jeudi 29 juillet 2021

The Suicide Squad

Échaudés par la version pour la moins bancale de David Ayer, les fans de l’équipe de super héros la plus branque de l’univers DC et Marvel réuni attendaient cette nouvelle adaptation avec un mélange d’espoir et d’appréhension. Pari gagné pour James Gunn qui allie avec talent la hargne et l’esprit provocateur de l’écurie Troma (rappelons qu’il a commencé sa carrière de réalisateur avec Troméo et Juliet et signé le génial Horribilis) et un sens inné du film chorale (Les Gardiens de la Galaxie reste à ce jour l’une des plus belles réussites des transpositions Marvel à l’écran). 

Le réalisateur donne le ton dés la scène d’introduction en massacrant une bonne moitié de son casting et les deux heures suivantes seront à l’avenant, un mélange de gore décomplexé, d’humour incorrect et d’action débridée. The Suicide Squad est bien l’adaptation que l’on attendait de cette bande de psychopathes en puissance dont, et c’est une surprise, Harley Quinn se trouve être le personnage le moins intéressant. Cela montre surtout tout le soin apporté à chaque protagoniste servi par des dialogues savoureux et des punchlines comme s’il en pleuvait. 

Avançant sur la corde raide avec des ruptures de ton risquées d’un point de vue narratif, The Suicide Squad ne cesse d’adresser des clins d’œil complices au spectateur sans perdre de vue sa fonction première, agrémenter un spectacle bourrin et délicieusement régressif d’un sous texte politique sans concession vis-à-vis de la politique extérieure des États Unis. 

Jusqu’à un final forcément excessif dans sa démesure qui, s’il ne constitue pas la meilleure partie du film, participe au chaos d’un film qui fait la part belle aux losers. Et c’est peut-être le principal message du film qui, entre Superman et un homme requin a clairement choisi son camp.

 

mercredi 21 juillet 2021

Titane

Un accident de voiture doublement traumatisant (c’est papa au volant), une plaque de titane vissée sur le crâne, il n’en faut pas plus (mais pas moins) pour transformer une horripilante gamine en danseuse mutique et tueuse en série à ses heures perdues. Alors lorsqu’elle croise le chemin d’un père à la recherche de son fils disparu depuis dix ans, les choses prennent une tournure pour le moins inattendue. 

Qui trop embrasse mal étreint. On connaissait les qualités de mise en scène et les références au cinéma de genre de Julia Ducournau depuis son premier film, Grave, l’histoire limpide, certains diront simpliste, du réveil à la sexualité d’une jeune fille dont la vraie nature issue d’une longue tradition familiale s’avère pour le moins complexe à gérer. Des références, Titane en regorge. On y croise pèle mêle Crash pour la symbiose entre la chair et le métal, Baby Blood pour la grossesse monstrueuse, Martyrs pour le massacre collectif et le giallo en général pour les meurtres à l’arme blanche et son gout prononcé pour les lumières colorées. Pour ce qui est de la lisibilité de la trame, c’est une autre histoire. 

Passant d’une piste à l’autre et multipliant les directions narratives, la réalisatrice s’amuse à mélanger les genres (hyper féminisée au début, Alexia se voit progressivement dépouillée de tous ses attributs féminins, au sens figuré comme au sens propre) et les représentations sexuelles (des femmes alanguies nettoyant des voitures en maillot de bain devant le regard bovin des mâles hétéros jusqu’à l’imagerie porno gay du bal des pompiers et la dance lascive d’Alexia redevenue femme sous les regards désapprobateurs de ses camarades de caserne). 

Bourré d’allégories et d’interprétations possibles que l’on se fera un plaisir de commenter un verre de Spritz à la main, Titane n’a de cesse de dérouter. Formellement maitrisé et impeccablement filmé malgré une musique beaucoup trop démonstrative, alors que l’usage des chansons illustre parfaitement le propos du film, Titane explore trop de pistes qu’il laisse en chemin en compagnie d’un spectateur rapidement perdu. Alors oui les scènes pensées pour être choquantes le sont, mais on est loin de la dépravation morale et physique d’un Golden Glove ou Henry, portait d’un serial killer pour ne citer qu’eux. 

Julia Ducournau n’est pas David Cronenberg et, outre le mérite de sortir un film comme celui-ci en France et de se faire reconnaitre par ses pairs, force est de constater que la magie n’opère pas. Grand film malade ou exercice de style un peu vain et poseur, le temps fera son œuvre d’oubli ou de réhabilitation. Mais quoiqu’il en soit on sera là pour le prochain film de Julia Ducournau.

samedi 17 juillet 2021

Désigné coupable

Désigné coupable, présumé innocent, c’est là tout le travail, et la vie, de l’avocate Nancy Hollander dont le personnage entretient plus d’une similitude avec le militantisme revendiqué de Jodie Foster elle-même. Alors lorsque le cas de Mohamedou Ould Slahi, détenu arbitrairement à Guantánamo au lendemain du 11 septembre lui passe entre les mains, elle y voit une occasion supplémentaire d’étriller le gouvernement américain et sa vision toute particulière de la justice envers les présumés terroristes. 

L’affaire prendra une ampleur qui se révèle véritablement dans la seconde partie du film qui passe alors d’une histoire de procès avec les traditionnelles relations entre avocat et suspect, à la révélation brutale des conditions dans lesquelles l’armée américaine a soutiré des aveux sous la torture à des prisonniers oubliés du reste du monde. 

Porté par un Tahar Rahim solaire malgré le destin tragique de son personnage et par une Jodie Foster glaçante de professionnalisme qui ne laisse transparaitre qu’une infime faille dans sa carapace, Désigné coupable évite avec succès les écueils du manichéisme et passe du solide film de procès à un brûlot sans concession contre des méthodes expéditives que n’aurait pas renié Jack Bauer. Solide, touchant et efficace à défaut de révolutionner le genre.

mardi 13 juillet 2021

Benedetta

Le doute et la croyance. 

Croire en Dieu, croire en Benedetta, croire au cinéma de Paul Verhoeven au point de le suivre dans tous ses excès, lorsque le ridicule tutoie le sublime à la manière d’un Dario Argento sur le tournage de Mother of Tears. Croire enfin parce que le cinéaste atteint une forme de sérénité avec la mise en scène de la vie de Benedetta Carlini au XVII ème siècle, dans une Italie ravagée par la superstition et la peste noire. 

Pour la première fois chez Paul Verhoeven le sexe n’est plus considéré comme une arme, un instrument de domination ou de manipulation comme il pouvait l’être dans la Chair et le Sang, Showgirls ou Basic Instinct, mais comme l’expression la plus pure du plaisir féminin, un plaisir qui ne doit sa subversion qu’à l’endroit où il s’exerce, les murs épais et empreint de duperie d’un couvent de Toscane. 

Jamais Benedetta n’apparait plus naturelle que lors des scènes saphiques, dépouillée de ses vêtements sacerdotaux, de sa bigoterie et de sa duplicité. Car tout empreint d’apaisement qu’il puisse être, le nouveau film du cinéaste hollandais n’en demeure pas moins une charge violente contre les institutions catholiques et leurs guerres de pouvoir, l’appât du gain et leur hypocrisie. Le réalisateur tire à boulets rouges sur l’Église mais respecte les croyants comme en témoigne cette fin ouverte et ce refus du jugement sur cette figure trouble qui oscille en permanence entre manipulation et ferveur religieuse sans que l’on ne sache jamais de quel côté la situer. 

Les soins apportés aux décors et à la reconstitution historique n’ont rien à envier à une distribution trois étoiles avec une flopée de seconds rôles (Olivier Rabourdin, Lambert Wilson délectable dans le rôle du Nonce) servis par des dialogues savoureux. En équilibre permanent entre un mauvais goût assumé (les apparitions de Jésus, les saillies d’une Virginie Efira au bord de l’Exorcisme) et une tension palpable (les guerres de pouvoirs au sein du cloitre), Paul Verhoeven dresse un nouveau portrait de femme hors norme qui se bat avec ses propres armes contre une société castratrice. 

Agnès, Nomi Malone et Catherine Tramell s’en frottent déjà les mains.

samedi 3 juillet 2021

The Deep House

The Deep House concentre le meilleur et le pire du tandem Bustillo Maury. Le pire : des personnages écrits à la truelle (le mec aux blagues relous et sa copine bourrée de phobies qui vont forcément ressurgir à un moment ou à un autre), une direction d’acteur pour le moins approximative (Eric Savin dans le rôle de Pierre semble tout droit sorti d’un épisode de Sous le soleil), un scénario parfois approximatif (le prologue ne sert à rien et la séquence finale est un peu trop explicative). 

Le meilleur : un pitch ancré dans le cinéma de genre (une maison hantée sous-marine), une réalisation nerveuse après une mise en place poussive (la deuxième partie du film ne nous laisse pas souffler une seconde), un travail sur le décor absolument époustouflant (la visite de la maison s’apparente à un cauchemar éveillé). 

Entre clin d’œil appuyé au remake d’Hellraiser qu’ils n’ont pu mener à bien et sincérité du propos quand il s’agit d’embarquer le spectateur dans un train fantôme lancé à grande vitesse, The Deep House surprend davantage par ses prouesses techniques que par sa maitrise scénaristique et l’empathie suscitée par les personnages. Il n’en demeure pas moins un film de genre efficace et honnête à défaut d’un grand film.