brooklyn

Trois vies, trois destins, trois policiers new yorkais qui vont se croiser au cours d’une journée décisive pour chacun d’eux.
Eddie est à une semaine de la retraite. Alcoolique, suicidaire, c’est un homme usé qui trouve dans les bras d’une prostituée un substitut à sa solitude. Tango est infiltré depuis trop longtemps dans un réseau de dealers et a de plus en plus de mal à faire la différence entre sa vie de gangster et son rôle de flic. Sal est le père de quatre enfants, sa femme malade attend des jumeaux et il n’arrive plus à subvenir aux besoins de sa famille. Alors il franchit la ligne et vole de l’argent sale, allant jusqu’à tuer pour se couvrir.
On savait depuis Training Day qu’Antoine Fuqua était un réalisateur à suivre. Avec l’Elite de Brooklyn, il signe un film bouleversant et d’une efficacité redoutable. Tout semble réuni dans ce film pour en faire un model du genre.
Un scénario écrit au cordeau, simple et ancré dans le réel, qui fait la part belle à ses personnages.
Des interprètes magnifiques totalement investis dans leurs rôles. On n’avait pas vu Richard Gere aussi bon depuis… depuis quand déjà ? La VO permet d’apprécier la voix douce et grave de Don Cheadle qui cache une bombe à retardement toujours prête à exploser. Wesley Snipes est un parrain sur le retour incroyablement charismatique tandis que le personnage interprété Ethan Hawke, désespéré et torturé par une morale chrétienne qui n’arrive pas à le sauver de lui-même, renvoie par moment au Bad Lieutenant d’Abel Ferrara. Quand aux seconds rôles, loin d’être sacrifiés comme c’est trop souvent le cas, ils sont tous parfaitement écrits et interprétés.
La musique accompagne merveilleusement la tragédie qui se déroule devant nos yeux.
La réalisation et le montage du film enfin, sont exemplaires. Alors qu’il aurait pu être tenté par un bouleversement de la chronologie des scènes ou par une succession de scènes ultra courtes pour accentuer encore plus le tragique des situations, Antoine Fuqua opte pour une réalisation d’une lisibilité totale alternant avec grâce les moments d’actions mettant en scène les trois personnages simultanément (la scène de l’épicerie – du règlement de compte sur le toit – de la descente de police, et la scène finale sont à ce titre des modèles d’efficacité), et des instants de répits et d’émotions.
A la fois polar et chronique sociale des classes moyennes américaines, l’Elite de Brooklyn pourrait être le pendant au cinéma de la série The Shield à la télévision. Le film prouve, si besoin était, qu’il n’est nul besoin d’effets spéciaux, de montages cut, de 3D ou autres racolages pour réussir un bon film. Il suffit d’une excellente histoire, de personnages remarquablement bien écrits, d’acteurs qui s’effacent derrière leurs rôles, d’un réalisateur honnête et talentueux.
La coordination de tous ces éléments est suffisamment rare pour que l’on apprécie pleinement la perle noire qu’est l’Elite de Brooklyn.

samedi 8 mai 2010

Iron Man 2

Iron Man 2 comporte de nombreux atouts. L’armure conçue par le milliardaire Tony Stark est complètement crédible, les personnages sont interprétés par des acteurs et actrices de talent, la réalisation est correcte et les effets spéciaux plutôt réussis.
En sortant de la salle, on se demande donc ce qui manque au film pour se hisser au niveau des références du genre que sont les deux premiers X-Men, Spiderman ou Dark Knight.
Sans pour autant tomber dans les abimes des adaptations sacrifiées (Elektra et compagnie), Iron Man se regarde avec plaisir mais il manque définitivement quelque chose au film pour parvenir à transcender un personnage il est vrai moins connu que l’Homme Araignée, Batman ou Super Man.
Les supers héros que sont Iron man et Batman ont d’ailleurs plusieurs points communs. Tony Stark et Bruce Wayne sont tous les deux des hommes sans pouvoirs particuliers mais extrêmement riche et dotés d’une technologie avancée qui leur permet de combattre le crime. Chacun est hanté par ses démons. Bruce Wayne est sombre et tourmenté, parfois proche d’un psychopathe. Tony Stark est un alcoolique chronique qui sombre peu à peu et qui doit même abandonner l’armure d’Iron Man pendant un moment. Batman rejoindra pour un temps la JLA alors qu’Iron Man fera partie des Vengeurs. Quelle est alors la différence de traitement majeur qui fait de The Dark Knight un chef d’œuvre du genre et d’Iron Man un divertissement sympathique ?
La première chose est le coté sombre du héros qui n’est qu’effleuré dans ce second opus d’Iron Man. Tony Stark, toujours impeccablement interprété par un Robert Downey Junior au sommet de sa forme, est un homme peu sympathique. Egocentrique, narcissique, arrogant, il a tendance à un peu trop faire la fête et nous est présenté comme un jet setter à la répartie facile, possédant l’assurance que confère l’argent. Alors que Christopher Nolan exploitait davantage le coté névrosé de son héros, Jon Favreau nous présente un Tony Stark certes agaçant et malade mais loin de l’homme rongé par l’alcool que l’on peut voir dans les comics.
La seconde chose qui différencie les deux films et l’approche des personnages est le méchant, ou plutôt les méchants sans lesquels les super héros n’ont pas de raison d’être. L’une des grandes réussites de The Dark Knight est sans conteste le personnage du Joker, sublimé par l’interprétation magistrale d’un Heath Ledger totalement habité par son rôle. Le Joker apparait comme une sorte de double maléfique de Batman, les deux personnages nourrissant une relation d’amour haine toujours ambiguë. Même si Mickey Rourke campe un Whiplash impressionnant, il est épaulé par un Justin Hammer certes réjouissant mais plus drôle que véritablement menaçant. Le personnage de la Veuve Noire campée par Scarlett Johansson était prometteur mais reste lui aussi sous exploité.
Iron Man est de plus handicapé par une multitude d’intrigues qui, pour tenir dans les deux heures imparties pour une exploitation commerciale optimale, sont traitées au pas de charge. La découverte d’un antidote par Tony Stark ou le combat final contre Whiplash sont rapidement expédiés et ne semblent pas représenter de difficultés majeures pour le héros.
Quand à la bande son qui reprend des morceaux épars de standards du rock des années 80 et 90, AC/DC en tête, elle est certes agréable aux oreilles des 30 – 40 ans, mais fait l’effet d’un patchwork un peu trop commercial qui manque d’homogénéité.
Iron Man va surement plaire au plus grand nombre et le seul fait de voir autant d’enfants dans les salles démontre bien le parti pris du studio d’édulcorer ses personnages. Le film étant parsemé de références aux autres membres des Vengeurs (le bouclier de Capitaine América, le marteau de Thor), il est à prévoir qu’il ouvre la voie à une longue série d’adaptations (celle de Thor étant déjà lancée).
S’ils sont dans la lignée d’Iron Man 2, nous aurons droit à des films bien ficelés, plutôt respectueux d’un genre difficile à aborder, mais trop lisses pour rendre justice à des personnages souvent bien plus tourmentés et ambigus dans les planches des comics que sur grand écran.

samedi 24 avril 2010

Kick Ass

Adapté du comics de Mark Millar et réalisé par Matthew Vaughn, Kick Ass réussit le pari d’être à la fois un vrai film de super héros, une réflexion sur le statu des supers justiciers, un authentique film d’action doublé d’une comédie résolument incorrect. Le tout réalisé de main de maitre et interprété par un casting impeccable.
Kick Ass est résolument ancré dans l’univers des geeks dont il emprunte maintes références. Le héros est d’ailleurs lui-même un adolescent fan de comics, un peu mal dans sa peau et à la recherche d’une identité et d’une place dans la société comme tous les garçons de son âge. Sa vie bascule quand il décide de revêtir un costume de super héros et de créer Kick Ass, un redresseur de tort à l’image de ceux dont il suit les aventures dans ses bandes dessinées.
Kick Ass ne se contente pas de mettre en scène une bande de geeks parce que c’est dans l’air du temps. Le film assume pleinement son influence en étant truffé de références.
Des clins d’œil cinématographiques avec une réplique de Scarface, une allusion à John Woo et un réel hommage au maitre lors des scènes de fusillades. On peut même penser à Nikita quand Hit Girl est coincée dans la cuisine à court de munition et qu’un homme de main s’apprête à lui tirer dessus au bazooka.
Des clins d’œil à l’univers des comics bien sur avec de multiples références à Batman, Spiderman et bien d’autres.
Des clins d’œil aux jeux vidéo enfin, notamment dans la scène de fusillade nocturne de Hit Girl durant laquelle on a l’impression de jouer à un FPS. Et c’est bien là que le film peut poser un problème.
La violence, omniprésente et explicite, est cool dans Kick Ass, ou du moins représentée comme telle. Hit Girl abat les méchants comme dans un jeu vidéo, Big Daddy éduque sa fille en lui apprenant le maniement des armes avec pour seule valeur la loi du talion. Si l’apprentissage difficile de Dave Lizewski en Kick Ass nous fait bien comprendre que le monde réel est bien différent de celui des comics et des jeux vidéo, que le balles et les coups font mal et peuvent tuer, le film change de ton dans sa seconde partie pour verser dans une violence certes exagérée mais aussi magnifiée. C’est jouissif quand on le prend au second degré et avec suffisamment de recul mais comme le film cible principalement un public assez jeune, on peut être septique sur la façon dont certaines scènes seront reçues.
Ceci étant, Kick Ass réussit à alterner des scènes d’action, de combat et de fusillades impressionnantes avec des passages franchement drôles, tout en se posant de réelles questions sur le statu de super héros. Ceux qui sont présentés dans le film compensent tous un manque derrière leur masque. Dave Lizewski en Kick Ass et Chris D'Amico en Red Mist cherchent à exister dans le regard des autres, Damon Macready en Big Daddy voue sa vie à la vengeance, quitte à sacrifier celle de sa fille pour parvenir à ses fins.
Le personnage interprété par Nicolas Cage est en cela particulièrement tordu. Vigilante extrémiste, il n’hésite pas à tirer sur sa fille de onze ans munies d’un gilet pare balle pour l’habituer à l’impact des balles. Il fait de Mindy un instrument de mort particulièrement efficace qui massacre les truands à tour de bras quand elle ne se fait pas tabasser par un Mark Strong littéralement habité par son rôle.
Des scènes incorrectes comme cela, Kick Ass en regorge et c’est un vrai bonheur de constater que le cinéma américain peut encore produire de tels films.
Pour une fois, l’affiche du film tient ses promesses. Kick Ass est un film cool, impertinent, subversif, drôle et intelligent. Ca fait du bien !