vendredi 19 octobre 2012

Savages


Oliver Stone abandonne pour un temps ses brulots politiques pour nous livrer un film d’action débridé sous influences. Avec Savages, il se fait plaisir et contente les spectateurs les moins difficiles. Car au-delà de ses qualités indéniables, il faut bien reconnaitre que le film ne va pas au bout de son concept. Son principal atout mais aussi son handicap le plus flagrant vient du choix des acteurs et de l’écriture des personnages. A son passif, il y a le trio que forment Ben, Chon et O. Ils sont beaux, jeunes, bronzés, riches et insouciants, du moins autant que le permet leur activité principale qui est la culture et la commercialisation de l’un des meilleurs cannabis du monde. Si Blake Lively arrive à tirer son épingle du jeu et impose son charme à chacune de ses apparitions, il n’en est pas de même de ses deux comparses. Incarnés par des acteurs sans consistance, leurs personnages frôlent la caricature et empêche ainsi toute empathie de la part du spectateur. Ben cultive de la drogue mais il réinvestit son argent pour aider le Tiers Monde. Quand à Chon, ses cicatrices de guerre nous le désignent clairement comme celui qui incarne la force brute. On ne croit pas vraiment à ces deux héros qui auraient plus leur place dans un quelconque blockbuster ou une comédie romantique.
Heureusement, Oliver Stone a eu la bonne idée de multiplier les personnages secondaires les plus tordus qui soient, et de s’entourer d’une pléiade d’acteurs épatants. Salma Hayek en reine de cartel, John Travolta en agent des stups corrompu jusqu’à l’os, Emile Hirsch en comptable improbable, Demian Bichir échappé de Weeds et fidèle à son rôle de dealer. Mais la palme revient sans conteste à un Benicio Del Toro métamorphosé en tueur implacable qui nous offre une partition absolument réjouissante.
Le réalisateur n’arrive pas à se débarrasser d’un certain maniérisme (couleurs saturées, alternance de plans en noir et blanc et couleur, narration de l’histoire en voix off) et il se place clairement sous l’influence du Tarantino des premières années. Que ce soit par la multiplicité des personnages hauts en couleurs ou par la bande son branchée omniprésente, Savages n’est pas sans rappeler Pulp Fiction à plusieurs occasions. Il y a pire référence, même si l’on est en droit d’attendre d’un cinéaste de la trempe d’Oliver Stone un peu plus de personnalité.
Le film, qui alterne des scènes d’actions impressionnantes et des séances d’une violence peu commune (décapitations à la tronçonneuse, tortures, exécutions sommaires) se regarde avec plaisir. Jusqu’à la double fin qui entérine définitivement le choix du réalisateur de tourner le dos au nihilisme de sa période Tueurs Nés. Entre la Horde sauvage et le happy end, Oliver Stone a choisi son camp et on ne peut que regretter son manque d’audace et d’anticonformisme.
Est-ce le poids des studios ou l’envie de renouer avec le succès public qui a dicté son choix ? Il n’empêche que l’on ne peut s’empêcher de penser qu’avec un peu plus d’audace, il aurait pu nous livrer un film à la fois fun et corrosif, ensoleillé et sombre, amusant et terriblement brutal. Et ça c’est terriblement frustrant.