jeudi 20 novembre 2008

L'échange

Clint Eastwood adapte un incroyable fait divers dans l’Amérique des années 20 passé jusqu’alors inaperçu.
L’échange raconte le destin d’une femme ordinaire dont la vie bascule lorsque son enfant est kidnappé et que la police lui ramène un garçon qui n’est pas le sien. Commence alors pour elle un combat contre les institutions qui, dans le contexte de l’époque, prend des proportions à peine imaginables aujourd’hui.
L’échange est un film de facture classique, que certains accusent d’être sans éclat, alors qu’il est parfaitement maitrisé à tous les points de vue.
En artiste complet, Clint assure une réalisation impeccable et écrit une musique en complète harmonie avec son histoire. Les décors sont minutieusement reconstitués, la photographie est superbe, et l’ensemble des acteurs, Angelina Jolie en tête, sont parfaitement dirigés et habités par leurs rôles.
Ce qui frappe surtout à la vision de ce film, outre le fait que l’on est totalement pris dans l’histoire et que l’on ne voit pas passer les deux heures vingt, est qu’il brasse une multitude de thèmes qui auraient justifiés un film pour chacun d’eux.
L’échange est un film historique qui restitue parfaitement la condition sociale d’une femme célibataire dans l’Amérique de l’entre deux guerres, un thriller qui suit les agissements puis la traque d’un serial killer tueur d’enfants, un film de tribunal, grande spécialité du cinéma américain, l’histoire d’une femme qui se bat contre un système implacable et à priori inattaquable (Erin Brockovich n’est pas loin) et un film inquiétant qui frôle le fantastique lorsque l’enfant retrouvé prend la place du disparu dans la maison de Christine Collins. On pense alors à l’Invasion des profanateurs de sépultures et à tous ces films emprunts de la paranoïa des années de Guerre Froide.
Si le réalisateur s’efface devant son histoire, certaines scènes comme l’exécution du condamné, intense et dramatique, ou les meurtres du serial killer, à peine entrevus mais traumatisants, laisse percevoir la maitrise d’un cinéaste qui n’a plus rien à prouver et qui continue d’explorer une certaine histoire de l’Amérique.

vendredi 7 novembre 2008

Quantum of Solace

Casino Royale avait marqué d’une pierre blanche la saga des James Bond et insufflé un renouveau salutaire chez un personnage de plus en plus anachronique.
L’attente suscitée par Quantum of Solace, qui réunit à nouveau Marc Foster à la réalisation et Daniel Craig dans le rôle de l’espion le plus célèbre du monde, et dont l’intrigue débute tout de suite après la fin de Casino Royale, était donc à la hauteur de l’évènement.
La déception n’en est que plus grande.
On ne s’ennuie pas, mais on se croirait revenu dix ans en arrière, dans les épisodes les moins réussis de la série. Le scénario semble inachevé et confus, les acrobaties de Bond redeviennent totalement surréalistes, bref, on regarde le film détaché comme on feuillèterait une bande dessinée légère, sans que cela ne suscite une grande implication.
Qu’est ce qui ne va pas dans ce nouvel opus ?
Le méchant tout d’abord, clef de voute de tout film réussi. Mathieu Amalric avait pourtant un potentiel intéressant pour incarner un personnage inquiétant, fou et dangereux. Il est ici d’une inactivité assez surprenante, accompagné par un homme de main qui est affublé d’une coiffure ridicule et dont la seule action avant de mourir bêtement sera de passer une mallette à un dictateur sur le retour.
Le personnage féminin ensuite, ne supporte pas la comparaison avec la grâce, le charme, l’intelligence de Vesper incarnée par une étonnante Eva Green. Olga Kurylenko est certes belle, sportive, essaie de paraitre déterminée mais rien n’y fait, on pense pendant tout le film avec regret à Vesper.
Daniel Craig enfin, est loin de l’incarnation animale qui nous avait tant surpris lors du précédent film. Si Bond multiplie les meurtres, il n’en parait pas pour autant plus inquiétant que cela. A la manière de ses illustres prédécesseurs, il emballe une pauvre fille en quelques minutes, couche avec avant qu’elle ne se fasse bien entendu tuer. On peut remarquer à ce propos un clin d’œil à Goldfinger dans la manière dont sa mort est mise en scène.
Le générique de début n’est pas particulièrement remarquable et la chanson, interprétée par Alicia Keys, est plus que moyenne. On peut toujours rêver de ce qu’en aurait fait Amy Winehouse qui semblait toute désignée pour prendre la succession de Shirley Bassey.
La fin du film ne nous apporte que peu de renseignement sur cette fameuse organisation omniprésente qui est sensée représenter une menace mondiale. Si le film surfe sur la vague écologique (le bien précieux convoité par les méchants est l’eau), le scénario n’en demeure pas moins bancal pour ne pas dire sacrifié.
Quantum of Solace est donc un Bond moyen, un film d’action bien réalisé mais une réelle déception par rapport à ce que laissait espérer Casino Royale.

mercredi 5 novembre 2008

Hellboy 2 - Les légions d'or maudites

Comme c’est souvent le cas pour un second épisode, le réalisateur, libéré de toute contrainte de présentation de ses personnages, peut s’exprimer pleinement sans passer trop de temps à planter le décor.
C’est exactement ce que fait Guillermo Del Toro qui nous offre avec ce second volet des aventures de Hellboy un spectacle total, complètement décomplexé et pourtant sensible et intelligent.
Le réalisateur mexicain continue ce qu’il avait initié dans le premier Hellboy, c'est-à-dire faire vivre et dynamiser l'univers si particulier de Mike Mignola, et construire un monde impensable peuplé de créatures sorties de toutes les mythologies possibles, et néanmoins d’une rare cohérence. Le cinéphile amateur de fantastique peut y piocher de multiples références, les non initiés en prendront plein la tête et les yeux.
Ainsi, le peuple des elfes auxquels les membres du BPRD sont confrontés auraient tout à fait sa place dans la trilogie du Seigneur des Anneaux de Peter Jackson. Les gardes qui défendent le roi contre son fils semblent tout droit sortis de l’univers de Silent Hill illustré par Christophe Gans. Le dieu de la forêt qu’affronte Hellboy en pleine ville pourrait être issu de l’imaginaire de Miyazaki. Et comment ne pas penser à A toute épreuve de John Woo lors du gunfight avec un bébé dans les bras ?
Aussi à l’aise avec des films de commande (Blade 2, Hellboy) que des œuvres plus personnelles (L’échine du diable, Le labyrinthe de Pan), Guillermo Del Toro confirme, si besoin était, qu’il est un grand cinéaste, un visionnaire qui sait rendre crédible les univers les plus fous, et surtout un passionné qui respecte ses personnages, et donc le spectateur. Les histoires d’amour entre Hellboy et Liz Sherman d’une part, et entre Abe Sapien et la princesse Nuala d’autre part, sont émouvantes car crédibles. Le réalisateur ne considère pas ses personnages comme des monstres mais comme des êtres sensibles, imparfaits et surement plus humains que les gens qu’ils s’efforcent de défendre et qui les jugent sur leur apparence physique. Le passage de la Fiancée de Frankenstein sur une télévision dans l’appartement de Hellboy n’est d’ailleurs pas innocent.
Hellboy apparait comme un être immature, incontrôlable et impulsif. Lorsque la mort (l’une des plus belles représentations de la Mort que l’on ait vu depuis longtemps) demande à Liz de choisir entre la vie de son amour et le destin de la Terre, elle choisit de sauver celui qu’elle aime. Abe Sapien n’hésite pas à donner le pouvoir à son ennemi par amour pour la princesse. Si les membres du BPRD sont des héros, ils sont aussi et avant tout des êtres vivants doués d’émotions et pas aussi irréprochables que cela, ce qui les rend d’autant plus crédibles.
Autre élément fort du film, le personnage du méchant qui, comme le disait Hitchcock, conditionne la réussite d’un film. Prince déchu, héros tragique d’un peuple qui s’éteint, meurtrier de son père et lié à jamais au sort de sa sœur jumelle, le prince Nuada est à la mesure du film, crédible, impressionnant dans ses combats, sans pitié pour la race humaine qu’il méprise et qui meurtrit une nature chère aux elfes.
Enfin, les combats de Hellboy 2 sont remarquablement chorégraphiés et plongent le spectateur au sein d’affrontements titanesques dignes des mangas les plus fous. Hellboy 2 est un spectacle de tous les instants, sans aucun temps mort, tour à tour épique, émouvant, comique, haut en couleur et totalement maitrisé.
Le fait que Peter Jackson ait choisit de confier à Guillermo Del Toro la prequel de sa trilogie du Seigneur des Anneaux est une excellente nouvelle et la preuve qu’il a su reconnaitre en lui un réalisateur passionné, respectueux et doté d’un talent fou.