jeudi 31 décembre 2009

Esther

Le pitch d’Esther repose sur un principe aussi simple qu’efficace. Une famille est menacée par un élément extérieur mais également très proche, en l’occurrence une enfant adoptée.
En mêlant les thèmes des enfants tueurs et du noyau familial progressivement détruit de l’intérieur, le réalisateur Jaume Collet Serra met toutes les chances de son coté pour obtenir une intrigue solide qui tienne en haleine le spectateur. C’est nécessaire pour aboutir à une histoire réussie, mais pas suffisant. Et en effet, la réussite d’Esther tient tout autant à une solide interprétation de l’ensemble du casting qu’à une réalisation qui donne aux personnages le temps d’exister.
Le film s’ouvre sur une scène d’accouchement onirique assez éprouvante qui matérialise les traumas de Kate, une jeune mère de famille qui vient de perdre son troisième enfant, mort né. Ce traumatisme n’est pas le seul puisque l’on découvre que ses penchants pour l’alcool ont failli causer la perte de sa jeune fille sourde muette. Avec John son mari, ils décident d’adopter un enfant pour combler un vide difficile à supporter. Dans un orphelinat, ils font la rencontre d’Esther, une fille russe de neuf ans et décident de l’accueillir chez eux. Le cauchemar commence.
Il est assez rare que des films reposant sur des rebondissements de plus en plus dramatiques prennent le temps de présenter les personnages principaux de façon crédible. C’est le grand mérite du film que de nous faire connaitre cette famille et les différents membres qui la composent, chacun ayant un traumatisme psychologique ou physique plus ou moins important et plus ou moins assumé.
Des personnages bien écrits et tout aussi bien interprétés sont la clef de voute d’une histoire réussie, le réalisateur le sait et prend le pari de nous convier à des scènes d’échanges non verbaux entre Kate et sa fille sourde muette. Le langage des signes instaure entre elles une complicité réelle et le fait que le spectateur n’en fasse pas parti renforce ce sentiment. C’était un pari osé dans un film que l’on pourrait penser plus formaté. De même, les échanges entre Kate et son mari sont constamment justes et le jeu de Vera Farmiga aussi crédible en mère qu’en femme ou en alcoolique (difficilement) repentie, impose à son personnage une épaisseur indispensable pour ancrer l’histoire dans une réalité crédible. La jeune Isabelle Furhman n’est pas en reste, imposant d’emblé sa beauté étrange au service d’un personnage trouble et inquiétant.
Au fur et à mesure que la tension se fait palpable et que l’histoire avance, les rebondissements se succèdent de plus en plus rapidement et forcement de manière assez attendue. On pourra trouver que Jaume Collet Serra use et abuse des effets de caméras les plus classiques dans les films d’épouvante. Caméra subjective fixée sur la nuque des protagonistes, effets de reflet dans les miroirs, porte vitrée de pharmacie qui se referme et laisse apparaitre un visage (ou pas !), le réalisateur connait tous les tours pour faire sursauter le spectateur ou créer une tension grandissante. Cela pourrait être répétitif ou abusif s’il ne les utilisait pas intelligemment, prenant souvent le spectateur à contrepied en faisant déboucher son effet sur… rien. Le plus gênant est surement la bande son qui, du même coup, impose des coups de violon soudain aux moments les plus oppressants, comme pour mieux souligner la tension de la scène.
Ceci mis à part, le personnage d’Esther, la déliquescence progressive de la famille Coleman et la révélation finale donne à ce film une dimension qui le différencie des multiples slashers produits ces deniers temps. Le point d’orgue est atteint dans une scène vénéneuse fleurant avec l’inceste lorsque Esther, maquillée outrageusement et vêtue d’une robe de soirée tente de séduite son père d’adoption.
Si le final du film n’échappe pas à la règle des rebondissements multiples et surement trop attendus, Esther reste un film réussi, réalisé par un cinéaste qui s’intéresse à ses personnages et qui leur donne toute l’opportunité d’exister pour notre plus grande satisfaction.

dimanche 20 décembre 2009

Avatar

Douze ans après Titanic, le nouveau film de James Cameron arrive enfin sur les écrans, précédé d’une réputation à la mesure de l’évènement annoncé, celui d’une révolution technique, pas moins.
Filmé et pensé en 3 dimensions, Avatar est en effet un prodige technique à la hauteur du talent d’un réalisateur aussi rare qu’attendu. Heureusement, le film n’est pas qu’une prouesse technologique.
Pendant deux heures quarante, de grosses lunettes en plastique sur le nez, nous voilà donc plongé au plus profond de la planète Pandora en compagnie des quelques terriens qui tentent de la coloniser, des Na’vis qui l’habitent, d’une faune et d’une flore qui défient l’imagination. Et c’est bien à une immersion complète que nous convie James Cameron, aidé en cela par une technologie 3D qui nous plonge littéralement dans un monde totalement imaginaire et construit de toute pièce.
Contrairement à nombre de films actuels pour lesquels la 3D n’est qu’un argument de vente utilisé lors de courtes séquences pour impressionner le spectateur à la manière d’un artifice de train fantôme, cette technologie prend ici tout son sens en nous invitant à découvrir un monde peuplé d’une multitude d’êtres vivants, un monde merveilleux, aussi beau que dangereux, où les Na’vi vivent en harmonie avec leur environnement.
James Cameron retrouve donc son talent toujours intact de raconteur d’histoire et renoue avec celui de réalisateur de scènes de guerre que l’on n’avait plus vu depuis Aliens. Que ce soit lors de batailles aériennes ou terrestres épiques, ou de promenades bucoliques en forêt, toutes les scènes spectaculaires d’Avatar dépassent ce que l’on avait pu voir jusqu’à présent. Les images de synthèse n’ont jamais été aussi fluides jusqu’à presque se faire oublier. Quand aux personnages des Na’vis, ils sont parfaitement caractérisés et il est difficile de résister aux charmes de Neytiri, alors qu’elle mesure deux mètres de haut et arbore une belle couleur bleue !
Et c’est là toute la force du réalisateur et de son équipe, celle de nous montrer des personnages écrits, étoffés, crédibles et donc immédiatement attachants. Car sans cette adhésion du spectateur aux protagonistes de l’histoire, toute cette débauche d’effets n’aurait donné qu’un spectacle vain et froid, une coquille vide. Mais James Cameron a pris le temps d’écrire son film, de donner une véritable identité à des personnages qui, humains ou artificiels, ont tous une réelle présence à l’écran.
Partant de ces considérations, Avatar aurait pu être un film parfait. Malgré ses multiples qualités et le spectacle ahurissant qu’il nous offre, le point faible du film réside surement dans l’histoire en elle-même.
Non pas qu’elle soit bancale ou qu’elle ne fonctionne pas, bien au contraire, elle fonctionne trop bien. En prenant pour point de départ un monde extra terrestre que des hommes cupides vont tenter d’envahir, le déplacement de populations indigènes vivant en harmonie avec la nature pour des raisons financières, en opposant scientifiques et militaires et en y ajoutant une histoire d’amour (un peu) contrariée, James Cameron reprend des thèmes archi connus et rabattus. Bien sur, et malheureusement, ces thèmes sont on ne peut plus d’actualité. Depuis l’époque du Far West jusqu’aux récents conflits au Moyen Orient, l’Homme, ici américain, a toujours provoqué des guerres pour s’approprier le bien d’autrui. A ce titre, Avatar n’est d’ailleurs rien d’autre qu’une version moderne des westerns, les Indiens étant remplacés par les Na’vis.
Alors oui, l’histoire se répète et il est toujours important qu’il y ait des gens pour nous le rappeler. Mais avec ce parti pris, le réalisateur choisit aussi de nous raconter une histoire sans surprise. Du conflit entre deux guerriers pour les yeux d’une belle princesse au retournement de situation lors de la bataille finale alors que tout semblait perdu, rien ne nous surprend et certaines scènes ont même un air de déjà vu.
Alors qu’il avait déjà montré avec Abyss un réel intérêt pour la dimension écologique dans ses films, le réalisateur semble pour Avatar avoir été très inspiré par Hayao Miyazaki, que ce soit au niveau des thèmes abordés comme de la structure de certaines scènes. Par exemple, la charge des animaux contre les soldats lors de l’attaque finale fait penser à Princesse Mononoke, alors que les montagnes volantes de Pandora renvoient directement au Château dans le ciel. Ceci dit, on pourrait trouver pire référence. James Cameron fait le pari risqué de nous présenter les Na’vis en complète osmose avec leur environnement naturel lors de scènes de transes ou de danses collectives qui auraient vite pu sombrer dans le ridicule ou renvoyer à des images de sectes d’illuminés post soixante huitards. Il n’en est rien et il faut tout le savoir faire du réalisateur pour nous faire accepter ce parti pris.
Même sous influences, Avatar reste avant tout un film de James Cameron. Le réalisateur retrouve d’ailleurs Sigourney Weaver, les Marines et les exo squelettes, d’ailleurs plus perfectionnés, d’Aliens. Avatar, outre les images superbes et les scènes époustouflantes qu’il propose, est en quelque sorte un condensé de l’énorme savoir faire de James Cameron. Il nous a montré avec Abyss l’importance de la dimension écologique dans ses films, il a révolutionné avec Aliens les scènes de guerres entre Marines et extra terrestres, et Titanic l’a presque fait assimiler à un réalisateur de film romantique. Avatar est un peu de tout cela, avec beaucoup d’effets en plus, un peu moins d’originalité dans l’écriture mais au final énormément de magie.

vendredi 11 décembre 2009

Soldat Bleu


Sand Creek le 29 novembre 1864. Une unité de 500 hommes de la cavalerie du Colorado attaque et massacre les 700 habitants d’un village cheyenne, pour la plupart des femmes et des enfants.
C’est cette histoire atroce que relate le film de Ralph Nelson. Un film coup de poing, magnifique et poignant, un western humaniste qui préfigure bien des années plus tard Danse avec les Loups de Kevin Costner.
Soldat bleu débute par le voyage de Kathy Maribel Lee, une jeune femme new yorkaise ayant passé deux ans parmi les cheyennes. Elle rejoint son fiancé escortée par des soldats qui transportent une cargaison d’or. Le convoi est attaqué par des indiens qui massacrent tout le monde, excepté la jeune femme et Honus Gent, un soldat novice.
Commence alors un long périple à pied à travers une nature sauvage pour les deux survivants qui apprennent à se connaitre, à surmonter leurs différences et finalement à s’aimer. Alors qu’ils rejoignent la civilisation, lui dans le camp des soldats et elle dans la tribu cheyenne, le détachement de cavalerie s’apprête à fondre sur le village.
L’attaque du convoi par les indiens est expliquée, mais non moins excusable, par la nécessité pour eux de se procurer de l’or afin d’acheter des fusils pour se protéger des hommes blancs. Douloureux paradoxe et situation imbécile que la présence et l’attitude belliqueuse des colons imposent aux natifs de cette terre qui deviendra les Etats Unis d’Amérique.
Ralph Nelson signe avec Soldat bleu un film à multiples facettes. Le voyage du jeune soldat et de cette femme hors norme est émaillé de scènes de comédie dues à leurs différences culturelles et idéologiques. Leur rencontre avec un trafiquant d’arme donne lieu à une chasse à l’homme haletante et si nous sommes bien dans un western comme en témoignent les scènes de fusillades et la somptueuse nature dans laquelle évoluent les protagonistes, c’est avant tout l’aspect humain, et parfois inhumain des personnages qui est au centre du film.
Au fur et à mesure qu’ils progressent, l’homme et la femme perdent peu à peu leurs vêtements qui tombent en lambeaux, déchirés par les ronces. La désagrégation de l’uniforme d’Honus Gent va de pair avec sa prise de conscience du rôle de l’armée américaine dans l’annexion de territoires qui ne sont pas les leurs. Ses idées préconçues partent petit à petit en morceaux au contact de Katy Maribel Lee et de ses idées humanistes. De son coté, alors qu’elle perd peu à peu ses atours de femme civilisée, c’est un érotisme sauvage qui émane du personnage magistralement interprété par la belle Candice Bergen. Elle campe une femme déchirée entre son fiancé qui est un étranger pour elle, et ce jeune soldat dont la conscience s’éveille peu à peu. Déchirée aussi entre sa condition de femme blanche et cette tribu cheyenne dont elle partage les valeurs mais dont elle sera à jamais étrangère.
Il y a un coté rousseauiste dans cette traversée d’une nature flamboyante où ces deux êtres cheminent cote à cote et s’aiment sans contrainte. Le retour à la civilisation marque la fin de ce beau et dangereux voyage, et le commencement du cauchemar.
L’attaque du village est l’une des scènes les plus marquantes, douloureuses et sauvages qu’il soit donné de voir. Mené par un colonel irresponsable, les soldats déchainent sur les femmes et les enfants une sauvagerie que seule la guerre, sans règle ni morale, peut permettre. L’image du drapeau américain piétiné par un cheval résume d’ailleurs tout à fait cette négation de toute valeur humaine.
Ralph Nelson réalise de main de maitre une séquence où l’on retrouve la maitrise d’un Sam Pekimpa et la démence des films d’horreur italiens. Il ne nous épargne rien et déroule pendant de longues minutes des scènes de décapitations, de viols, de mutilations en tout genre qui matérialisent tout ce que l’homme, en groupe et livré à lui-même, peu faire de pire à ses semblables. Sans aucune complaisance mais avec une maitrise totale de ce qu’il filme, le réalisateur nous jette au visage toute l’horreur de la guerre, de toutes les guerres et en particulier du sort qui fut réservé aux indiens d’Amériques.
Alors que le générique de fin retentit, toute la salle est silencieuse. Pendant quelques secondes, personne ne bouge, comme assommé par la puissance de ce film qui est surement l’un des plus beaux westerns jamais réalisé.

jeudi 3 décembre 2009

Copies (presque) conformes 5

Réalisé par Michel Blanc
Avec Daniel Auteuil, Stuart Townsend, Frances Barber
Interdit aux moins de 12 ans
Long-métrage français. Genre : Comédie dramatique
Durée : 1h40 min Année de production : 1999
Distributeur : Pathé Distribution

Voilà une position peu habituelle pour l’acteur Daniel Auteil dont le nom figure en haut de l’affiche. Sa tête et son air étonné détonne avec sa position et donne à l’ensemble une tonalité de comédie, relayé par le titre. L’homme semble prisonnier des cuisses d’une femme anonyme et dans une mauvaise passe. La typographie du titre et la couleur blanche confirme qu’il ne s’agit pas d’un film trop grave mais bien d’une comédie dramatique. Les chairs sont bronzées et confèrent à l’ensemble une couleur chaude.


Réalisé par Larry Clark, Edward Lachman
Avec Adam Chubbuck, James Ransone, Tiffany Limos
Interdit aux moins de 16 ans
Long-métrage français, américain, néerlandais. Genre : Drame
Durée : 1h35 min Année de production : 2002
Distributeur : Pan Européenne Edition

L’affiche du film de Larry Clark a une connotation sexuelle évidente. La nudité de la femme est clairement exposé et l’attitude du jeune homme qui s’agrippe à ses cuisses ne laisse planer aucun doute quand à l’acte sexuel en cours. Il n’est fait aucune mention évidente des acteurs ni du réalisateur et le titre interpelle avec ses deux K qui se reflètent comme dans un miroir, symbolisant l’enfermement dans lequel les protagonistes du film évoluent. La couleur naturelle de la peau accentue le coté réaliste du film.


Verdict : deux affiches volontairement provocantes et qui interpellent. Les positions des hommes, la tête entre les cuisses d’une femme, renvoient autant à l’acte sexuel qu’à l’enfantement. De par ses couleurs et sa mise en scène, l’affiche de Ken Park revendique et assume beaucoup plus sa position que celle de Mauvaise Passe.

mercredi 2 décembre 2009

Kinatay


Brillante Mendoza part d’un fait divers sordide pour nous convier à un voyage au bout de l’horreur. Durant une longue nuit, nous suivons Peping, un jeune étudiant en criminologie qui, pour gagner un peu d’argent, traine avec un gang de Manille. Il se retrouve embarqué, et nous avec lui, dans une expédition punitive visant une prostituée junkie qui doit de l’argent à un parrain local.
S’en suit alors un douloureux chemin de croix pour les victimes de ce meurtre horrible. Et ces victimes sont tout autant la prostituée Madonna que le jeune Peping qui perd alors son innocence en même temps que sa dignité et son intégrité.
Dés le début du film, le réalisateur fait reposer sa mise en scène sur une immersion totale du spectateur. Immersion au milieu de la foule de Manille, au sein d’une famille dont nous partageons un moment de bonheur lors du mariage de Peping. Et immersion quand le réalisateur nous enferme avec le jeune homme dans un van, entre la victime et ses agresseurs. Pour ce faire, Brillante Mendoza use aussi bien d’une caméra portée en constant mouvement que d’une bande son qui restitue en les amplifiant tous les bruits des scènes auxquelles nous assistons.
Après une journée ensoleillée et heureuse, la longue nuit de cauchemar peut commencer. Et l’horreur ne réside pas seulement dans le viol, le meurtre et le démembrement de Madonna, mais commence par un interminable trajet en voiture, prélude des atrocités à venir. Et elle se conclut par le sort réservé à son corps, éparpillé tout au long du chemin, ainsi que par le visage ravagé du jeune Peping changé à jamais.
Plusieurs fois, le jeune homme hésite à prendre la fuite avant d’être rappeler à l’ordre par un message sec sur son portable. Ce sont autant de portes de sortie que semble nous tendre le réalisateur en nous faisant comprendre que nous aussi nous pouvons partir, ne pas assister jusqu’au bout à ce qui va suivre. Pourtant, comme Peping, par curiosité, par lâcheté, nous restons assis, redoutant le pire mais ne faisant rien pour y échapper.
Car c’est bien dans une position de témoin que nous place le réalisateur au travers des yeux de Peping (Peping – Peeping – Peeping Tom = voyeur). Contrairement à nombre de film de torture à la mode (Saw et compagnie), Brillante Mendoza ne nous impose pas de façon frontale et complaisante les actes de barbarie qui se déroulent dans la maison. Nous ne faisons que les entrevoir, toujours par le biais de Peping, ou les entendre au travers des cris de Madonna. Le reste, il nous laisse l’imaginer ce qui est mille fois pire.
Outre la peinture sociale d’une certaine frange de la population philippine gangrénée par la corruption (les tueurs sont des policiers véreux), la violence et la pauvreté, c’est surtout un miroir difficilement supportable de l’âme humaine dans ce qu’elle a de pire que nous tend le cinéaste. Que ce soit du point de vue des tueurs pour qui leur victime n’a même plus le statu d’être humain, ou de Peping qui assiste impuissant à tout cela, le film nous met dans la position du jeune homme et nous force à nous poser toujours la même question, et nous, qu’aurions nous fait à sa place ?
Il est clair qu’un film comme Kinatay ne peut que diviser. On accepte de rentrer dans le van avec les bourreaux ou l‘on part dès le début car ensuite, plus question de reculer.

vendredi 13 novembre 2009

L'Imaginarium du Docteur Parnassus

Terry Gilliam est surement le cinéaste le plus contrarié que la Terre ait porté. Après l’enlisement de son Don Quichotte, le tournage de son nouveau film est endeuillé par la mort tragique de son acteur principal Heath Ledger. Plutôt que de retourner toutes ses scènes, il a l’idée géniale de poursuivre son œuvre en remplaçant Heath Ledger par trois acteurs. Ce sont donc Johnny Depp, Jude Law et Colin Farrell qui se relaient pour incarner le personnage de Tony dans l’univers parallèle du fameux Docteur. L’idée est aussi belle que l’hommage rendu à l’acteur disparu est émouvant.
Et d’émotions, le film n’en manque pas.
En suivant cette petite troupe de comédiens itinérants perdus dans un monde moderne d’où l’imagination semble bannie, Terry Gilliam nous invite à un voyage merveilleux à travers l’imaginaire de ses différents personnages. En traversant le miroir, telle Alice au Pays des merveilles, le réalisateur nous convie à des séquences féériques qui nous renvoient directement aux Aventures du Baron de Munchausen, Lily Cole remplaçant Uma Thurman dans le rôle de Vénus. Difficile aussi de ne pas penser aux Frères Grimm devant ce comte de fées aussi cruel et noir que tendre et coloré.

L’imaginarium du Docteur Parnassus est donc un condensé de ce que Terry Gilliam sait faire de mieux, dans le fond comme dans les thèmes abordés. Le Docteur Parnassus qui emmène ses spectateurs dans un voyage fantastique renvoie en effet étrangement au réalisateur, et les difficultés qu’il rencontre font échos aux nombreux heurts qu’il a connu tout au long de sa carrière.
L’une des grandes réussites du film, outre son scénario à plusieurs niveaux de lectures, tiens aussi aux formidables acteurs dont le réalisateur a su s’entourer. Christopher Plummer campe un vieux sage immortel (qui ressemble au Gandalf de Peter Jackson comme deux gouttes d’eau) qui a vendu sa fille au diable et qui n’a plus sa place dans le monde dans lequel il vit à présent. Tom Waits incarne Monsieur Nick, un diable joueur, moqueur, ironique,… diabolique ! Des quatre incarnations de Tony, ce sont surement Johnny Depp et Colin Farrell qui tirent le mieux leur épingle du jeu en jouant la carte de la séduction et de la perversion. Mais la grande révélation du film est à coup sur Lily Cole dont l’étrange beauté envahit chaque scène où elle apparait. A l’instar de Christina Ricci chez Tim Burton, elle incarne une femme enfant tour à tour vulnérable et enjouée, et sa présence s’impose comme une évidence dans ce monde fou, merveilleux et effrayant. Un monde que ne renierait d’ailleurs pas Tim Burton, autre grand loufoque de génie.
L’imaginarium du Docteur Parnassus n’est cependant pas exempte de tout défaut. On peut en effet être gêné par une direction d’acteur parfois trop théâtrale et certains dialogues qui semblent pesant par rapport au reste, la vision du film en version française n’arrangeant pas les choses.

Le film peut être vu comme une somme de l’œuvre de Terry Gilliam, un condensé de séquences (parfois trop ?) hallucinantes, une réflexion sur le pouvoir de l’imaginaire. C’est surtout un voyage fantastique vers des contrées que l’on a peut être tendance à oublier, celles de notre imaginaire.

dimanche 1 novembre 2009

Le ruban blanc

Après le remake américain de son film choc Funny Games, Michael Haneke poursuit ses investigations sur le mal.
Le Ruban blanc met en scène un village allemand à la veille de la Première Guerre Mondiale. Entre pratiques quasi féodales et modernité, toutes les figures traditionnelles d’un village traditionnel de cette époque nous sont présentées dés les premières minutes du film. Le baron qui règne sur ses villageois, le docteur, le prêtre et l’instituteur. Entre chacun d’entre eux, des rapports de force et d’autorité, de domination et de frustration.
Surviennent alors toute une série d’évènements violents à priori accidentels qui vont petit à petit semer le doute, la suspicion et la peur.
Pour illustrer cette nouvelle analyse de la condition humaine dans ce qu’elle a de plus sombre, Michael Haneke fait preuve d’un formalisme impressionnant. Deux heures trente de film sans aucune musique, un noir et (surtout) blanc somptueux qui transforme chaque plan en tableau, et surtout une direction et un choix d’acteurs impeccables. Alors que les enfants sont des sujets difficiles à diriger et à rendre crédibles à l’écran, ceux du Ruban blanc sont fabuleux. On ne peut s’empêcher de penser au Village des damnés en voyant cette bande de gamins froids et inquiétants jamais loin du drame qui vient de se produire. Et lorsqu’un petit garçon interroge sa grande sœur sur la mort, la scène est simplement impeccable et touchante. Les adultes ne sont pas en reste et chaque personnage est écrit et interprété avec le plus grand soin.
Une fois de plus, le réalisateur nous questionne sur la violence propre à l’homme, fouillant avec ce film davantage les origines que les conséquences. Comme à son habitude, et contrairement à la majorité des films traitant de ce sujet, les scènes violentes sont la plupart du temps hors champs ou passées. On n’en voit que les conséquences terribles et l’impact en est décuplé.
La seul scène de violence à laquelle on assiste est verbale, et non moins dévastatrice que s’il s’était s’agit de blessures corporelles. Le médecin, lassé de sa maitresse, la rejette avec une violence froide qui transforme ses mots en poignards. La scène est d’une dureté incroyable qui ne passe que par le domaine verbal, et c’est toute la force d’écriture du réalisateur que de nous faire ressentir une telle violence alors que les corps eux ne bougent pas. Les parties du film qui mettent en scène le médecin sont d’ailleurs les seules à ne pas nous être présentées par le prisme du narrateur, l’instituteur que l’on devine vieux et qui nous relate l’histoire tel qu’il s’en souvient. Michael Haneke choisit de nous confronter directement à ce personnage qui cache peut être les plus lourds secrets.
De l’aveu même du réalisateur, le film ne traite pas seulement des origines du nazisme mais de toutes les formes de violence, terrorisme, intégrisme religieux, dictature et autres. Pourtant, il parait difficile de s’affranchir du fait que le film se déroule en Allemagne au début des années 1910 et que nombre des enfants que nous voyons seront vraisemblablement parmi les nazis de 1940. Et c’est là que le film se fait un peu réducteur. Si l’analyse de cette société corsetée par des principes qui paraissent aujourd’hui d’un autre âge, aussi bien moraux que religieux, est passionnante, si le réalisateur filme sans pareil les pires sévices qui se déroulent aussi bien derrière des volets clos que dans l’imagination du spectateur, force est de reconnaitre que c’est un peu rapide d’en faire l’origine même du nazisme. Ou de quelque autre forme de fanatisme politique ou religieux. Ce serait faire abstraction de bon nombre d’éléments économiques et sociaux qui, en 1910 comme en d’autres temps, furent les catalyseurs de ces montées d’extrémismes.
Il n’en demeure pas moins que le Ruban blanc est un film fascinant (l’histoire est racontée comme une enquête policière, à la lisière du fantastique), ambitieux dans les thèmes abordés et les réflexions qu’il suscite à sa sortie, et d’une beauté formelle à couper le souffle. Comme à son habitude, Michael Haneke ne dévoile pas toutes les solutions et nous laisse avec notre propre interprétation des faits.
C’est frustrant, inconfortable mais aussi diablement stimulant !

Le ruban blanc


Après le remake américain de son film choc Funny Games, Michael Haneke poursuit ses investigations sur le mal. Le Ruban blanc met en scène un village allemand à la veille de la Première Guerre Mondiale. Entre pratiques quasi féodales et modernité, toutes les figures traditionnelles d’un village traditionnel de cette époque nous sont présentées dés les premières minutes du film. Le baron qui règne sur ses villageois, le docteur, le prêtre et l’instituteur. Entre chacun d’entre eux, des rapports de force et d’autorité, de domination et de frustration. Surviennent alors toute une série d’évènements violents à priori accidentels qui vont petit à petit semer le doute, la suspicion et la peur. Pour illustrer cette nouvelle analyse de la condition humaine dans ce qu’elle a de plus sombre, Michael Haneke fait preuve d’un formalisme impressionnant. Deux heures trente de film sans aucune musique, un noir et (surtout) blanc somptueux qui transforme chaque plan en tableau, et surtout une direction et un choix d’acteurs impeccables. Alors que les enfants sont des sujets difficiles à diriger et à rendre crédibles à l’écran, ceux du Ruban blanc sont fabuleux. On ne peut s’empêcher de penser au Village des damnés en voyant cette bande de gamins froids et inquiétants jamais loin du drame qui vient de se produire. Et lorsqu’un petit garçon interroge sa grande sœur sur la mort, la scène est simplement impeccable et touchante. Les adultes ne sont pas en reste et chaque personnage est écrit et interprété avec le plus grand soin. Une fois de plus, le réalisateur nous questionne sur la violence propre à l’homme, fouillant avec ce film davantage les origines que les conséquences. Comme à son habitude, et contrairement à la majorité des films traitant de ce sujet, les scènes violentes sont la plupart du temps hors champs ou passées. On n’en voit que les conséquences terribles et l’impact en est décuplé. La seul scène de violence à laquelle on assiste est verbale, et non moins dévastatrice que s’il s’était s’agit de blessures corporelles. Le médecin, lassé de sa maitresse, la rejette avec une violence froide qui transforme ses mots en poignards. La scène est d’une dureté incroyable qui ne passe que par le domaine verbal, et c’est toute la force d’écriture du réalisateur que de nous faire ressentir une telle violence alors que les corps eux ne bougent pas. Les parties du film qui mettent en scène le médecin sont d’ailleurs les seules à ne pas nous être présentées par le prisme du narrateur, l’instituteur que l’on devine vieux et qui nous relate l’histoire tel qu’il s’en souvient. Michael Haneke choisit de nous confronter directement à ce personnage qui cache peut être les plus lourds secrets. De l’aveu même du réalisateur, le film ne traite pas seulement des origines du nazisme mais de toutes les formes de violence, terrorisme, intégrisme religieux, dictature et autres. Pourtant, il parait difficile de s’affranchir du fait que le film se déroule en Allemagne au début des années 1910 et que nombre des enfants que nous voyons seront vraisemblablement parmi les nazis de 1940. Et c’est là que le film se fait un peu réducteur. Si l’analyse de cette société corsetée par des principes qui paraissent aujourd’hui d’un autre âge, aussi bien moraux que religieux, est passionnante, si le réalisateur filme sans pareil les pires sévices qui se déroulent aussi bien derrière des volets clos que dans l’imagination du spectateur, force est de reconnaitre que c’est un peu rapide d’en faire l’origine même du nazisme. Ou de quelque autre forme de fanatisme politique ou religieux. Ce serait faire abstraction de bon nombre d’éléments économiques et sociaux qui, en 1910 comme en d’autres temps, furent les catalyseurs de ces montées d’extrémismes. Il n’en demeure pas moins que le Ruban blanc est un film fascinant (l’histoire est racontée comme une enquête policière, à la lisière du fantastique), ambitieux dans les thèmes abordés et les réflexions qu’il suscite à sa sortie, et d’une beauté formelle à couper le souffle. Comme à son habitude, Michael Haneke ne dévoile pas toutes les solutions et nous laisse avec notre propre interprétation des faits. C’est frustrant, inconfortable mais aussi diablement stimulant !

jeudi 29 octobre 2009

Copies (presque) conformes 4

Réalisé par George Lucas Avec Mark Hamill, Harrison Ford, Carrie Fisher
Titre original : Star Wars: Episode IV - A New Hope Long-métrage américain. Genre : Science fictionDurée : 2h01 min Année de production : 1977

L’éclat lumineux projeté par Luke et Leia vêtus de blanc contraste avec la noirceur du casque de Dark Vador et l’Etoile Noire en fond, comme une menace qui emplit toute l’affiche. A la manière des illustrations d’heroïc fantasy, Tom Jung e représenté la princesse Leia presque à genoux, en tout cas à un niveau inférieur au chevalier Jedi. Luke brandit son sabre laser au dessus de lui et projette des rayons vers le haut et les cotés, ce qui structure l’affiche avec un point d’équilibre dans le tiers supérieur droit. Le vide laissé dans la partie gauche de l’affiche est comblé par une flottille de vaisseaux qui semblent surgir du casque même de Dark Vador. La fameuse phrase d’accroche en haut à gauche et la typographie du titre qui semble nous conduire vers les personnages sont depuis devenues mythiques.

Réalisé par John Milius Avec Arnold Schwarzenegger, James Earl Jones, Max von Sydow
Titre original : Conan the Barbarian Long-métrage américain. Genre : Aventure, Fantastique Durée : 2h09 min Année de production : 1982

Le fond noir de l’affiche est comme un écrin pour l’illustration de Renato Casaro, surement influencé par le travail de Frazetta. Conan est représenté marchant vers nous, l’épée brandi vers le haut, le poing serré, en conquérant. Valéria est agenouillée devant lui, mais dans une position plus guerrière que soumise. Les deux épées forment une ligne qui scinde l’affiche verticalement. Dans le fond, un brasier atténue à peine les teintes sombres du dessin tandis que des vautours laissent présager une scène de bataille. L’accroche en haut à gauche résume tout le parcours et le destin de Conan, de son statu de voleur à celui de roi. Le titre, très graphique, est à lui seul une illustration pour le film.


Verdict : alors que 5 ans séparent la sortie de ces deux films légendaires, il est frappant de constater une certaine parenté dans la manière dont sont représentés les principaux protagonistes. L’affiche de Conan est fidèle aux personnages, elle est inspirée par les dessins de Frazetta et caractéristique de l’imaginaire de l’heroic fantasy. Celle de Star Wars est assez surprenante puisqu’elle reprend les mêmes codes, nous dévoilant un Luke aux muscles saillant et une Leia aux cuisses dénudées. La réalité est tout autre et si Star Wars puise dans de nombreux mythes, la saga reste cependant assez éloignée de l’heroic fantasy.

dimanche 25 octobre 2009

Copies (presque) conformes 3

Réalisé par Sylvester Stallone Avec Sylvester Stallone, Talia Shire, Burt Young
Long-métrage américain. Genre : Action, Drame Durée : 1h39 min. Année de production : 1982

Chose peu courante, le titre trône fièrement en haut d’une affiche épurée et réduite à sa plus simple expression. La star du film est Rocky, il n’y a pas à s’y tromper. Les deux adversaires photographiés en noir et blanc sont face à face mais pas sur la même photo. Stallone est au premier plan légèrement de biais, tourné vers le spectateur, alors que Mister T est vu latéralement. Et en effet le film ne se résume pas à un affrontement entre les deux adversaires puisque Rocky affronte également le catcheur Hulk Hogan.





Réalisé par Ron Shelton Avec Woody Harrelson, Antonio Banderas, Robert Wagner
Titre original : Play It to the Bone Long-métrage américain. Genre : Action Durée : 2h04 min. Année de production : 1999

Le film met aussi en scène deux anciens boxeurs qui là sont directement opposés. La phrase d’accroche s’oppose au titre et résume l’intrigue. Par son affiche, le film se présente comme un combat de boxe en confrontant non pas les personnages mais les acteurs eux même. Les couleurs chaudes de l’affiche tranchent avec la froideur de la précédente.


Réalisé par Philip Atwell Avec Jason Statham, Jet Li, John Lone
Titre original : War Long-métrage américain. Genre : Action, Arts Martiaux Durée : 1h42 min. Année de production : 2007

Confrontation frontale entre Jet Li et Jason Statham sur fond de feu qui laisse présager action et bastons. Les visages des deux acteurs emplissent toute l’affiche et le potentiel d’action du film repose uniquement sur leurs filmographies respectives et leur capacité à cogner. Pas besoin d’en rajouter, l’amateur de film d’action comprendra. Une accroche aux airs de dicton asiatique nous laisse entendre qu’il est question de vengeance et qu’il n’y a pas d’issue heureuse pour les deux protagonistes.

Verdict : l’affiche de Rock 3 exploite une photo noire assez froide que l’on ne retrouvera que dans celle de Rocky Balboa (Rocky 6). Celle des Adversaires s’inspire des affiches de boxe ou de catch en confrontant frontalement les deux adversaires. Ce procédé est poussé à l’extrême avec les gros plans de Rogue qui prend le pari risqué d’illustrer un film d’action sans montrer d’armes ni de scènes de combat.

Copies (presque) conformes 2


Réalisé par Tinto Brass
Long-métrage français, italien, ouest-allemand. Genre : Drame Année de production : 1976

Des lettres d’or annoncent à la fois le titre du film et le lieu principal de l’action. La bouche d’une femme maquillée, ses ongles peints et le bâton de rouge à lèvre qu’elle porte à ses lèvres soulignent le caractère sensuel de l’ensemble. Le bâton de rouge à lèvre qui effleure la bouche s’érige comme un sexe en érection. La croix gammée replace le contexte de l’histoire (l’Allemagne nazie) et annonce les thèmes de ce film sulfureux : le pouvoir et la manipulation (la croix gammée) et le sexe (le bâton de rouge à lèvres, les lèvres écarlates et entre ouvertes).

Réalisé par Kim Henkel Avec Matthew McConaughey, Renée Zellweger, Robert Jacks
Titre original : Return of the Texas Chainsaw Massacre Long-métrage américain. Genre : Epouvante-horreur Durée : 1h35 min. Année de production : 1994

Copie presque conforme de la précédente affiche, le bâton de rouge à lèvres est ici remplacé par une lame de tronçonneuse d’où jaillissent des étincelles au contact des lèvres. Alors que l’affiche a de quoi décontenancer l’amateur des Massacres à la tronçonneuse, l'image de Leatherface, directement issu du premier opus, apparait en reflet sur le tube de rouge à lèvre, comme pour mieux nous rassurer et nous confirmer que nous ne nous sommes pas trompé de film. La similitude entre les deux affiches va jusque dans la disposition des noms des deux interprètes principaux en haut et celle du titre qui se superpose aux doigts de la femme.
Verdict : si l’affiche de Salon kitty est une très bonne illustration du film, celle de Texas Chainsaw Massacre : The next generation n’a quand à elle que peu de rapport avec l’univers du film qu’elle présente et risque de décontenancer plus d’un spectateur.

Copies (presque) conformes 1

Réalisé par John Glen Avec Roger Moore, Carole Bouquet, Lynn-Holly Johnson
Date de sortie cinéma : 22 août 1981 Titre original : For Your Eyes Only Long-métrage britannique. Genre : Policier, Espionnage Durée : 2h07 min. Année de production : 1981

Le dessin qui occupe les deux tiers supérieurs de l’affiche obéit au cahier des charges des films de la série des James Bond de l’époque. Une illustration centrale et des scènes d’actions des moments forts du film sur les cotés, délimitées par les jambes de Carole Bouquet. Ces scènes sont d’ailleurs exposées avec une logique qui suit le triangle formé par les jambes écartées. En bas à droite on commence par des voitures, puis des montagnes et enfin on prend de l’altitude avec un hélicoptère. A gauche, on passe des fonds sous marins à un bateau pour finir sur un avion. Roger Moore, dans la posture bondienne par excellence, fait face à une femme que l’on devine aussi belle (tenue légère, talons hauts) que dangereuse (l’arbalète). Aucune phrase d’accroche n’est nécessaire dans la mesure où l’on est en terrain connu (la saga des James Bond).


Réalisé par Abel Ferrara Avec Zoë Lund, Bogey, Albert Sinkys
Date de sortie cinéma : 18 août 1982
Titre original : Ms. 45 Long-métrage américain. Genre : Thriller Durée : 1h21 min. Année de production : 1981

Le texte de l’affiche occupe le quart inférieur, laissant à l’illustration toute sa place pour exprimer le message du film. L’ambiance est résolumment nocturne et urbaine, soulignée par des couleurs sombres. L’agresseur apparait replié sur lui-même, minuscule entre les jambes de la femme. La véritable menace c’est elle, symbolisée par le pistolet qu’elle cache alors que l’homme n’est armé que d’un baton. Les rôles sont clairement inversés mais l’homme n’en a pas encore conscience. L’illustration souligne les principaux thèmes du film. La robe relevée qui laisse voir les bas et le porte jarretelle symbolise l’érotisme et la séduction, un mélange de provocation et d’exposition. Le pistolet et l’iminence de l’agression véhiculent toute la violence de l’histoire, celle d’une jeune femme violée qui décide de supprimer tous les hommes qui s’en prendront à elle. Telle une mante religieuse, elle se sert de ses attraits comme d’un appat, fatal pour ceux qui s’y laisseront prendre. La phrase d’accroche porte toute la dimension sexuelle du film. Les homme sont désignés comme des mâles, agresseurs potentiels de femmes victimisées qui décident de retourner le rapport de force. Le titre du film, rouge et en biais, est comme une balafre sur l’affiche.


Réalisé par Louis Leterrier, Corey Yuen Avec Jason Statham, Amber Valletta, Alessandro Gassman
Date de sortie cinéma : 3 août 2005 Titre original : Transporter II Long-métrage français. Genre : Action Durée : 1h27 min. Année de production : 2004

Le dessin en noir et blanc épuré contraste avec le tiers inférieur de l’affiche illustré par des flammes. L’affiche emprunte aussi bien à Rien que pour vos yeux (le héros armé et en costume qui apparait entre les jambes d’Amber Valleta, les scènes d’actions qui encadrent le titre, la posture de la femme) qu’à l’Ange de la vengeance (les bas et le porte jarretelle). Ici il n’y a pas non plus de phrase d’accroche dans la mesure où c’est le second volet de la série et que nous sommes sensés connaitre le contexte. Modernité oblige (enfin 20 ans après The Killer tout de même !), les protagonistes ont une arme dans chaque main et Jason Statham s’apprête à tirer en bondissant en l’air.
Verdict : l’affiche de Rien que pour vos yeux illustre de manière originale tout en respectant son cahier des charges cette nouvelle aventure de James Bond. Celle de l’Ange de la vengeance est une superbe interprétation des films de Rape and revenge et véhicule toute l’ambiance des films de Ferrara de cette époque (New York deux heures du matin). Le transporteur 2 pompe allégrement les deux premières, sacrifiant ainsi l’originalité au profit de l’efficacité.

Suspiria

Saluons d’abord l’heureuse initiative de l’équipe du festival Court Métrange de Rennes qui nous a permis de redécouvrir le chef d’œuvre de Dario Argento sur grand écran, en présence du passionné et prolixe Alain Schlockoff, actuel rédacteur en chef de l’Ecran Fantastique et directeur du Festival du film fantastique de Paris qui se tenait au Grand Rex et au cours duquel fut projeté pour la première fois en France Suspiria.
Datant de 1977, Suspiria s’inspire d’une histoire que Daria Nicolodi, alors compagne de Dario Argento et mère d’Asia, raconta au réalisateur. Cette histoire lui fut elle-même rapportée par sa mère et concernait une académie de danse qui fut fermée pour cause de pratique de magie noire en son sein.
A partir de cette trame, Dario Argento initie son cycle des trois Mères (Mater suspiriarum, Mater tenebrarum et Mater lachrimarum) dont Suspiria qui met en scène la Mère des Soupirs est le premier épisode. Suivront Inferno en 1980 et Mother of tears en 2007.
Chaque épisode se rapportant à l’une des sorcières se situe dans une ville particulière : Fribourg pour la Mère des Soupirs, New York pour la Mère des Ténèbres et enfin Rome pour la Mère des Larmes. Dario Argento connaissait dès le début la structure de sa trilogie comme en témoigne le premier plan de Suspiria. Alors que Suzy interprétée par Jessica Harper arrive à l’aéroport, le film s’ouvre sur un plan de panneau d’affichage indiquant des vols pour New York et Rome, annonciateurs des deux épisodes qui complèteront le cycle des Mères.
Suspiria constitue le premier pas de Dario Argento vers le fantastique et l’horreur pur. Déjà réalisateur reconnu de giallo depuis 1970 (L’oiseau au plumage de cristal, Le chat à neuf queues, Quatre mouches de velours gris, et Les frissons de l’angoisse), Dario Argento accède avec Suspiria à une reconnaissance internationale, grâce notamment au succès rencontré en France.
L’histoire de Suspiria est relativement simple et linéaire. Suzy est une jeune danseuse américaine qui rejoint la prestigieuse académie de danse de Fribourg. Dés son arrivée, d’étranges phénomènes se produisent, les morts violentes se succèdent et tout semble indiquer que le lieu est le théâtre d’actes de sorcellerie. Le principal intérêt du film réside clairement dans la force de ses images et de sa bande son. Dés l’arrivée de la fragile Suzy à l’aéroport, Dario Argento fait preuve de tout son talent en installant un climat oppressant en quelques plans à priori banals. Les portes coulissantes de l’aéroport, la tempête qui se déchaine dehors associées à la comptine récurrente qui reviendra régulièrement tout au long du film, il n’en faut pas plus pour que Suzy, et le spectateur, ressentent une impression de danger.
Le voyage en taxi et l’arrivée à l’académie ne font que confirmer ce que l’on pressentait depuis le début. Suspiria est un conte, au même titre que les histoires d’ogres et de sorcières des frères Grimm ou de Charles Perrault. L’impressionnante bâtisse aux couloirs interminables, l’éclairage si particulier, avec une prédominance de couleur rouge dans lequel baigne le film, tout nous renvoie aux châteaux et aux forêts de notre enfance, hantés par des forces obscures. Un détail est à ce sujet frappant. Lorsque Suzy a son premier malaise ou quand elle s’approche de l’antre de la sorcière, nous pouvons remarquer que les poignées de portes sont à hauteur de sa tête. Cela la rend encore plus petite, fragile, et accentue l’impression d’être dans la maison de la sorcière.
Outre la maitrise de la mise en scène, Suspiria impressionne encore aujourd’hui par le soin apporté à chaque scène. Des décors de l’académie aux scènes extérieures, des couleurs à la bande son des Goblins, chaque élément concourt à faire de ce film un model du genre. Les scènes de meurtres sont à la fois d’une cruauté incroyable (une jeune femme est poignardée, défenestrée et finalement pendue !) et d’une beauté graphique absolue, à mille lieue des scènes de torture gratuites qui envahissent systématiquement les productions actuelles.
Plus de trente ans après sa réalisation, Suspiria reste un sommet du genre, une œuvre sublime, maitrisée et certainement l’un des plus beaux films de son réalisateur.

mardi 20 octobre 2009

Mary et Max

Mary et Max est un drôle de film, enfin façon de parler.
Entièrement tourné avec des personnages en pâte à modeler animés en stop motion, le film ne comporte que très peu de dialogues, l’histoire étant racontée en voix off. Les décors sont gris, les thèmes abordés sont graves et le ton est résolument grinçant. Pourtant, on sourit tout au long du film pour peu que l’on soit sensible à cet humour noir et désespéré qui caractérise l’ensemble des personnages.
Mary Dinkle est une fillette australienne de huit ans, pas très jolie, un peu trop enveloppée et solitaire. Alors que rien ne l’y prédisposait, elle correspond pendant plus de vingt ans avec Max Horowitz, un juif new yorkais obèse de quarante quatre ans, atteint du syndrome d'Asperger. Au fil de leur correspondance et du temps qui passe, ces deux solitudes vont apprendre à se connaitre, à s’entre aider, se soutenir mutuellement et finalement à s’aimer.
Loin de toute convention, Mary et Max ose aborder des thèmes aussi sérieux que la maladie, la différence (physique, mentale et sociale), la mort, omniprésente dans le film qui ne compte pas moins de six décès, sans compter les poissons rouges. Mais le réalisateur Adam Elliot le fait de manière tellement respectueuse et décalée qu’il en résulte un film dont on ressort heureux.
Ce qui aurait pu être une tragédie sur les destins croisés de deux individus trop différents de leurs congénères pour se fondre dans la masse devient alors un mélange de comédie grinçante, de réflexion sur le droit à la différence et sur la place que la société réserve à de tels individus, sur la fraternité.
Mary et Max est ainsi traversé par des moments magiques et plein d’émotion. Comme cette scène où Max écrit à Mary qu’il est incapable de verser des larmes. La petite fille se met alors à penser à des choses tristes, recueille ses larmes dans une bouteille et les envoie à son ami afin que celui-ci puisse enfin pleurer. Le film est également un festival de situations plus comiques les unes que les autres. Ainsi, les échanges d’idées reçues entre les deux protagonistes sur la manière dont les enfants viennent au monde. Ou les morts à répétition des poissons rouges de Max.
D’un point de vue de l’animation, des décors ou de la musique, le film est également une réussite totale, chaque élément venant servir de façon harmonieuse le projet final. S’il fallait émettre une réserve, ce serait peut être sur la longueur du film qui aurait certainement gagné à être un peu plus court. Ceci mis à part, Mary et Max reste un monument d’émotion, de drôlerie, et une réflexion sur les relations qui unissent les êtres humains.
Le fait qu’un film draine autant de choses de manière aussi belle et distrayante est suffisamment rare pour que l’on ne boude pas son plaisir.

mercredi 14 octobre 2009

La Vida Loca

La sortie de La vida loca suit de peu la tragique disparition de son réalisateur Christian Poveda tué par balles au Salvador le 2 septembre 2009. Nul doute que l’attrait suscité par le film et son impact ne s’en trouvent décuplés.
Il est alors difficile de dissocier les deux évènements et de regarder ce documentaire avec la neutralité qui devrait être de mise pour juger de son intérêt tant le prix qu’a payé son réalisateur est fort.
Christian Poveda nous propose de suivre le quotidien de certains membres de la bandilla 18, l’une des maras qui sévit au Salvador, sur le model des gangs nord américains. Ils sont pour la plupart jeunes, voire très jeunes, sans attache familiale, désœuvrés et pauvres. La mara à laquelle ils appartiennent et dont ils abordent les tatouages sur le corps et le visage leur tient lieu de famille, de cadre social et de raison de vivre. Le quotidien de ces jeunes hommes et femmes est rythmé, comme le film d’ailleurs, par les enterrements de ceux qui sont tombés sous les balles des gangs adverses.
Le réalisateur s’attache à quelques personnages que nous suivons durant des mois. Le passage devant le juge, une opération chirurgicale, les descentes de police, les enterrements, le spectateur passe de l’un à l’autre et découvre des tranches de vie.
Pour traiter son sujet, Christian Poveda choisit clairement l’immersion plutôt que l’investigation. Si ses portraits sont en effets crachant de vérité, dans les moments de joie comme de douleur, il ne fait aucun pas vers une quelconque analyse critique de la situation qu’il nous décrit. Le rôle de la police est ambigu, entre harcèlement et maintien de l’ordre. L’épisode de la boulangerie n’est pas très clair et l’on ne saura jamais si c’était une tentative de réinsertion ou une couverture. Les faits nous sont exposés de façon brute et avec trop peu d’éléments pour que nous puissions avoir une opinion critique sur ce que nous voyons.
Enfin, et c’est plus gênant, les membres de la bandilla 18 nous apparaissent au final plutôt sympathiques à force de partager durant une heure trente leur quotidien et leurs détresses. C’est un peu vite oublier que si la plupart sont les victimes d’un système pervers (absence d’autorité parentale, de valeurs morales et grande pauvreté alors que les maras leurs proposent un cadre, un sentiment d’appartenance et de l’argent facile), ces gangs font subir quotidiennement leurs violences et leurs exactions à la majorité des habitants du pays.
Il est donc dommage que face à un projet aussi passionnant et en ayant réussi se faire accepter et presque oublier par ces jeunes, Christian Poveda ne réalise pas un vrai documentaire d’investigation en prenant un peu plus de hauteur par rapport à son sujet. Seule la dernière scène qui nous laisse deviner un perpétuel recommencement apporte une dimension tragique supplémentaire à une situation qui l’est déjà beaucoup.

dimanche 20 septembre 2009

Fish Tank

Fish Tank est un film à double facette.
C’est d’une part le portrait social de la classe défavorisée anglaise dans la veine d’un Ken Loach, auquel le film emprunte d’ailleurs l’actrice Kierston Wareing qui fut l’interprète principale d’Its a free world. Mais le film est aussi une chronique de l’adolescence au travers de Mia, jeune fille en colère magistralement interprétée par une Katie Jarvis débordante d’énergie.
Et de l’énergie, le film en a à revendre.
C’est d’ailleurs cette constante humanité qui emprunt les scènes les plus dures qui lui évitent de sombrer dans un misérabilisme pesant et finalement facile.
Mia est une jeune anglaise paumée, en conflit avec sa jeune sœur et sa mère toutes aussi perdues qu’elle, ses copines et finalement tous ceux qui croisent son chemin. Fish Tank nous livre ainsi un portrait très juste de cet état intermédiaire entre l’enfance et l’âge adulte, où rien n’est simple. D’autant plus dans un contexte économique et social très dur. Mia canalise son énergie en dansant, mais cachée, loin des regards des autres qui ne la comprendraient pas. D’ailleurs, lorsqu’elle danse avec sa capuche sur la tête elle adopte la même gestuelle qu’un boxeur à l’entrainement. L’arrivée de Connor, le nouvel amant de sa mère, amène le trouble dans une vie déjà passablement agitée. Connor représente de façon ambiguë le père qu’elle n’a pas pour l’enfant qu’elle est encore, et un amant potentiel pour la jeune fille qu’elle est en train de devenir.
La réalisatrice Andrea Arnold refuse toutes les facilités qui s’offrent à elle. Mia n’est pas une minette attachante ou une Cosette moderne. C’est une adolescente qui vit dans un milieu dur sans repères familiaux ou scolaires. Tour à tour touchante et exaspérante, l’interprétation pleine de vie de Katie Jarvis lui donne une dimension jusque là peu vue pour ce type de personnage. Entourée d’excellents comédiens, Kierston Wareing et Michael Fassbender en tête, elle incarne magnifiquement la fureur, les doutes de cet âge de la vie. De même, sa mère et sa sœur débitent des grossièretés à chaque dialogue et refusent toute démonstration de tendresse. Quand à Connor, c’est un homme dans toute sa faiblesse et sa lâcheté, qui fuit ses responsabilités et rejoint sa famille une fois ses pulsions assouvies.
Alors que nombre de scènes semblent appeler une suite tragique que l’on voit arriver de loin, la réalisatrice nous prend à contre pied pour mieux nous surprendre. (Attention spoiler !) La petite fille de Connor ne se noie pas au cours de son escapade comme on pouvait s’y attendre. La séance d’audition tourne court avant même d’avoir commencé. C’est ce parti pris de ne pas sombrer dans la facilité qui fait toute la force de ce film attachant.
Bien sur, Fish Tank n’est pas exempt de tout défaut. D’une durée supérieure à deux heures, le film aurait gagné à être un peu plus resserré lors de certains passages. Les scènes avec la jument blanche, assez lourdement symboliques, ne sont pas non plus essentielles à l’impact d’un film qui n’a pas besoin de cela pour nous toucher. Enfin, la scène de séparation de Mia avec sa mère et sa sœur, quand toutes les trois se mettent à danser est ratée. Une fois encore le message est lourdement asséné. Ne pouvant communiquer par la parole, elles s’expriment leur sentiment en dansant. Cette scène semble complètement artificielle et en décalage avec le reste du film.
Ceci étant dit, Fish Tank nous réserve de beaux moments comme cette escapade à la campagne en famille où chacune des répliques de la petite sœur de Mia font mouche et sont à se tordre de rire. Ou encore ces deux passages durant lesquels Connor porte Mia, endormie dans ses bras ou blessée sur son dos. On n’entend plus alors que leur respiration et ces moments de calme paraissent tournés en apesanteur.
Bien qu’il s’inscrive dans la liste déjà longue des chroniques sociales anglaises, Fish Tank dépasse ce statut en prenant le point de vue d’une adolescente et en brosse un portrait d’une justesse jusqu’alors peu vue à l’écran.

samedi 19 septembre 2009

District 9

C’est sous le parrainage de Peter Jackson que le jeune réalisateur Neill Blomkamp nous livre un film à la croisée de différents genres.
District 9 est en effet un film sous influences qui met en scène des extra terrestres dont le vaisseau s’est stationné au dessus de Johannesburg. Incapables de repartir, ils sont parqués dans des camps de réfugiés depuis plus de 20 ans. Le gouvernement et les gangs locaux s’intéressent à leur technologie alors que la population locale est de plus en plus hostile à leur présence qui trouble leur vie quotidienne. A l’occasion d’un transfert vers un autre camp, Wikus van der Merwe, un fonctionnaire quelconque est contaminé par un fluide extra terrestre. Il commence alors à se transformer et devient l’objet de toutes les convoitises.
District 9 commence par une série de témoignages de personnes ayant connu Wikus van der Merwe, sa famille, ses collègues de travail. Le film nous plonge ensuite au cœur de l’action lorsque, caméra à l’épaule, nous suivons l’intervention des équipes chargées du transfert de ces milliers de réfugiés.
Neill Blomkamp choisit de nous raconter son histoire par le prisme d’un homme banal, un fonctionnaire médiocre qui ne voit pas les atrocités de ses actes qui s’inscrivent dans la routine d’un travail quotidien. Le fait que le film se déroule en Afrique du sud n’est évidemment pas innocent. Mais si les analogies avec l’apartheid sautent aux yeux, le personnage de Wikus van der Merwe n’est pas non plus sans rappeler les fonctionnaires du régime nazi qui ne faisaient qu’exécuter les ordres qu’ils recevaient sans se poser trop de questions, consciemment ou non. Au fur et à mesure de sa transformation et de son exclusion sociale, Wikus va peu à peu prendre conscience des véritables enjeux qui motivent ses patrons, et accessoirement son beau père. De simple exécutant, il va alors se transformer physiquement et psychologiquement en un être qui retrouve son pouvoir de décision et se voit doté d’un armement destructeur.
L’influence du film la plus évidente pour tout joueur est sans conteste le jeu vidéo Halo dont on retrouve l’ambiance dans la plupart des scènes d’action. L’armement extraterrestre, les aliens eux-mêmes confrontés aux forces militaires gouvernementales, tout nous renvoie à ce jeu qui est devenu l’une des références du FPS. Et pour cause, Neill Blomkamp a commencé sa collaboration avec Peter Jackson sur une adaptation du jeu vidéo qui n’a jamais vu le jour. Les travaux préparatoires lui ont servis d’une part à tourner une étonnante bande annonce pour la sortie de Halo 3, véritable court métrage précurseur des scènes de batailles de District 9.
Mais les références dont se nourrit le film ne s’arrêtent pas là. On pense bien sur à la Mouche de Cronenberg lors de la déliquescence du corps de Wikus van der Merwe durant sa métamorphose. Les expériences monstrueuses que les scientifiques pratiques sur les extra terrestres ne sont pas non plus sans rappeler Starship Troopers de Verhoven. Et le personnage de Wikus à ses débuts pourrait tout à fait sortir du Brazil de Terri Gilliams.
Pourtant, District 9 possède une identité bien à lui, et l’on sent derrière ce film efficace la patte d’un réalisateur prometteur. A la fois film d’action, d’anticipation et réflexion intelligente sur la condition des réfugiés qui nous renvoie à une réalité brulante, en France comme aux Etas Unis, District 9 fait partie de ces rares films qui, comme Les fils de l’homme, parviennent à marier harmonieusement le spectaculaire et la réflexion sociale et politique. C’est sans conteste la marque d’un futur grand réalisateur avec lequel il faudra compter. L’avenir nous le confirmera.

lundi 31 août 2009

Un prophète

Malik est un jeune délinquant qui, pour une faute qui ne sera jamais clairement explicitée, se retrouve propulsé dans un univers carcéral impitoyable. Têtu, intelligent, il se retrouve mêlé à des évènements qui marqueront sa vie à jamais.
En effet, il tue un homme pour le compte de César Luciani, un parrain corse qui ne voit en lui qu’un larbin et un homme de seconde main. Hanté par cette vie qu’il a prise, Malik décide de prendre son destin en main et de gravir petit à petit les échelons de la hiérarchie criminelle.
Un prophète sort une semaine après Inglorious Basterds, le nouveau film de Quentin Tarantino, et présente contre toute attente d’étranges similitudes avec lui. De par sa forme d’abord puisque les deux films sont chapitrés, pratique courante chez Tarantino. Un prophète se décline en différents épisodes consacrés à des personnages clef croisant le chemin de Malik. Mais c’est dans l’un des thèmes principaux des deux films que se trouve la plus grande similitude. Un prophète comme Inglorious Basterds traitent en effet de la puissance du langage utilisé comme une arme, un instrument de pouvoir. Considéré tour à tour comme un arabe par le clan corse et comme un corse par les musulmans, Malik fait l’apprentissage des langues. Il commence par apprendre à écrire le français, parle l’arabe et par mimétisme et observation acquiert suffisamment de la langue corse pour pouvoir entendre ce qui se dit et communiquer avec ses codétenus. Il se rend compte que c’est la clef du pouvoir que d’être capable de communiquer avec ces clans fermés sur eux même.
Malik apparait alors comme un lien entre les bandes, mais loin de les unir il use de toute son intelligence et d’un sens du stratège hors norme pour les dresser les unes contre les autres. Comme dans Pour une poignée de dollars, il ne restera qu’un homme debout à la fin, et ce sera lui. Jacques Audiard signe avec ce film une histoire aux multiples facettes.
Conte, film de prison, film de gangster, réflexion sur la notion d’identité, Un prophète est tout cela à la fois. Le réalisateur filme ses acteurs au plus près et met en lumière tout une bande de personnages hors du commun, de véritables gueules enfermées dans une prison ou dans un système criminel tout aussi hermétique et sans issu.
A coté de Niels Arestrup, impressionnant en parrain corse tordu et cruel, Tahar Rahim est une véritable révélation. Acteur tour à tour fragile et manipulateur, jeune voyou effrayé ou criminel déterminé, il envahit l’écran à chacune de ses apparitions. Il est rare de voir sur les écrans français une telle présence aussi bien valorisée par un réalisateur. Jacques Audiard nous fait en effet rentrer en prison avec un jeune délinquant paumé et apeuré, nous en ressortons deux heures trente plus tard en compagnie d’un futur parrain du crime. Entre les deux, Malik aura traversé des épreuves qui auraient pu le briser à jamais. A force de détermination et d’intelligence, il retourne les situations à son avantage et en sort grandi.
Un prophète n’est pas un conte moral ni un pur film de divertissement, c’est bien plus que cela. En mêlant différents genres dont il respecte les codes (encore un point commun avec Tarantino), Jacques Audiard réalise un film majeur, intelligent et divertissant, et démontre que le cinéma c’est avant une histoire interprétée par des acteurs. Lorsque les deux sont d’une telle qualité, il n’y a rien à ajouter.

lundi 24 août 2009

Inglorious Basterds

1992 – 2003, Tarantino signe un parcours sans faute de Reservoir Dogs à Kill Bill, réalisant cinq films qui secouent le paysage cinématographique et impose un jeune cinéaste passionné et bourré de talent.
Avec Boulevard de la Mort, il se regarde un peu filmer et se perd dans des références qui semblent accoucher d’un matériau moins intéressant que d’habitude.
2009, Quentin Tarantino réalise avec Inglorious Basterds le grand film de guerre dont il rêve depuis longtemps. Encore une fois, le verdict est en demi-teinte. On attend de la part d’un cinéaste aussi surprenant, cultivé et doué que Tarantino qu’il nous surprenne à chaque fois. La déception n’en est que plus grande quand le pari n’est pas entièrement gagné.
Inglorious Basterd s’ouvre sur une magnifique séquence qui renvoie directement à Sergio Leone. Plan très large sur une campagne française qui ressemble à s’y méprendre au Far West, musique appuyée. Une famille de paysan s’affaire au travail quand une menace surgit à l’horizon, on n’est pas très loin d’Il était une fois dans l’Ouest. La menace se présente sous la forme du colonel Hans Landa, brillamment interprété par un Christoph Waltz qui est la vrai surprise du film. S’en suit l’un de ces dialogues sous tension entre l’allemand et le français dont Tarantino a le secret. La scène est parfaite, tant dans la manière de cadrer les protagonistes que dans les échanges verbaux qui passent d’une langue à l’autre. Hans Landa est un prédateur qui joue avec sa proie, le langage est son arme. Nul besoin d’explosion de violence ou d’acte sadique pour ressentir la menace que représente cet homme.
Le film s’ouvre donc sur une scène qui laissait présager le meilleur. Malheureusement, le reste ne suit pas toujours.
Après une présentation jouissive des Basterds, nous quittons ces derniers pour suivre des intrigues multiples qui se révèleront mois intéressantes. Alors qu’il commence à nous présenter les membres du commando sous forme de flash back, encore une marque de fabrique tarantinesque, le réalisateur s’arrête et nous laisse sur notre faim. On aurait aimé en apprendre davantage sur le lieutenant Aldo Raine, sa cicatrice de pendu et sa manie des scalps. Ou sur le sergent Donny Donowitz, l’Ours juif et sa batte de base ball. Il faudra se contenter de l’histoire d’Hugo Stiglitz, le tueur de nazi en série.
L’histoire rebondit ensuite d’une intrigue à l’autre avec un manque de cohérence préjudiciable. On suit la vengeance de Shosanna Dreyfus, le complot fomenté par le lieutenant Archie Hicox et l’actrice Bridget Von Hammersmark, l’enquête du colonel Hans Landa en perdant de vue les Basterds qui promettaient pourtant d’être la partie la plus spectaculaire du film.
Tarantino a fait des choix drastiques pour faire rentrer tous ces éléments sur deux heures trente, comme le fait de ne rien montrer de l’histoire de Shosanna entre sa fuite du début et sa vie de gérante de cinéma. Choix d’autant plus douloureux que les scènes ont été tournées. Pourtant, il s’attarde plus que de raison lors de scènes interminables. La partie de carte qui précède la fusillade dans la taverne aurait ainsi mérité d’être coupée de moitié. Les dialogues et le jeu des acteurs ne suffisent pas à maintenir l’attention du spectateur. Il en résulte des moments de lenteur, presque d’ennui, qui plombent le film. Pourtant, on retrouve dans Inglorious Basterds tout ce que l’on aime chez Tarantino. Des références revendiquées, digérées et transcendées comme cette fusillade dans la cave que n’auraient pas renié John Woo ou Johnnie To. Le film lui-même est un hommage aux films de guerre comme les 12 salopards et c’est justement ce que l’on aurait aimé trouver.
Tarantino expose de manière on ne peut plus claire son amour du cinéma en faisant de ce dernier une arme, au sens propre comme au sens figuré. On commençant son histoire par « il était une fois », il nous indique qu’il va nous montrer une fiction dans laquelle il peut tout se permettre, y compris de changer l’histoire. De plus, le cinéma où se déroulent les dernières scènes du film se transforme en immense piège, alors que les bobines qui brulent sont autant d’instrument de mort qui vont anéantir les nazis. Lorsque Shosanna apparait sur la dernière bobine du film, on croirait d’ailleurs voir le visage d’Uma Thurman dans le rôle de la mariée de Kill Bill plutôt que celui de Mélanie Laurent. Enfin, il fait de ses personnages principaux des critiques de cinéma, des passionnés, des projectionnistes. Bel hommage à la France, pays où le cinéma est roi, du moins aux yeux des américains.
Inglorious Basterds est traversé de scènes à double sens comme celle où Shosanna et Frédérik Zoller s’entretuent dans la salle de projection. C’est autant un acte d’amour que de haine, les balles pénétrant les chairs se substituant à l’acte sexuel.
Le film comporte des moments de grâce, comme cette scène d’ouverture, où bien ce repas entre dignitaires nazis durant lequel Mélanie Laurent ne prononce pas un mot mais laisse apparaitre toute une palette d’émotions sur son visage. Enfin, Inglorious Basterds est un film sur le langage, arme vicieuse et mortelle quand elle est maniée par ce génie de Christoph Waltz, objet de plaisanterie quand Brad Pitt plus british que jamais parle italien avec un accent à couper au couteau.
On ne peut qu’imaginer ce qu’aurait pu être le film se focalisant sur les Basterds. Un vrai film de guerre, anti conventionnel et fun comme sait si bien le faire ce réalisateur inclassable et dissipé. Tarantino a-t-il encore une fois été victime de sa trop grande générosité ? Il y a en effet dans Inglorious Basterds matière à faire une série de deux ou trois films, ce qui rend l’ensemble à la fois frustrant et parfois lourd.
Parions que ces deux derniers films, intéressants à bien des égards mais en dessous de ce que l’on est en droit d’attendre de ce réalisateur passionnant, ne sont que des incidents de parcours. Vivement la suite.

dimanche 16 août 2009

GI Joe

On peut raisonnablement se demander quel est l’intérêt d’aller voir GI Joe au cinéma.
Outre le fait d’accompagner son filleul de 11 ans, cela permet de prendre le poul des blockbusters américains. Et force est de constater que ce poul est faible et que les clichés sont plus que jamais de mise dans les dernières super productions à destination des adolescents. A ce titre, GI Joe est un catalogue non exhaustif mais assez complet de ce qui se fait de pire en matière de sales manies vues sur le grand écran ces dernières années.
Cliché numéro un, le héro est un jeune militaire d’une trentaine d’année, séduisant et rompu à toutes les techniques de combat. Il manie les armes les plus diverses et le combat au corps à corps et malgré sa jeunesse, semble avoir 20 ans de carrière tout en ayant participé à toutes les campagnes militaires d’importance depuis la guerre du Viet Nam.
Cliché numéro deux, il est épaulé par un compagnon d’arme lui aussi rompu au combat (pilote de chasse autant que fantassin), qui assure le quota comique du film et qui bien sur est noir. Le jour où le héro sera noir (ou asiatique ou n’importe quoi d’autre) et que ce sera un jeune blanc qui fera le pitre, on aura franchi un grand pas dans l’évolution des mentalités, mais ce jour est encore loin.
Cliché numéro trois, le méchant est un ancien gentil que l’on croyait mort accidentellement et qui, se considérant trahi par les siens, tombe du coté obscur de la Force. Pour faire bonne figure (attention, spoiler), c’est même le frère de la fiancé du héro qui elle-même devient méchante en apprenant sa mort (celle de son frère, pas de son fiancé) mais qui se rachètera au dernier moment, sauvé par l’amour que lui porte encore son héro de fiancé.
Cliché numéro quatre, les méchants décident de détruire Paris, ce qui semble devenir une manie chez nos confères d’outre Atlantique. On pourrait continuer comme cela encore longtemps, c’est l’un des cotés les plus divertissant du film.
GI Joe est il pour cela dénué de tout intérêt ? Il faut reconnaitre que le film se laisse regarder sans trop d’ennui. Même si les méchants débitent leurs tirades de méchants avec un aplomb qui frôle la caricature, sans être pour cela crédible une seule seconde, les scènes d’actions, dont une étonnante poursuite dans les rues de Paris, sont réussies. Les effets spéciaux sont relativement crédibles, le plus impressionnant étant cependant la plastique de rêve de la Baronne interprétée par Sienna Miller. Si cette dernière est fort jolie, il faut cependant admettre qu’elle n’a pas une poitrine très développée. Hors dans le film, on ne voit que son décolleté rebondi qui laisse rêveur autant que perplexe. Les progrès de la science ne connaissant décidément pas de limite.
GI Joe est donc un film d’action honnêtement réalisé à la morale douteuse (les GI Joe sont les meilleurs des meilleurs qui ne connaissant pas la honte de l’échec, quelle horreur !), et dont la fin laisse ouvertement présager une suite. Je passe mon tour.

mercredi 5 août 2009

Là-haut

Réalisé par Pete Docter au sein des studios Pixar, Là-haut conte les aventures de Carl, un vieux monsieur solitaire et grincheux depuis la mort de sa femme Ellie. Alors que sa maison est menacée par les chantiers qui l’entourent, il décide de réaliser le rêve de sa vie et s’envole, littéralement, vers l’Amérique du Sud. Malencontreusement accompagné par un scout bavard et rondouillet qui cache lui aussi des blessures profondes, il va croiser la route d’un oiseau rare, de chiens qui parlent et d’un explorateur héros de son enfance. Ce n’est qu’après bien des aventures qu’il va découvrir le sens réel de son voyage.
Comme toute production Pixar, et on n’imagine pas un retour en arrière un seul instant, Là-haut bénéficie d’une animation impeccable renforcée par la technique 3 D. Celle-ci se fait toutefois discrète, sans effet tapageur, et n’est là que pour renforcer la profondeur de champ et donner aux paysages et au voyage dans les airs une perspective nouvelle.
Les thèmes abordés ici sont peut être plus graves que d’habitude. Il est question de la vieillesse, de la mort, de ces rêves que l’on partage avec celui ou celle que l’on aime et que l’on ne prend pas le temps de concrétiser. Le temps passe, l’un des deux disparait et celui qui reste vit davantage dans ses souvenirs que dans le présent. On peut aussi remarquer que lorsque Carl donne un coup de canne sur la tête d’un ouvrier de chantier, on voit du sang pour la première fois dans une production Pixar.
Là-haut fourmille de séquences magiques, comme cette vie à deux résumée en quelques minutes, avec ses joies et ses drames. Le film comporte nombre d’idées riches et originales, un oiseau coloré et caractériel ou des chiens qui parlent. Pourtant on a l’impression qu’elles ne sont pas exploitées comme elles le devraient. Le potentiel comique de l’oiseau, du chien ou du scout sont énormes, et on reste un peu sur sa faim. Le film comporte aussi un petit anachronisme car l’explorateur Charles F. Muntz a une trentaine d’année quand Carl et Ellie sont enfants et le voient au cinéma. Or, lorsque Carl devenu un vieil homme le rencontre en chair et en os, Charles F. Muntz semble plus jeune et plus alerte que lui.
Contrairement à Wall-E dernièrement, la magie Pixar n’opère donc qu’à moitié. Là-haut reste un film d’une exceptionnelle qualité, tant d’un point de vue de l’animation que de l’histoire, mais le degré d’exigence auquel le studio nous a habitués est tel que l’on ne peut que ressentir une légère déception, au risque d’être parfois trop critique.