samedi 18 janvier 2020

1917

Réglons la question tout de suite, le plan séquence comme base narrative pour un film n’est pas une bonne idée. Outre la fausse prouesse technique (le soi-disant plan séquence est un patchwork de plans raccordés numériquement entre eux), le cinéma se construit aussi et surtout sur la table de montage avec ses ellipses, ses raccourcis, ses points de vues multiples, bref, tout sauf cette visite guidée de décors soignés et de situations obligées qui s’enchainent mécaniquement pour décrire le périple de Schofield et Blake, deux jeunes soldats britanniques mandatés pour aller prévenir leurs compagnons d’un piège tendu par les allemands qui pourrait causer des centaines de morts. 
Thématiquement et narrativement assez proche d’Il faut sauver le soldat Ryan (voire entre autres la scène du sniper allemand par exemple), 1917 n’en a pour autant ni la maitrise ni l’impact psychologique. Alors que la Première Guerre mondiale devrait pourtant donner lieu à des scènes apocalyptiques, nous sommes ici loin de la violence à peine soutenable du Hacksaw Ridge (Tu ne tueras point) de Mel Gibson qui égalait en termes de sauvagerie la première demi-heure d’Il faut sauver le soldat Ryan. 
Absorbé par la forme, Sam Mendes nous offre des cadavres putréfiés et des charniers bien trop propres sur eux pour que l’on y croit une seule seconde. Passons sur les limites imposées par son choix de plan séquence (le trajet en camion dure quoi, quatre minutes en temps réel ?), en nous collant le nez presque en permanence sur les protagonistes principaux, 1917, plutôt que de nous plonger dans l’horreur viscérale de la guerre, enchaine quelques rares scènes véritablement terrifiantes (l’errance de Schofield dans les ruines en feu et sa traque par des ombres armées de baïonnettes, la chute de l’avion allemand), une ou deux surprises scénaristiques (l’inversion des rôles des personnages principaux au premier tiers du film) mais se plante complétement dès qu’il faut parler d’humanité (la scène de rencontre avec la jeune française terrée chez elle est à ce sujet particulièrement ratée), un comble pour un film qui se réclame humaniste. 
Trop long, aseptisé et prisonnier de ses choix narratifs, 1917 n’est décidément pas le grand film de guerre que l’on attendait de la part de Sam Mendes.