dimanche 6 juillet 2025

The Ugly Stepsister

Il était une fois. En prenant comme matériau de base le conte de fée, en l’occurrence Cendrillon, pour, non pas le dévoyer, car ces histoires enfantines transmises de générations en générations comportent déjà en leur sein leur lot de perversions, mais en pousser les curseurs à fond, la réalisatrice norvégienne Emilie Blichfeldt s’offre par la même occasion une critique à boulet rouge des diktats de la beauté à tout prix et une comédie bien barrée nourrie d’influences revendiquées. 
Et les clins d’œil pullulent dans ce body horror dont le genre redevient à la mode depuis The Substance de Coralie Fargeat. 
La plus évidente est bien entendu David Cronenberg à qui Emilie Blichfeldt paie son tribut en nommant l’un des invités au bal du prince du même patronyme et en revêtant le chirurgien et de ses infirmières d’uniformes qui renvoient directement à celui des jumeaux de Faux Semblants. 
En affichant une fascination morbide pour les sécrétions corporelles dans tout ce qu’elles ont de plus crues (du sperme d’un prétendant au pue d’un bouton percé) et les mutilations les plus variées (le calvaire psychologique enduré par la belle Agnès est une promenade de santé par rapport au chemin de croix physique supporté par Elvira), la réalisatrice fait preuve d’une radicalité implacable envers ses personnages tous plus tordus ou dépravés les uns que les autres. 
Volontairement outrancier mais jamais gratuit, The Ugly Stepsister déboule sur nos écrans comme une boule puante lâchée en pleine réception mondaine à la manière d’un Shrek sous amphétamine, malaisant, provocateur, excessif mais jubilatoire.

samedi 28 juin 2025

13 jours 13 nuits

Les petites histoires qui font la Grande. Alors que les troupes américaines évacuent l’Afghanistan en 2021, les Talibans envahissent Kaboul et sèment la terreur parmi les habitants. Dans ce chaos ambiant, l’ambassade de France demeure l’un des derniers refuges pour des Afghans menacés de mort. Face à cet afflux de réfugiés, le commandant Mohamed Bida va devoir composer avec sa hiérarchie et son propre sens de l’honneur. 
Pour adapter ce fait réel, lui-même retranscrit par le principal intéressé dans ses mémoires, le réalisateur Martin Bourboulon ne cherche pas à concurrencer les films d’actions américains sur leur propre terrain de jeu (La chute du Faucon Noir pour n’en citer qu’un) mais joue bien au contraire la carte de la sobriété. 
Pas d’iconisation héroïque ni de fétichisme militaire mais une course contre la montre filmée au plus près de ses personnages, militaires, journalistes, réfugiés ou activistes plongés dans une réalité qui les dépasse. Et c’est bien au travers cette galerie de portraits parfois à peine esquissés mais toujours justes (l’américaine Nicole Gee est particulièrement touchante) que né l’émotion. 
Film humaniste dans le sens où les décisions des personnages sont dictées par les valeurs humaines plutôt que par le respect des ordres ou l’intérêt personnel, 13 jours 13 nuits n’en oublie pas pour autant une tension permanente culminant lors des scènes de déplacement (l’exfiltration du commandant Afghan ou l’évacuation des réfugiés et du personnel de l’ambassade) où l’exiguïté des véhicules renforce le sentiment d’urgence et de danger permanant. 
Si l’on peut questionner la vision patriotique de cet épisode Afghan du point de vue français et l’écriture un peu trop caricaturale de certains personnages (Eva incarnée par Lyna Khoudri entre autres), le film de Martin Bourboulon porté par un Roschdy Zem impérial n’en demeure pas moins une franche réussite entre film de guerre et hommage au courage d’hommes et de femmes qui font passer leurs exigences morales avant toute chose.

samedi 21 juin 2025

28 ans plus tard

En 2003, le réalisateur Danny Boyle, déjà épaulé par Alex Garland au scénario, électrise les morts vivants chers à George A. Romero avec 28 jours plus tard et ses infectés aussi affamés que mortellement rapides. 
Quatre ans plus tard l’espagnol Juan Carlos Fresnadillo livre une suite plus orientée action avec un clin d’œil appuyé au Jour des morts-vivants et ses militaires aussi dangereux que les contaminés qu’ils combattent. 
Il faudra donc attendre plus de vingt ans pour retrouver le duo Boyle - Garland et un monde plus déliquescent que jamais. Car c’est bien dans la veine postapocalyptique que s’inscrit ce 28 ans plus tard, film hybride aux multiples références avec pour toile de fond une fascination évidente pour la mort. 
Si Danny Boyle n’a rien perdu de son sens de la mise en scène et sa direction d’acteurs, c’est bien la patte du scénariste qui s’imprime à chaque plan. De Annihilation à Civil War en passant par Men, Alex Garland passé depuis derrière la caméra n’a eu de cesse d’explorer les multiples faces du deuil et de notre approche de la mort sous toute ses formes. 
[Attention POILER] Alors que Jamie incite (oblige ?) son fils à exécuter des infectés à l’arme blanche pour son rite de passage à l’âge adulte, c’est pourtant le décès de sa mère (et l’inversion des rôles qui le précède quand elle l’appelle papa ou qu’elle lui confie le bébé) qui va véritablement l’obliger à s’émanciper de sa condition d’enfant pour enfin voler de ses propres ailes et partir explorer le monde [fin du SPOILER]
Alternant des scènes de poursuites tendues à l’extrême et des moments de calme tout aussi réussis (la rencontre avec Eric, les échanges entre Jamie et sa mère), le réalisateur parsème son film de touches d’humour particulièrement bien sentis et parvient à un équilibre salutaire entre l’intime et l’horreur. 
Mais si le film parvient à se sortir de situations extrêmes qui pourraient parfois le faire basculer dans le ridicule, c’est avant tout grâce à une distribution d’acteurs tous aussi bons les uns que les autres. On ne s’étonnera plus de la justesse du jeu de Jodie Cormer toujours impeccable, et Alfie Williams dans le rôle du jeune Spike reste une vraie découverte. 
Alors que le film se termine par une scène absolument WTF sortie d’un film de zombie italiens des années soixante-dix et annonçant clairement une suite, 28 ans plus tard réussit sur deux tableaux, celui de prolonger efficacement une saga passionnante entamée vingt ans plus tôt et d’y apporter une vision suffisamment différente pour explorer de nouvelles multiples.

samedi 7 juin 2025

Ballerina

Avec le personnage de Paloma dans Mourir peut attendre en 2021, Ana de Armas braque littéralement la meilleure scène du film, allant même jusqu’à volet la vedette à un James Bond lui aussi sous le charme. 
Alors quand l’annonce d’un spin off de l’univers John Wick tombe peu de temps après, l’attente est à la hauteur des espérances : énorme pour les fans d’une série dont la réalisation et la chorégraphie martiale transcendent les codes du cinéma d’action et imposent une mythologie à la fois cohérente et diablement jouissive. 
L’arrivée de Len Wiseman à la réalisation ainsi que le temps écoulé entre l’annonce du projet et les premières images suscitent les premières inquiétudes, bien vite confirmées lors de l’arrivée de Ballerina en salle. 
Malgré de bonnes idées de mises en scène, dont les combats à la grenade et le duel au lance flamme qui fera date, le film s’étire sur deux heures interminables en se reposant paresseusement sur des lauriers trop grands pour lui. 
Passons l’histoire cousue de fil blanc, l’intérêt de la saga n’a jamais résidé dans l’écriture scénaristique mais bien dans son interprétation et l’inventivité visuelle de son univers. Plombé par une réalisation paresseuse et des personnages sans grande envergure, Bellerina se contente de capitaliser sur l’univers de John Wick sans jamais prendre son envol. 
Malgré tous ses efforts et son investissement, Ana de Armas parait bien pâle à coté d’un Keanu Reeves toujours aussi minimaliste, les nouveaux venus ne brillent pas par leur présence et le reste de la distribution se contentent de rejouer indéfiniment le même rôle. 
Là où la réalisation de Chad Stahelski transpirait l’amour des combats chorégraphiés et de la série B de qualité, Len Wiseman livre le minimum syndical et se nourrit sur le dos de la bête sans apporter une goutte de sang neuf à l’univers étendu du redoutable Baba Yaga. 
Reste Ana de Armas, moins convaincante en deux heures de John Wick qu’en dix minutes de James Bond.

samedi 24 mai 2025

Mission : Impossible – The Final Reckoning

Tout ça pour en arriver là. Après presque vingt ans d’une franchise qui a redéfini les codes du blockbuster d’action, Ethan Hunt et son équipe, ou du moins ce qu’il en reste, reviennent pour un baroud d’honneur qui, s’il reprend à la lettre les codes de la saga, en demeure l’un de ses épisodes les plus faibles. 
Pensé comme une rétrospective introspective, The Final Reckoning souffre tout d’abord de l’absence d’un méchant digne de ce nom. Entre une entité informatique qui emprunte à la fois au virus et à l’intelligence artificielle et un cyber terroriste des plus commun, Ethan Hunt semble davantage lutter contre les éléments (la pression des profondeurs ou la gravité) que contre sa propre némésis. 
Trop long, trop bavard, trop sérieux (les rares séquences d’humour tombent à plat), ce huitième opus coche toutes les cases du cahier des charges Mission Impossible (les masques, la paranoïa ambiante, les cascades) sans retrouver le souffle épique des précédents épisodes. 
Déchiré entre l’esprit d’équipe et la solitude de l’élu qui renvoie à plus d’un titre au Néo de Matrix en guerre contre les machines, Ethan porte sur ses épaules le poids d’un monde au bord de l’apocalypse nucléaire et les multiples flash-backs de ses exploits passés sonnent comme l’annonce d’une retraite bien méritée. 
Il n’en demeure pas moins que The Final Reckoning nous réserve encore de belles surprises comme une séquence bien claustrophobique à bord d’un sous-marin échoué ou une tension paranoïaque croissante au sein de l’Etat major des armées américaines. 
Partagé entre la nécessité de boucler la saga, un cahier des charges toujours aussi exigeant dans le spectaculaire et une dimension humaine qui peine à convaincre, Tom Cruise et son alter ego Christopher McQuarrie ont l’intelligence d’arrêter la série avant le film de trop et malgré ses faiblesses, le dernier opus de Mission Impossible referme dignement la porte d’une saga qui aura porté haut et forts les valeurs d’un cinéma populaire exigeant et divertissant.

samedi 10 mai 2025

Destination finale : Bloodlines

La saga Destination Finale a ceci d’original qu’elle met en scène le tueur de slasher ultime, la Mort elle-même. En résultent des mises en situation plus invraisemblables les unes que les autres pour précipiter les malheureux protagonistes dans des morts atroces, avec une prédilection pour les accidents domestiques et routiers. 
Sixième volet de la série, ce Destination Finale Bloddlines (les liens du sang en français, ce qui a son importance dans le déroulé du scénario) pousse tous les curseurs à fond. 
Enchainement d’incidents anodins, fausses pistes et scènes gores parfaitement réussies dans leur volonté d’aller toujours plus loin, mais également scénario cousu de fil blanc, représentation artificielle de la famille américaine et personnages tellement fades que l’on attend avec une impatience à peine cachée leurs décès de toute façon inéluctables. 
Les réalisateurs semblent avoir oublié qu’un bon film d’horreur ne se limite pas à ses débordements sanglants mais passe avant tout par ses protagonistes, d’autant plus quand le grand méchant demeure invisible bien qu’omniprésent. 
Usant et abusant des fausses pistes qui sont depuis toujours la marque de fabrique de la saga (plans fixes et insistants sur un râteau ou un éclat de verre alors que le danger vient d’ailleurs), faisant preuve d’imagination pour mettre en scène des morts toujours plus impressionnantes, Zach Lipovsky et Adam B. Stein se contentent pourtant d’une galerie de personnages fades et interchangeables dont les actes demeurent la plupart du temps incompréhensibles (la mère de Stéfani revient après vingt ans d’absence comme si elle était partie chercher du pain la veille). 
Malgré une montée en tension spectaculaire dans la séquence d’introduction et un véritable soin apporté aux séquences de mises à mort, Destination finale : Bloodlines ne parvient pas à se démarquer des productions horrifiques produites à la chaine par les studios américains et ne constitue certainement pas l’épisode le plus réussi de la saga.

dimanche 4 mai 2025

L’amour c’est surcoté

L’amour c’est surcoté, c’est du moins ce que ne cesse de se répéter Anis, trentenaire en galère avec les filles, coincé entre ses potes, ses parents et un trauma qu’il n’arrive pas à surpasser, la perte de son meilleur ami Isma trois ans auparavant. La rencontre avec Madeleine pourrait bien changer les choses si ces deux-là arrivent à s’apprivoiser. 
En adaptant son propre roman, Mourad Winter débarque dans le paysage bien balisé de la comédie française avec une énergie et un culot qui forcent le respect. 
Entouré d’une troupe de comédiens aussi à l’aise dans l’émotion que dans la déconne, le film déroule des dialogues cultes avec un sens inné des scènes de groupe et réussit à créer cette alchimie rare, entre éclats de rire et larmes d’émotion sans jamais sombrer dans le pathos. 
Le réalisateur prend ce qu’il y a de meilleur chez les stand-upeurs français en évitant la succession de sketches trop téléphonés ou les personnalités castratrices qui ne laissent pas de place aux autres. Inutile de citer les interprètes au risque d’en oublier, ils sont tous parfaits (mention spéciale à Benjamin Tranié, hilarant dans le rôle casse gueule du pote raciste et antisémite) autour du tandem Hakim Jemili-Laura Felpin à fleur de peau. 
On ressort de la salle le sourire aux lèvres et la larme à l’œil, trop content de rejouer les dialogues du film avec ses potes. Tout est dit.