samedi 20 janvier 2024

Godzilla Minus One

En 1947 le Japon se remet difficilement d’un double traumatisme. L’impact de deux bombes nucléaires sur les villes de Hiroshima et Nagasaki et la honte nationale d’une reddition qui met fin à la Seconde Guerre Mondiale. Sans compter une tutelle américaine humiliante qui interdit au pays toute défense armée et qui, contrairement à l’Allemagne, l’empêchera de tourner durablement l’une des pages les plus sombres de son histoire. 
Ces deux blessures béantes sont symbolisées dans ce nouvel opus du plus célèbre des Kaijū par les deux personnages principaux. Le premier est Koichi, un kamikaze hanté par une double trahison lorsqu’il refuse de se suicider aux commandes de son avion et quand il fuit un premier affrontement avec Godzilla, laissant ses mécaniciens se faire massacrer sous ses yeux sans intervenir. 
Allégorie de la société japonaise telle qu’elle se perçoit au lendemain de la guerre et incarnation de l’humiliation d’un pays entier mais aussi d’une certaine forme de résistance en refusant son rôle de kamikaze, Koichi ne pourra aller de l’avant et continuer à vivre qu’en se rachetant en affrontant l’autre face de ce double traumatisme, Godzilla en personne, gigantesque monstre incarnant à la fois la puissance et la terreur du nucléaire, créature tout droit sortie de la mer à la fois nourricière et source de toutes les menaces quand on vit sur une île. 
Ancré dans son époque, l’immédiat après-guerre, et volontiers critique vis-à-vis du gouvernement japonais et des institutions, Godzilla Minus One allie drame intimiste autour de la cellule familiale tour à tour détruite et reconstruite et des scènes de destruction massives caractéristiques de la saga. Des batailles maritimes aux affrontements terrestres, le nouveau film de Takashi Yamazaki fait la part belle à une créature plus iconique que jamais et parfaitement terrifiante dans son potentiel de destruction aveugle. 
Si le film aurait gagné à écourter certaines scènes plus intimistes autour de son personnage principal Koichi et de son trauma, il n’en reste pas moins un épisode majeur de l’une des franchises les plus emblématiques de l’histoire récente d’un pays entier.