dimanche 30 janvier 2011

Au-delà

Trois histoires, trois destins avec un point commun, la confrontation avec la mort.
Marie, journaliste française fait l’expérience d’une mort imminente lors du tsunami en Thaïlande. Marcus voit son frère jumeau mourir presque devant ses yeux alors que leur mère envisage une cure de désintoxication. Enfin, George est médium bien malgré lui et entre en contact avec l’au-delà pour transmettre des messages aux vivants.
Alors que la mort et la disparition d’un être cher (L’échange, Million Dollars Baby, Mystic River,…) a toujours été au cœur de la filmographie de Clint Eastwood, c’est la première fois qu’il aborde le sujet de l’au-delà frontalement. Qu’y a-t-il après la mort, comment faire le deuil d’un être aimé qui disparait brutalement ?
Autant de questions universelles qu’un cinéaste aussi doué que Clint aurait pu transformer en un film sensible et intelligent, comme il l’avait fait avec brio d’une histoire d’amour improbable avec le magnifique Sur la route de Madison. Malheureusement, il n’en est rien.
La difficulté des films à segments est souvent le déséquilibre entre les différentes parties d’un ensemble qui n’est pas toujours cohérent. A la manière d’un Alejandro González Iñárritu, le réalisateur réunit les différents protagonistes de son histoire à la fin du film, mais la magie n’opère pas.
La partie la plus réussie du film est surement l’histoire du jeune Marcus qui, avec son frère Jason tente tant bien que mal de vivre une existence normale avec une mère droguée et des services sociaux qui voudraient bien les placer en famille d’accueil. Les deux frères s’accrochent l’un à l’autre comme à une bouée de sauvetage et quand Jason disparait, Marcus se retrouve perdu. Il tente alors par tous les moyens possibles de prendre contact avec son frère décédé et commence à expérimenter les multiples arnaqueurs qui se nourrissent du malheur des autres. Clint Eastwood brosse avec la sensibilité et la justesse qu’on lui connait le portrait d’un enfant qui a perdu tout ancrage avec la disparition de son frère et qui tente par tous les moyens de retrouver des repères pour poursuivre son chemin. C’est la rencontre avec George et par son intermédiaire un ultime rendez vous avec son frère qui lui permettra de faire son deuil et de continuer à vivre.
Le segment mettant en scène George et ce qu’il appelle sa malédiction, le fait qu’il puisse communiquer avec les morts, est également bien maitrisé, malgré quelques répétitions dans les séances de spiritisme. L’ébauche de flirt entre George et Mélanie, l’insistance de cette dernière pour expérimenter un dialogue avec les morts puis son refus d’entendre la vérité sont des moments forts portés par des acteurs en phase avec le sujet. Que ce soit avec Marcus ou George, Clint semble tout à fait à l’aise avec le milieu populaire et ouvrier qu’il connait bien.
Le gros problème du film vient de la partie française qui se situe dans le milieu des médias. Si Cécile de France est plutôt convaincante, les personnages mis en scène et les situations décrites sont peu vraisemblables. Le ridicule est atteint lors d’une séance de travail où il est question d’un livre sur Mitterrand. Les dialogues et les personnages sont caricaturaux et plombent définitivement tout ce qui va suivre.
Le film se conclut lors d’un final en total décalage avec le sujet traité, une sorte d’histoire d’amour parachutée entre George et Marie qui tombent dans les bras de l’autre alors qu’ils se connaissent à peine.
Clint est et reste un très grand cinéaste. La preuve en est par exemple dans la façon dont il met en scène le tsunami. Il filme la mer qui envahit les rues de la ville en emportant tout sur son passage de manière calme et posée, sans effet de style ou trucages inutiles, et l’ensemble est d’une force, d’une violence impressionnante. Mais on ne peut que constater que cette fois ci il s’est trompé de script. Le fait même qu’il évite au personnage de Marie de sombrer dans le ridicule alors que le scénario le pousse constamment dans cette voie montre d’ailleurs tout son talent de direction d’acteur.
Clint Eastwood n’a rien perdu de sa force, et Au-delà aurait d’ailleurs pu être l’un de ses films les plus forts. Mais c’était sans compter un scénario à peine digne d’un téléfilm de seconde zone.
Après l’expérience pour le moins malhabile de Peter Jackson avec Lovely Bones, le sujet de l’au-delà ne semble pas réussir aux plus grands réalisateurs. Exception faite du magnifique Always réalisé en 1989 par Steven Spielberg et scandaleusement occulté à l’époque par un Ghost qui traitait d’un sujet similaire avec mille fois moins de délicatesse et d’intelligence.

vendredi 14 janvier 2011

Harry Brown

Après la mort de sa femme suite à un cancer et de son meilleur ami assassiné par une bande de jeunes délinquants qui le martyrisaient, Harry Brown vit muré dans la peur.
Ce vieil homme qui habite une banlieue de Londres regarde par sa fenêtre les jeunes dealer de la drogue en bas de chez lui. Il n’ose pas emprunter le souterrain qui traverse la route, quitte à faire un détour pour ne pas se confronter aux gangs qui font la loi dans son quartier.
Il vit dans une peur permanente qui l’enferme dans une prison invisible plus hermétique qu’un quartier de haute sécurité.
Quand il apprend que les agresseurs de son ami risquent d’être relaxés, l’ancien marine qui a combattu en Irlande du Nord décide de réagir. Le soldat qu’il était prend le dessus. Il est seul et n’a plus rien à perdre que la vie. Une vie qui n’a plus aucun sens s’il doit vieillir caché dans son appartement. Harry Brown prend les armes et le pouvoir et la peur vont alors changer de camp.
Partant de ce principe, Harry Brown aurait pu être un film de vigilante de plus, mettant en scène un citoyen ordinaire décidant de se faire justice lui-même devant l’impuissance de la police à faire régner l’ordre. Ce serait sans compter un contexte social fort qui donne au film une dimension inattendue.
Le réalisateur refuse de tomber dans le piège de la violence facile et graphique. Le meurtre du vieillard ami d’Harry Brown ne nous sera montré que tard, par le biais de photos et d’un film sur un téléphone portable. Le déferlement de violence qui suit n’est pas spectaculaire mais sec et crédible, filmé sans complaisance.
Le personnage magistralement porté par Michael Caine n’est pas un justicier indestructible qui part en guerre contre le crime sous toutes ses formes mais un vieil homme coriace qui décide de nettoyer les rues où il vit comme il enlèverait les mauvaises herbes de son jardin. Alors qu’il élimine froidement deux dealers, Harry Brown prend des risques pour emmener à l’hôpital une junky camée jusqu’à l’os.
Pas de manichéisme donc, mais un constat social impitoyable. Celui d’une société gangrénée par une jeunesse à la dérive qui sombre dans la grande délinquance, d’une police incapable d’assurer son rôle de défenseur de l’ordre public.
Quand il se souvient de ses années passées dans l’armée, Harry Brown est lucide. Il combattait des gens qui se battaient pour un idéal. Aujourd’hui, il se dresse contre des jeunes qui tuent par jeu, pour se prouver qu’ils existent au sein d’une société qui ne veut pas d’eux.
Le film pose plus de question qu’il n’apporte de réponse. Preuve en est cette réplique de l’inspectrice Frampton qui lui demande comment tout cela finira t’il ? La vraie question ne serait elle pas plutôt comment tout cela a-t-il commencé ?
Le film alterne des moments de calme et de tempête avec des morceaux de bravoure comme l’incursion d’Harry Brown dans l’antre des trafiquants de drogue et sa confrontation avec Sid interprété par un Liam Cunningham hallucinant.
La scène finale qui met en scène cinq protagonistes dans un bar alors que la rue est proie à des manifestations digne d’une guerre civile rappelle les duels des meilleurs westerns. La tension est constante et l’occupation de l’espace par les différents protagonistes, la réalisation en huit clos est un modèle du genre.
Harry Brown ne tombe pas dans le piège d’une morale douteuse servie par une violence trop spectaculaire pour être honnête, comme c’est parfois le cas dans nombre de film traitant du même sujet.
Pas de vengeance aux accents bibliques ni de nettoyage des rues à l’arme lourde, seulement le sursaut d’un vieil homme fatigué de ne pas pouvoir sortir librement de chez lui, et la peinture sans concession d’une société malade de ses propres maux qui engendre des enfants qui se retourne contre elle.

dimanche 9 janvier 2011

Raiponce

Après un retour décevant à l’animation traditionnelle avec La Princesse et la Grenouille, les studios Disney adoptent l’animation en image de synthèse pour illustrer ce conte recueilli par les frères Grimm. Le résultat est sans commune mesure.
La différence ne se situe pas tant au niveau de l’animation, ici quasiment parfaite comme c’est souvent le cas chez Disney, mais bien dans les thèmes abordés et la façon de traiter l’histoire et les personnages.
L’histoire de Raiponce, princesse enfermée contre son gré dans une tour isolée par une mère de substitution et qui rêve de découvrir le monde dénote en effet quelque peu des précédents longs métrages du studio. Raiponce prône en effet l’émancipation d’une adolescente et sa révolte contre l’autorité parentale, même si dans ce cas elle est abusive et usurpée. Le message qui s’adresse aux jeunes est on ne peut plus clair : sortez du cocon familial pour aller découvrir le monde ! On est plus proche de l’esprit de Pixar que de celui de la maison mère Disney.
Raiponce est donc une jeune fille à la fois naïve et volontaire, assez éloignée des clichés habituels des princesses en vigueur dans les contes de fées habituellement illustrés par le studio. Il en résulte un personnage immédiatement attachant qui, tout au long des aventures qu’elle va traverser en compagnie du voleur Flynn Rider dans le « monde réel », va passer du statu d’enfant à celui de femme en perdant sa chevelure magique, source indirecte de son enfermement et de l’avidité de sa mère adoptive.
Raiponce est un film d’animation moderne et merveilleux qui ne laisse pas une seconde de répit au spectateur. Les scènes d’anthologie se succèdent et atteignent leur apogée avec le combat sur le barrage qui renvoie indirectement aux Indiana Jones, plus particulièrement le Temple Maudit, où les cheveux de Raiponce remplacent le fouet du professeur Jones.
Le film regorge également de passages comiques tous plus jouissifs les uns que les autres, et parfois assez grinçants, chose assez peu coutumière chez Disney. Témoin, la première rencontre entre la princesse et le voleur, au cours de laquelle celle-ci ira jusqu’à l’assommer deux fois de suite à l’aide d’une poêle à frire avant de lui coincer les doigts dans une armoire.
L’aspect plus adulte du film est clairement assimilé au cours de l’une des scènes finale quand la mère de Raiponce poignarde par surprise Flynn Rider. Celui-ci agonise dans les bras de sa belle, la chemise tachée de sang. Ce n’est pas encore les délires gores d’un Peter Jackson à ses débuts mais c’est tout de même assez inhabituel dans un film d’animation pour enfant.
A ce propos, la fin de la méchante mère adoptive de Raiponce, lorsqu’elle vieillit à grande vitesse et se transforme en une créature hideuse enveloppée par sa cape n’est pas sans rappeler les Nazguls du Seigneur des Anneaux pendant un bref instant.
Si l’on ajoute à cela des personnages secondaires tout à fait réussis (le cheval et le caméléon), des chansons moins pénibles que d’habitude, voire écoutables sans déplaisir, on obtient une heure trente de bonheur partagé par les parents et les enfants.
Il est encore trop tôt pour savoir si Raiponce marque un tournant chez les studios Disney qui, à l’image de leur filiale Pixar réaliseront des films à la fois distrayants, intelligents et surtout en phase avec leur temps. Toujours est-il que ce nouveau Disney est une belle réussite, espérons que ce soit le début d’une longue série.