samedi 18 février 2023

La tour

Que celles et ceux qui gardent foi en l’humanité passent leur chemin. Ici c’est le néant, au propre comme au figuré, pas même une petite lueur d’espoir pour sauver ces cent cinquante habitants piégés dans une tour d’habitation par une brume opaque qui dévore quiconque s’y aventure. 

Reprenant la trame de la nouvelle The Myst de Stephen King, Guillaume Nicloux livre un film parfaitement maitrisé d’un nihilisme rarement vu sur grand écran. 

Alors que les habitants s’organisent pour survivre à cet isolement forcé, le communautarisme s’impose et des groupes de défense s’organisent par couleur de peau. Les noirs avec les noirs, les arabes avec les arabes, les blancs avec les blancs. Très vite, d’alliances douteuses en trahisons forcées, le quotidien devient un enfer où on se prostitue pour un joint ou une boite de conserve et où le trafic des animaux de compagnie remplace les deals de drogue. 

Guillaume Nicloux filme au plus près la dégénérescence des personnes et des lieux tout en ayant l’intelligence de ne pas sombrer dans le gore inutile et les effets de manche gratuits. Porté par une distribution solide et la volonté d’ancrer son histoire dans un réalisme crédible, le réalisateur nous balance en pleine figure ce que l’être humain peut révéler de pire en situation de crise. 

Fable sociale, huit clos étouffant, conte d’horreur, La tour se révèle une excellente surprise surgie de nulle part, haletante, glaçante et terriblement crédible.

vendredi 17 février 2023

Projet Wolf Hunting

Projet Wolf Hunting ne restera pas dans les mémoires pour son scénario truffé de flashback nébuleux, sa conclusion abrupte et inachevée ou son montage reléguant la structure narrative au second plan. Pas plus que par son interprétation approximative de personnages écrits à la truelle et dont le principal intérêt est de se demander de quelle manière spectaculaire ils vont passer de vie à trépas. 

Pourtant on ne peut que saluer l’enthousiasme communicatif dont fait preuve le réalisateur de cette série B hargneuse qui fleure à de nombreuses reprises avec du Z digne des pires (meilleurs ?) bis italiens des années quatre-vingt. 

Croisement improbable entre Les ailes de l’enfer et Universal Soldiers, ce Projet Wolf Hunting démontre une fois de plus l’incroyable liberté de ton du cinéma coréen qui s’autorise toutes les digressions possibles pour contenter des spectateurs pourtant rompu à ce genre d’exercice. 

Véritables montagnes russes aussi généreuses que maladroites, le film de Hong-seon Kim passe d’une scène de fusillade hardcore à une expérimentation interdite en pleine jungle et nous immerge au milieu de mafieux psychopathes bientôt décimés par un soldat invincible revenu du passé. 

Bancal, mal monté et brouillon, ce Projet Wolf Hunting force pourtant le respect en poussant son propos dans ses derniers retranchements, là où le bon goût et la retenue ne mettront jamais les pieds.

samedi 4 février 2023

Knock at the Cabin

Huit clos étouffant, sous texte quasi mystique et choix impossible sur fond d’apocalypse mondiale, le nouveau film de M. Night Shyamalan brasse des thèmes multiples et interroge sur l’intime confronté à l’universel en mettant dans la balance la vie d’une famille et celle de l’humanité toute entière. 
On pense souvent au sous-estimé Phénomènes devant ces catastrophes inexpliquées et mortelles, mais aussi à Take Shelter et sa fin du monde inexorable vécue à l’échelle d’une famille. Pourtant, si le postulat de départ est une fois encore franchement enthousiasmant (un couple et son enfant sommés de sacrifier l’un des leurs pour éviter l’anéantissement de toute la population mondiale), Knock at the Cabin ne parvient jamais à se hisser au niveau du chef d’œuvre de Jeff Nichols. 
Contrairement aux visions cauchemardesques et au comportement obsessionnel du personnage incarné par Michael Shannon dans Take Shelter, les prémices de la catastrophe ne nous parviennent ici qu’à travers des flashs télévisuels distanciés qui ne suscitent que peu d’empathie. 
Malin, efficace et pertinent dans sa volonté de questionner nos convictions et ce que nous sommes prêts à sacrifier pour sauver un être aimé ou des milliards d’inconnus, Knock at the Cabin aurait gagné à nous faire ressentir l’effroi de la situation plutôt que de l’étirer en dialogues trop démonstratifs. Il n’en reste pas moins un thriller horrifique original et tendu parsemé de scènes mémorables (le tsunami, les avions), jusqu’à un final décevant au regard des enjeux du film. 
M. Night Shyamalan, à l’instar de Jordan Peele, n’a pas son pareil pour poser des pitch passionnants sur la table, parfois trop ambitieux pour les mener à terme. C’est sa force, sa marque de fabrique mais aussi sa limite.