samedi 25 août 2018

Lukas

J’ai déjà dit tout le bien que je pensais de l’excellent Braqueurs réalisé par Julien Leclercq en 2016, alors quand une partie de l’équipe (Julien Leclercq, Kaaris, Sami Bouajila) revient avec un polar sombre porté par un Jean Claude Van Damme à contre-emploi, le projet ne pouvait que susciter un vif intérêt. Hélas, le résultat est bien éloigné du résultat escompté. 
Impressionné par la star qui occupe tous les plans, le réalisateur semble se cantonner à mettre en scène un Van Damme dont le jeu se résume à trois expressions. Si le belge adepte du grand écart avait montré avec Replicant de réels talents d’acteur, il se contente ici d’afficher un air de chien battu perdu dans une réflexion trop profonde pour se sentir concerné par ses scènes. 
Porté par des dialogues faiblards et des personnages taillés à la serpe, Lukas n’arrive jamais à se hisser plus haut qu’un modeste polar sur fond de tragédie familiale. C’est d’autant plus dommage que Julien Leclercq n’abandonne pas son ambition de renouveler le polar français, mais il reste ici trop occupé à casser l’image américaine de Van Damme pour apporter aux autres personnages la consistance voulue. On ne saurait trop lui conseiller de revenir à des projets plus modestes mais plus sincères pour illustrer un genre dont il reste l’un des plus fervents défenseurs.

dimanche 19 août 2018

La saga des Coughlin

L’histoire commence en 1917 avec Un pays à l’aube et passe en revue la condition de vie des immigrés en Amérique, l’épidémie de grippe, la guerre, les mouvements anarchistes, le crime organisé et le syndicalisme naissant au sein des forces de police, vus à travers le destin de la famille Coughlin au sein de laquelle le petit Joe n’est qu’une figure secondaire derrière ses frères. Le second tome de la trilogie, Ils vivent la nuit reprend le personnage de Joe et son ascension au sein de la pègre. Ce monde disparu clôt le triptyque en pleine Seconde Guerre Mondiale et balaie ainsi une bonne partie de l’histoire des États Unis de la première moitié du vingtième siècle. 
Avec ces trois romans, Dennis Lehane démontre un fois de plus l’étendue de son talent et cette manière si particulière d’associer des destins personnels avec l’histoire d’un pays en pleine mutation. Fidèle à sa ville de Boston et à son amour des personnages ordinaires aux destins hors normes, le romancier dépeint avec minutie et un sens du détail impressionnant l’ascension d’un truand irlandais au sein de la mafia américaine dominée par les grandes familles italiennes. 
Un pays à l’aube est de loin le roman le plus réussi de la saga des Coughlin. Fresque historique foisonnante et portrait unique d’une famille dysfonctionnelle, le livre nous entraine dans une épopée qui dépasse de loin le seul destin du clan Coughlin. Plus classique mais non moins prenant, Ils vivent la nuit suit la montée en puissance d’un gamin roublard amené à devenir l’une des figures majeures de la pègre américaine. Ce monde disparu enfin s’impose comme un très beau roman crépusculaire sur le destin de ces hommes d’honneur qui sacrifient leur vie sur l’autel de la réussite. Les dernières pages du roman hantent le lecteur longtemps après avoir refermé le livre. 
La saga des Coughlin fait partie de ces rares livres que l’on a hâte de relire un jour pour le simple plaisir de la maitrise de la narration et du souffle épique qui traverse une histoire transcendée par le talent de son narrateur.

jeudi 9 août 2018

My absolute darling

Résistance. C’est le premier mot qui vient à l’esprit lors de la lecture de ce roman. 
Résistance d’une jeune fille sous l’emprise toxique d’un père charismatique et abusif, résistance de ce père, Martin, tout aussi rebuté qu’effrayé par un monde extérieur qu’il rejette dans un élan survivaliste, résistance face à des pulsions contre nature, une dépréciation de soi et une nature dangereuse autant que nourricière, grand thème s’il en est de la littérature américaine. 
Pour son premier roman, Gabriel Tallent oppose en effet l’immensité d’une nature sauvage décrite avec une précision presque maniaque et le repli sur soi d’individus en marge d’une société qui leur est étrangère. 
Turtle se renferme sur son monde intérieur fabriqué de toute pièce par son père qui voit en elle la quintessence du sexe opposé, sa fille et sa femme, l’amante et la guerrière qui devra renaitre sur les cendres de l’ancien monde. 
My absolute darling est de ces romans qui se lisent avec les tripes, oscillant sur le fil ténu de sentiments interdits et imposant son rythme lent et ses personnages remarquables. Malgré une fin abrupte, l’auteur ose des ruptures de ton bienvenues avec les personnages de Brett et Jacob, des scènes d’une violence physique et psychologique rarement vues et campe avec Turtle une battante absolument inoubliable.

mercredi 8 août 2018

Mission Impossible - Fall Out

Un thème musical reconnaissable entre mille immortalisé par Lalo Schifrin, une star omniprésente devant et derrière l’écran contre balancé par le tournant opéré par Brad Bird en 2011 avec Protocole Fantôme et sa mise en avant du travail d’équipe, une série de réalisateurs prestigieux et des cascades toujours plus folles, la marque de fabrique de la saga Mission Impossible se résume à un cahier des charges scrupuleusement suivi depuis le premier opus mis en scène par Brian De Palma en 1996. 
Si elle a évolué d’un postulat d’espionnage et d’infiltration vers une machinerie tournée vers le côté spectaculaire des exploits d’Ethan Hunt, la série n’en demeure pas moins une valeur sure en termes d’action fun et de rebondissements. Ce dernier épisode ne fait pas exception à la règle et, malgré l’absence inexpliquée de Jeremy Renner, tous les personnages sont réunis pour une nouvelle mission dont on oubliera vite le scénario tortueux pour ne retenir que les séquences d’action une fois encore impressionnantes. 
Et c’est bien l’une des constantes, et des limites de cette série (le premier épisode mis à part) que d’imprimer dans la mémoire des spectateurs ses cacades plutôt que ses enjeux dramatiques. On attend avec impatience le tournant opéré par James Bond avec Casino Royale pour découvrir le coté plus sombre d’un Ethan Hunt pas encore disposé à passer le relais à un autre interprète. C’est toute la différence entre l’agent américain et l’espion anglais, celle de s’affranchir de son (ses) interprète(s) pour laisser libre cours à un personnage capable d’évoluer dans le temps. 
Sans véritable enjeu dramatique et en misant tout sur une surenchère de cascades, Mission Impossible court le risque de ressembler à un grand huit tournant à vide, condamné d’avance par sa propre vacuité. Nous n’en sommes pas encore là (quoique…) et gageons qu’un prochain réalisateur saura orienter Tom Cruise vers des cieux plus sombres mais autrement plus intéressants.