lundi 31 octobre 2022

EO

C’est l’histoire d’un âne qui, au fil de ses rencontres, fait l’expérience de la bonté et de la cruauté du monde. C’est tout ? C’est tout. 

Prix du jury au festival de Cannes, salué de façon quasi unanime par la critique et annoncé comme une expérience de cinéma jusque là inédite, le dernier long métrage du réalisateur polonais Jerzy Skolimowski avait tout pour susciter l’enthousiasme. Passé les vingt premières minutes, on réalise alors que le film va être long et on se surprend à laisser son esprit vagabonder vers d’autres contrées. 

La première déconvenue vient de la manière dont le metteur en scène aborde son sujet. Rarement filmé du point de vue de l’âne comme le laisse entendre de nombreux observateurs surement distraits, Jerzy Skolimowski multiplie les scènes dites oniriques avec des procédés déjà vus mille fois. Filtres rouges, musique assourdissante, image inversée, chutes d’eau filmées à l’envers, l’expérience sensitive promise tourne vite cours pour laisser place à des plans formellement très beaux mais cousus de fil blanc. 

Quant à l’histoire, elle déroule un ensemble de vignettes que l’on pourrait résumer par EO au cirque, EO et les loups, EO en route vers l’abattoir, EO au match de foot et cela jusqu’à un final visant à enfoncer le clou de la maltraitance animale. 

Si l’on peut voir dans les séquences éparses balisant le voyage de l’âne au regard si doux une représentation de tous les travers de l’âme humaine, de la cruauté à l’endoctrinement en passant par le vice et la luxure (comment expliquer sinon la scène cryptique entre Lorenzo Zurzolo et Isabelle Huppert ?), on ne peux s’empêcher de trouver le procédé un peu grossier lorsque le réalisateur oppose la société bruyante et violente (la décharge de ferraille, l’arbre abattu, les supporters) au calme contemplatif de l’âne (les gros plans sur les fourmis, le hibou, la forêt). 

On peut trouver EO d’une sincérité maladroite dans son hymne à la nature ou sa manière faussement révolutionnaire de projeter le spectateur dans l’univers chaotique de son âne, mais y voir la proposition cinématographique la plus innovante de l’année tient tout simplement de la supercherie intellectuelle.

samedi 15 octobre 2022

Smile

Smile ne fait pas preuve d’une originalité folle puisque le film de Parker Finn reprend presque à la lettre le thème de It Follows sorti sept ans plus tôt, celui d’une entité mystérieuse voyageant de corps en corps pour traquer ses victimes jusqu’à ce qu’un évènement bien spécifique, la mort pour Smile, une relation sexuelle pour It Follows, ne vienne assurer la transmission de cette malédiction vers un autre protagoniste. 

Mais là où le film de David Robert Mitchell explorait avec brio les affres de l’adolescence et le passage à l’âge adulte en assimilant la vie à une maladie contagieuse, Smile se concentre sur la psychologie perturbée de son personnage principal, la psychiatre Rose Cotter traumatisée par le suicide de sa mère alors qu’elle n’était qu’une enfant. 

S’il ne fait pas dans la dentelle en s’appuyant sur les jumps scares de rigueur et une bande son largement démonstrative (le morceau du générique de fin est d’ailleurs particulièrement dérangeant), Smile remplit pourtant son cahier des charges horrifique et se révèle même largement au-dessus de la production de genre actuelle. 

En dépit d’une bonne demi-heure de trop et de scènes redondantes qui auraient dû disparaitre au montage, le film de Parker Finn nous propose de jolies idées de mise en scène (la tâche de sang sur le drap mortuaire de la première victime en forme de smiley), des mises en situation suffisamment malsaines pour introduire un réel malaise (l’anniversaire du filleul de Rose) et une tension permanente émaillée de grosses frayeurs, la formule héritée d’It Follows avec sa menace omniprésente pouvant se matérialiser à tout moment et transformer n’importe quelle scène du quotidien en cauchemar fonctionne à plein. 

Trop long pour être réellement nerveux et sacrifiant à quelques facilitées cousues de fil blanc pour faire sursauter le spectateur, Smile n'en reste pas moins un film réellement effrayant oscillant entre fantasme et réalité avec une propension à brouiller les cartes qui force le respect.

dimanche 9 octobre 2022

Novembre

S’il multiplie les points de vue sur l’enquête déclenchée par les attaques terroristes du 13 novembre 2015 à Paris, le nouveau film de Cédric Jimenez se focalise pourtant sur une seule version, celle des forces de l’ordre dont les différents services vont rivaliser d’effort pour éviter une nouvelle vague d’attentats et appréhender les auteurs et les commanditaires de cette tuerie. 

Novembre est filmé au plus prés de ses personnages avec un sentiment d’urgence qui, s’il contribue à l’efficacité de la narration, empêche paradoxalement de s’attacher aux protagonistes de cette course contre la montre et étouffe presque toute empathie. Il est d’ailleurs étonnant de constater à quel point les têtes d’affiches sont sacrifiées (Jean Dujardin se contente de froncements de sourcils alors que le personnage incarné par Sandrine Kiberlain est tout simplement inutile) au profit d’une multitude de protagonistes subalternes qui insufflent au film sa véritable humanité. 

On retiendra entre autres les interprétations remarquables d’Anaïs Demoustier et de Lyna Khoudri, une véritable émotion lors de l’interrogatoire des victimes et une séquence d’assaut finale tendue à souhait. 

Témoignage nécessaire mais somme toute mineur, Novembre évite le pourquoi et questionne le comment un tel drame a pu se produire sans y apporter de réponse réellement convaincante.