dimanche 16 mars 2008

Crimes à Oxford

Alex de la Iglesia, cinéaste espagnol agité à qui l’on doit des films aussi secoués que Accion Mutante ou plus récemment que le Crime Farpait, signe ici un film, en apparence, plus sage et conventionnel.
En apparence seulement et c’est ce qui nous fait regretter ce que nous aurions pu voir si le réalisateur avait donné libre court à son penchant pour la méchanceté et la monstruosité.
Crimes à Oxford est traversé de ces éclairs dérangeants propres au réalisateur. Que ce soit dans la représentation de la monstruosité physique au travers d’un homme tronc qui s’est lui-même lobotomisé, de personnages dérangés comme l’homme incarné par Dominique Pinon, ou de bouffées de méchanceté lorsque un car entier de trisomiques s’écrase et brûle.
Malheureusement, le film n’est que l’ombre du polar mathématique pervers qu’il aurait pu être et son énergie potentielle ne transparaît vraiment qu’au travers de flash back et de quelques personnages hauts en couleur. Il en reste une intrigue que l’on suit sans déplaisir mais sans réel passion, un rythme trop lent jusqu’à une fin assez savoureuse où le réalisateur s’intéresse davantage au processus qui conduit au meurtre qu’à la nature du meurtrier lui-même.
Pas de fin heureuse donc, puisque le héros incarné par Elijah Wood sacrifiera son aventure amoureuse au profit de son obsession pour le professeur incarné par John Hurt. Lequel, par un retournement de situation psychologique, inversera les rôles entre accusé et juge, démontrant ainsi que toute action ou parole a des répercussions dont on ne mesure pas toujours les conséquences (le fameux battement d’aile du papillon).
Mais ce qui ressort de Crimes à Oxford est aussi et surtout la fabuleuse présence de Leonor Watling. Malgré un rôle assez secondaire, Alex de la Iglesia filme son actrice avec intelligence et en fait ressortir toute la sensualité qui éclate à l’écran. Rien que pour cela, le film mérite amplement le détour.

Be kind rewind

Michel Gondry, bricoleur de génie, signe avec ce film un véritable manifeste pour le cinéma participatif et créatif.
Jack Black et Mos Def incarnent deux copains un peu en marge, l’un est une sorte de geek parano qui aurait toute sa place aux cotés de Fox Mulder, l’autre un garçon simple qui assure comme il le peut le remplacement de son patron et père adoptif au sein d’un vidéo club. Ce magasin un peu désuet qui ne propose que des VHS est la cible de vilains promoteurs immobiliers qui le remplaceraient bien par un immeuble plus présentable.
Lorsque le premier tente de saboter une centrale électrique et qu’il devient électro magnétique, il efface malgré lui toutes les cassettes. Les deux compères décident alors dans l’urgence de refilmer à leur manière et avec les moyens du bord les films loués par les clients. Le succès est tel que très vite la situation prend des proportions de phénomène culturel et contamine tout le quartier.
Be kind rewind est clairement un film générationnel (ceux qui n’ont pas été au cinéma dans les années 80 et 90 risquent de passer à coté de beaucoup de choses), une déclaration d’amour au cinéma et une incitation à se réunir pour partager un projet. Gondry ne se fait pas le chantre des films amateurs diffusés sur U Tube ou autre portail de vidéos que l’on regarde chez soit (souvent seul) devant son écran. Ce qui l’intéresse, ce sont avant tout les gens qui se rencontrent, partagent et créent ensemble.
De même, son film n’est pas comme on pourrait le croire un pamphlet contre les grosses productions américaines dont le budget est inversement proportionnel aux idées. En effet, il « suéde » aussi bien Miss Daisy et son chauffeur (en mettant d’ailleurs l’accent sur le caractère condescendant du film à l’égard des noirs) que Rush Hour 2.
Be kind rewind est un hommage non pas au film mais à ce qu’il en reste une fois que l’on sort de la salle. C’est l’imaginaire suscité par le cinéma qui est au centre de son œuvre, le film que l’on se fait dans sa tête des années après avoir vu l’original au cinéma, et qui est souvent assez éloigné de ce que l’on a effectivement vu. Comme à son habitude, Michel Gondry parvient à combiner inventivité, humour (le remake de Ghostbusters est d’ors et déjà culte), clins d’œil, nostalgie et réflexion. Ses films, qui paraissent fait de brics et de brocs, recèlent des trésors d’humanité.

Peur[s] du noir

Film atypique dans le paysage cinématographique français, Peur[s] du noir est un ensemble de courts métrages en noir et blanc sur le thème de la peur, ou plutôt des peurs.
Loin d’être une contrainte pour les différents auteurs, la plupart provenant de l’univers de la bande dessinée, ce cahier des charges exacerbe au contraire l’imagination de chacun qui, dans son univers particulier, livre autant de bijoux tant par la forme que par le sujet traité.
Que ce soit par le biais d’un film reprenant l’esthétique du manga, du comics américain ou de la bande dessinée européenne, chaque segment illustre à merveille des scénarii qui semblent sortis d’un épisode de la Quatrième dimension ou de Tales from the crypt.
Les différents segments de cet ensemble sont ponctués par une histoire cruelle illustrée par Blutch et par la voix de Nicole Garcia qui, sur le thème « j’ai peur de… » nous propose une illustration décalée, caustique et contemporaine de ce thème.
Les sujets traités abordent tour à tour la folie meurtrière, une maison hantée, des fantômes, un monstre qui hante un marais et une incroyable métamorphose. L’originalité et la cohérence de l’ensemble n’empêchent en rien chaque auteur de s’exprimer et de nous proposer son univers propre. La chute des histoires, ou plutôt l’absence de chute et des fins souvent ouvertes pourront laisser au spectateur une impression trouble de ne pas être aller au bout du dénouement et d’avoir louper quelque chose.
C’est souvent ce sentiment d’incompréhension, d’inaboutissement que laissent les cauchemars, et ce n’est pas le moindre mérite de ce film que de nous y plonger avec délice.