dimanche 25 octobre 2009

Suspiria

Saluons d’abord l’heureuse initiative de l’équipe du festival Court Métrange de Rennes qui nous a permis de redécouvrir le chef d’œuvre de Dario Argento sur grand écran, en présence du passionné et prolixe Alain Schlockoff, actuel rédacteur en chef de l’Ecran Fantastique et directeur du Festival du film fantastique de Paris qui se tenait au Grand Rex et au cours duquel fut projeté pour la première fois en France Suspiria.
Datant de 1977, Suspiria s’inspire d’une histoire que Daria Nicolodi, alors compagne de Dario Argento et mère d’Asia, raconta au réalisateur. Cette histoire lui fut elle-même rapportée par sa mère et concernait une académie de danse qui fut fermée pour cause de pratique de magie noire en son sein.
A partir de cette trame, Dario Argento initie son cycle des trois Mères (Mater suspiriarum, Mater tenebrarum et Mater lachrimarum) dont Suspiria qui met en scène la Mère des Soupirs est le premier épisode. Suivront Inferno en 1980 et Mother of tears en 2007.
Chaque épisode se rapportant à l’une des sorcières se situe dans une ville particulière : Fribourg pour la Mère des Soupirs, New York pour la Mère des Ténèbres et enfin Rome pour la Mère des Larmes. Dario Argento connaissait dès le début la structure de sa trilogie comme en témoigne le premier plan de Suspiria. Alors que Suzy interprétée par Jessica Harper arrive à l’aéroport, le film s’ouvre sur un plan de panneau d’affichage indiquant des vols pour New York et Rome, annonciateurs des deux épisodes qui complèteront le cycle des Mères.
Suspiria constitue le premier pas de Dario Argento vers le fantastique et l’horreur pur. Déjà réalisateur reconnu de giallo depuis 1970 (L’oiseau au plumage de cristal, Le chat à neuf queues, Quatre mouches de velours gris, et Les frissons de l’angoisse), Dario Argento accède avec Suspiria à une reconnaissance internationale, grâce notamment au succès rencontré en France.
L’histoire de Suspiria est relativement simple et linéaire. Suzy est une jeune danseuse américaine qui rejoint la prestigieuse académie de danse de Fribourg. Dés son arrivée, d’étranges phénomènes se produisent, les morts violentes se succèdent et tout semble indiquer que le lieu est le théâtre d’actes de sorcellerie. Le principal intérêt du film réside clairement dans la force de ses images et de sa bande son. Dés l’arrivée de la fragile Suzy à l’aéroport, Dario Argento fait preuve de tout son talent en installant un climat oppressant en quelques plans à priori banals. Les portes coulissantes de l’aéroport, la tempête qui se déchaine dehors associées à la comptine récurrente qui reviendra régulièrement tout au long du film, il n’en faut pas plus pour que Suzy, et le spectateur, ressentent une impression de danger.
Le voyage en taxi et l’arrivée à l’académie ne font que confirmer ce que l’on pressentait depuis le début. Suspiria est un conte, au même titre que les histoires d’ogres et de sorcières des frères Grimm ou de Charles Perrault. L’impressionnante bâtisse aux couloirs interminables, l’éclairage si particulier, avec une prédominance de couleur rouge dans lequel baigne le film, tout nous renvoie aux châteaux et aux forêts de notre enfance, hantés par des forces obscures. Un détail est à ce sujet frappant. Lorsque Suzy a son premier malaise ou quand elle s’approche de l’antre de la sorcière, nous pouvons remarquer que les poignées de portes sont à hauteur de sa tête. Cela la rend encore plus petite, fragile, et accentue l’impression d’être dans la maison de la sorcière.
Outre la maitrise de la mise en scène, Suspiria impressionne encore aujourd’hui par le soin apporté à chaque scène. Des décors de l’académie aux scènes extérieures, des couleurs à la bande son des Goblins, chaque élément concourt à faire de ce film un model du genre. Les scènes de meurtres sont à la fois d’une cruauté incroyable (une jeune femme est poignardée, défenestrée et finalement pendue !) et d’une beauté graphique absolue, à mille lieue des scènes de torture gratuites qui envahissent systématiquement les productions actuelles.
Plus de trente ans après sa réalisation, Suspiria reste un sommet du genre, une œuvre sublime, maitrisée et certainement l’un des plus beaux films de son réalisateur.

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