dimanche 18 mai 2008

Juno

Juno est une jeune américaine de 16 ans attachante, agaçante, pétillante de vie et… enceinte ! Elle choisit alors de partir à la recherche des parents idéaux pour son futur enfant.
Juno est un film à l’image de son héroïne, drôle, intelligent, plein d’une vitalité et d’une fraîcheur revigorantes. Servis par les dialogues impeccables de Diablo Cody et une interprétation sans faille, Hellen Page en tête, Juno se rapproche par son esprit gentiment subversif, de Little Miss Sunshine.
Sans être un brûlot implacable dénonçant les travers de la société américaine, le film pose néanmoins la question de la maternité et des responsabilités que cela implique, en écorchant au passage quelques idées reçues, ainsi que l’image des garçons qui n’en sortent pas vraiment grandis !
Bourré de références geek en matière de musique, bande dessinée ou de films d’horreurs (dont un extrait du Wisard of Gore de Hershell Gordon Lewis !), Juno s’inscrit pleinement dans la veine du cinéma indépendant américain qui peut être à la fois amusant, billant et intelligent. Une vraie réussite.

Indiana Jones et le Royaume du Crane de Cristal

Après des années d’absence, voilà le grand retour du plus célèbre archéologue de tous les temps. Que reste t’il de nos héros ? Ou plutôt, quelle image en gardons nous ?
En passant des années 40 aux années 50, la saga Indiana Jones quitte le domaine de la quête d’objets sacrés ou magiques et entre de plein pied dans la modernité avec une mythologie que n’auraient pas reniés Mulder et Scully. Si le spirituel est toujours au centre des recherches des protagonistes (le véritable trésor des visiteurs est la connaissance), le docteur Jones s’éloigne pourtant radicalement de l’environnement des trois précédents opus et s’engouffre de plein pied dans l’air atomique. C’est ce changement qu’il faut accepter de prime abord pour ne pas rester d’emblé en dehors de l’histoire.
Nous découvrons donc un Indiana ancien agent de l’OSS, plutôt anti communiste, aux prises avec de vilains russes et en bute aux sarcasmes d’agents du FBI. Sans compter son fils (re)trouvé, un blouson noir tout droit sorti d’un épisode de Happy Days.
Passé une première partie déconcertante qui voit notre héros échapper de peu à des essais nucléaires, nous nous retrouvons enfin dans la jungle sud américaine où il semble tout de même plus à son aise. Indiana Jones et le royaume du Crâne de Cristal est un film inégal qui alterne de purs moments de grâce qui nous renvoient directement aux Aventuriers de l’Arche Perdu, le traditionnel passage un peu gore (les fourmis rouges), des scènes vraiment drôles (la corde serpent) et des séquences qui frisent parfois le ridicule (Shia LaBeouf qui se prend pour Tarzan) à force d’invraisemblance.
Le film est il raté pour autant ? Non, car Steven Spielberg demeure l’un des plus grands réalisateurs en activité et que chaque scène d’action est magistralement maîtrisée. Il n’empêche, il est difficile de ne pas avoir un pincement au cœur en retrouvant une Marion Ravenwood un peu empâtée et pas très à l’aise dans la surenchère alors que l’on avait quitté quelques dizaines d’années auparavant une dure à cuire qui, se saoulant dans des bouges infâmes, parvenait à conserver toute sa féminité. A force de vouloir à tout prix raccrocher la mythologie, Indiana Jones et le royaume du Crâne de Cristal ressemble parfois à une visite dans un musée, un comble ! Les plans appuyés sur les photos de Sean Connery en père d’Indy n’étaient pas une obligation, un bref aperçu comme celui de l’Arche d’Alliance dans une caisse brisée aurait été plus subtile et non moins efficace.
Le personnage d’Irina Spalko, pourtant interprétée par Cate Blanchett, manque cruellement d’épaisseur et n’inquiète pas une seule seconde. Et quand le méchant de l’histoire n’est pas à la hauteur, c’est tout le film qui en pâtit.
Alors quoi, le retour d’Indiana sur les écrans ne serait qu’une suite de maladresses ? Il faut plutôt chercher du coté de la nostalgie et de l’image forcement idéalisée que l’on se fait de ses grands mythes fondateurs les raisons d’une déception toute relative, tant le spectacle que nous offrent Steven Spielberg et Harrison Ford est, tout de même, de haut niveau.

Un conte de Noël

Si le nouveau film d’Arnaud Desplechin se concentre sur les rapports pour le moins conflictuels entre les membres d’une famille de Roubaix, il ne se départit pourtant pas d’un maniérisme de bobo parisien qui devient sa marque de fabrique. Il faut dire que la distribution, Catherine Deneuve et Mathieu Amalric en tête, y est pour beaucoup.
Un conte de Noël est un film très bien construit, écrit et interprété, mais il ne parvient pourtant pas à retrouver le rythme et la fulgurance de Roi et Reines.
Les dialogues et les situations, souvent incroyablement méchants, servent un ensemble d’interprètes remarquables et justes. Ils campent les diverses branches d’une famille éclatée où le pathos et les non dits étouffent chaque personnage. Les relations sont conflictuelles, le ressenti est palpable et l’atmosphère qui s’en dégage enveloppe le spectateur qui ne peut s’empêcher d’y voir son propre reflet, souvent déformé et exagéré.
Les vieux comme les enfants sont malades, physiquement ou psychologiquement. Les frères et sœur se haïssent, les cousins se trahissent, la mère est incapable d’aimer ses enfants. Il faut l’apparition salvatrice d’une étrangère, fantastique Emmanuelle Devos, pour apporter une bouffée d’oxygène le temps d’un week end.
Mais plus que par son sujet dérangeant, c’est la manière dont l’aborde Arnaud Desplechin qui finit par gêner. Que ce soit certaines scènes surjouées à la manière d’une pièce de théâtre, une bande son parfois en décalage (un morceau de rap lors du générique de fin ?), des effets de style gratuits ou tout simplement l’accumulation de tant de frustration de la part des personnages, le film finit par agacer. A la manière des deux petits enfants qui sont insupportables.
On est loin de la branlette intellectuelle de Comment je me suis disputé… mais malheureusement pas au niveau de son film précédent qui laissait présager un cinéaste mur et enfin délivré de ses vilaines manies.

Deux jours à tuer

Encore un film qui repose sur une fausse bonne idée et dont la conclusion change complètement une situation de départ prometteuse.
Antoine, interprété par l’imprévisible Albert Dupontel, a tout pour être heureux. De beaux enfants, une femme qui l’aime, des amis, un travail et de l’argent. Subitement, il décide de tout envoyer balader et de ne plus jouer ce qu’il considère comme un jeu de dupes. Fini de s’extasier devant les dessins d’anniversaire de ses enfants, de passer outre les défauts de ses amis ou le caractère de sa belle mère, d’être amoureux de sa femme après tant d’années de mariage. A partir de maintenant, il dit ses quatre vérités à tous ceux qui l’entourent, son chien mis à part.
Tout le monde en prend pour son grade, et les masques de cette petite bourgeoisie parisienne que n’aurait pas renié Bunuel tombent les uns après les autres. Antoine se retrouve seul et libre de toute contrainte sociale. L’intrigue du film consistera alors à découvrir les raisons de ce brusque revirement de personnalité.
Et c’est là que commence une autre histoire qui se terminera sur une note complètement différente du postulat de départ, pourtant passionnant. Car en adoptant ce comportement dont nous avons tous rêvé un jour, ne serait ce que le temps d’un repas de famille ou d’une soirée entre amis, Antoine brise toutes les règles de vie sociale. Peut on constamment dire ce que l’on pense ? Et à quel prix ? Et surtout, comment peut on ensuite vivre parmi ses semblables ? Ce sont ces questions que le film effleure dans sa première partie jubilatoire, notamment lors d’une scène mémorable de repas qui tourne au drame.
En acquérant sa liberté et en s’affranchissant de toute convention, Antoine devient un monstre qui blesse (psychologiquement) sa femme, ses enfants, ceux qui l’aiment. Est-ce le prix de la liberté ? Jean Becker n’explore malheureusement pas cette voie et conduit son film vers une direction plus convenue et morale.
Court et concis, la fin du film ne tombe cependant pas dans le piège du pathos lourd et insistant. Il en reste un film en demi teinte, réussi pour ceux qui se sont sentis dérangés par la première partie, frustrant pour les autres.

Rec

Une journaliste et un caméraman qui suivent une équipe de pompiers appelés pour une urgence. Un immeuble sous quarantaine, un groupe de personnes coincées à l’intérieur, confrontés à l’horreur. Il n’en faut pas plus à Paco Plaza et Jaume Balaguero, deux jeunes réalisateurs espagnols prometteurs, pour décliner un film d’horreur efficace et éprouvant.

L’originalité de Rec tient bien sur dans la manière dont nous sont présentés les évènements, vus au travers de la caméra des journalistes. Ce procédé qui a fait ses preuves depuis Cannibal Holocaust, le Projet Blair Witch et plus récemment Cloverfield, permet au spectateur une immersion totale puisque toutes les scènes sont vécues aux cotés des principaux protagonistes. Nous sommes à la fois voyeur et, particulièrement dans Rec où la caméra joue un rôle actif (surtout dans le noir), acteur de la tragédie qui se déroule sous nos yeux.

Rec se rapproche d’ailleurs plus de Cannibal Holocaust que du Projet Blair Witch dans sa thématique et le rôle qu’y tient la caméra / spectateur puisque ces films nous invitent à réfléchir sur le rôle des médias dans les images chocs qui nous sont transmises.
Dans Cannibal Holocaust, les pseudos documentaristes n’hésitent pas à provoquer des drames (l’incendie d’un village) pour pouvoir les filmer et les mettre en scène.
Dans Rec, le caméraman et la journaliste privilégient les images qu’ils enregistrent à l’aide qu’ils pourraient apporter aux victimes ou à leur propre sécurité, du moins au début.

De part leurs choix artistiques (absence de musique, longs plans séquences, bande son travaillée, caméra à l’épaule), les réalisateurs de Rec réussissent à nous plonger avec les locataires de l’immeuble dans une atmosphère qui se fait de plus en plus oppressante et terrorisante au fur et à mesure que la contagion se propage. Ce qu’éprouve alors le spectateur est comparable au ressenti du joueur immergé dans le monde cauchemardesque de Doom 3. Le danger est présent partout, il n’y a pas d’issue.

En choisissant de s’intéresser à leurs personnages et de développer chaque personnalité plutôt que d’en faire d’anonymes victimes, Paco Plaza et Jaume Balaguero mettent en lumière les mesquineries de chaque locataire et apportent à leur histoire une dimension humaine intéressante. Chaque protagoniste, sympathique ou non, existe à part entière et l’aboutissement du film n’en sera que plus douloureux. Pas question par contre d’expliquer entièrement au spectateur ce qui se déroule sous ses yeux. Nous aurons droit à des pistes qui vont de la possession démoniaque à un virus, chacun est libre de se faire sa propre opinion.

Mais l’intérêt de Rec n’est pas là. C’est un film dense et nerveux, qui développe sur une heure vingt un cauchemar qui s’installe progressivement pour culminer en des scènes réellement traumatisantes. Notons au passage que le fait de faire figurer dans le teaser puis la bande annonce du film la scène finale n’est pas franchement une bonne idée.