samedi 14 novembre 2020

Sérotonine

 

Houellebecq vieillit, et nous vieillissons avec lui, et chacun de ses romans marque une nouvelle étape dans cet aller simple vers le néant à laquelle il résume nos existences.

 Loin de délaisser son absence d’empathie pour ses contemporains et ce nihilisme contraint dont il fait son fonds de commerce depuis des années, il marque le pas dans ce nouvel opus et tranche singulièrement par une humanité, certes désespérée, mais non moins réelle, d’autant plus touchante qu’elle nous renvoie une fois encore à nos propres failles intérieures.

 Sérotonine est le roman du regret et des actes manqués, ces occasions qu’on laisse passer et que nous pleurerons notre vie entière, imaginant ce qui aurait pu être si seulement nous avions eu le courage. Le courage de dire je t’aime, d’accepter l’amour de l’autre, d’affronter nos démons et de ne pas fuir à nouveau. Houellebecq s’approprie le monde paysan comme un écrin à sa détresse et cette impression inéluctable d’un saut dans le vide, il aurait tout aussi bien pu dépeindre le prolétariat ouvrier pour illustrer son propos.

 Traversé de fulgurantes provocations (on y côtoie zoophiles et pédophiles, on envisage le meurtre d’un enfant sans pour autant passer à l’acte) et de personnages empreint d’une touchante sincérité, Sérotonine est avant tout le constat d’un échec, celui de nos vies, mais dépourvu de toute gravité. Après tout qu’importe, notre passage ici-bas est suffisamment court pour ne pas en faire toute une histoire s’il est raté.