jeudi 31 juillet 2014

La Planète des singes : l’affrontement

Il est toujours extrêmement désagréable d’être pris pour un imbécile, surtout quand on paye pour cela. C’est à peu près ce qui arrive aux spectateurs du nouveau film de Matt Reeves, déjà responsable d’un très surestimé Cloverfield. 
Le film débute sous les meilleurs hospices par une séquence quasiment muette d’une dizaine de minutes. Nous y découvrons la vie d’une communauté de singes après qu’un virus ait décimé une bonne partie de l’espèce humaine. D’une chasse épique à des relations sociales en devenir, on se croirait revenu aux premiers pas de l’Humanité des milliers d’années en arrière. Jusqu’à ce que surgisse des hommes justement, et une femme. A partir de là, le film prend l’eau de toutes parts pour ne jamais s’en relever.
 Qu’est ce qui cloche dans un blockbuster comme La Planète des singes ? Tâchons d’y voir plus clair. 
Commençons par la caractérisation des personnages. Le héros Malcolm, volontaire comme un scout (Malcolm va dans le village des singes, Malcolm va chercher des médicaments, Malcolm aide les singes à s’échapper,..) est entouré de son fils, un adolescent tardif renfermé sur lui-même qui ne communique qu’à travers ses dessins (autant dire que l’on n’a jamais vu cela ailleurs) et sa copine qui passe son temps à s’inquiéter pour lui, à essayer de sympathiser avec son fils et qui tient aussi lieu d’infirmière, soit un condensé de tous les clichés féminins tendance maternelle au cinéma. Comme dans chaque camp il y a des bons et des gentils, le méchant coté homme est vraiment un « sale con » (dixit dans le film) qui passe son temps à braquer les singes, tandis que le méchant singe a une balafre en plein visage, un œil crevé et des dents pointus. Comme cela, si un spectateur un peu discret ou endormi perd le fil de l’histoire, il est sur de différencier le grain de l’ivraie au premier coup d’œil. 
 Continuons par l’interprétation. Jason Clarke est d’une fadeur rarement vue à l’écran, bien entouré par ses compagnons qui récitent tous des dialogues vides de sens sans vraiment y croire. Le seul à tirer un peu son épingle du jeu est Gary Oldman dont le personnage, dont on ne comprend jamais vraiment les motivations, finit par lâcher un très douteux « tirez sur eux, ce ne sont pas des personnes » ! 
 L’histoire entend véhiculer des messages de tolérance et d’humanité mais elle le fait avec tant de lourdeur et de didactisme que cela en devient insupportable. Les dialogues sont à l’avenant d’un scénario qui cumule tous les poncifs du genre sans jamais s’embêter de la moindre crédibilité Passons sur le fait que les singes maitrisent le feu et le langage en quelques années et le maniement des armes à feu (fusil d’assaut et mitrailleuses lourdes) en quelques heures. Citons trois exemples (à ce niveau-là je ne parlerai pas de spoilers tellement les situations se devinent dix minutes à l’avance). 
La première fois que Malcom va dans le village des singes, il est poussé et trainé dans la boue avant d’échouer sur la place principale devant César. La deuxième fois, ce dernier est au chevet de sa femme (femelle ?) malade. On devine tout de suite que nos héros vont gagner sa confiance en la sauvant, ce qui ne loupe pas. Alors qu’il a été banni, Malcom se voit gentiment conduire dans la demeure même de César, alors qu’il n’aurait même pas dû franchir l’entrée du village. 
Deuxième exemple, lors de l’attaque des singes et de l’infiltration de Malcom, ce dernier se retrouve nez à nez avec l’un deux. Il y a peut-être deux cents singes en furie dans la tour, mais c’est devant le fils de César qu’il tombe, ce qui tombe bien pour la suite du scénario. 
Dernière scène aberrante, Malcom, toujours lui, au pied de la tour et entouré par des kilos d’explosifs C4 que Dreyfus s’apprête à faire exploser. Un petit saut de côté au moment de l’explosion et de la chute de tonnes de béton et de ferraille et le voici qui ressurgit quelques minutes plus tard comme si de rien n’était. 
A ce niveau-là ce n’est plus de la paresse scénaristique, c’est du mépris pur et simple envers le spectateur. Les producteurs et le réalisateur ont tout misé sur les singes, et La Planète des singes : l’affrontement est en effet une magnifique vitrine pour le travail incroyable réalisé par les équipes de Weta Digital. Mais un film est avant tout une histoire et des personnages auxquels on croit. Ici rien de tout cela, seule la scène inaugurale et le plan final sont à sauver. En fin de compte, il aurait été beaucoup plus intéressant d’évacuer toute présence humaine et de se concentrer uniquement sur les singes puisque tout le reste a été bâclé.

mardi 29 juillet 2014

The Raid 2

En 2011, Gareth Evans redéfinissait les contours du film d’action avec les bastons énervées et sauvages de The Raid. Trois ans plus tard, il n’a d’autres choix que de mettre la barre encore plus haut pour sa suite. Ce qu’il fait, sans pour cela trahir l’esprit de son premier acte, bien au contraire. 
Commençons par ce qui fâche, Gareth Evans est meilleur réalisateur que scénariste. Animé des meilleures intentions et ne voulant pas se cantonner à un pur film d’action, le gallois nous livre deux heures trente de ce qu’il imagine comme une saga criminelle lorgnant du côté du Parrain. Sauf que dès les premières minutes du film le spectateur ne retrouve pas ses petits entre les multiples personnages et les intrigues qui partent dans tous les sens. Il s’ensuit deux heures trente d’une histoire cousue de fil blanc au sein de laquelle on perd tout intérêt pour ce qui arrive au héros lui-même. Gareth Evans n’a clairement pas les moyens de ses ambitions scénaristiques et c’est bien dommage. Car passée cette scorie, il nous offre un spectacle tout simplement inouï et jusque-là inégalé en termes de combats et d’action pure. 
Alors que The Raid calquait sa structure narrative sur le jeu vidéo avec sa construction en niveaux et ses boss qu’il faut vaincre pour passer d’un étage à l’autre, The Raid 2 s’apparente quant à lui aux GTA et leurs mondes complètement ouverts. Quand on a compris que le déroulement de l’intrigue n’était pas le plus important, on prend un plaisir fou car, outre ses qualité de réalisateur et le soin qu’il apporte à ses décors et à sa photographie (on pense parfois à Only God Forgives de Nicolas Winding Refn), Gareth Evans apporte un soin tout particulier à ses personnages secondaires. 
A l’instar d’un Quentin Tarantino à l’apogée de son talent à l’époque de Kill Bill, et qui déjà puisait son inspiration dans l’univers des mangas, le réalisateur créé des personnages iconiques que l’on n’est pas prêt d’oublier. Hammer Girl, l’Homme à la batte de base ball et le l’Assassin, en plus de nous offrir les plus beaux combats d’un film qui en compte des dizaines, ne se contentent pas d’être des hommes (et femme) de main parmi d’autres. En quelques plans le réalisateur les fait exister (les relations entre Hammer Girl et l’Homme à la batte de base ball par exemple), leur prête des sentiments et les rend plus vivants que le pauvre Rama qui traverse le film en rendant coup pour coup. 
Citer les innombrables scènes d’anthologie ne suffirait pas à rendre justice au formidable travail des caméramans et des cascadeurs qui entourent Gareth Evans. Que ce soit la bataille rangée dans la prison, la poursuite automobile ou le combat dans la cuisine, on n’en finit pas d’écarquiller les yeux devant autant de générosité et de maitrise. Car oui, Gareth Evans maitrise sa caméra et son propos.
Assumant l’usage du gore et une violence décomplexée (il faut voir les chargeurs se vider en pleine tête à bout portant, ou le combat dans les cuisines du restaurant pour comprendre), ne versant pas dans la facilité d’un montage cut pour masquer la faiblesse des combats ou dans un humour potache pour désamorcer une violence que l’on n’assume plus (Expendables forever), le gallois fait le film qu’il veut envers et contre tout. Car on imagine que sortir un film de deux heures trente interdit aux moins de seize ans n’a pas dû être une partie de plaisir. Et quand on voit sur le net une scène coupée d’anthologie qui explore encore un peu plus la sauvagerie de l’affrontement entre les deux bandes rivales, on se dit que le garçon en a encore sous la pédale. 
Que Gareth Evans embauche un scénariste digne de ce nom et il sera le roi du monde. Quant au troisième épisode, je n’ose même pas imaginer ce qu’il nous réserve.

mercredi 9 juillet 2014

Dragons 2

En 2010, Dragons des studios DreamWorks créait la surprise par le brio de sa réalisation virevoltante, des personnages solidement caractérisés et attachants, ainsi qu’un scénario adulte ne reculant devant aucune concession pour asseoir son propos (voir l’état dans lequel Harold se retrouve à la fin). Le succès aidant, une suite est mise en chantier pour aboutir à ce Dragons 2 quatre ans après. Porté par l’aura du premier opus mais ne bénéficiant plus de l’effet de surprise, le réalisateur Dean DeBlois se retrouve seul, son comparse Chris Sanders ayant quitté le navire. Cette suite tient-elle toute ses promesses ? 
Plus que jamais, le parallèle entre les dragons qui vivent désormais en parfaite harmonie avec les vikings, et ces derniers est évidente, peut-être trop. Alors que dans le premier épisode Harold parvenait à apprivoiser un jeune dragon estropié avant de se voir lui-même amputé d’un pied, les analogies entre les humains et les dragons sont ici encore plus frappantes et viennent appuyer des thèmes classiques des films d’animation. 
(Attention SPOILERS) 
Ainsi, la mort du dragon Alpha ne vient qu’annoncer celle du père d’Harold. De même, Krokmou s’impose comme le nouveau roi des dragons au moment même où Harold accepte enfin son rôle de chef. Le propos, effleuré dans le premier épisode devient ici un peu plus accentué. De même, alors que dans lors de leur première rencontre, Harold et Krokmou vivaient des aventures assez linéaires, on assiste ici à une abondance de péripéties (la mère d’Harold, Drago) et un thème principal qui est le passage d’Harold du monde de l’enfance à l’âge adulte. Pour cela, il doit prendre la place de son père au moment même où sa mère disparue depuis des années ressurgie du passé (le complexe œdipien affleure), et à l’image de Krokmou, affronter de nombreuses épreuves afin d’accéder au statut de chef et surtout de s’accepter en tant que tel. 
(Fin des SPOILERS) 
La réalisation est toujours aussi fluide, le placement de la caméra et les angles de prises de vue (si l’on peut parler ainsi pour un film d’animation) sont toujours aussi pertinents, particulièrement pendant les scènes de vols qui sont d’une beauté époustouflantes. 
S’il ne renie pas ses influences, Dean DeBlois cite ouvertement Avatar quand on découvre l’antre des dragons menés par Valka, et va chercher du côté de chez Guillermo del Toro (d’ailleurs remercié dans le générique de fin) et son Pacific Rim pour l’aspect du Leviathan. On pense aussi aux peintures de Segrelles lors de la première apparition d’Harold casqué et harnaché, comme le Mercenaire du dessinateur espagnol sur son propre dragon. 
Techniquement toujours aussi bon, un peu en dessous de son modèle original pour ce qui est du scénario, Dragons 2 reste un film d’animation bien au-dessus de la moyenne qui ouvre la porte sur une inévitable suite.

lundi 7 juillet 2014

Big Bad Wolves

Prenons une louche de Prisoners pour le thème principal, une pincée de Fargo pour l’humour grinçant et des personnages aussi bêtes que dangereux, et un soupçon de Reservoir Dogs pour le huit clos et les scènes de torture. Accommodons le tout à la sauce israélienne et nous obtenons Big Bad Wolves, le film de l’année (dernière) pour Quentin Tarantino. 
Si cette caution apporte une publicité bienvenue au film, elle peut vite devenir écrasante, suscitant des espoirs qui, hélas, ne seront pas comblés. Car si Big Bad Wolves est certes une comédie très noire traversée par des scènes frappantes (la lecture des sévices infligées aux gamines est sérieusement gratinée) et des idées ingénieuses (la place de la caméra lors de la découverte du corps de la petite fille par exemple), on peut se demander si le film aurait trouvé les portes d’une distribution nationale sans l’adoubement d’un Tarantino que l’on a connu plus inspiré dans ses choix. 
Le scénario, assez malin mais néanmoins prévisible, utilise à répétition le même gimmick (le téléphone qui sonne au milieu d’un scène de tenson), ressasse des clichés un peu usés (la mère juive), et n’ose pas aller au bout d’un discours un tant soit peu politique avec le personnage de l’arabe traversant le film sur son cheval sans bien savoir ce qu’il fait là. Certains ont vus dans le film une critique de la société israélienne et de la paranoïa dans laquelle elle s’enferme un peu plus chaque jour. 
(Attention SPOILERS) Si cette société est incarnée par les personnages des tortionnaires, force est de constater que les réalisateurs ne font qu’enfoncer le clou puisque, aussi discutables que puissent être leurs méthodes, on découvre à la fin qu’ils ont raison (Fin du SPOILERS). 
Ne cherchons donc pas de message là où il n’y en a pas. Big Bad Wolves se montre suffisamment féroce et ne recule devant aucun excès pour susciter la sympathie. Passons quelques erreurs (le professeur ressort quasiment indemne de son premier passage à tabac pourtant méchant), des lourdeurs répétitives et un scénario tortueux qui ballade le spectateur pour au final l’emmener vers une fin pas aussi surprenante que cela. 
N’en déplaise à Quentin Tarantino, Big Bad Wolves n’est pas, et de loin, le film de l’année mais reste néanmoins une comédie d’une noirceur peu commune qui fera surement grincer quelques dents.