mercredi 29 octobre 2008

Mesrine, l'instinct de mort

Le choix de Jean François Richet pour adapter à l’écran la vie de Jacques Mesrine est à la fois un bon et un mauvais parti.
Le réalisateur a montré avec Assaut sur le central 13, le remake du Assault de Carpenter, qu’il savait réaliser un film d’action efficace et hors norme. Mais Richet est aussi le réalisateur de Ma 6-T va crack-er, un militant qui ne cache pas son refus de l’ordre établi, voire de la société actuelle. Le message de fond de Ma 6-T va crack-er était contestable en légitimant quasiment les émeutes et les violences des banlieues.
Malgré ses déclarations, force est de constater qu’avec ce premier volet de Mesrine, il retombe dans les mêmes travers et peine à cacher son admiration pour celui qui fut dans les années 80 l’ennemi public numéro 1.
Mesrine est certes montré dans le film comme un homme violent, extrémiste et un véritable metteur en scène de ses actes. Il commet des meurtres mais ils sont plus ou moins légitimés, notamment quand il venge une prostituée défigurée par son mac. Il vole, mais seulement aux riches, il kidnappe un milliardaire et sympathise avec des indépendantistes canadiens. Bref nous ne sommes pas loin des figures mythiques de révoltés qui défient la société. Mais ce serait oublier un peu vite que ces personnages de légende (Guevara en tête pour ne citer que le plus emblématique) défendait une cause. Mesrine lui agit pour son propre compte et n’hésite pas à tuer pour arriver à ses fins personnelles.
Ceci étant, Mesrine est bien réalisé, habité par un Vincent Cassel animal, secondé par des seconds rôles impeccables (Depardieu, Lellouche) mais parfois sacrifiés (Cécile de France). On peut reprocher à Richet certains effets de style un peu artificiels (les split screens et les effets de miroirs quand il se prend pour De Palma !), mais on doit lui reconnaitre une parfaite maitrise des scènes d’actions.
L’un des principaux points faible de ce premier volet, dans sa forme, est cette sensation que le réalisateur a tourné 3 ou 4 heures de film et que, forcé par des contraintes de production, il en a monté les meilleures séquences bout à bout. On a ainsi la sensation de traverser la première période de la vie si tumultueuse de cet homme hors du commun à toute vitesse. Les années défilent et on aimerait parfois s’attarder un peu sur certains personnages (Jeanne en particulier) ou certains épisodes de son existence.
Attendons le second volet de Mesrine pour porter un jugement global sur un film ambitieux et décomplexé dans sa forme, mais discutable sur la manière dont sont montrés les faits.

dimanche 19 octobre 2008

Tropa de Elite

Se situant à mi chemin entre la Cité de Dieu (dont le scénariste à participé à l’élaboration de ce film) et The Shield, Tropa de Elite suit le quotidien des policiers du BOPE, une section spéciale de la police militaire brésilienne intervenant dans la lutte anti drogue au cœur des favelas.
L’histoire, racontée en voix off par le capitaine Nascimento, se concentre sur la volonté de celui-ci de quitter sa fonction pour se consacrer à sa femme et son fils nouveau né. Pour cela, il doit auparavant sélectionner et former celui qui le remplacera. Deux candidats sortent du lot, Neto et Matias. L’un a tendance à intellectualiser, et peut être idéaliser un peu sa fonction, l’autre fonce tête baissée et réfléchit ensuite. Les deux ont comme point commun de ne pas être corrompus comme la majorité de leurs collègues policiers. Bien entendu, rien ne se passera comme prévu et le choix du capitaine Nascimento se trouvera précipité par des évènements tragiques.
Tropa de Elite est un film qui a suscité une certaine polémique lors de sa sortie, certains journalistes accusant son réalisateur José Padilha de tendance fasciste pour montrer sous un angle trop favorable ces troupes d’élites. Force est de constater à la vision du film qu’il n’en est rien.
Certes, le tournage caméra à l’épaule, les éclairages soignés, la bande son rap, la maitrise des scènes d’action font de Tropa de Elite un film prenant, formellement réussi. Mais est-il nécessaire d’être ennuyeux ou de filmer des images pourries pour dénoncer les personnages ou les actions que l’on montre ? De la formation des jeunes recrues aux descentes dans les favelas, des rites d’initiation aux séances de tortures, rien dans ce que nous montre José Padilha ne peut être taxé de sympathie pour cette police aux méthodes aussi dures que les meurtriers qu’elle traque.
La BOPE constitue la réponse extrême à une criminalité de plus en plus dure et organisée, et à la corruption généralisée des services de police brésiliens. Le réalisateur n’excuse en aucune manière leurs pratiques extrémistes, mais les resitue dans leur contexte.
On peut en effet regretter que certains personnages gravitant autour des policiers de la BOPE (trafiquants, étudiants, membres d’ONG) ne soient pas suffisamment développés et manque un peu d’épaisseur. De même, la première demi heure du film parait assez confuse et l’on a du mal à identifier chaque protagoniste et à comprendre les trafics et combines montées par chacun.
Cette exposition étant faite, Tropa de Elite prend toute sa mesure de tragédie et le film conduit chacun des principaux protagonistes vers sa destinée forcement douloureuse. Une mort violente pour certain, le désagrégement de la cellule familiale, la perte des illusions et la spirale de la violence pour d’autres. José Padilha n’épargne personne, des narco trafiquants qui contrôlent les favelas et ont le pouvoir de vie ou de mort sur ses habitants, aux policiers aux chemises noires qui renvoient directement aux milices des dictatures sud américaines de sinistre mémoire, en passant par ces étudiants fils et filles de riches qui prennent la pose en s’insurgeant contre l’ordre établi et la police, en s’investissant dans des ONG locales tout en s’encanaillant avec les dealers de drogues, en sniffant de la cocaïne ou en fumant des joints.
Certains d’entres eux en paieront le prix élevé et c’est surement pour ces personnages que le réalisateur a le moins de compassion. On le comprend.

dimanche 12 octobre 2008

Vicky Cristina Barcelona

Vicky et Cristina, deux new yorkaises amies passent un été à Barcelone. L’une (Rebecca Hall) est brune, sur le point de se marier avec un bon parti, sage et peu aventureuse en amour. L’autre (Scarlett Johansson) est blonde, elle vient de quitter son fiancé, elle ne sait pas ce qu’elle veut mais seulement ce qu’elle ne veut pas. Sur place, elles font la connaissance de Juan Antonio (Javier Bardem), un peintre entreprenant et séducteur qui leur propose un week end avec lui. Après cette rencontre, plus rien ne sera comme avant pour les deux amies. Jusqu’au retour de Maria Helena (Penélope Cruz), l’ancienne femme de Juan Antonio, aussi lunatique qu’explosive.
Précédé d’une réputation sulfureuse et très élogieuse dans la presse, ce nouveau film de Woddy Allen risque de décevoir un peu son public. Certes, le film est drôle, enlevé, coloré comme l’Espagne, servi par des interprètes magnifiques. Mais l’on y cherche pourtant en vain l’élégance, la maitrise et même la sensualité de Match Point.
Bien que l’on retrouve dans ce film les dialogues brillants, la frénésie et les thèmes récurrents qui font l’univers si reconnaissable du cinéaste, Woody Allen semble, dans certaines scènes, se contenter d’observer une palette d’acteurs il est vrai de premier plan.
Scarlett Johansson y est sensuelle, inconsistante, Javier Bardem représente le stade ultime du séducteur latin, Penélope Cruz est une tornade qui bouffe chacune des scènes où elle apparait. Entre toutes ces célébrités, Rebecca Hall aurait pu être écrasée. C’est elle au contraire qui joue avec le plus de nuance cette femme écartelée entre son désir de vivre sa passion jusqu’au bout et sa peur de s’écarter des conventions et de la promesse d’une vie surement un peu ennuyeuse mais rassurante. Elle exprime à merveille sa peur de s’engager, son désarroi devant son amant d’un jour, son ennui des mondanités.
Vicky Cristina Barcelona est un spectacle de tous les instants, des dialogues savoureux servis par une distribution prestigieuse, des personnages hauts en couleur, la beauté de Barcelone qui fait écho à celle des protagonistes du film. Cependant, on ne peut se détacher en sortant de l’impression d’avoir assisté à une succession de scènes un peu décousues. Décousues mais brillantes.

samedi 11 octobre 2008

Eden Lake

Le cinéma de genre anglais confirme sa bonne santé en produisant régulièrement des films coup de poing, sans concession et souvent brillants. Eden Lake n’est pas aussi réussi que The Descent dont l’affiche du film se réclame, mais il est d’une noirceur qui ne laisse pas indifférent.
Jenny, interprété par la charmante Kelly Reilly, est une maitresse d’école que son fiancé emmène en week end sur les bords d’un lac. Ils rencontrent une bande d’adolescents bruyants et sans gêne qui, de fil en aiguille, va se montrer de plus en plus agressif, jusqu’au drame.
Eden Lake oppose d’emblée le jeune couple de cadre moyen comme ils se définissent eux même, qui roule en 4x4, possède un GPS et rêve d’un petit chalet dans la campagne, aux autochtones rustres, vraisemblablement pauvres, brutaux, et aux physiques peu engageants. La comparaison aurait pu s’avérer délicate et réductrice si le film avait pris la voie du drame sociale, mais il n’en est rien.
Après une première partie de mise en place un peu longue, Eden Lake suit très vite la trace de Délivrance et des Chiens de paille sur la voie de la chasse à l’homme en pleine forêt et de la victime qui se retourne contre ses agresseurs. Malheureusement la comparaison s’arrête là, car le film est loin de ses prestigieux modèles.
Malgré la très bonne interprétation de Kelly Reilly, le personnage de Jenny trahit cependant un certain manque de cohérence dans ses actes, notamment lorsqu’elle décide de se cacher dans une poubelle nauséabonde (la sortie de la poubelle n’est d’ailleurs pas sans rappeler l’une des scènes de The Descent) ou qu’elle assiste au martyrs de son fiancé plutôt que de s’éloigner pour appeler de l’aide sur son portable. De plus, le rythme du film est souvent coupé par des retours en ville qui, s’ils peuvent apporter quelques éléments d’explications sur les familles et l’environnement des enfants, perturbent cependant le sentiment d’oppression ressenti au sein de la forêt.
Le thème de la délinquance juvénile, voire de la violence la plus extrême chez les groupes d’enfants ou d’adolescents, est un sujet souvent abordé dans le cinéma anglais. D’Orange Mécanique à This is England, du phénomène du hooliganisme aux skins head, la violence chez les jeunes semble être un problème sociétal très présent en Angleterre. Eden Lake aborde les faits de manière brutale, en apportant quelques éléments d’explication (l’influence d’un chef sur une bande de gamins, l’environnement familiale de ces enfants), mais sans proposer vraiment une réflexion poussée sur ce thème.
L’intérêt du film n’est pas dans l’approche psychologique des personnages, mais bien dans leur comportement extrême. D’une scène de torture éprouvante à un final d’une noirceur totale, Eden Lake est un film qui marque. Malgré quelques invraisemblances scénaristiques, la réussite du film tient surtout dans l’interprétation des personnages, Kelly Reilly et la bande de gamins en tête.