jeudi 17 mai 2012

Dark Shadows



Alice au Pays des Merveilles, dernière adaptation en date de Tim Burton laissait présager le pire sur la carrière d’un cinéaste que l’on sentait arrivé au bout de son univers, écrasé par les studios et bien loin de la fulgurance de ses premiers films. Dark Shadows dément catégoriquement un éventuel essoufflement du cinéaste qui revient avec succès à ses thèmes de prédilection.   En adaptant la  série télé créée par dan Curtis qui n’est pas sans rapport avec l’univers de la Famille Adams, Tim Burton réalise un film en tout point réussi, brassant avec bonheur la comédie pure, l’hommage aux films de vampire tout en conservant son sens critique et une bonne dose d’humour noir. Car si Dark Shadows est avant tout une comédie, le réalisateur y insère quelques scènes d’une cruauté et d’une audace bienvenues. Témoin cette réunion de baba cools tous plus niais les uns que les autres qui se termine dans un bain de sang, ou cette fellation (certes hors champ, il ne faut pas exagérer non plus !) pratiquée par Helena Bonham Carter sur un Johnny Depp aussi étonné que les spectateurs de cette audace.
Comme à son habitude, le réalisateur s’entoure de comédiens habitués à son univers, et introduit quelques nouveaux venus dont Eva Green qui incarne au passage l’un des plus beaux personnages du réalisateur. Avec grâce et talent, la comédienne campe la sorcière Angélique Bouchard, éprise autant qu’ennemie mortelle de Barnabas Collins. Que ce soit au travers d’une amoureuse éconduite, d’une femme fatale ou d’une poupée de porcelaine désarticulée, Eva Green donne à cette femme tragique une âme tragique qui restera dans les mémoires. La première incongruité du film est d’ailleurs le fait que Barnabas Collins reste de glace devant tant de beauté et de sensualité…
Face à elle, Johnny Depp est servi par des dialogues savoureux, les scénaristes jouant à fond, et avec succès, la carte pourtant connue du décalage temporel. Perdu une époque qui lui est complètement inconnue, le vampire Barnabas Collins enchaine les situations loufoques sans se départir une seconde d’un sérieux inébranlable. Que ce soit le M de Mac Donald associé à Méphistophélès, Madame Alice Cooper ou les anachronismes de son langage, pratiquement chacune de ses apparitions provoque le rire. Malgré une apparition en clin du grand Christopher Lee, l’aspect du vampire incarné par Johnny Depp doit autant au Nosferatus de Murnau, notamment pour ses longues mains griffues croisées sur son torse, que du Dracula de Terence Fischer.
Epaulé par la musique du fidèle Danny Elfman, Tim Burton recréé à merveille les années 70, plus particulièrement l’année 1972 où se déroule l’histoire. C’est l’année de sortie de Délivrance et de Superfly dont les affiches ornent les cinémas de la ville de Collinsport, la fin de la guerre du Viet Nam est proche et le mouvement hippie bat son plein. Tout cela forme pour Barnabas un monde incompréhensible où la télévision est une incarnation du diable et la libération des femmes une incongruité.
Après un magnifique prologue qui condense en quelques minutes les origines de la malédiction qui frappe la famille Collins et une brillante première partie qui présente chacun des personnages, le film souffre d’une légère baisse de rythme, jusqu’à la folle bataille finale qui met en scène un vampire, une sorcière, un loup garou, un fantôme, des statues qui prennent vie et une Michelle Pfeiffer armée d’un fusil à pompe qui n’a rien à envier à Ripley. On sent bien que Tim Burton se fait plaisir et cherche par la même occasion à combler le spectateur. C’est chose faite, pour le plus grand bonheur de tous.

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