dimanche 22 février 2009

The Wrestler

A la manière de Quentin Tarantino avec John Travolta, Pam Grier ou David Carradine, Darren Aronofsky donne à Mickey Rourke, plus de 20 ans après sa période de gloire, la possibilité de revenir sur le devant de la scène avec un rôle en or. Le parallèle entre son personnage, le catcheur Randy « The Ram « Robinson, et l’acteur est tellement évident que l’on ne peut dissocier leurs histoires respectives.
Randy a été l’une des stars du catch aux Etats unis dans les années 80. Quelques années après, il n’est plus que l’ombre de lui-même et vit dans le souvenir de sa gloire passée, souvenirs matérialisés par des figurines à son effigie ou des jeux vidéo depuis longtemps dépassés.
Incapable de (re)construire une relation avec sa fille, il tente de se rapprocher de Cassidy, une strip teaseuse vieillissante pour tromper une solitude de plus en plus pesante.
Gueule cassée, star déchue que guettent la vieillesse et l’isolement, Randy / Mickey veut se donner une dernière chance de briller sur le ring / la scène.
L’acteur se met à nu, dans le film comme dans ses interviews, et donne à son personnage une force que seul le désespoir et en dernier lieu une implacable lucidité peuvent lui conférer. Darren Aronofsky filme Randy et d’une manière générale l’ensemble des personnages de The Wrestler au plus près, captant chaque émotion des corps et des visages. Il nous fait découvrir le monde du catch, rarement visité au cinéma, des vestiaires au ring, de l’entrainement au combat, de l’ombre à la lumière. Mais surtout, il nous montre un homme perdu, qui a tout raté dans sa vie sauf l’essentiel pour lui, sa raison de vivre, ce pour quoi il a sacrifié sa famille et à la fin, la possibilité d’un amour salvateur, le catch. Les lumières du ring, les cris du public, la possibilité pour lui d’exister plus que partout ailleurs.
Que ce soit dans ses relations paternelles ou amoureuses, Randy fait preuve d’une maladresse qui le conduit irrémédiablement au drame. Quand il doit travailler dans un magasin au contact des clients, le réalisateur le film comme si il entrait dans l’arène. Alors qu’un public déchainé le galvanise, il est incapable de la moindre relation sociale. Lorsqu’une attaque cardiaque vient interrompre une carrière sur le déclin, Randy fera le choix de briller une dernière fois plutôt que de s’économiser pour gagner encore quelques années de galère.
La réussite du film tient bien évidemment à la performance touchante d’un Mickey Rourke aussi bourru qu’émouvant, mais aussi à la présence de Marisa Tomei qui illumine chaque scène où elle apparait dans son rôle de lap danseuse déterminée et fragile.
Darren Aronofsky nous fait entrer dans le monde interlope du catch, des boites de strip tease, de cette catégorie de la population américaine pour qui chaque jour est un combat pour la survie ou contre l’oubli (proche en cela de Courtney Hunt avec Frozen River).
Il nous offre le portrait tragique et magnifique d’un homme qui a connu la lumière aveuglante de la gloire et qui refuse de vivre selon les règles que le temps qui passe et la société lui imposent. Un homme fatigué, acculé, cassé, mais qui dans un dernier sursaut de dignité choisit lui-même sa porte de sortie.

mardi 17 février 2009

L'étrange histoire de Benjamin Button

David Fincher est un cinéaste talentueux et suffisamment doué pour raconter de manière cohérente et captivante une histoire complexe, il l’a prouvé avec Zodiac.
Brad Pitt, Cate Blanchett, Tilda Swinton et d’une manière générale l’ensemble de la distribution de L’étrange histoire de Benjamin Button comptent parmi les interprètes les plus doués de leur génération, quelque soit le film ou le personnage qu’ils incarnent.
Alors d’où vient cette impression de longueur, presque de lourdeur à la vision d’un film pourtant prometteur sur le papier ?
Sans nul doute d’un scénario somme toute prévisible.
Benjamin Button nait vieillard et rajeunit au fil des années. Il croise des personnages qui comptent dans sa vie, de ses parents à la fille qu’il aime depuis tout petit. Bien entendu, son destin hors du commun va le confronter à la douleur de voir ceux qu’il aime vieillir alors que lui rajeunit inexorablement. Bénédiction ou malédiction ? Il va apprendre au contact de ses multiples rencontres et d’évènements hors du commun (l’adolescence dans un corps de vieux, la guerre, les voyages) la vrai valeur de la vie, de l’amour et l’importance de profiter de chaque instant.
L’idée de la nouvelle de Francis Scott Fitzgerald est originale mais le scénario qu’en tire Eric Roth est cependant malheureusement terriblement prévisible. Le choix de raconter l’histoire par le biais des souvenirs d’une mourante sur son lit d’hôpital non seulement coupe l’action mais ajoute encore au poids que l’on ressent durant les 2H35 du film. L’étrange histoire de Benjamin Button renferme des moments réussis, comme cette avalanche de pseudo coïncidences qui conduisent à un accident. Le film arrive à nous toucher dans sa seconde partie, lors de la période de bonheur de Benjamin et Daisy, quand leurs âges respectifs leurs permettent de vivre enfin ensemble.
Mais ces moments sont trop rares pour que l’on puisse considérer le pari comme gagné. Alors qu’il réalise surement le film le moins noir et oppressant de sa carrière, David Fincher semble se perdre dans une histoire et un univers qui n’est pas le sien. Espérons qu’il le retrouve vite.