dimanche 20 septembre 2009

Fish Tank

Fish Tank est un film à double facette.
C’est d’une part le portrait social de la classe défavorisée anglaise dans la veine d’un Ken Loach, auquel le film emprunte d’ailleurs l’actrice Kierston Wareing qui fut l’interprète principale d’Its a free world. Mais le film est aussi une chronique de l’adolescence au travers de Mia, jeune fille en colère magistralement interprétée par une Katie Jarvis débordante d’énergie.
Et de l’énergie, le film en a à revendre.
C’est d’ailleurs cette constante humanité qui emprunt les scènes les plus dures qui lui évitent de sombrer dans un misérabilisme pesant et finalement facile.
Mia est une jeune anglaise paumée, en conflit avec sa jeune sœur et sa mère toutes aussi perdues qu’elle, ses copines et finalement tous ceux qui croisent son chemin. Fish Tank nous livre ainsi un portrait très juste de cet état intermédiaire entre l’enfance et l’âge adulte, où rien n’est simple. D’autant plus dans un contexte économique et social très dur. Mia canalise son énergie en dansant, mais cachée, loin des regards des autres qui ne la comprendraient pas. D’ailleurs, lorsqu’elle danse avec sa capuche sur la tête elle adopte la même gestuelle qu’un boxeur à l’entrainement. L’arrivée de Connor, le nouvel amant de sa mère, amène le trouble dans une vie déjà passablement agitée. Connor représente de façon ambiguë le père qu’elle n’a pas pour l’enfant qu’elle est encore, et un amant potentiel pour la jeune fille qu’elle est en train de devenir.
La réalisatrice Andrea Arnold refuse toutes les facilités qui s’offrent à elle. Mia n’est pas une minette attachante ou une Cosette moderne. C’est une adolescente qui vit dans un milieu dur sans repères familiaux ou scolaires. Tour à tour touchante et exaspérante, l’interprétation pleine de vie de Katie Jarvis lui donne une dimension jusque là peu vue pour ce type de personnage. Entourée d’excellents comédiens, Kierston Wareing et Michael Fassbender en tête, elle incarne magnifiquement la fureur, les doutes de cet âge de la vie. De même, sa mère et sa sœur débitent des grossièretés à chaque dialogue et refusent toute démonstration de tendresse. Quand à Connor, c’est un homme dans toute sa faiblesse et sa lâcheté, qui fuit ses responsabilités et rejoint sa famille une fois ses pulsions assouvies.
Alors que nombre de scènes semblent appeler une suite tragique que l’on voit arriver de loin, la réalisatrice nous prend à contre pied pour mieux nous surprendre. (Attention spoiler !) La petite fille de Connor ne se noie pas au cours de son escapade comme on pouvait s’y attendre. La séance d’audition tourne court avant même d’avoir commencé. C’est ce parti pris de ne pas sombrer dans la facilité qui fait toute la force de ce film attachant.
Bien sur, Fish Tank n’est pas exempt de tout défaut. D’une durée supérieure à deux heures, le film aurait gagné à être un peu plus resserré lors de certains passages. Les scènes avec la jument blanche, assez lourdement symboliques, ne sont pas non plus essentielles à l’impact d’un film qui n’a pas besoin de cela pour nous toucher. Enfin, la scène de séparation de Mia avec sa mère et sa sœur, quand toutes les trois se mettent à danser est ratée. Une fois encore le message est lourdement asséné. Ne pouvant communiquer par la parole, elles s’expriment leur sentiment en dansant. Cette scène semble complètement artificielle et en décalage avec le reste du film.
Ceci étant dit, Fish Tank nous réserve de beaux moments comme cette escapade à la campagne en famille où chacune des répliques de la petite sœur de Mia font mouche et sont à se tordre de rire. Ou encore ces deux passages durant lesquels Connor porte Mia, endormie dans ses bras ou blessée sur son dos. On n’entend plus alors que leur respiration et ces moments de calme paraissent tournés en apesanteur.
Bien qu’il s’inscrive dans la liste déjà longue des chroniques sociales anglaises, Fish Tank dépasse ce statut en prenant le point de vue d’une adolescente et en brosse un portrait d’une justesse jusqu’alors peu vue à l’écran.

samedi 19 septembre 2009

District 9

C’est sous le parrainage de Peter Jackson que le jeune réalisateur Neill Blomkamp nous livre un film à la croisée de différents genres.
District 9 est en effet un film sous influences qui met en scène des extra terrestres dont le vaisseau s’est stationné au dessus de Johannesburg. Incapables de repartir, ils sont parqués dans des camps de réfugiés depuis plus de 20 ans. Le gouvernement et les gangs locaux s’intéressent à leur technologie alors que la population locale est de plus en plus hostile à leur présence qui trouble leur vie quotidienne. A l’occasion d’un transfert vers un autre camp, Wikus van der Merwe, un fonctionnaire quelconque est contaminé par un fluide extra terrestre. Il commence alors à se transformer et devient l’objet de toutes les convoitises.
District 9 commence par une série de témoignages de personnes ayant connu Wikus van der Merwe, sa famille, ses collègues de travail. Le film nous plonge ensuite au cœur de l’action lorsque, caméra à l’épaule, nous suivons l’intervention des équipes chargées du transfert de ces milliers de réfugiés.
Neill Blomkamp choisit de nous raconter son histoire par le prisme d’un homme banal, un fonctionnaire médiocre qui ne voit pas les atrocités de ses actes qui s’inscrivent dans la routine d’un travail quotidien. Le fait que le film se déroule en Afrique du sud n’est évidemment pas innocent. Mais si les analogies avec l’apartheid sautent aux yeux, le personnage de Wikus van der Merwe n’est pas non plus sans rappeler les fonctionnaires du régime nazi qui ne faisaient qu’exécuter les ordres qu’ils recevaient sans se poser trop de questions, consciemment ou non. Au fur et à mesure de sa transformation et de son exclusion sociale, Wikus va peu à peu prendre conscience des véritables enjeux qui motivent ses patrons, et accessoirement son beau père. De simple exécutant, il va alors se transformer physiquement et psychologiquement en un être qui retrouve son pouvoir de décision et se voit doté d’un armement destructeur.
L’influence du film la plus évidente pour tout joueur est sans conteste le jeu vidéo Halo dont on retrouve l’ambiance dans la plupart des scènes d’action. L’armement extraterrestre, les aliens eux-mêmes confrontés aux forces militaires gouvernementales, tout nous renvoie à ce jeu qui est devenu l’une des références du FPS. Et pour cause, Neill Blomkamp a commencé sa collaboration avec Peter Jackson sur une adaptation du jeu vidéo qui n’a jamais vu le jour. Les travaux préparatoires lui ont servis d’une part à tourner une étonnante bande annonce pour la sortie de Halo 3, véritable court métrage précurseur des scènes de batailles de District 9.
Mais les références dont se nourrit le film ne s’arrêtent pas là. On pense bien sur à la Mouche de Cronenberg lors de la déliquescence du corps de Wikus van der Merwe durant sa métamorphose. Les expériences monstrueuses que les scientifiques pratiques sur les extra terrestres ne sont pas non plus sans rappeler Starship Troopers de Verhoven. Et le personnage de Wikus à ses débuts pourrait tout à fait sortir du Brazil de Terri Gilliams.
Pourtant, District 9 possède une identité bien à lui, et l’on sent derrière ce film efficace la patte d’un réalisateur prometteur. A la fois film d’action, d’anticipation et réflexion intelligente sur la condition des réfugiés qui nous renvoie à une réalité brulante, en France comme aux Etas Unis, District 9 fait partie de ces rares films qui, comme Les fils de l’homme, parviennent à marier harmonieusement le spectaculaire et la réflexion sociale et politique. C’est sans conteste la marque d’un futur grand réalisateur avec lequel il faudra compter. L’avenir nous le confirmera.