dimanche 24 août 2008

Gomorra

Gomorra est une peinture aussi réaliste que possible de l’intrusion de la camorra, la mafia napolitaine, dans la vie d’une dizaine de protagonistes dont nous suivons le quotidien durant quelques jours.
Entre film de fiction et documentaire (les noms des protagonistes sont fictifs mais les faits montrés s’inspirent d’évènements réels, ce qui a valu à son réalisateur une protection rapprochée suite à des menaces des mafieux qui se reconnaissaient un peu trop à leur goût dans le film…), Gomorra a le mérite de ne pas chercher à plaire à tout prix.
Les évènements et les personnages qui nous sont montrés sont brutaux et dénués de toute l’imagerie romantique, glamour ou simplement visuellement attrayante que pouvaient dégager le Parrain, les Affranchis ou Scarface. Ce dernier est d’ailleurs le modèle à suivre pour deux jeunes délinquants en devenir qui se voient comme les Tony Montana italiens et qui finiront aussi tragiquement que la plupart des protagonistes de ces histoires entrecroisées.
Entre enfouissements de déchets toxiques à proximité des zones habitées, enrôlement de gamins pour vendre de la drogue et exécution de femmes, l’image des mafieux en prend un coup et on comprend aisément que cette vision des choses n’ait pas plu à tout le monde.
Gomorra est donc un film choral souvent tourné caméra à l’épaule qui nous propose, en fonction des personnages que nous accompagnons, d’observer les différentes strates de cette redoutable organisation qui représente une part non négligeable de l’économie italienne, voire européenne.
Certains personnages profitent du système, la plupart le subissent, presque tous s’y font broyer. Entre rêve de réussite et d’argent facile, seul échappatoire à une existence vouée à la misère (ou vue comme telle) et système institutionnalisé auquel il est difficile de se soustraire quand on vit à Naples, la pieuvre napolitaine laisse peu de place à l’espoir et à une espérance de vie correcte. La seule limite de ce film direct et efficace se trouve sûrement dans l’écriture et la multiplicité des personnages et des intrigues secondaires que l’on peine parfois à suivre, entre guerre des gangs et trahison.
Là où Romanzo Criminale arrivait à transcrire de façon plus limpide, mais moins crédible, le récit d’une page de l’histoire italienne, Gomorra, de par son parti pris de cinéma qui colle au réel, peine parfois à trouver le souffle nécessaire pour emmener le spectateur dans cette spirale sans le perdre en route de temps en temps. C’est le moindre défaut de ce film courageux et nécessaire.

Wall E

Dire qu’une production Pixar est techniquement superbe est presque devenu un pléonasme tellement la branche animation des studios Disney impose à chaque fois un esthétisme de haut niveau.
Mais cette réussite ne serait rien si la réalisation des films n’était avant tout au service d’une histoire solide et maîtrisée, d’un scénario écrit avec minutie et de personnages fouillés et attachants. Car le secret d’un bon film est avant tout une histoire, et cela les équipes de chez Pixar l’ont bien compris.
Wall-E est donc à la fois un conte écologique, une formidable aventure de science fiction, une histoire d’amour entrecoupée de moments de bravoure et de scènes comiques. La quasi absence de dialogue durant la première partie du film n’empêche en rien l’adhésion au quotidien de ce petit robot chargé de nettoyé une Terre saturée de déchets après le départ des derniers humains vers des cieux plus cléments. Jusqu’à l’arrivée d’Eve, un autre robot en mission qui vient perturber la vie de notre héros.
Les rôles de l’homme et de la femme sont traditionnellement inversés dans Wall-E. Ce dernier, sensé représenter le genre masculin, est romantique, tête en l’air, maladroit, et amoureux. Eve quand à elle est sous des apparences de petit robot nippon l’équivalent d’un Terminator de dernière génération pour qui seule compte la mission qui lui a été confiée.
Les humains, qui apparaissent dans le second segment du film, sont en exil dans l’espace. Enfermés dans leur vaisseau et assistés par une armée de robots, ils sont en train de régresser physiquement et mentalement vers l’état de grosses larves. Jusqu’au retour de Eve et l’arrivée imprévue de Wall-E qui viennent perturber cette inertie. La découverte d’une trace de vie végétale indique qu’il est temps de rentrer et de recoloniser la Terre. Mais c’est sans compter des ordres enregistrés des années auparavant par les dirigeants de l’époque, auxquels le robot pilote ne compte pas déroger.
Wall-E lorgne alors allégrement du coté de 2001, l’Odyssée de l’Espace, que ce soit avec la révolte du robot contre l’humain, ou au travers de la bande musicale qui reprend le célèbre morceau de Strauss. Encore une fois, ce nouveau film Pixar est à double lecture. Intelligent, divertissant, maîtrisé, Wall-E marque d’une pierre supplémentaire la place prépondérante de Pixar dans le monde de l’animation.

jeudi 21 août 2008

Surveillance

Il est tentant de chercher dans les films de Jennifer Lynch des réminiscences de l’univers si particulier de son père.
Si la première partie de Surveillance peut parfois faire penser à une extension de Twins Peaks, la réalisatrice réussit toutefois à imposer son style pour raconter une histoire atroce par le biais des regards croisés des différents protagonistes de ce drame.
Suite à des agressions sauvages dans le sud des Etats-Unis, deux agents du FBI sont envoyés sur les lieux pour interroger les trois témoins rescapés. Un policier traumatisé par la mort de son partenaire, une junkie et une petite fille. Chacun donne sa version des faits sous l’œil et les caméras de l’agent joué par Bill Pullman.
Jennifer Lynch place le spectateur au coté de Bill Pullman pour suivre les interrogations des différents témoins et recouper les histoires de chacun. Sauf lorsque celui-ci laisse échapper un geste de complicité amoureuse et c’est alors la petite fille qui prend sa place derrière la caméra de surveillance qui s’en aperçoit. Tout le monde ment pour cacher des faits gênants et se protéger. Tout le monde sauf la petite fille dont le regard est le seul à être innocent. C’est par les yeux de l’enfance que la vérité apparaîtra, plus tordue que tout ce qui nous a été donné de voir jusqu’à présent.
Le principal intérêt de Surveillance ne réside pourtant pas dans sa chute et sa révélation finale. Celle-ci se devine en effet assez vite, surtout en tenant compte des spoilers et des indices qui pullulent dans la presse et qui viennent de plus en plus gâcher la surprise des films, du moins ceux qui nous en réservent encore. La force du film, outre sa construction donc, réside dans la galerie de personnages que Jennifer Lynch dépeint de manière crue et sans artifice. Des flics pourris et vicieux aux tueurs machiavéliques, Surveillance doit autant à Tueurs Nés qu’à The Devil’s Rejects. Chaque personnage cache derrière son discours officiel et l’image qu’il projette une vérité dérangeante et seule l’enfant, d’une froideur assez incompréhensible après tout ce qu’elle a vécu, sera à même de découvrir la vérité car elle-même ne cache rien. C’est d’ailleurs ce qui la sauvera alors que tous les autres acteurs de cette pièce de théâtre tragique seront sacrifiés.
La réalisatrice exploite à fond ces paysages désertiques et écrasés de chaleur des Etats-Unis, si propices aux exactions et aux attaques des serials killers. Ces tueurs pour qui elle éprouve une réelle empathie, proche encore une fois d’un Oliver Stone ou d’un Rob Zombie.
Surveillance est au final un film certes imparfait, avec quelques longueurs, des personnages parfois un peu caricaturaux et quelques facilités scénaristiques. Mais le film témoigne surtout du regard d’une vraie réalisatrice qui ne recule devant rien pour imposer sa vision des choses, et mettre en scènes des personnages controversés, déviants, rebutants et au final que l’on se surprend à trouver attachants. Jennifer Lynch est une réalisatrice à surveiller !