vendredi 31 juillet 2009

Midnight Meat Train

Midnight Meat Train est l’adaptation d’une nouvelle de Clive Barker tirée du Livre de sang publié en 1987, et qui voit un photographe s’enfoncer dans les entrailles de la ville à la poursuite d’un tueur qui sévit dans le métro.
La richesse du matériau d’origine pouvait nous laisser espérer un film d’horreur traumatisant. Le pari n’est qu’à moitié réussi.
Midnight Meat Train souffre en effet d’un scénario et de dialogues maladroits, du moins dans la première partie du film. Le couple que forment le photographe et sa compagne n’est en effet pas du tout crédible. Ils passent en quelques secondes du couple heureux et épanoui à des personnages en crise et en proie à des forces qui les dépassent, d’une manière assez peu convaincante.
La nouvelle de Clive Barker était construite autour de deux axes forts. D’une part la présence de ces créatures souterraines et de leurs serviteurs qui les nourrissent de chair humaine, créatures qui symbolisent le cœur même de la ville, son origine et son coté obscur. D’autre part, la transformation du personnage principal qui s’achemine lentement mais surement vers sa destiné et une métamorphose douloureuse, autant physiquement que psychologiquement. En terrassant son adversaire, il devra prendre sa place et devenir à son tour le serviteur muet de ces monstres souterrains, jusqu’à ce qu’un autre le remplace.
De ces deux points de vue, le film rate complètement l’essence même de l’histoire originelle. Le personnage de Léon Kauffman n’est en effet pas assez écrit pour faire passer ce sentiment de victime qui se change en monstre. Les autres caractères se comportent de manière tout à fait imbéciles, à l’instar des plus mauvais slashers. Ils fouillent l’appartement du meurtrier, qui bien sur revient les traquer. Maya se lance spontanément dans la gueule du loup en s’enfonçant dans les couloirs du métro, bref, tous les clichés du genre y passent. Quand aux créatures de l’ombre, et surtout ce qu’elles représentent, leur lien avec cette ville tentaculaire et dangereuse, elles ne sont qu’esquissées.
Il reste que les scènes gores sont plutôt réussies, bien qu’un peu stylisées et usant plus qu’il n’en faut d’effets numériques. On pouvait cependant s’attendre à bien pire de la part du réalisateur de Versus. Les plans des combats entre Léon et Mahogany sont trop découpés et rapides et perdent de ce fait toute lisibilité.
Nous assistons donc à une demi réussite, ou un demi échec, c’est selon. Midnight Meat Train est un film d’horreur qui se laisse regarder mais qui n’est pas assez organique, viscérale pour illustrer comme il se doit l’univers de l’un des piliers de la littérature d’horreur anglaise.

samedi 25 juillet 2009

Bronson

Bronson est un film étrange. Nicholas Winding Refn choisit de raconter une partie de la vie de Michaël Peterson dit Charles Bronson, autoproclamé prisonnier le plus violent d’Angleterre.
Pour ce faire, à la manière de la trilogie Puscher, le réalisateur filme dans un style épuré, caméra à l’épaule, avec économie de moyen et tournage rapide.
Mais contrairement à ses précédents films qui suivaient de manière sèche et réaliste le quotidien et les destins croisés de délinquants à Copenhague, il livre avec Bronson un film qui se veut stylisé, alternant des scènes de théâtre fictives et la vie de ce prisonnier violent et incontrôlable.
Il en résulte une impression de fourre tout où les scènes poignantes côtoient un cabotinage parfois pénible.
Bronson ressemble au brouillon de ce qui aurait pu être une analyse intéressante de cet homme qui apparait comme totalement imprévisible et notoirement incapable de vivre parmi ses semblables.
L’une des forces du film tient à la personnalité de son acteur principal Tom Hardy qui incarne à merveille le caractère imprévisible de cette bombe à retardement qu’est Michaël Peterson. Alors que son unique ambition est d’être connu, et reconnu (d’où les scènes où il est sur scène dans un théâtre imaginaire face à un public plongé dans le noir), il utilise pour cela la seule chose qu’il connait, la violence. Bronson apparait comme une incongruité pour la société qui l’entoure.
Alors que la prison est sensée isoler les individus incapables de vivre en société, cette même institution devient incapable de gérer un tel individu. Bronson est alors transféré en hôpital psychiatrique où le problème ne trouve pas plus de solution. Faute de mieux, les autorités décident de le remettre en liberté, pensant ainsi se débarrasser de ce personnage hors du commun. Bien évidemment, après 69 jours passés en combats clandestins et une ébauche de liaison amoureuse qui tourne court, Bronson retourne en prison.
Véritable emblème de l’échec du système pénitentiaire, la vie de Bronson avait en effet de quoi inspirer plus d’un cinéaste. Malheureusement, si le film n’est pas entièrement raté, on ne peut pas dire que Bronson soit à la hauteur de ses ambitions. Le jeu parfois exagéré de Tom Hardy renvoie aux grimaces de Malcom McDowell dans Orange Mécanique et ce n’est pas ce qu’il fait de mieux.
Seul le dernier plan qui semble être une représentation des Enfers nous fait apercevoir ce qu’aurait pu être le film, la représentation tragique de la souffrance d’un homme incapable de vivre en société, sa soif de reconnaissance qui s’exprime par le seul biais de la violence, le procès d’un système carcéral incapable de prendre en charge ce type d’individu.
Attendons la sortie de Walhalla Rising pour connaitre le réel potentiel de ce jeune réalisateur dont les tourments, illustrés dans le documentaire Gambler, renvoient en partie au personnage de Bronson.

dimanche 19 juillet 2009

The Reader

Allemagne de l’Ouest, 1958. Michael, un jeune garçon fait la connaissance d’Hanna qui a presque 30 ans de plus de lui. Très vite, ils deviennent amants.
Hanna est une femme secrète, autoritaire. Michael est un adolescent qui découvre avec elle ses premiers plaisirs charnels. Après l’amour, Hanna lui demande de lire des passages d’œuvres littéraires que le jeune homme étudie en classe. Cette liaison prend fin brutalement quand Hanna déménage et disparait. Michael la retrouvera quelques années plus tard et découvrira alors son terrible secret, secret qui va bouleverser sa vie et conditionner l’homme qu’il est en train de devenir.
Au-delà de l’histoire de deux être qui se rencontrent et qui s’aiment le temps d’un été, The Reader est le reflet de toute une génération. Celle de l’Allemagne de l’après guerre, traumatisée par le terrible héritage que la seconde guerre mondiale fait peser sur eux. Porteurs involontaires de la honte qui a résulté des horreurs nazies perpétrées quelques années plus tôt, cette jeunesse se pose des questions quand à l’implication de leurs parents. Connaissaient ils l’existence des camps, se sont ils tus par lâcheté ? Qu’auraient ils fait à leur place ?
Le personnage de Michael, de l’adolescent à l’homme qu’il devient, est une allégorie de cette génération d’après guerre en proie aux doutes. C’est donc une double lecture de l’Histoire que nous propose le film. L’histoire de deux êtres qui n’auraient pas du se rencontrer et qui ont traversé quelques semaines de passion, et l’Histoire de l’Allemagne d’après guerre qui peine à se remettre de l’incroyable traumatisme du nazisme, cette Allemagne qui enfantera du terrorisme d’extrême gauche avec la bade à Baader quelques années après.
Porté par l’interprétation sans faille de Kate Winslet, Ralph Fiennes et David Kross, The Reader est un film aux sujets graves qui arrive à concilier une histoire d’amour bouleversante et une réflexion passionnante sur un sujet qui n’a pas fini de raviver les passions. Les thèmes de la culpabilité, de la responsabilité et de l’héritage sont remarquablement bien abordés, avec une mention spéciale pour le rôle du professeur Rohl interprété par Bruno Ganz qui permet à ses étudiants de se poser les bonnes questions à défaut de trouver les réponses adéquates.
Le film mêle ainsi intelligemment séances intimistes, scènes de tribunal et introspection pour aboutir à un ensemble cohérent et touchant. L’histoire aurait néanmoins grandement gagné en intensité à être raccourcie d’un bon quart d’heure car certaines scènes s’étirent plus qu’il n’en faut et la fin peine à arriver.
Si l’interprétation de Kate Winslet est en tout point remarquable, on ne peut s’empêcher de penser que son rôle a été en tout point pensé pour décrocher l’oscar, chose faite d’ailleurs. Aucun maquillage, des scènes de nue naturelles et sans glamour, un vieillissement dans la seconde partie du film, un personnage tragique, tout semble correspondre au parfait cahier des charges de l’actrice qui « se met en danger » pour décrocher la statuette dorée. On est moins surpris quand on sait que les frères Weinstein sont producteurs exécutifs.
On est donc en droit de considérer que son rôle extraordinaire de composition pour les Noces Rebelles aurait davantage mérité cette récompense, il reste qu’elle est ici une actrice admirable au service d’un film trop long mais intéressant à de multiples égards.

vendredi 17 juillet 2009

Public Enemies

John Dillinger, braqueur de banques mythique de l’Amérique des années 30, est au cœur du nouveau film de Michael Mann. Le réalisateur suit quelques mois de la vie de celui qui fut un temps considéré comme l’ennemi public numéro un par un John Edgar Hoover encore au début de sa carrière.
De la reconstitution historique jusqu’à l’interprétation sans faille de la plupart des comédiens, Public Enemies tient toutes les promesses d’un film maitrisé porté par un sujet passionnant. Car au-delà de son personnage haut en couleur, c’est toute une époque et son contexte social que reproduit Michael Mann.
John Dillinger se place en effet en dehors des codes en vigueur, que ce soit ceux de l’ordre établi bien sur, mais également ceux de la pègre qui essaie de s’organiser autour des paris clandestins et des trafics en tous genre.
John Dillinger dérange les forces de l’ordre, la société aisée qu’il détrousse au travers des banques, mais également les organisations criminelles qui prospèrent sans faire trop de vague. C’est aussi un homme qui a compris l’importance de son image et qui en joue, les deux scènes dans les cinémas sont en cela révélatrices. On comprend aisément qu’une telle figure ait pu séduire un réalisateur de la trempe de Michael Mann. Et de fait, on retrouve sa patte à maintes reprises tout au long du film.
La fusillade dans la forêt est assez similaire dans la façon dont elle est filmée à celles de Miami Vice. Le personnage de John Dillinger, un homme de principe qui n’a plus sa place dans la société où il évolue n’est pas sans rappeler Le dernier des Mohicans. Enfin, l’affrontement sans merci entre le flic incarné par Christian Bale et le truand joué par Johnny Depp renvoie directement au duo de Heat. Les deux personnages rivalisent d’ingéniosité, d’audace et ont recours aux dernières technologies (les voitures rapides, les armes automatiques, les premières écoutes téléphoniques, les appels à témoin) pour parvenir à leurs fins. C’est donc bien d’un film de Michael Mann dont il s’agit, la maitrise de la réalisation ne laisse aucun doute là-dessus.
Pourtant, contrairement à ses dernières réalisations, le réalisateur ne nous entraine pas vers ces dimensions supérieures auxquelles il nous avait habituées. Est-ce la dimension quasi mythique du personnage qui l’a gêné ? Toujours est-il que Public Enemies n’a pas la profondeur de Révélations, la maitrise de Miami Vice ou la beauté tragique de Collateral.
Il n’empêche que l’on assiste à un film réussi, surement en dessous de ce que l’on peut espérer de l’un des plus grands réalisateurs américains en activité, mais au final réjouissant.

lundi 6 juillet 2009

Very Bad Trip

Quatre amis décident de partir pour los Angeles afin de fêter l’enterrement de vie de garçon de l’un d’entre eux.
Après une nuit bien arrosée, ils se réveillent dans une chambre d’hôtel sans aucun souvenir de ce qui s’est passé. Le futur marié a disparu, il y a un tigre dans la chambre, un bébé dans le placard et il manque une dent à l’un d’entre eux. Pas de chance, aucun d’eux ne peut se rappeler de ce qui s’est passé cette nuit là. Commence alors une enquête hasardeuse afin de retrouver le fiancé manquant et de tenter de comprendre ce qui s’est passé.
Very Bad Trip est l’un de ces films que l’on n’attend pas et qui nous prend par surprise.
La plupart des comédies américaines se polarisent sur les évènements qui président généralement à un enterrement de vie de garçon (alcool, drogue, strip teaseuses) et versent souvent dans la vulgarité et le rire gras.
Very Bad Trip refuse cette facilité et nous propose un voyage à rebours avec une bande de pieds nickelés qui vont peu à peu découvrir ce qu’ils ont fait. Les personnages, au départ passablement barrés (mention spéciale au beau frère qui oscille entre l’enfant attardé et le pervers chronique) se révèleront complètement déjantés au fur et à mesure que nous découvrirons avec eux cette nuit d’ivresse. Si certains personnages sont moins réussis que d’autres, notamment les truands asiatiques dont le chef est complètement raté, nous croisons une galerie incroyable de gueules cassés qui donnent lieu à des scènes inoubliables.
Ainsi, une démonstration de taser dans une école, une apparition de Mike Tyson, un bébé malmené font de Very bad Trip un sommet d’humour grinçant qui risque de ne pas plaire à tout le monde.
Les autres découvriront avec un plaisir coupable une brochette d’acteurs en phase avec une histoire délirante, un trip vertigineux et une descente d’autant plus violente, bref, une comédie parfaitement réussie, inventive, méchante et totalement décalée.

Jeux de pouvoir

Jeux de pouvoir se place d’emblé dans la grande tradition des films politiques des années 70 et 80.
En décrivant l’enquête menée par un journaliste sur une série de meurtres qui le conduiront dans l’entourage de son ami politicien, le film nous invite dans les arcanes de la presse américaine et les coulisses du pouvoir. Les relations troubles des politiques et de l’industrie de l’armement servent de canevas à une histoire certes classique mais bien tenue et parfaitement interprétée.
Si l’on peut déplorer un dénouement à rallonge qui aurait gagné à être raccourci, il faut reconnaitre que l’on s’embarque avec plaisir aux cotés d’une galerie de personnages aux motivations et à la morale ambigües.
Mais l’originalité du film réside aussi dans la dualité et l’affrontement entre les journalistes respectivement interprétés par Russel Crowe et Rachel McAdams.
Le premier est un homme d’investigation chevronné de la vieille école, l’un des piliers du journal qui enquête sur le terrain. L’autre est une jeune journaliste qui s’occupe de l’un des blogs du journal. Elle diffuse de l’information presque en temps réel et privilégie la primeur à l’investigation, le scoop plutôt que l’information vérifiée et recroisée.
Au-delà de la rivalité qui se mue en complicité, thème archi rabattu du cinéma, c’est bien de deux conceptions du journalisme dont il est question. D’un coté la presse papier et ses articles de fond, de l’autre la presse web et son immédiateté. Le générique final qui nous fait suivre la fabrication d’un journal avec ses presses rotatives et son encrage sonne comme un hommage à un média que certains considèrent comme vieillissant, pour ne pas dire sur le déclin.
Souhaitons naïvement que, à l’image des deux journalistes du film, les deux médias se complètent au service d’une information impartiale et juste.

Coraline

Injustement passé à coté du succès de l’Etrange Noël de Monsieur Jack dont le public n’a retenu que le nom de Tim Burton, Henri Selick signe avec Coraline un conte sombre et intelligent doublé d’un film d’animation parfaitement réussi.
A la manière d’Alice traversant le miroir, Coraline qui s’ennuie dans sa nouvelle maison en compagnie de ses parents trop occupés et de voisins bizarres, découvre une porte secrète qui va la mener dans un monde parallèle. Un monde étrange où elle retrouve ses parents tels qu’elle les rêve, attentifs, joyeux, réalisant ses moindres désirs. Tout semble parfait à une exception prés, tous les personnages qu’elle rencontre ont des boutons cousus à la place des yeux. Et pour cause, ce monde est régit par une terrifiante sorcière qui va tenter de la retenir prisonnière.
Que ce soit dans les thèmes abordés (le passage à l’âge adulte, la notion de responsabilité), la galerie de personnages tous plus invraisemblables les uns que les autres, ou l’animation parfaite et les décors tour à tour féériques et cauchemardesques, Coraline place Henri Selick comme l’un des grands personnages de l’animation contemporaine.
Comme dans l’Etrange Noël de Monsieur Jack, le réalisateur n’a pas son pareil pour passer du rêve au cauchemar et imposer des scènes qui resteront gravées dans les mémoires.
Coraline est un personnage attachant dotée d’une vraie personnalité. Elle croise une galerie incroyable de figures tragi comiques dont chacune possède sa propre personnalité immédiatement reconnaissable en quelques plans, ce qui est la marque des grands réalisateurs. Henri Selick et son équipe s’adressent aussi bien aux (grands) enfants qu’aux adultes et composent un monde totalement délirant tout en étant d’une parfaite cohérence.
Le passage à la 3D se justifie pleinement, notamment lorsque Coraline s’échappe dans son monde parallèle et que le délire commence. Les fleurs entament un ballet endiablé tandis que deux vieilles actrices se métamorphosent en jeunes acrobates et composent un ballet impressionnant. Henri Selick a l’intelligence de se servir de la 3D comme d’un outil au service de son film plutôt que comme d’un élément marketing de plus.
Seul bémol, les lunettes confèrent à l’ensemble une teinte sombre et obscurcissent les images.