Comme à son habitude, le réalisateur s’entoure de comédiens habitués à
son univers, et introduit quelques nouveaux venus dont Eva Green qui incarne au
passage l’un des plus beaux personnages du réalisateur. Avec grâce et talent,
la comédienne campe la sorcière Angélique Bouchard, éprise autant qu’ennemie
mortelle de Barnabas Collins. Que ce soit au travers d’une amoureuse éconduite,
d’une femme fatale ou d’une poupée de porcelaine désarticulée, Eva Green donne
à cette femme tragique une âme tragique qui restera dans les mémoires. La
première incongruité du film est d’ailleurs le fait que Barnabas Collins reste
de glace devant tant de beauté et de sensualité…
Face à elle, Johnny Depp est
servi par des dialogues savoureux, les scénaristes jouant à fond, et avec
succès, la carte pourtant connue du décalage temporel. Perdu une époque qui lui
est complètement inconnue, le vampire Barnabas Collins enchaine les situations
loufoques sans se départir une seconde d’un sérieux inébranlable. Que ce soit
le M de Mac Donald associé à Méphistophélès, Madame Alice Cooper ou les
anachronismes de son langage, pratiquement chacune de ses apparitions provoque
le rire. Malgré une apparition en clin du grand Christopher Lee, l’aspect du
vampire incarné par Johnny Depp doit autant au Nosferatus de Murnau, notamment
pour ses longues mains griffues croisées sur son torse, que du Dracula de Terence
Fischer.
Epaulé par la musique du fidèle Danny Elfman, Tim Burton recréé à
merveille les années 70, plus particulièrement l’année 1972 où se déroule l’histoire.
C’est l’année de sortie de Délivrance et de Superfly dont les affiches ornent
les cinémas de la ville de Collinsport, la fin de la guerre du Viet Nam est
proche et le mouvement hippie bat son plein. Tout cela forme pour Barnabas un
monde incompréhensible où la télévision est une incarnation du diable et la
libération des femmes une incongruité.
Après un magnifique prologue qui
condense en quelques minutes les origines de la malédiction qui frappe la
famille Collins et une brillante première partie qui présente chacun des personnages,
le film souffre d’une légère baisse de rythme, jusqu’à la folle bataille finale
qui met en scène un vampire, une sorcière, un loup garou, un fantôme, des
statues qui prennent vie et une Michelle Pfeiffer armée d’un fusil à pompe qui
n’a rien à envier à Ripley. On sent bien que Tim Burton se fait plaisir et cherche
par la même occasion à combler le spectateur. C’est chose faite, pour le plus
grand bonheur de tous.
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