dimanche 20 mai 2012

De rouille et d'os

La belle, c’est Stéphanie, une dresseuse d’orques à Antibes à qui tout réussit, du moins nous le laisse t’on deviner. La bête, c’est Ali, un homme paumé qui vient du Nord avec son fils Sam dont il ne sait pas s’occuper. Peu de temps après leur rencontre dans une boite de nuit, Stéphanie est victime d’un terrible accident. Amputée des deux jambes, elle se tourne vers Ali qui, un peu malgré lui, lui redonne goût à la vie.
 Après avoir signé avec Un prophète un film magnifique, Jacques Audiard se tourne vers le mélo. S’il a l’intelligence de choisir les interprètes adéquates pour incarner ses personnages, il n’évite malheureusement pas les écueils propres à ce genre souvent risqué.
De rouille et d’os est un bon film, magnifiquement interprété et maitrisé. Pourtant on est loin de la fulgurance qui caractérisait son précédent long métrage. La faute à un scénario qui pêche à trois endroits. Premièrement le personnage d’Ali, un homme irresponsable autant dans ses relations avec les femmes, son fils que par ses actes professionnels. Alors que son histoire devrait susciter l’empathie, on a du mal à réprimer une sorte d’agacement devant tant d’insouciance. Si cet état de fait permet à Stéphanie de se sentir considérée comme une personne normale et non pas une handicapée, témoin la scène de la plage où il la laisse nager sans ses soucier d’elle et va dormir en attendant qu’elle revienne, cette même attitude a des conséquences désastreuses sur son fils de cinq ans qu’il blesse en le cognant contre une table, qu’il laisse regarder des combats de free fight sur internet ou dont il provoque involontairement l’accident par négligence.
La seconde faiblesse du film tient à l’exposition trop brève du personnage de Stéphanie avant que ne survienne l’accident. Contrairement au personnage d’Ali que l’on découvre bien avant son arrivée à Antibes, on ne sait pas grand-chose de cette jeune femme avant qu’elle ne soit amputée. On aurait aimé la voir telle qu’elle été avant l’accident, sure d’elle, surement égocentrique, pour mieux comprendre celle qu’elle devient par la suite. De plus, même si son parcours est émaillé de moments douloureux, comme par exemple l’excellente scène de la boite de nuit où Marion Cotillard fait passer toute sa frustration et sa détresse sans pratiquement dire un mot, force est de constater que son parcours se passe relativement facilement. Les prothèses, la réadaptation à la marche, l’insertion dans le milieu fermé des paris clandestins, tout semble plus ou moins couler de source et se passe finalement très vite.
Enfin, le dernier personnage laissant à désirer est celui de Sam, le fils d’Ali. Il est présent sans vraiment avoir de consistance, ne prononce quasiment pas une parole et on a avec lui aussi du mal à créer une relation qui suscite un quelconque intérêt.
Sans aller jusqu’à comparer le film de Jacques Audiard avec le Dancer in the Dark de Lars von Trier comme beaucoup de critiques l’on fait à sa sortie, le film d’Audiard est nettement moins grossier et manipulateur, il est dommage que le réalisateur ait sacrifié son histoire à quelques facilités scénaristiques en usant plus que nécessaire d’un pathos qui devient au final assez pesant (l’accident de Stéphanie, la trahison d’Ali vis-à-vis de sa sœur, l’accident de Sam). Il reste que le film permet à Marion Cotillard d’incarner avec brio l’un des personnages les plus forts de sa carrière, bien plus intéressant que sa prestation dans la Môme par exemple. Mathias Schoenaerts quand à lui reprend un rôle au final peu éloigné de celui qu’il tenait dans Bullhead, celui d’un gosse enfermé dans le corps d’un homme. Mais l’acteur, même s’il est très bon, est à mille lieus de la performance, il est vrai impressionnante, du personnage d’éleveur bovin qu’il livrait dans son précédent film.
Au final, il reste un film intéressant, de très belles performances d’acteurs, des scènes magnifiques. Dommage que l’ensemble manque de ce quelque chose d’imperceptible qui fait les chefs d’œuvre.

jeudi 17 mai 2012

Dark Shadows



Alice au Pays des Merveilles, dernière adaptation en date de Tim Burton laissait présager le pire sur la carrière d’un cinéaste que l’on sentait arrivé au bout de son univers, écrasé par les studios et bien loin de la fulgurance de ses premiers films. Dark Shadows dément catégoriquement un éventuel essoufflement du cinéaste qui revient avec succès à ses thèmes de prédilection.   En adaptant la  série télé créée par dan Curtis qui n’est pas sans rapport avec l’univers de la Famille Adams, Tim Burton réalise un film en tout point réussi, brassant avec bonheur la comédie pure, l’hommage aux films de vampire tout en conservant son sens critique et une bonne dose d’humour noir. Car si Dark Shadows est avant tout une comédie, le réalisateur y insère quelques scènes d’une cruauté et d’une audace bienvenues. Témoin cette réunion de baba cools tous plus niais les uns que les autres qui se termine dans un bain de sang, ou cette fellation (certes hors champ, il ne faut pas exagérer non plus !) pratiquée par Helena Bonham Carter sur un Johnny Depp aussi étonné que les spectateurs de cette audace.
Comme à son habitude, le réalisateur s’entoure de comédiens habitués à son univers, et introduit quelques nouveaux venus dont Eva Green qui incarne au passage l’un des plus beaux personnages du réalisateur. Avec grâce et talent, la comédienne campe la sorcière Angélique Bouchard, éprise autant qu’ennemie mortelle de Barnabas Collins. Que ce soit au travers d’une amoureuse éconduite, d’une femme fatale ou d’une poupée de porcelaine désarticulée, Eva Green donne à cette femme tragique une âme tragique qui restera dans les mémoires. La première incongruité du film est d’ailleurs le fait que Barnabas Collins reste de glace devant tant de beauté et de sensualité…
Face à elle, Johnny Depp est servi par des dialogues savoureux, les scénaristes jouant à fond, et avec succès, la carte pourtant connue du décalage temporel. Perdu une époque qui lui est complètement inconnue, le vampire Barnabas Collins enchaine les situations loufoques sans se départir une seconde d’un sérieux inébranlable. Que ce soit le M de Mac Donald associé à Méphistophélès, Madame Alice Cooper ou les anachronismes de son langage, pratiquement chacune de ses apparitions provoque le rire. Malgré une apparition en clin du grand Christopher Lee, l’aspect du vampire incarné par Johnny Depp doit autant au Nosferatus de Murnau, notamment pour ses longues mains griffues croisées sur son torse, que du Dracula de Terence Fischer.
Epaulé par la musique du fidèle Danny Elfman, Tim Burton recréé à merveille les années 70, plus particulièrement l’année 1972 où se déroule l’histoire. C’est l’année de sortie de Délivrance et de Superfly dont les affiches ornent les cinémas de la ville de Collinsport, la fin de la guerre du Viet Nam est proche et le mouvement hippie bat son plein. Tout cela forme pour Barnabas un monde incompréhensible où la télévision est une incarnation du diable et la libération des femmes une incongruité.
Après un magnifique prologue qui condense en quelques minutes les origines de la malédiction qui frappe la famille Collins et une brillante première partie qui présente chacun des personnages, le film souffre d’une légère baisse de rythme, jusqu’à la folle bataille finale qui met en scène un vampire, une sorcière, un loup garou, un fantôme, des statues qui prennent vie et une Michelle Pfeiffer armée d’un fusil à pompe qui n’a rien à envier à Ripley. On sent bien que Tim Burton se fait plaisir et cherche par la même occasion à combler le spectateur. C’est chose faite, pour le plus grand bonheur de tous.

mercredi 9 mai 2012

Avengers

Réaliser un bon film de super héros est une vraie gageure, les adaptations dignes de ce nom se comptent sur les doigts d’une main. Mais mettre en scène un film choral avec toute une équipe de justiciers devient vite un parcours du combattant pour le réalisateur le plus chevronné. Les références en la matière étaient jusque là les X Men de Brian Singer ainsi que le récent X Men : First Class de Matthew Vaughn.  Bonne nouvelle, Avengers se hisse au niveau de ses glorieux prédécesseurs.  Après plusieurs films plus ou moins réussis mettant en scène les différents membres du groupe, le réalisateur Joss Whedon hérite de la lourde tâche de réunir l’une des plus fameuses équipe de super héros pour la première fois à l’écran.  Que ce soit au niveau des personnages eux même comme de leurs interprètes, il fallait avoir la maitrise nécessaire pour équilibrer les égos de chacun et livrer un film qui comble à la fois les fans de la première heure et les néophytes. Le pari est gagné haut la main.  Le réalisateur arrive en effet à faire exister chaque membre du groupe sans en sacrifier un seul, avant de les réunir pour un titanesque mais néanmoins lisible combat final. Chaque caractère, chaque individualité est parfaitement rendu à l’écran. Le coté play boy et frondeur de Tony Stark, la rigidité morale et le décalage de Captain América, la schizophrénie du docteur Banner et la rage destructrice et incontrôlable de Hulk, la divinité de Thor, le coté manipulateur de la Veuve Noire. Même Loki est doté d’une épaisseur et d’une personnalité que les comics ne laissaient pas vraiment transparaitre. Seul le personnage d’Œil de faucon, qui n’est d’ailleurs jamais nommé dans le film, est un peu sacrifié. C’est d’ailleurs le seul également à qui on n’a pas gardé son costume de combat.
Ceci étant, le film est interprété par un casting de choc, chacun rivalisant de bons mots sans jamais chercher à tirer la couverture à soi. Et des bons mots, les dialogues en regorgent, jouant avec délectation d’un second degré salutaire. Car contrairement à la noirceur de Batman ou à la maturité, voire parfois la gravité des X Men, les Avengers ont toujours été les héros d’aventures plus divertissantes que franchement tragiques.
Avengers reprend donc des moments clefs des comics originaux, comme l’affrontement entre Thor et Hulk, la rivalité latente entre Iron Man et Captain América qui renvoie sans vraiment le dire à Civil War, et même une certaine duplicité chez Nick Fury dont les motivations et les moyens employés pour parvenir à ses fins ne sont pas toujours très clairs.
Alors bien sur, le film se veut tout public et les envahisseurs extra terrestres apparaissent à la fois comme des êtres de chair et de sang et comme des robots. Ce qui exclut toute trace de sang justement, et toute violence trop explicite. La scène finale qui voit l’invasion de notre planète par des créatures lovecratiennes qu’aurait pu combattre Hellboy s’étend un peu en longueur mais on ne s’ennuie pas un seul instant et le réalisateur parvient même à ne pas perdre le spectateur malgré une action foisonnante. Mieux que cela, il s’offre même le luxe de plans osés en filmant un personnage à travers une vitre brisée ou en jouant constamment sur les jeux de miroirs, chose peu commune dans un blockbuster.
En dépit d’une 3D qui une fois de plus n’apporte pas grand-chose mais qui ne gâche pas non plus la vision du film, Avengers est donc une franche réussite et laisse présager une suite imminente. Prions pour qu’elle soit  aussi bonne.

dimanche 6 mai 2012

Miss Bala

Laura est une jeune mexicaine de Tijuana qui n’a qu’un rêve, participer au concours de Miss Baja qui désignera la gagnante du concours de beauté de Basse Californie. Un soir dans une boite de nuit avec son amie Uzu, elle est le témoin d’une tuerie orchestrée par Nino, le chef d’un cartel de la drogue plus ou moins politisé, l’Etoile. A partir de là, son destin sera inexorablement lié aux agissements de cette bande mafieuse jusqu'au dénouement final, forcement dramatique.                 Miss Bala colle au plus prés de Laura, magnifiquement interprétée par la belle Stéphanie Sigman dont on entendra surement parler la suite. Le film, entre action et quasi documentaire, est un témoignage à charge d’une certaine réalité du Mexique actuel, entre trafic de drogue, corruption généralisée et civils victimes collatérales d’un quasi état de guerre. De ce point de vue, le film tient ses promesses en évitant les écueils caractéristiques de ces deux genres.            Miss Bala n’est pas un pur film de divertissement comme en témoigne cette approche sociale de la vie quotidienne de ces mexicains pris entre deux feux, celui des narcotrafiquants et des forces de police gouvernementales, chacune abusant de son pouvoir pour parvenir à ses fins. Mais le réalisateur nous offre de vrais moments d’actions, comme cette fusillade tournée en plan séquence entre les trafiquants et la police, d’une redoutable efficacité.
Pourtant on a du mal à adhérer complètement à son propos. La faute à un scénario parfois un peu décousu, notamment au niveau de l’intrigue liée au groupe armé l’Etoile. Entre les trahisons, les trafics d’armes et les assassinats commandités, on a parfois du mal à suivre le fil de l’histoire et savoir qui trahit qui. Mais le principal point faible du film vient de l’attitude de victimes passive imputée à Laura. Gerardo Naranjo filme souvent son actrice de dos et confère à son personnage une passivité devant les évènements qui l’accablent qui nous éloigne peu à peu d’elle alors que l’on aimerait adhérer au destin de cette fille ordinaire qui se trouve plongée au cœur d’évènements qui la dépassent. Laura subit plus qu’elle n’agit et son rôle se réduit à celui d’une marionnette aux mains de Nino qui abuse d’elle, au propre comme au figuré, selon ses intérêts et son bon vouloir. Manipulée par les trafiquants comme par la police, violée, battue, humiliée et finalement
abandonnée, Laura ne relève jamais la tête et ne prend presque aucune initiative. Cela ne facilité pas l’empathie et c’est dommage car Miss bala, de part son sujet et son traitement avait tout pour être un film plus impactant.