lundi 15 novembre 2021

Le peuple loup

Dans le ciel étoilé de l’animation dominé par les constellations Pixar et Ghibli apparait de temps en temps un météore surgit de nulle part, un petit miracle que personne n’attendait et qui créé la surprise par ses qualités formelles et d’écriture. Cette année cette étoile filante nous vient d’Irlande et nous parle de magie et de superstitions, de repli communautaire et d’écologie, d’amitié, de peurs et d’amour. 

En optant pour une animation qui fait la part belle aux dessins à plat et en tournant résolument le dos aux standards de l’animation actuelle, Tomm Moore et Ross Stewart des studios Cartoon Saloon font de ce Peuple loup une œuvre à part, travaillée comme une enluminure inspirée par les symboles celtiques (la figure du cercle revient régulièrement, pour figurer la maternité et le cycle de la vie). 

Mais tout autant que l’envoutement visuel, c’est la qualité d’écriture et la caractérisation de ses personnages qui font de ce Peuple loup un enchantement. Tour à tour épique et intimiste, dramatique et touchant, le dessin animé louche finalement assez peu vers la comédie pour une œuvre qui parle aux enfants comme aux adultes, et prend le parti d’un discours responsable sans pour autant tomber dans une moralité convenue. Robyn et Mebh nous accompagnent longtemps après la sortie du film et on se prend à rêver de cavaler à leurs côtés comme des WolfWalkers dont l’animalité rime avec liberté.

samedi 6 novembre 2021

Many Saints of Newark

L’extension de l’univers des séries télévisuelles au cinéma s’est toujours révélée périlleuse pour ne pas dire suicidaire. Entre le fan service quasiment incontournable et l’ouverture aux non-initiés, le risque de perdre une partie de son public en voulant contenter tout le monde abouti souvent à un entre deux qui ne convainc personne. Many Saints of Newark, préquel à l’avènement du règne de Tony Soprano ne déroge pas à la règle. 
En tant que film matriciel des évènements à venir, on en peut qu’apprécier les efforts de David Chase pour poser les bases de sa mythologie et multiplier les clins d’œil complices, jusqu’au générique de fin qui reprend celui de la série pour boucler le passage de relais entre deux générations. Mais dés lors que l’on regarde Many Saints of Newark en tant que film de gangsters à part entière, force est de constater que la magie n’opère plus.
Malgré une galerie de personnages hauts en couleurs, malgré Michela De Rossi, l’histoire part dans tous les sens, les intrigues se multiplient et les dialogues tombent souvent à plat. On sort de la salle avec un sentiment doux amer, en se demandant si tout cela était vraiment utile, et avec surtout l’irrépressible envie de retrouver l’immense James Gandolfini dans ce qui reste l’une si ce n’est la meilleure série jamais tournée.

jeudi 4 novembre 2021

Illusions perdues

Grandeur et décadence. 
La trame du nouveau film de Xavier Giannoli est tellement connue qu’elle est devenue un classique de la littérature. Un jeune provincial idéaliste et convaincu de son talent monte à Paris pour faire fortune. Il y rencontra l’amour et la gloire, tutoiera les sommets avant de se faire chasser du Paradis et d’y laisser toutes ses illusions et une bonne partie de sa jeunesse. 
Adossé à l’œuvre de Balzac, le réalisateur mêle les destins individuels de ses personnages à la grande Histoire, celle d’une certaine presse à scandale dont le XIXème siècle verra la montée en puissance et qui perdure encore aujourd’hui sous les formes les plus diverses. 
Bien décidé à mettre en perspective les dérives actuelles par le prisme du passé, parfois maladroitement (l’allusion à la possible entrée au gouvernement d’un banquier est poussive), Xavier Giannoli n’en perd pas de vue ses protagonistes campés par une galerie d’interprètes de premier choix. 
La reconstitution historique est soignée mais c’est l’écriture des rôles, la finesse des dialogues et le talent des acteurs qui fait d’Illusion perdues un divertissement de premier choix, portraits de salauds magnifiques, de mondaines attachantes, d’une noblesse en fin de vie et miroir implacable des faiblesses humaines