samedi 27 janvier 2018

Memories of murder

Auréolé par sa réputation de film culte, Memories of murder est un film étrange, un hybride qui mélange les genres pour mieux brouiller le spectateur guère plus avancé que les principaux protagonistes dans cette affaire de meurtres toujours non résolue. 
L’histoire se déroule en 1986, dans la province de Gyunggi, en Corée du sud. Une succession de meurtres à caractères sexuels défraie la chronique et incite les autorités locales à faire appel à l’aide de Séoul pour démêler les nœuds de ce qui ressemble fort aux agissements d’un tueur en série. 
Bien que traversée par des images fortes de cadavres abandonnées en pleine nature et la menace constante pesant sur ce village rural, la première partie du film reste dominée par le comportement bouffon des policiers locaux, à mi-chemin entre burlesque et violence institutionnelle. Il faut alors accepter de se plier à l’humour coréen fait d’expressions outrées et de gesticulations clownesques porté par un Song Kang-Ho en roue libre. 
Ce n’est qu’avec l’arrivée du policier de Séoul interprété par Kim Sang-Kyung que le film emprunte la voie du thriller jusqu’à une fin ouverte et d’une noirceur saisissante. Si le bien ne triomphe pas toujours, le mal laisse des empreintes indélébiles que même le temps ne pourra effacer. Traversé de séquences saisissantes (les attaques du tueur, les séquences nocturnes sous la pluie), Memories of murder se veut aussi le témoin d’une époque où les brutalités policières étaient monnaies courantes en Corée du sud et les exercices d’évacuation quasi quotidiens. Le film peint également une société profondément misogyne où les femmes ont à peine le droit à la parole et sont cantonnées à laver les vêtements ou servir le café, quand elles ne se retrouvent pas à l’état de cadavres dans un fossé. 
On peut préférer la folie de J’ai rencontré le diable ou la fulgurance de The Chaser, toujours est-il que le cinéma coréen marqua d’une empreinte indélébile le genre policier pendant plus d’une décennie.

samedi 20 janvier 2018

Three billboards

Aux manettes de l’éminemment sympathique Bons baisers de Bruges, le réalisateur Martin McDonagh faisait déjà preuve d’un sens de l’humour pour le moins particulier avec sa galerie de personnages décalés à cheval entre provocation et mauvais goût assumé. 
Dix ans plus tard, le revoilà avec une histoire qui semble écrite par/pour les frères Cohen, épaulé par un casting prestigieux et des personnages en or massif. Un alignement des planètes pour le moins inespéré pour un film qui ne l’est pas moins. 
Loin de s’attacher à raconter une histoire linéaire, le réalisateur scénariste nous embarque dans une ballade en plein Missouri à la rencontre de protagonistes hauts en couleurs dont les destins vont se croiser, se télescoper pour le meilleur et souvent pour le pire. En effet, nous débarquons à Ebbing, Missouri alors que le drame a déjà eu lieu et le film se termine sans que la question principale sur laquelle repose le scénario ne trouve de réponse. Est-ce gênant pour autant ? Non, car l’enquête ne sera au final que le prétexte à une avalanche d’évènements en cascade tour à tour tragiques et comiques, doux amers et violents. 
Et c’est bien là la force principale du scénario de refuser tout manichéisme au profit de personnages qui ne cessent d’évoluer tout au long du film. Servi par des interprètes d’une rare justesse, Three billboards arrive à condenser l’essence même de tous les ingrédients d’un film réussi. Des rôles parfaitement écrits, des acteurs complètement investis dans leurs personnages, des situations invraisemblables avec ce sentiment que tout peut arriver à tout moment, sans oublier un sens de la réalisation et une photo d’une rare qualité. 
Notons pour l’anecdote une faute de raccord dans la scène où Jason Dixon, allongé sur le canapé, discute avec sa mère qui lui conseille d’importuner les amis de Mildred. Jason tient un sandwich à peine entamé à la main et après un plan de coupe sur sa mère on le voit avec une chips. Ceci dit, Three billboards regorge de scènes bluffantes comme l’incroyable passage à tabac de Red Welby en plan séquence ou la lecture des lettres du chef Bill Willoughby qui devrait tirer des larmes de crocodiles à plus d’un spectateur. 
Dans un paysage cinématographique souvent aseptisé et binaire où les bons et les méchants sont caractérisés dès les dix premières minutes, Three billboards fait figure d’exception, un condensé de cinéma et d’écriture d’une rare densité et une performance d’acteurs et d’actrices comme on en voit trop peu sur grand écran.