jeudi 10 mai 2018

Death Wish

1974, Michael Winner met en scène Un justicier dans la ville avec le monolithique Charles Bronson. Trois ans plus tôt, Don Siegel offrait à Clint Eastwood le rôle mythique mais néanmoins trouble de l’inspecteur Harry Callahan. Il souffle alors un vent réactionnaire sur l’Amérique pré Reagan et le cinéma d’action ouvre la voie aux Stallone, Chuck Norris et autres Schwarzenegger. Quarante ans plus tard, les choses ont changé. 
Il y a eu les tueries de masse, la prise de conscience du problème des armes à feu aux Etats Unis, une société américaine en plein questionnement sur sa place dans le monde, loin des yuppies arrogants des années 80. Le remake de Death Wish que nous propose Eli Roth n’en est que plus désolant. 
Eli Roth, réalisateur malin et opportuniste capable du meilleur avec des films d’horreur nerveux et gores (Cabin Fever, Hostel 1 et 2) ou des thrillers vénéneux (Knock Knock) comme du pire avec The Green Inferno, hommage poussif aux films de cannibales, et maintenant ce remake gênant d’un classique du vigilante movie. Car contrairement à une lignée souvent digne d’intérêt (Death sentence de James Wan et sa réflexion sur les conséquences de la violence, Harry Brown et sa lecture quasi sociale du thème de l’auto défense), ce Death Wish version 2018 ne propose rien, ou si peu. 
Reprenant à la virgule près la trame du film original et situant son action à Boston plutôt qu’à New York, Eli Roth réalise platement un film qui n’explore à aucun moment son propre sujet, si ce n’est par le biais d’une studio de radio amorçant un vague débat rapidement tué dans l’oeuf. Bourré d’invraisemblances (le blessé arrive avec un flingue dans la poche à l’hôpital, Jordan Kersey sort de son coma pimpante comme une rose), servi par un Bruce Willis en service minimum depuis… depuis quand déjà ? Et traversé par la trop rare Elisabeth Sue, Death Wish ne joue ni la carte du second degré, ni celle d’une violence débridée comme on pouvait l’espérer de la part du réalisateur d’Hostel.
Death Wish est l’exemple même du remake qui n’apporte rien de neuf, ne procure que de rares moments de plaisir et se plante complétement d’époque. Un accident de parcours dans la carrière du réalisateur ou un vrai tournant ? L’avenir nous le dira.

mercredi 2 mai 2018

Foxtrot

Lorsqu’un officier de l’armée israélienne vient frapper à votre porte de bon matin, c’est rarement pour vous annoncer une bonne nouvelle. C’est cette expérience traumatisante que vont traverser Michael et Dafna dont le fils ainé Yonatan effectue son service militaire dans un poste frontière perdu en plein désert. 
Quoi de plus violent en effet que la mort d’un enfant, prompte à réveiller les secrets les mieux enfouis et à mettre à jour les personnalités les plus refoulées ? Le réalisateur israélien Samuel Maoz fait preuve d’une véritable maitrise qui éclate lors de scènes en état de grâce. Yonatan racontant la dernière histoire avant d’aller dormir, la tragique bavure du checkpoint ou encore cette scène empreinte d’une douloureuse beauté lorsqu’un couple arabe attend sous la pluie, humilié, que les soldats daignent enfin les laisser passer. Mais que d’efforts pour en arriver là ! 
La première moitié du film oscille entre des longueurs éprouvantes et un maniérisme à peine supportable. Il faudra en effet attendre ces scènes magiques pour se raccrocher à l’idée du film qu’aurait pu être Foxtrot. Car outre les lieux communs (l’auto mutilation pour se sentir vivant), l’usage des effets de caméra à outrance (le plan filmé du plafond est astucieux la première fois, il devient embarrassant au bout de quatre ou cinq reprises), Samuel Maoz en rajoute des tonnes dans une direction d’acteurs que seul le charme magnétique de la formidable Sarah Adler parvient à contre carrer. 
On passera sur une fin ratée (le suicide aurait donné au film une dimension tellement plus tragique qu’un banal accident) pour ne retenir que ces quelques moments en apesanteur sauvant in extremis un film qui, une fois n’est pas coutume, souffre d’un excès de mise en scène.