samedi 30 mai 2009

Jusqu'en enfer

Jusqu’en enfer marque le grand retour de Sam Raimi au film d’horreur, genre qui l’a révélé avec Evil Dead, tourné en 1979 pour un budget de 350 000 dollars.
Alors inconnu et méprisé par ceux qui encensent aujourd’hui Spiderman (le même phénomène s’est produit avec Peter Jackson), seul une poignée de fans ont reconnu en lui le grand réalisateur qu’il serait amené à devenir. Sam Raimi était alors un gamin débordant d’énergie communicative et d’inventivité, défonçant les portes d’une vieille cabane perdue au fond des bois avec sa mobylette sur laquelle était fixée sa caméra.
Le gamin a grandi, il est devenu brillant. Et il dispose de beaucoup plus de moyens.
On pouvait attendre le meilleur de Drag me to hell, la rage des débuts mêlée à une maturité et une maitrise qui ne sont plus à prouver. Hélas, le sale gosse des débuts est devenu un enfant gâté disposant de trop de jouets.
Non pas que Drag me to hell soit raté, loin s’en faut. Les ressorts employés par le réalisateur pour susciter la peur par l’image ou la bande son fonctionnent toujours. Mais force est de reconnaitre que l’on s’attendait à autre chose.
Le scénario d’abord, mince et linéaire, ne réserve que peu de surprises. Les effets numériques ensuite, viennent gâcher le moindre effet spécial par leur coté trop lisse et artificiel. Alors que le sang giclait et que les têtes éclataient grâce aux effets mécaniques dans Evil Dead, des effets créés par ordinateur et ajoutés en post production ne parviennent pas à être convaincants une seule seconde.
Drag me to hell est trop propre, trop correct pour les fans de la première heure. Lorsque la sorcière morte tombe sur Christine et vomit sur elle des litres de liquide verdâtre, l’héroïne se relève impeccable sans la moindre trace de salissure. Si l’attente suscitée par ce retour tant espéré du maitre à ses premières amours se trouve déçue, le film n’en est pas pour autant mauvais. Alison Lohman, présente dans presque tous les plans, se révèle être un excellent choix, à la fois douce, fragile et déterminée à s’en sortir. Drag me to hell comporte de nombreuses scènes jubilatoires, comme l’attaque de Christine par la sorcière dans le parking ou le repas chez les beaux parents.
Sam Raimi n’a pas tout a fait réussi à retrouver ce jeune réalisateur frondeur qu’il était. Le film s’en ressent. Par contre, il conserve cette passion pour le genre et cette virtuosité que même des millions de dollars ne parviennent pas à masquer.

mercredi 27 mai 2009

Vengeance

Retrouver Johnny Halliday dans un film de Johnnie To est aussi surprenant que de voir Eddy Mitchell tourner pour Scorcese. Et pourtant, notre chanteur acteur colle parfaitement à ce rôle écrit à l’origine pour Alain Delon en hommage aux polars de Jean Pierre Melville qui passionnent les cinéastes asiatiques, John Woo en tête.
Johnny Halliday incarne un ancien tueur perdu à Hong Kong sur les traces de ceux qui ont massacré la famille de sa fille. A l’image de son personnage, il traverse le film avec un air halluciné, aussi à l’aise dans cette ville dont il ignore tout qu’un poisson en plein milieu du désert. De ce fait, on peut dire que l’acteur colle parfaitement à son personnage.
Et ce n’est pas la seule particularité qui fait de Vengeance un film étrange, décalé et en tout cas intéressant.
Johnnie To choisit de mettre en scène un tueur vieillissant qui perd peu à peu la mémoire. Il en profite pour se questionner sur la notion de vengeance, thème récurrent des polars de toutes nationalités. Que signifie le fait de vouloir se venger quand on a oublié ceux qui vous ont fait du mal et jusqu’aux blessures qu’ils vous ont infligées ?
Pour être sur d’aller au bout de la promesse qu’il a faite à sa fille mourante, Francis Costello achète les services d’un trio de tueurs haut en couleurs dont le chef est interprété par l’excellent Anthony Wong Chau-Sang, déjà croisé dans Exilé du même Johnnie To, Infernal Affairs de Andrew Lau ou Time and Tide de Tsui Hark. Lorsque ceux-ci découvriront qui a commandité le meurtre de la famille du français, l’affaire prendra une ampleur qu’ils ne soupçonnaient pas et les conduira vers une fin forcement tragique.
Vengeance est donc un film plus complexe qu’il ne le parait au premier abord. Alternant des scènes de fusillades et des moments plus intimistes, voire franchement touchants, le film réserve de belles surprises. Comme cette scène de combat étonnante où le trio de tueurs voit rouler vers eux des cubes d’ordures compressés pousser par des dizaines d’assaillants. Ou la reconstitution du massacre dans la maison qui alterne les scènes de meurtre passées et ce qu’en imaginent les trois tueurs. Ou bien encore cette étrange et fraternelle amitié qui se lie entre ces tueurs à gages et un vieil homme qui veut se venger avant d’oublier ce pour quoi il est ici.
Il faut toute la maitrise et la foi d’un cinéaste comme Johnnie To pour ne pas faire basculer le film dans le ridicule. La frontière est mince et l’anachronisme d’un Johnny Halliday fatigué, décalé et finalement touchant parmi les gangsters chinois aurait facilement pu prêter à rire. Il n’en est rien, Vengeance est un film efficace, une réflexion intéressante et au final un pari risqué mais gagné.

vendredi 15 mai 2009

Mutants

Alors que le cinéma de genre français tente vaille que vaille d’exister dans un paysage cinématographique national tout de même assez homogénéisé, il faut se rendre au Grand Rex à Paris pour avoir la chance de voir Mutants quand on habite en province. Un nombre de copies, et donc de salles restreints, une prise de risque minimum pour les distributeurs, peu de visibilité et un film presque condamné d’avance. Le constat n’est malheureusement pas nouveau et un film qui n’est pas calibré pour une diffusion sur une chaine de télévision publique à 20H30 a de moins en moins de chance d’exister. Passons.
Mutants est donc un film d’horreur français sous influences. Celle qui vient la première à l’esprit est bien entendu 28 Jours plus tard et ses infectés agressifs qui courent dans tous les sens. Comment ne pas penser aussi à La Mouche de Cronenberg en suivant la lente dégénérescence de Marco devant les yeux de sa compagne ? Les paysages enneigés et les entrepôts désaffectés nous rappellent vaguement The Thing, tandis qu’Hélène de Fougerolles armée jusqu’aux dents a de petits airs de Ripley. Bref, Mutants est riche d’une imagerie qui nous est immédiatement familière et nous fait entrer facilement dans le vif du sujet.
Le premier quart d’heure du film est d’ailleurs assez effrayante. Non pas par le climat de terreur qu’il distille, mais par des tics de cadrage bien pénibles (plan bancal sur le gyrophare de l’ambulance qui roule), une interprétation hallucinante qui nous renvoie aux pires téléfilms de TF1, avec une mention spéciale à la femme soldat noire du début qui en fait des tonnes et qui ressemble à un militaire d’élite comme moi à un lutteur de sumo. Une bande son décalée par rapport à l’image donne une impression ridicule de doublage catastrophique.
Heureusement, ces premières minutes passées, on rentre dans le vif de l’histoire et l’on suit Marco et Sonia dans leur quête de salut représenté par une base militaire au sein d’un monde désastré, déserté et hanté par humains contaminés devenus des zombies cannibales. Marco s’est fait mordre par l’un d’entre eux et la contamination progresse inéluctablement. Sonia tente de le soigner, de le réconforter et observe impuissante la déchéance physique et psychologique de l’homme qu’elle aime.
Mutants n’est certes pas un chef d’œuvre du genre. Les scènes d’affrontement sont encore une fois difficiles à suivre car souvent mal éclairées ou mal cadrées. Les références qui portent le film sont trop prégnantes pour lui conférer une identité propre. Le film n’a pas l’agressivité d’un 28 Jours plus tard, la tension de The Thing ou l’ampleur d’un Zombie. Pourtant, par le choix de couleurs froides à dominantes de bleu qui entourent le film d’une aura glacée, par le soin porté aux maquillages et par la dimension dramatique que revêt la déchéance de cet homme qui régresse au point d’agresser sa femme, Mutants parvient à se différencier des films d’horreur français qui sont réalisés ces dernières années. Plus de tueur en série, de dédoublement de personnalité ou d’introspection tirée par les cheveux, mais un vrai film de genre nerveux, honnête et efficace. C’est déjà beaucoup.