samedi 20 juin 2009

Terminator Renaissance

La poursuite de la saga Terminator avait de quoi laisser dubitatif après un second opus contestable bien que formellement réussi, et une troisième partie ne comportant que peu de choses à sauver. La reprise en main de la série par le réalisateur McG n’était pas des plus rassurantes non plus, sauf pour les inconditionnels de sa version clip MTV de Charlie’s Angels.
Et pourtant, Terminator Renaissance se révèle être un digne successeur du Terminator de James Cameron sortie en 1985, doublé d’un redoutable film d’action.
Oubliant ses tendances maniérées, ses ralentis esthétiques et le découpage syncopé de ses derniers films, McG redonne à la série ses lettres de noblesse en nous projetant directement en 2018. Le Jugement Dernier a eu lieu, la guerre entre les hommes et les machines bat son plein. La Terre est dévastée, presque entièrement aux mains des machines de Skynet. Les groupes de survivants se terrent et mènent des actions commandos désespérées. La résistance, galvanisée par John Connors est exsangue. L’apparition de Marcus, un hybride entre l’homme et la machine va bouleverser le cours des choses et les destins de chacun.
La grande force de McG est d’avoir opté pour un look résolument post apocalyptique, une image sombre, des décors boueux qui nous immergent dans ce futur cauchemardesque que les précédents épisodes ne nous avaient fait qu’entrevoir. Le réalisateur a eu l’intelligence de s’entourer d’interprètes solides qui forment une distribution de rêve (Christian Bale, Bryce Dallas Howard, Helena Bonham Carter, Michael Ironside), ainsi que d’inconnus qui, comme Sam Worthington, apporte charisme et crédibilité à leurs personnages. Enfin, la réalisation dynamique, la multitude des machines et la débauche d’effets pyrotechniques associées au score toujours efficace de Danny Elfman font de Terminator Renaissance un spectacle de tous les instants qui ne nous laisse que peu de répit.
Sans s’affranchir totalement des épisodes précédents (les références abondent, de la musique des Guns au « je reviendrai » en passant par une apparition surprise du Terminator original), Terminator Renaissance arrive pourtant à imposer une véritable personnalité, redonnant un souffle nouveau à une franchise riche en possibilités mais jusque là sur le déclin. Si l’on passe les pirouettes scénaristiques et les problèmes engendrés par les voyages temporels (comment John Connors peut il rencontrer son père qui ne l’a pas encore engendré ???), l’introduction du personnage de Marcus donne au film une profondeur jusque là inhabituelle dans la série. Marcus est en effet un homme qui a été exécuté et que l’on a fait revivre sous forme d’une machine, sans toutefois lui ôter toute son humanité, symbolisée par son cœur. La confrontation entre John Connors et Marcus, le sacrifice de ce dernier donnent lieu à des scènes réussies et posent des questions sur la véritable nature de l’homme et ce qui lui donne son humanité.
Une fin largement ouverte nous donne lieu de croire que les studios ne s’arrêteront pas là et qu’un prochain opus est d’ors et déjà en préparation. S’il est du même cru que celui là, c’est plutôt une bonne nouvelle.

dimanche 7 juin 2009

Antichrist

Lars von Trier est un réalisateur bourré de talent, c’est un fait indiscutable. La claque reçue avec Breaking the Wawes en 1996, film magistral porté par la fabuleuse Emily Watson en est la preuve. Il est aussi un redoutable manipulateur comme il en a fait la démonstration avec Dancing in the dark, une mécanique parfaitement huilée faite pour nous arracher des larmes, trop efficace pour être honnête.
Avec Antichrist, le réalisateur suédois controversé pousse le bouchon encore plus loin et provoque le scandale sur la Croisette.

Le film débute par une scène tournée dans un noir et blanc élégant. Un couple fait l’amour. Gros plan sur le sexe de l’homme, gouttes d’eau qui tombent au ralenti sur les corps dénudés. Pendant ce temps, leur petit garçon s’échappe de sa chambre, saute par une fenêtre ouverte et s’écrase sur le sol quelques mètres plus bas. Le parallèle entre l’acte sexuel et la mort, le plaisir et le péché par négligence est asséné à coup de marteau. Le tout est filmé comme une publicité pour un parfum de luxe sur fond de musique classique. Le décor est planté, Lars von Trier marque son territoire et nous emmène dans un univers codifié dont lui seul connait et impose les règles.
Nous suivons alors la descente aux enfers de ce couple meurtri. La femme, interprétée par Charlotte Gainsbourg, a abandonné une thèse sur les sorcières quelques mois auparavant. Elle passe par des phases de désespoir, de culpabilité et d’agressivité envers son mari. Lui, joué par Willem Dafoe, est un psychanalyste qui fait tout pour empêcher sa femme de sombrer et qui oppose un pragmatisme scientifique à ses égarements de plus en plus étranges. Pour exorciser ses peurs, il emmène sa femme à Eden, dans un chalet isolé au cœur d'une forêt où ils ont l’habitude de se retrouver. C’est alors que tout bascule.
La nature, qui leur envoie des signes de plus en plus inquiétants. La santé mentale de la femme qui s’identifie de plus en plus aux sorcières qu’elle étudiait. Les convictions de son mari ébranlées devant l’attitude de sa compagne. Le film enfin, qui entraine le spectateur vers les frontières du fantastique.
A moins que ce ne soit qu’une réalité déformée par la folie qui guette les deux protagonistes ?
Au fur et à mesure que progresse l’histoire, une tension sourde et latente s’installe. L’atmosphère devient lourde, menaçante pour finalement laisser place à une folie meurtrière qui conduit aux pires sévices. Le mal apparait sous la forme des trois mendiants, respectivement symbolisés par une biche qui met bas (la douleur), un renard qui se dévore le ventre (le désespoir) et un corbeau enterré dans un terrier (le deuil). Possédée par le diable, rongée par la culpabilité ou égarée par la folie, la femme torture son mari avant de se mutiler elle même. Les deux amants sans nom s’affrontent comme des êtres revenus à l’état sauvage et la folie triomphe de la raison lorsque le mari étrangle sa femme dans un élan meurtrier.

Antichrist est de bout en bout un film maitrisé, impeccablement filmé et interprété. Le réalisateur ne laisse rien au hasard et chaque plan est soigneusement pensé. Certaines scènes renvoient d’ailleurs directement à des peintures de Jérôme Bosch. Il faut cependant reconnaitre que le film frôle parfois le ridicule. Par exemple, lorsque le renard se met à parler et à annoncer le règne du chaos, les éclats de rire ne sont pas loin.
Mais ce qui dérange le plus dans le cinéma de Lars von trier, et ce qui est exacerbé dans Antichrist, est cette pesante morale judéo chrétienne qui tend à charger la femme de tous les péchés (elle est manipulatrice, perverse et pervertit l’homme) et qui condamne dans la douleur l’acte sexuel. La plupart des sévices infligés dans le film sont d’ordre sexuel. La femme se tranche le clitoris, symbole du plaisir (coupable ?), elle frappe son mari dans les organes génitaux et lui fait éjaculer du sang. De plus, Lars von Trier semble prendre un malin plaisir à toujours représenter la femme dans des rôles sacrificiels depuis Breaking the Wawes. Mais si dans ce dernier film c’était pour sauver l’homme qu’elle aimait, dans Antichrist le sacrifice prend une toute autre dimension et ressemble plutôt à un exorcisme, à une éradication du mal. La femme (jamais nommée) agresse, physiquement et sexuellement, l'homme (symbolique aussi car sans nom) dans un lieu nommé Eden et ce dernier ne peut s'en délivrer qu'en la tuant. Le message est on ne peut plus explicite.

On ressort donc de la projection dérangé, ce qui est le but recherché, ne sachant trop que penser. On est partagé entre l’indéniable talent d’un auteur opaque et manipulateur, la désagréable sensation d’avoir participé à un spectacle misogyne digne des intégrismes les plus durs, ou à une plongée dans la folie dont on ne ressort pas indemne.