dimanche 12 septembre 2010

Piranha 3D

Le film s’ouvre de manière symbolique sur le personnage interprété par Richard Dreyfuss, survivant des dents de la Mer, qui se fait dévorer par une horde de piranhas préhistoriques.
Piranha 3D est clairement placé sous le signe des références. Il n’y a pour s’en convaincre qu’à regarder le casting convié par le réalisateur.
La craquante Elisabeth Shue qui se faisait rare depuis le Hollow Man de Paul Verhoeven, Ving Rhames, Christopher Lloyd, la bombe Kelly Brook, l’actrice de films X Crystal Shepard, sans oublier une apparition du réalisateur Eli Roth.
Alexandre Aja s’est donc fait plaisir et contente en même temps les fans des films de genre. Car plus que le remake du film original de Joe Dante datant de 1978, c’est à un véritable plaisir coupable que se livre ici le français expatrié à Hollywood.
Piranha 3D est un film incorrect qui pousse aussi loin que possible les limites du gore et du mauvais goût. Et seul un français pouvait se permettre une vision aussi trash du film d’horreur fun et décomplexé dans un système de production américain.
Le film s’ouvre d’ailleurs sur le Spring Break, un week end durant lequel des centaines de jeunes garçons musclés et de filles en maillot de bain font la fête, boivent de la bière et se trémoussent à moitié nus. Une ambiance qui plairait à Jason d’ailleurs. Et le fait que c’est une bouteille de bière jetée dans les eaux polluées de Lake Victoria qui déclenche une secousse sismique et l’attaque des poissons tueurs n’est pas neutre. Alexandre Aja porte un regard d’européen sur cette jeunesse décérébrée qui sert si souvent de chair à pâté aux tueurs des slashers destinés à un public adolescent. Nul doute que la critique aurait pu aller plus loin si les studios l’avaient permis.
Mais le propos de Piranha 3D n’est pas une critique sociale de l’Amérique. Le réalisateur semble décidé à livrer le film d’horreur le plus fun aux adeptes du genre. Et il n’hésite pas pour cela à aller loin, très loin, parfois trop dans le mauvais goût. Témoin ce gag en trois temps où Jerry O’Connell, à moitié dévoré par les piranhas, se plaint d’avoir perdu sa « bite ». Le réalisateur enfonce le clou en nous montrant l’organe en question et en trois dimensions flottant dans l’eau et goulument avalé par un poisson. Il va encore plus loin quand le piranha rote le pénis à moitié déchiqueté à la figure des spectateurs. On n’est pas loin de la surenchère et du trop plein dans le mauvais goût.
Autre scène difficilement imaginable dans un film identique réalisé par un américain, celle où l’hélice d’un bateau à moteur se prend dans les cheveux d’une malheureuse nageuse, d’abord trainée par le bateau puis écorchée vive quand la peau de son visage est brusquement arrachée par le moteur qui redémarre. Il fallait oser et tout le film est constellé de scènes de ce genre.
On devine que le réalisateur a du prendre un plaisir monstrueux, à la hauteur de la scène incroyablement longue, en filmant le massacre de ces jeunes américains bodybuildés et/ou siliconés.
Mais les scènes gores ne sont pas le seul élément de plaisir du film. Comme dans tout bon film d’horreur, d’autant plus se doublant d’un film de plage, Alexandre Aja n’est pas avare en pin up topless. Que ce soit avec Eli Roth en organisateur d’un concours de tee shirt mouillés ou avec les Wild Girls, référence à peine voilée au show américain Girls Gone Wild, le français ne lésine pas sur poitrines mises en avant par la 3D.
Car si jusqu’à présent les films tournés (ou gonflés après coup pour les plus opportunistes) en 3D se divisaient en deux catégories (les réussites totales pensées en 3D type Avatar et les opportunistes type Alice au Pays des Merveilles), Alexandre Aja invente une troisième catégorie. Celle des films pour qui la 3D est le moyen d’amplifier les effets qui font l’essence même d’un film ou d’un genre. Pour Piranha 3D, cette technologie n’est là que pour nous permettre de voir des scènes encore plus gores, plus comiques ou plus aguichantes. Comme un sale gosse, le réalisateur exploite cette technique couteuse pour nous montrer de plus prés ses créatures, les poissons tueurs comme les filles topless.
Piranha 3D est donc un immense pied de nez à une industrie qui ne génère plus que des produits formatés, d’autant plus jouissif qu’il dynamite le système de l’intérieur. En réalisateur accompli, Alexandre Aja remplit parfaitement le cahier des charges des studios, allant même jusqu’à en faire un film extrême dans le plaisir coupable qu’il procure, non sans oublier qu’il s’adresse avant tout à des fans et en écorchant au passage ce que l’Amérique peu engendrer de moins intéressant.
Piranha 3D est certainement l’un des films les plus réjouissants de l’année. Souhaitons cependant qu’un réalisateur talentueux comme lui ne se cantonne pas à faire des remakes de films américains, aussi réussis soient ils.