dimanche 19 décembre 2010

A bout portant

A bout portant est l’exemple presque parfait de ce que devrait être un film de genre. Un scénario travaillé et épuré à l’extrême, des acteurs convaincants, des personnages crédibles et bien écrits, une action sans temps mort qui emmène le spectateur dès les premières scènes pour ne plus le lâcher.
Samuel est un homme tout ce qu’il y a de plus ordinaire. Il prépare son diplôme d’infirmier et s’apprête à devenir papa. Entre sa femme enceinte qu’il chérit et son métier dans un hôpital comme il en existe des centaines en France, son existence se déroule sans heurts.
Jusqu’à ce que sa vie bascule quand il croise, bien malgré lui, la route de Hugo Sartet, un braqueur hospitalisé objet de toutes les attentions. La police, son frère, des flics ripoux, tous le recherchent pour différentes raisons. Quand sa femme se fait kidnapper, Samuel se voit obliger d’aider le malfrat à s’échapper de l’hôpital s’il veut la revoir vivante.
Commence alors une longue course contre la montre qui va le changer à jamais.
Pour son deuxième film en tant que réalisateur, Fred Cavayé a eu l’intelligence de se démarquer des artifices qui alourdissent la plupart des thrillers actuels. Ici, pas de fusillades chorégraphiées à l’extrême, de montage cut, de ralentis artistiques, de personnages invraisemblables ou d’explosions monumentales.
Samuel n’est pas un surhomme ni un agent super entrainé. Au terme d’une longue course poursuite dans le métro parisien, il s’écroule et vomit sur le trottoir. Ses actes de bravoure lui sont dictés par l’urgence de la situation et la volonté farouche de sauver sa femme et son bébé, qu’elles qu’en soient les conséquences.
Longtemps cantonnés aux seconds rôles mémorables, Gilles Lelouch campe avec aplomb cet homme ordinaire plongé au cœur d’une situation extraordinaire. Face à lui, Roschdy Zem incarne avec une sobriété exemplaire un truand froid et méthodique que l’on devine aussi droit que dangereux.
L’une des forces du film tient aussi dans une galerie de seconds rôles efficaces, avec en tête de file un Gérard Lanvin impressionnant dans le rôle de l’ordure de service. Le commandant Werner qu’il interprète et sa bande de flics ripoux auraient toute leur place dans l’univers du Dobermann imaginé par Joël Houssin.
A bout portant est un modèle de rythme, l’action ne faiblit jamais si ce n’est au cours d’un flash back explicatif en plein milieu du film, surement nécessaire pour la compréhension de l’histoire mais qui vient casser inévitablement le cours de l’action. Autre petit défaut du film, un montage un peu trop court d’une scène durant laquelle Samuel, au prise avec un flic dans le commissariat, se saisit d’une haltère pour l’assommer. La scène est coupée au moment où il prend les poids et on ne peu qu’imaginer la suite.
De bien petits détails au sein d’un film tendu et remarquablement maitrisé qui montre bien si besoin est, que le paysage cinématographique français peut engendrer des films d’actions qui n’ont à rougir d’aucune comparaison avec leurs homologues américains ou asiatiques.
Qualité d’écriture, d’interprétation et de réalisation, tous les ingrédients sont réunis pour donner au spectateur le maximum de plaisir pendant une heure trente. C’est d’autant plus rare en France qu’il faut le souligner et ne pas bouder son plaisir.

mardi 7 décembre 2010

Machete

Le diptyque Grindhouse inventé et réalisé par Quentin Tarantino et Robert Rodriguez comportait une série de fausses bandes annonces aussi réussies que totalement jouissives. Devant le succès rencontré par Machete, Robert Rodriguez décide de franchir le pas et de réaliser le film correspondant.
Il met alors en scène un film dont la tête d’affiche est Danny Trejo, éternel second couteau des films de genre, alors que des stars comme Robert De Niro ou Don Johnson interprètent des seconds rôles. Belle revanche pour cette gueule burinée de 66 ans trop longtemps reléguée au second plan.
Mais au-delà du concept, Machete s’impose surtout comme un film dont le seul but est de procurer le maximum de plaisir coupable aux spectateurs. Et dans ce domaine, le pari est totalement réussi.
Car au contraire de son copain Tarantino, Robert Rodriguez n’oublie pas que pour qu’un hommage à un genre soit réussi, il faut avant tout en respecter les règles. Si Frankenstein Junior, le Bal des Vampires ou Shaun of the Dead sont de telles réussites, c’est parce qu’ils sont des films de monstres, de vampires ou de morts vivants avant d’être des parodies. Alors que depuis Kill Bill, Tarantino semble privilégier le coté référentiel plutôt que le plaisir engendré par les films qu’il cite en pagaille, Rodriguez marie harmonieusement les deux.
Avec Planète Terreur il rendait hommage aux films qu’ils aiment sans oublier de réaliser une authentique série B. Pendant ce temps, Tarantino réalisait un Boulevard de la Mort non dénué de qualité, mais qui se regardait un peu trop le nombril.
Machete est donc un condensé de tout ce que l’on peut trouver dans les séries B réalisées dans les années 70. Une violence exacerbée et presque cartoonesque, un soupçon d’érotisme, des personnages hauts en couleurs, des méchants qui se prennent au sérieux et des héros qui ne meurent (presque) jamais, une flopée de seconds rôles hauts en couleurs et surtout un héros hard boiled comme on n’en fait plus.
Le film regorge de moments de bravoure (la scène d’introduction, redoutable d’efficacité), de situations irréelles (Machete saute d’une fenêtre en s’agrippant à l’intestin d’un méchant qu’il vient d’éventrer…), de dialogues cultes (« Machete n’envoie pas de texto »). Et surtout, chose assez rare pour être soulignée, tous les acteurs, sans aucune exception, sont excellents.
Rodriguez n’oublie pourtant pas le contexte social et invente quasiment le concept de mexploitation des années après celui de blacksploitation. Ici, ce ne sont pas des noirs de Harlems qui sont persécutés et qui relèvent la tête devant l’oppresseur blanc, mais des mexicains immigrés plus ou moins légalement au Texas qui doivent faire front devant des politiciens corrompus et racistes, les cartels de la drogue et des brigades d’auto défense fascistes.
Loin de n’être qu’un spectacle sans cervelle, Machete explore l’une des faces cachées de l’Amérique contemporaine, celle des dos mouillés, des problèmes frontaliers et de l’intégration. Du spectacle engagé donc, mais avant tout du spectacle.
Et la grande force de Rodriguez (largement partagée par Tarantino tout de même) est de créer des personnages immédiatement cultes interprétés par des acteurs qui n’ont jamais été aussi bons. Dans le rôle du trafiquant Torrez, Steven Seagal livre ainsi sa meilleure partition depuis… bien longtemps ! A l’instar Mickey Rourke, c’est à une véritable résurrection que nous assistons là. Il en va de même pour Don Johnson, Lindsay Lohan, un Jeff Fahey hallucinant, Cheech Marin, Michelle Rodriguez ou Jessica Alba, tous plus impressionnants les uns que les autres.
Bon, Machete n’est certes pas un film parfait. Robert Rodriguez cède à la tentation de l’autocitation et nous refait la scène du lit de Desperado où Danny Trejo et Jessica Alba remplacent Antonio Banderas et Salma Hayek alors que les méchants encerclent la maison. Le final dérive quelque peu vers le grand n’importe quoi où tout le monde règle ses comptes dans le plus grand désordre. Certains personnages, comme celui de Lindsay Lohan qui passe de mannequin camée à nonne vengeresse en quelques heures semblent un peu trop artificiels.
Mais en dehors de ça, quelle claque !
Robert Rodriguez possède un vrai sens de la mise en scène, on le savait depuis El Mariachi. Mais surtout, il est lui aussi (avec Tarantino, oui, quand même) un véritable passionné qui connait sur le bout des doigts autant qu’il les respectent les règles des genres qu’il illustre.
Machete est dans la droite ligne de Planète Terreur, un film de passionné pour les passionnés.