dimanche 23 septembre 2018

Climax

D’abord il y a des visages. Hommes et femmes, hétéros ou homos, blancs ou noirs, français ou allemand, ils sont tous venus passer une audition pour un spectacle de danse dont les répétitions se déroulent à huis clos dans un chalet enneigé. On devine que la plupart des danseurs ne sont pas des acteurs professionnels, pourtant tous irradient d’une sincérité rare dans leurs propos. 
Vient ensuite la danse, une chorégraphie sauvage, faussement improvisée, un maelstrom de corps virevoltant les uns avec les autres. Rarement une scène filmée en plan fixe aura dégagé autant d’énergie et de maitrise de l’espace. Ainsi s’achève la première partie de Climax et l’on se prend à rêver à la grenade dégoupillée que vient de nous balancer le réalisateur à la figure. La déflagration promettait d’être intense, la descente à la hauteur d’une ascension vers les sommets du cinéma hexagonal contemporain. Sauf que non. 
Fidèle à ses thèmes de prédilection, Gaspard Noé nous inflige quarante-cinq minutes d’une Star Academy version trash suivi d’un mauvais trip interminable agrémenté de plans inversés et de filtres rouge sang. Alors oui, l’expérience est sensitive, cela ne fait aucun doute, mais pour servir quoi ? Ne mélangez pas de LSD avec votre sangria sous peine de gâcher votre soirée ? 
La cohésion affichée en début d’audition par la troupe de jeunes danseurs se fissure rapidement devant les dissensions internes, les jalousies et les frustrations, pour au final exploser dans une débauche de violence expliquée, sinon excusée à demi-mots par l’emprise de la drogue. Torche humaine, avortement à coups de pieds dans le ventre, auto mutilation, Gaspard Noé s’en donne à cœur joie sans pour autant verser dans le genre horrifique proprement dit. 
Il nous a déjà prouvé qu’il savait choquer (Irréversible), nous faire partager les trips les plus bizarres sous l’emprise de substances illicites (Enter the Void), nous entrainer dans la vacuité la plus profonde (le détestable Love), il nous démontre à présent qu’il peut filmer dans l’urgence des scènes remarquables et mettre une énergie communicative au service d’un vide abyssal. Pas le vide fascinant que l’on contemple au pied de l’abime, celui beaucoup plus ennuyeux d’un mauvais trip interminable étiré sur une bonne demi-heure. 
La déception et la frustration d’une entreprise que l’on considérera au mieux comme un peu vaine est d’autant plus forte que le réalisateur fait preuve d’un savoir-faire en s’entourant d’une troupe d’acteurs impeccable (exception faite de la mère de famille au jeu parfaitement faux) et en nous servant une bande son exemplaire. Gaspard Noé entend bousculer le cinéma français, pari à moitié tenu, l’autre moitié étant d’un ennui plombant.