vendredi 18 août 2017

Que dios nos perdone

L’histoire se déroule à Madrid en 2011. Un été caniculaire échauffe les esprits, une police sur les dents avec la venue imminente du Pape Benoît XVI, une société en pleine crise économique et un tueur en série qui s’en prend aux personnes âgées. Au milieu de ce marasme, deux flics à la dérive tentent d’arrêter le criminel tout en essayant de composer avec leurs propres démons. 
La Isla minima d’Alberto Rodríguez avait donné le ton en 2014, Que dios nos perdone le confirme trois ans après, le polar espagnol se porte à merveille. Doté d’une distribution parfaite, d’un scénario efficace et de personnages solides, ce thriller poisseux et sans concession nous embarque dans les méandres d’une ville faisant écho aux esprits torturés d’une paire de flics que tout oppose de prime abord. 
Non content de mettre en scène des protagonistes immédiatement attachants, le réalisateur Rodrigo Sorogoyen se paye le luxe de nous gratifier de séquences d’une maitrise cinématographique totale. Citons parmi tant d’autres une course poursuite haletante dans les rues de Madrid, ce plan séquence incroyable lors de la confrontation du détective Alfaro avec le tueur ou le face à face sous haute tension entre le détective Velarde et le fils d’une victime sous la lumière stroboscopique d’une ampoule défectueuse. 
Mais la véritable force du film provient sans nul doute de l’interprétation et de l’écriture des personnages, véritable colonne vertébrale d’un film passionnant de bout en bout. Le couple de flics fonctionne à merveille, épaulé par une galerie de rôles secondaires qui donnent à l’histoire toute sa crédibilité. María Ballesteros dans le rôle de Rosario fait merveille dans son jeu de séduction avec Velarde, lequel révèle des failles insoupçonnées lorsqu’elle s’invite timidement dans son appartement. 
Film moite et désespéré, profondément humain dans ce qu’il révèle de nos pires faiblesses, Que dios nos perdone s’inscrit dans la lignée de ces histoires qui nous hantent longtemps après le générique de fin.

lundi 14 août 2017

Dirty Sexy Valley

Fils illégitime de Détour Mortel et de Partie de chasse en Sologne, Dirty Sexy Valley occupe un créneau trop longtemps délaissé dans le paysage du roman de genre français, celui du bien nommé sexe and gore.
Abandonné depuis les heures de gloire de l’indispensable collection Gore chez Fleuve Noir, nourrie aux références cinématographiques les plus déviantes de ces 30 dernières années, ce genre réservé aux esthètes disparut hélas dans les oubliettes éditoriales. Jusqu’à ce qu’Olivier Bruneau ne prenne le taureau par les c… ornes et que les éditions du Tripode nous balance en pleine face cet ovni proprement (enfin façon de parler) hallucinant.
Ne reculant devant aucune limite, Dirty Sexy Valley assume pleinement son mauvais goût et son sens de la provocation, jusqu’aux lieux communs les plus éculés. Point d’originalité à chercher dans l’histoire donc, bien au contraire. Avec délectation et application, l’auteur se plait à illustrer les lieux communs les plus répandus du genre, et pousse ses scènes de sexe et de violence à son paroxysme.
On lui pardonnera d’autant plus facilement quelques faiblesses d’écriture que son premier roman déborde de générosité, de fun, de wtf et d’une volonté évidente de contenter ses lecteurs les plus avertis.

jeudi 3 août 2017

Baby Driver

Depuis l’accident de voiture qui a couté la vie à ses parents, Baby souffre d’acouphènes. Pour surmonter son handicap, il vit dans une bulle musicale qu’il façonne avec ses morceaux favoris. Malgré son jeune âge, Baby est également un conducteur hors pair qui travaille pour le compte de Doc et de sa bande de braqueurs. Baby vit de musique et de mouvement. Et si Baby symbolisait l’idée même que se fait Edgar Wright du cinéma ? 
Car c’est bien de cela dont il s’agit dans son nouveau film, des images et du son, de la musique, omniprésente, des personnages et une caméra en perpétuelle mouvement. A pied ou en voiture, en long travelling ou en plans séquence, le réalisateur compose sa propre partition autour d’un thème usé jusqu’à la corde, le film de braqueurs. 
La première partie du film est de ce point particulièrement intéressante. Avec un soin obsessionnel du détail, Edgar Wright suit son personnage principal dans la rue au rythme d’une play list qui pioche dans tous les genres musicaux. Il nous livre dès le début la meilleure scène de course poursuite que l’on ait vu depuis longtemps, et plante en quelques plans les acteurs de l’intrigue qui va se dérouler pendant une seconde partie plus classique, pour ne pas dire légèrement décevante. 
En revenant aux fondamentaux du film de braquage, Edgar Wright abandonne ses velléités de départ non sans soigner des plans d’une maitrise qui laisse sans voix. Alors que le film alterne des dialogues savoureux et des passages d’une banalité affligeante, le réalisateur expédie certains personnages de façon plutôt expéditive, s’encombre avec d’autres (le vieil homme sourd muet n’apporte pas grand-chose à l’histoire si ce n’est une caution morale à Baby) et étire plus que de raison un affrontement final qui défie toutes les lois du bon sens. 
Baby Driver commence comme une brillante comédie musicale sur fond de braquage et se conclut sur une parodie de Terminator. Rien de honteux, mais le film ne va pas au bout de ses promesses, tout en nous offrant de savoureux échanges entre une bande de malfrats tous plus réussis les uns que les autres. Ce qui n’est déjà pas si mal.