jeudi 29 décembre 2011

Malveillance

César est à priori un homme gentil, gardien d’immeuble effacé et toujours disponible. Derrière cette apparente normalité se cache en fait un être incapable d’être heureux. Son unique raison de vivre, le carburant qui l’empêche de mettre fin à une vie sans saveur, c’est le malheur des autres.
Alors quand il croise tous les jours le sourire de Clara, la jolie locataire de l’immeuble, il ne vit plus que pour une chose. Effacer ce sourire de ses lèvres et faire de sa vie un enfer. Par petites touches imperceptibles, il va lui pourrir l’existence jusqu’ à commettre l’irréparable.
Jaume Balaguero tient là un scénario passionnant car de part son métier, César possède les clefs de tous les appartements de l’immeuble, ce qui lui confère un pouvoir immense. Celui de s’introduire chez chaque locataire et de disposer à sa guise de leurs intimités. Manipulateur, voyeur et psychopathe, il est en quelque sorte l’incarnation de nos peurs les plus intimes, celui qui peut verser de l’acide dans votre bouteille de lait si l’envie lui en prend. Fort de ce concept, Jaume Balaguero explore l’esprit torturé de César par petites touches et instaure un malaise qui va crescendo.
On était en droit d’attendre du réalisateur de La secte sans nom une plongée plus extrême dans le vice et la terreur qui doit en résulter. Au lieu de cela, pendant tout le film et jusqu’à l’épilogue glaçant de cruauté, le personnage de Clara ne se doutera de rien. Les multiples attaques insidieuses de César ne lui apparaissent tout au plus que comme une succession de désagréments, une avalanche de malchances. Le spectateur qui a toujours une longueur d’avance sur les personnages se place alors davantage du point de vue de César que de ses victimes. Il en résulte un manque d’empathie qui nous empêche de ressentir la peur qui, insidieusement, devrait s’installer chez Clara.
De plus, certaines scènes sensées être tendues comme le jeu de cache cache dans l’appartement de Clara entre un César pris à son propre jeu et le fiancé de celle-ci, penche malheureusement du coté du burlesque involontaire.
Le film aurait gagné à développer davantage certains personnages, comme celui de la mère de César et les relations ambigües qui semblent les lier, et à ne pas s’embarrasser d’autres rôles tels que celui du fiancé de Clara réduit à un faire valoir présent uniquement comme catalyseur des évènements à venir.
Malveillance reste cependant un film intéressant par le sujet qu’il traite et le malaise qu’il installe, particulièrement lors du final d’une incroyable cruauté qui assimile César à ces insectes parasites qui pondent leurs œufs au sein même de leurs victimes, lesquelles ne s’en apercevront qu’au moment de l’éclosion. Dans le rôle de la fille d’à coté toujours souriante, avec ses faux airs de Jennifer Aniston ibérique, la charmante Marta Etura illumine l’écran à chacune de ses apparitions.

jeudi 22 décembre 2011

Mission : Impossible - Protocole fantôme

Rarement des franchises auront cumulé à leur palmarès autant de réalisateurs talentueux que Mission : Impossible. Ce quatrième opus était d’autant plus attendu qu’il voit arriver à la réalisation Brad Bird, jusqu’ici spécialisé dans l’animation.
L’enjeu est de taille pour ce réalisateur talentueux, celui de prouver qu’il est aussi doué avec des personnages de papier qu’avec des personnages en chair et en os, et d’imposer son style sur une série cadenassée par un Tom Cruise omniprésent. Le pari est gagné, dans la limite du cahier des charges imposé par les Mission : Impossible.
Car il n’y a pas à s’y tromper, nous sommes bien dans la continuité des films précédents avec tous les éléments que l’on est en droit d’y trouver. Complot, trahison, infiltration, poursuites spectaculaires, gadgets invraisemblables, déguisement, tout y est. Avec cependant quelque chose de plus, un thème récurrent dans la filmographie de Brad Bird, celui de l’entre aide.
Que ce soit dans les Indestructibles où une famille de super héros vient à bout des dangers en unissant leurs forces ou dans Ratatouille où un rat et un apprenti cuisinier vont au-delà de leurs différences pour atteindre les hautes sphères de la gastronomie, l’interaction entre les personnages a toujours été le moteur des films de Brad Bird. Et accessoirement l’esprit même des Mission : Impossible qui à la base voit une équipe plus qu’un personnage principal arriver au bout des missions les plus folles. C’est cet esprit que le réalisateur a su insuffler et imposer dans cet épisode. Le personnage d’Ethan Hunt y est un peu moins écrasant et la nouvelle équipe occupe une place de premier plan.
Malgré un scénario assez convenu, Mission : Impossible - Protocole fantôme se place parmi les meilleurs épisodes de la série grâce à cet esprit d’équipe et à un humour jusque là étranger à la franchise. Les scènes d’actions sont spectaculaires et d’une lisibilité que l’on retrouve peu dans les blockbusters américains. Les personnages sont clairement définis et ne se cantonnent pas à des faire valoir de Tom Cruise, lequel reprend son rôle avec une constance attendue.
Mission : Impossible - Protocole fantôme ne possède certes pas l’intelligence et la grâce des Indestructibles mais là où d’autres réalisateurs ont préférés quitter le plateau (David Fincher pour ne citer que lui), Brad Bird s’est plié au cahier des charges de la série sans pour autant perdre son âme. Il en résulte un film d’action tout à fait honnête, qui ne révolutionne pas le genre mais dont le réalisateur n’a pas à rougir.

jeudi 15 décembre 2011

Carnage

Plutôt que de théâtre filmé, il serait plus juste de parler de huit clos pour cette adaptation cinématographique de la pièce de Yasmina Reza. Car si le film se déroule en temps réel avec une unité de lieu, il n’en reste pas moins que les personnages n’en finissent pas de rentrer et de sortir de l’appartement, de se quitter et de revenir, comme irrésistiblement attiré par une force qui les dépasse.
Ces personnages, ce sont deux couples new yorkais aisés qui se rencontrent pour régler un litige qui touche à des sujets ultra sensibles : les enfants, l’éduction, la violence dans nos sociétés occidentales. Dés la première scène le ton est donné. Malgré un discours courtois et des postures civilisées, la tension qui s’installe et qui ne fera que grimper entre les différents protagonistes est palpable. Que ce soit dans les dialogues, par le biais de remarques acerbes, ou par les postures, le vernis de la civilité craque pour révéler les véritables identités de chacun et mettre à jour des vérités qui ne sont bien évidemment pas agréables à entendre.
Si les quatre acteurs se font visiblement plaisir et nous offrent un spectacle délectable, la palme revient cependant au couple Cowan interprété par Kate Winslet et un Christoph Waltz encore une fois impressionnant de maitrise et de morgue. Le running gag du téléphone portable qui aurait pu devenir lassant à la longue fonctionne d’ailleurs tout le long du film grâce au jeu sans faille de l’acteur qui campe un avocat cynique et froid.
Roman Polanski domine remarquablement bien son film, que ce soit au niveau de la direction d’acteurs, encore une fois excellents, ou de l’utilisation d’un espace clos et de la gestuelle de ses personnages. Le seul point noir est le moment où les scénaristes, Roman Polanski et Yasmina Reza, croient utile de faire boire leurs personnages et de les plonger dans l’ivresse, comme s’ils voulaient donner un second souffle à une histoire qui jusque là n’en manquait pas. Déjà caricaturaux, les personnages sombrent alors dans un jeu outrancier qui dessert le film. Alors que Kate Winslet arrive à faire évoluer son personnage de bourgeoise coincée vers une ivresse jubilatoire et libératrice, le jeu hystérique de Jodie Foster agace plus qu’il ne sert son rôle.
Malgré cet artifice, Carnage reste un excellent moment, le spectacle accablant autant que délectable des faiblesses humaines que ne parvient plus à cacher le mince vernis soit disant civilisé de nos sociétés modernes.

jeudi 8 décembre 2011

Les Lyonnais

Qui vole un œuf vole un bœuf. Qui vole un panier de cerise braque des fourgons blindés. C’est cet adage qu’illustre Olivier Marchal avec son nouveau film qui, une fois n’est pas coutume, louche davantage du coté des truands que des policiers.
Sans se départir de son réalisme cru et de la connaissance du milieu qui sons devenus sa marque de fabrique, le réalisateur succombe pourtant à l’attrait de la mythologie du grand banditisme. Une mythologie aujourd’hui révolue faite de code d’honneur, de parole engagée et d’amitié indéfectible. C’est sur la base de cette amitié qu’est construite l’histoire d’Edmond Vidal et de Serge Suttel, et plus largement celle du gang des Lyonnais qui défrayèrent la chronique dans les années 70.
Des braqueurs aujourd’hui devenus grand pères. Certains ont pris leur retraite et n’aspirent qu’à tourner la page, d’autre sont encore en activité. C’est le cas de Serge Suttel qui refait surface après treize ans d’absence. Avec lui des montagnes d’ennuis qui vont contraindre Edmond Vidal, son ami de toujours à reprendre les armes bien malgré lui.
Les Lyonnais renouent avec la grande tradition des films de gangsters et des histoires de clans. Des personnages essentiellement masculins, des conflits de génération et de valeurs, des vengeances et l’engrenage de la violence, tout est réuni pour que le film marche sur les pas des grands qui l’ont précédé. La structure alternant les flashes back et l’histoire contemporaine n’est pas sans évoquer le second volet du Parrain de Coppola, quand à la fête donnée en l’honneur du baptême du petit fils de Momon, elle renvoie elle aussi aux deux premiers épisodes du Parrain. La fusillade durant l’évasion de Serge Suttel rappelle quelques scènes de Heat et dès que l’on parle de film de gangsters il est bien entendu difficile de ne pas évoquer l’univers de Martin Scorcese.
Olivier Marchal ne réinvente donc rien mais sans être un Parrain à la française, son film n’a pas à rougir de la comparaison avec ses illustres ainés. Alors bien sur, le montage n’est pas aussi fluide et brillant que chez Coppola, Gérard Lanvin n’est pas Al Pacino (mais il reste super crédible dans son rôle de patriarche qu’il ne faut pas embêter) et l’ensemble a un air de déjà vu. Mais Les Lyonnais n’en demeure pas moins un film solide, porté par des acteurs avec de véritables gueules et réellement habités par leurs personnages. Ajoutons à cela des dialogues qui font mouche, une scène de fusillade maitrisée, des personnages attachant qui suscitent une réelle empathie et nous obtenons un film réussi qui tient toute ses promesses.

jeudi 17 novembre 2011

L'ordre et la morale

Pour ceux et celles qui comme moi étaient adolescents en 1988, la prise d’otage des gendarmes dans la grotte d’Ouvéa évoque nécessairement quelque chose. Un fait divers marquant mais jamais clairement expliqué et depuis lors oublié par la plupart des gens. Mathieu Kassovitz décide qu’il est temps de dépoussiérer cette affaire et de faire la lumière sur ce qui se révèlera comme un drame humain bien plus grave que ce que les médias et politiques de l’époque avaient bien voulu laisser paraitre.
Le film suit la succession des évènements qui aboutissent à l’assaut final sous forme de compte à rebours menant inéluctablement vers l’issue dramatique que l’on connait. Pour ce retour à la réalisation, Mathieu Kassovitz prend son temps. Les pales des hélicoptères et la musique grave et hypnotique rythment le parcours douloureux de Philippe Legorjus, capitaine du GIGN dont la mission est habituellement de négocier avec des preneurs d’otages.
Mais en Nouvelle Calédonie et dans le contexte des élections présidentielles opposant Chirac et Mitterand, la situation est tout autre. Le gouvernement dépêche l’armée sur place, les évènements ne sont pas, ou peu couverts par les médias, et surtout les preneurs d’otages sont eux-mêmes pris en otages par les enjeux politiques français. Tous les éléments sont en place pour que la situation dégénère, ce qui ne manque pas d’arriver.
Pour reconstituer de manière aussi fidèle que possible la succession de décisions qui ont abouti au massacre final, Mathieu Kassovitz effectue un impressionnant travail de recherche et livre un film qui n’élude pas son sujet. Il cite clairement les politiques en place à ce moment là, la soif de pouvoir qui domine tout autre chose et particulièrement la valeur d’une vie humaine. Un peu long dans sa première partie (le film aurait gagné à être raccourci d’un bon quart d’heure), L’Ordre et la Morale suit le parcours de deux hommes.
Alphonse Dianou, le chef des preneurs d’otages dont les principes et les idéaux l’enferment peu à peu dans une situation qui le dépasse. Et surtout Philippe Legorjus qui, tout en cherchant à trouver une solution pacifique au conflit n’en applique pas moins les ordres qui lui sont donnés en bon soldat. Un homme tiraillé entre ce qu’il croit et ce qu’on lui dit de faire, un homme qui essaie tant qu’il peut de sauver des vies mais qui finit par s’incliner devant les décisions, pourtant criminelles, de ses supérieurs. Un homme avec ses forces et ses faiblesses, son courage et ses lâchetés que le réalisateur a le courage de montrer tel qu’il est. Ni héros ni parfait salaud, un fonctionnaire qui, à défaut de pouvoir changer le système s’y plie et s’arrange avec sa conscience.
L’ordre et la Morale est un film courageux, lucide, une dénonciation de plus des exactions commises au non de l’intérêt national. Le sujet est captivant, le traitement l’est un peu moins faute d’une mise en scène que l’on aurait voulu plus tendue et nerveuse. Il n’en reste pas moins que c’est un film indispensable.

lundi 31 octobre 2011

Les Aventures de Tintin : le secret de la Licrone

Steven Spielberg à la réalisation + Peter Jackson à la production + Hergé comme source d’inspiration, c’est peu dire que cette nouvelle adaptation de Tintin sur grand écran est née sous une bonne étoile. Ce projet, Steven Spielberg y pense depuis des années. Il lui faudra attendre les avancées technologiques suffisantes et la motion capture pour pouvoir enfin donner vie à sa vision de ce héros de papier. Car il ne faut pas s’y tromper, avec ces Aventures de Tintin, nous sommes davantage chez Spielberg que chez Hergé.

Puisant dans pas moins de trois albums (Le Crabe aux pinces d’or, Le trésor de Rackam le Rouge et le Secret de la Licorne), le film se vit comme une succession d’aventures qui emmènent les protagonistes aux quatre coins du monde dans une course effrénée au trésor. Une course presque trop effrénée d’ailleurs, qui laisse peu de place au répit et encore moins à toute trace d’émotion. Car si le rythme ne faiblit pas une seule seconde, que l’animation n’a jamais était aussi fluide et que les scènes d’actions sont toutes plus impressionnantes les unes que les autres, les personnages, en particulier celui de Tintin, souffrent d’un vide émotionnel dont l’origine se trouve d’ailleurs dans les albums d’Hergé. Tintin est un être sans aspérité, pratiquement asexué, d’une humeur égale, un personnage qui ne se révèle que dans la succession d’aventures auxquelles il se trouve mêlé. Spielberg respecte en cela les personnages d’Hergé et transforme le jeune reporter en une sorte d’Indiana Jones européen, en plus lisse et pour tout dire moins intéressant.

Malgré cela, le film force l’admiration par sa réalisation, ses performances techniques et la multitude de scènes de bravoure qui s’enchainent à un rythme incroyable. Bien que prenant quelques libertés avec les albums en question (de nombreuses scènes, comme par exemple le violent combat de grues opposant le Capitaine Haddock à Ivanovich Sakharine, n’y figurent pas) et l’imaginaire même d’Hergé (les morts sont beaucoup plus nombreux et visibles que dans les histoires initiales), Spielberg parvient à réaliser un film relativement fidèle aux personnages tout en y apposant sa marque. On pourra ainsi s’amuser à noter les multiples renvois à sa filmographie qui parsèment le film. Le combat dans le paquebot en pleine tempête n’est pas sans rappeler une scène des Aventuriers de l’Arche Perdu, la houppette de Tintin qui fend la surface de la mer quand il s’approche de l’hydravion ressemble fort à un clin d’œil aux Dents de la Mer, quand à la poursuite en side car dans les rues de la ville, elle fait irrésistiblement penser à La Dernière Croisade.

Les Aventures de Tintin : le secret de la Licorne est donc un spectacle réussi, surement trop foisonnant et rapide pour satisfaire pleinement les puristes tintinophiles mais c’est peut être la condition nécessaire pour conquérir le public américain à la cause du petit reporter belge. On peut aussi se reposer les yeux en se replongeant dans la magie des albums d’Hergé.

dimanche 23 octobre 2011

Polisse

Habituée au film choral, Maïwenn se penche cette fois sur le quotidien des policiers de la Brigade de Protection de l’Enfance. Ils sont neuf, hommes et femmes aux personnalités marqués, tour à tour agaçants, attachants, exaltés ou écœurés par un métier hors du commun.

Car la réalité des membres de la BPE est loin de celle des flics habituellement mis en scène au cinéma. Chaque jour, ils sont confrontés à des viols d’enfants, des incestes, des enlèvements ou de l’esclavage. Face à cette réalité terrible, chacun réagit à sa façon, avec des répercussions inéluctables sur leurs vies privées.

Avec Polisse, Maïwenn frappe fort car elle frappe juste. Il aurait été facile de tomber dans le voyeurisme ou le misérabilisme avec un tel sujet. La réalisatrice évite avec élégance tous ces écueils en marquant à la culotte un groupe incarné par des comédiens d’une rare justesse. Pas de prise de position, peu de scènes d’actions, pas de pathos exagéré, les situations mises en scènes parlent d’elles même. Maïwenn va même jusqu’à traiter par l’humour une situation dramatique quand une jeune fille explique le plus naturellement du monde devant l’équipe hilare qu’elle a sucé des garçons pour récupérer son portable, parce que tout de même, « c’était un beau portable ». La tension supportée quotidiennement par ces policiers est gérée différemment par chacun mais elle a toujours des conséquences sur leur vie privée. Et quand elle éclate, cela donne des scènes d’une force incroyable, comme cette dispute homérique entre Karin Viard et Marina Foïs, ou la confrontation entre un père arabe traditionaliste et Naidra Ayadi.

Porté par une tension et une énergie qui ne faiblit pas un seul instant quand nous partageons le quotidien de la BPE, le film s’essouffle quand il s’agit de traiter des histoires amoureuses qui viennent se greffer sur l’histoire, particulièrement celle entre Maïwenn et Joey Starr. Pour dire les choses comme elles sont, chaque apparition de Maïwenn en tant qu’actrice plombe le film. De même, la scène de la discothèque est trop longue et coupe le rythme qui ne laissait jusque là pas un seul moment de répit au spectateur.

En dehors de cela, Polisse est une vrai réussite, une claque sans aucun artifice dont on sort en ne sachant pas trop s’il est porteur d’espoir ou au contraire si le film est le constat sans appel d’une souffrance d’autant moins acceptable qu’elle prend pour cible des enfants.

mercredi 12 octobre 2011

Drive

Rarement un film aura autant mérité le prix de la mise en scène à Cannes que Drive. Après des débuts aussi intéressants qu’inégaux, Nicolas Winding Refn livre un film dont chaque scène semble avoir été pensée en termes esthétiques tout en servant admirablement l’histoire qu’il raconte.

Cette histoire, c’est avant tout celle d’une rencontre entre un jeune homme froid et taciturne et une jeune mère de famille qui ne demande qu’à tomber amoureuse. Même si Drive brasse des thèmes aussi diverses que le film de gangster, la vengeance, le film de poursuite, c’est avant tout d’une histoire d’amour tragique dont il est question.

Le réalisateur qui semble chérir les personnages peu expansifs filme avec brio toute une galerie de personnages au milieu desquels se détache un Ryan Gosling impressionnant de sobriété et d’humanité cachée. Alors qu’il ne prononce que peu de mots, ses accès de violence n’en sont que plus crédibles et effrayants. Face à lui, Carey Mulligan campe une jeune femme loin des canons esthétiques des films de genre, à la fois fragile et déterminée à élever seule son petit garçon. Le reste de la distribution est tout aussi impressionnant, entre un Brian Cranston dont le talent n’est plus un secret depuis son interprétation vertigineuse dans la série Breaking Bad, Albert Brooks en mafioso redoutable et un Ron Perlman autrement plus intéressant que dans le récent Conan.

Drive est donc un film beau et intelligent porté par une bande son décalée et une photo superbe, une histoire qui semble suivre les sentiers mille fois empruntés du film de gangster pour mieux bifurquer là où on ne l’attend pas, vers la rencontre d’un homme et d’une femme qui auraient pu vivre heureux ensemble si les vents contraires de leurs destins ne les en empêchait.

Après Bronson et sa trilogie Pusher, Nicolas Winding Refn entre enfin dans la cour des grands sans renier les thèmes qui lui sont chers (les personnages atypiques, la description de microcosmes en marge de la société, la solitude, l’engrenage de la violence). La suite nous montrera s’il saura renouveler ce coup de maitre.

samedi 17 septembre 2011

Warrior

Passons tout de suite sur les défauts qui empêchent Warrior d’être un film de la trempe de Rocky. L’élément principal qui plombe l’histoire est un scénario trop convenu qui accumule les poncifs, jusque dans la dernière scène du film qui le fait basculer vers la lumière alors qu’il aurait dû être un diamant noir.

Un père de famille presque parfait, un jeune homme perdu mais sauvé par un fait d’arme glorieux, l’accident qui permet à Brendan Conlon de prendre part au tournoi sont autant de facilités scénaristiques qui ne parviennent toutefois pas à atténuer l’impact du film. Car si l’histoire se déroule sans grande surprise et emprunte les chemins balisés du film de combat (mise à l’épreuve, entrainement, tournoi, sacrifice, rédemption), si la partie consacrée à l’entrainement des deux frères (dont les méthodes radicalement différentes peuvent faire penser à la même succession de scènes dans Rocky IV) est peu lisible à cause de l’utilisation du split screen, il n’en reste pas moins que Warrior est un film prenant et intéressant à plus d’un titre.

Premièrement, le milieu du free fight, très peu exploité à l’écran, permet aux acteurs d’exprimer sur le ring toute la hargne de leurs personnages et donne lieu à des confrontations hautes en couleur et à des combats secs et brutaux. Le premier combat de Tom Conlon à l’entrainement est à ce titre exemplaire en termes d’efficacité, de rapidité et de violence.

Le film est ensuite porté par les prestations hautes en couleurs de Joël Edgerton dans un rôle qui aurait rapidement pu devenir terne et ennuyeux, de Nick Nolte toujours impressionnant dans le rôle ingrat du père en quête de pardon. L’acteur laisse éclater tout son talent lors d’une scène de beuverie désespérée au cours de laquelle il passe en une fraction de seconde de la déchéance la plus totale à une folie menaçante, laissant entrevoir un bref instant l’homme qu’il fut jadis et qui martyrisa sa femme et ruina la vie de ses enfants. Mais force est de reconnaitre que l’interprétation de Tom Hardy dépasse d’une tête toute les autres. Qu’il soit sur le ring ou dans un café, toujours hanté par ses propres démons, l’acteur livre une prestation tout simplement hallucinante. Il fait de Tom Conlon un homme dévoré par la colère, un animal prêt à bondir sur celui qui se mettrait en travers de son chemin sans se soucier une seule seconde des conséquences de ses actes. Si une pareille colère l’anime pour son prochain rôle de Bane dans The Dark Night Rises, Batman a du souci à se faire !

Dernière raison d’aller voir Warrior et non des moindres, c’est le désespoir et la rage qui animent chacun des personnages. Rarement autant de haine n’aura été véhiculée par des hommes que celle qui lie les deux frères Conlon à leur père. Warrior est un film social car il montre la réalité économique d’une certaine Amérique qui lutte pour garder sa maison tout en travaillant à plein temps. C’est aussi un film qui met en scène des hommes qui se battent chacun à leur manière et pour des raisons différentes. Pour préserver sa famille, pour rattraper les erreurs du passé, pour évacuer une colère trop longtemps contenue qui menace de les détruire. La violence des combats sur le ring n’est que le reflet de cette colère qui s’exacerbe au sein du microcosme familiale. Et lorsque les deux frères quittent le ring en se soutenant mutuellement après s’être quasiment entretués à main nue, le sourire de Nick Nolte qui clôture le film en est la dernière fausse note.

Car si les deux frères se sont retrouvés dans la violence, le père lui reste seul et n’est pour rien dans ce concours de circonstance qui les a vus se confronter dans la cage. Le fait de laisser entrevoir une lueur d’espoir et une possible entente entre le père et les fils, ce que laisse présager ce sourire apaisé, est en contradiction totale avec la tonalité du film. Dommage que le réalisateur cède ainsi à la facilité, il passe à coté d’un grand et beau film en colère.

samedi 3 septembre 2011

Neds

2003, The Magdalene sisters sort en salle. Un choc irradié par la beauté d’Anne Marie Duff et le deuxième film de Peter Mullan.

Huit ans après, le réalisateur livre avec Neds un film qui renvoie à sa propre vie. Nous sommes à Glasgow en 1973. John McGill s’apprête à entrer au collège. Son père, impeccablement interprété dans toute son ignominie par le réalisateur lui-même, est un alcoolique qui terrorise sa femme. Son grand frère est un délinquant dont la réputation le protège autant qu’elle fait peser sur lui le poids des suspicions de ses professeurs, craignant que John ne suive ses traces.

Pourtant, John est un élève brillant qui, dans un tout autre contexte, aurait été promis un avenir prometteur. Seulement voilà, il est né dans une banlieue pauvre, où les affrontements entre les bandes de jeunes font régner la terreur dans le quartier.

Dès son entrée au collège, il est la proie du harcèlement d’un plus grand qui lui promet de faire de sa vie un enfer. Commence alors une spirale de violence qui va le consumer peu à peu.

Loin de dresser le portrait du mouvement hooligans comme le faisait le film homonyme de Lexi Alexander, ou de pondre un énième drame larmoyant, Peter Mullan continue son exploration d’une certaine jeunesse anglo saxonne sacrifiée, comme tant d’autre, sur l’autel de la pauvreté et de la violence qu’elle engendre. A travers le portrait de ce jeune garçon interprété à des âges différents par Gregg Forrest et Conor McCarron impressionnants d’authenticité, le réalisateur met en évidence un système familial et éducatif aussi destructeurs que les pulsions qui poussent John McGill vers le vide.

Si Peter Mullan évite tout manichéisme (c’est par exemple le modèle éducatif plus que les professeurs eux même qui est mis en cause) et ne sombre pas dans le piège du déterminisme sociale en clôturant son film par une fin ouverte laissant libre toute interprétation quand à l’avenir de John, il se raccroche néanmoins à quelques facilités scénaristiques. Ainsi, un concours de circonstance fait sans cesse croiser le chemin de John avec celui de Canta, son premier tortionnaire qui deviendra ensuite la victime la plus emblématique de sa violence. Même chose avec le bus qu’il braque une première fois et dans lequel il s’engouffre un peu plus tard.

Malgré ces petits écueils, Neds est un film puissant, traversé de moments surréalistes, comme cette baston entre John et un Christ descendu de sa croix, ou cette traversé d’un groupe de lions qui le regardent passer sans aucune agressivité. Le seul reproche que l’on peut faire au réalisateur, c’est de se faire si rare sur les écrans.

mardi 30 août 2011

La piel que habito

Après Etreintes brisées et surtout le magnifique Volver, Pedro Almodovar change radicalement d’univers sans toutefois renoncer aux thèmes récurrents qui parsèment son œuvre depuis plusieurs années.

La Piel que habito commence comme un roman d’Amélie Nothomb. Un éminent chirurgien qui a perdu sa femme et sa fille de manière tragique retient prisonnière une patiente énigmatique sur laquelle il semble tester une nouvelle peau synthétique. Alors que le médecin et sa captive jouent au chat et à la souris par le biais de caméras de surveillance, le fils de sa gouvernante fait irruption dans la maison et déclenche un drame.

Cette première partie renvoie aux premiers films du réalisateur, la fougue et l’énergie de sa jeunesse en moins. Que ce soit au travers d’un viol filmé de manière surréaliste et quasi comique perpétué par un homme déguisé en tigre, ou des thèmes chers au cinéaste qui abondent (le viol justement, le voyeurisme, les relations complexes qui unissent les personnages), on ne peut s’empêcher de penser avec nostalgie au cinéaste débutant de la movida qui se serait embourgeoisé. Croisant le thème de Frankenstein et des Yeux sans visages de Georges Franju, Almodovar pose les jalons de ce qui s’annonce comme un film froid, posé et passablement ennuyeux.

La seconde partie du film qui voit les différentes intrigues liant les personnages se délier par le jeu de flash back révèle un scénario redoutablement vénéneux. On comprend alors ce qui a pu attirer le cinéaste dans cette histoire tirée du roman de Thierry Jonquet. Les pulsions dérangeantes qui animent les personnages, et plus particulièrement le docteur Robert Ledgard partagé entre désir de vengeance et inceste, l’impitoyable mécanique du scénario qui amène progressivement le spectateur à découvrir l’incroyable vérité confère au film un délicieux parfum de scandale.

Malgré cela, et en dépit de la présence de la belle Elena Anaya, de l’élégant Antonio Banderas et de la toujours fidèle Marisa Paredes, La piel que habito est loin d’avoir la puissance et la beauté de Volver ou la fraicheur de Femmes au bord de la crise de nerf. L’incursion de Pedro Almodovar dans le thriller n’a plus le goût de soufre qui habitait ses premiers films.

vendredi 19 août 2011

Conan



Passons tout de suite sur la 3D, plus que dispensable une fois encore, et qui ne fait qu’apporter de la profondeur de champ et mettre en valeur des décors, par ailleurs souvent somptueux.

Passons sur la nécessité toute relative de réaliser un remake du film fondateur de John Milius, remarquable adaptation des romans de Robert E. Howard porté par le score épique de Basil Poledouris et l’interprétation sauvage d’un Arnold Schwarzenegger alors parfait dans le rôle du cimmérien.

Passons sur le choix de Marcus Nispel à la réalisation, metteur en scène capable du meilleur (les remakes, justement, de Massacre à la tronçonneuse et Vendredi 13, d’excellentes tenues) comme du pire (Pathfinder qui ne laissait pas augurer du meilleur quand à sa capacité à réaliser un film guerrier).

Mais on peut difficilement excuser le choix des comédiens pour incarner des personnages par ailleurs écrits à la hache, c’est le cas de le dire.

A tout seigneur tout honneur, Jason Momoa au physique plus proche d’une surfer californien que d’un guerrier cimmérien ne fait pas illusion une seule seconde. Grimé avec du fard à paupière (on se demande bien pourquoi ?), se contentant de renifler et de lancer des « femmes » quand apparait une représentante du sexe féminin à l’écran, il ne possède par un centième du charisme animale d’Arnold Schwarzenegger à l’époque du film original. Quand au reste des personnages, ils semblent écrits par satisfaire un public adolescent qui n’aurait jamais lu les livres de Robert E. Howard. A ce titre, l’épisode de la bataille sur le bateau ressemble davantage à un extrait de Pirate des Caraïbes qu’autre chose. Le personnage de Tamara sensé incarner une prêtresse retirée dans un temple se met à manier l’épée comme une guerrière aguerrie et à tuer tous les soldats qui se mettent sur sa route, bref n’importe quoi.

On peut reconnaitre à Marcus Nispel et son équipe le fait de ne pas chercher à faire un pompage du film de John Milius et de s’en démarquer autant que faire se peut, ce qui est tout à leur honneur. Mais la plupart du temps cela n’aboutit à rien. Pour une ou deux bonnes idées et quelques scènes réussies (l’attaque des hommes sable par exemple), tout le reste n’est qu’une succession d’épisodes plus ou moins convenus.

Le superbe personnage de Valéria chez John Milius disparait ainsi au profit de la classique et prévisible prêtresse en détresse (mais sachant manier l’épée tout de même) Tamara. Les hordes de barbares qu’affrontait Arnold Schwarzenegger sont remplacées par de pâles copies (l’un des hommes de main de Khalar Sing manie un énorme marteau, un autre assomme un cheval d’un coup de poing, autant de clin d’œil au film d’origine).

On ressort de ce Conan 2011 avec un vague sentiment d’ennui, de gâchis, et surtout une furieuse envie de ressortir le DVD du Conan d’origine ou de se replonger dans l’œuvre de Robert E. Howard.

jeudi 18 août 2011

Melancholia



Melancholia est le film le moins manipulateur, et le plus réussi de Lars von Triers depuis Breaking the waves.

Plutôt que de chercher à faire pleurer ou choquer gratuitement ses spectateurs, le réalisateur livre une œuvre sincère en total adéquation avec son état dépressif.

Après une succession de tableaux dont la signification ne se livrera qu’au fur et à mesure du déroulement de l’histoire, le film s’ouvre sur une scène emblématique. Une imposante voiture transportant deux jeunes mariés tente de rejoindre le château où doit se dérouler la fête par un petit chemin sinueux. Malgré de multiples tentative, force est de constater qu’il est impossible de manœuvrer et de progresser normalement.

La voiture hors norme, c’est Justine, l’une des deux sœurs qui composent le dytique du film. Fantasque, dépressive et inapte à toute vie sociale, elle ne peut se résoudre à suivre le chemin tout tracé d’une vie que les autres décident pour elle. Comme la voiture, elle se cogne sur les bords du chemin et ne peut plus avancer.

Le film se compose de deux parties, chacune se focalisant plus particulièrement sur l’une des sœurs. Justine donc, magnifiquement interprétée par Kirsten Dunst, et la pragmatique et sérieuse Claire jouée par Charlotte Gainsbourg. Que ce soit lors d’une fête de mariage filmé comme un chemin de croix pour une Justine obligée de se plier aux conventions sociales, ou lors de l’approche de la planète Melancholia qui pourrait heurter la Terre et annihiler toute forme de vie, Lars von Triers compose une peinture amère mais souvent juste de la nature humaine.

Quelle que soit leur rang social, il est troublant de constater qu’au final, aucun des personnages de Melancholia n’est réellement sympathique. Certains, comme le publiciste patron de Justine, sont odieux, d’autres sont justes pitoyables ou pathétiques.

Et au fur et à mesure de l’approche de Melancholia, les véritables personnalités de chacun des personnages, et plus particulièrement des deux sœurs, se révèlent et sont exacerbées. Claire, qui voudrait organiser sa propre fin du monde comme elle l’a fait pour le mariage de sa sœur, et au final sa propre vie, panique complètement. Justine ne ressent aucune peur car contrairement à sa sœur elle ne possède rien, ni matériellement ni affectivement, et donc n’a rien à perdre.

Et c’est là que les tableaux filmés au ralenti du début du film prennent tout leur sens. Quelle plus belle représentation de la dépression que Justine en robe de mariée freinée dans sa marche par des lianes qui la clouent au sol ? Dans l’attente d’une possible destruction de le Terre, Justine est représentée sereine flottant sur l’eau tandis que Claire s’enfonce dans le sol en tenant son enfant dans ses bras, symbole d’un ancrage affectif qui au final l’empêche de s’évader.

Melancholia porte bien son nom et regorge de scènes aussi fortes que percutantes. Le premier chapitre décrit de façon jouissive un mariage où les conventions sociales s’effritent les une après les autres pour laisser place à un vide existentiel effrayant. Quand à la seconde partie, elle est en équilibre perpétuel entre la panique grandissante de Claire et la délivrance attendue par Justine, ce qui nous vaut des scènes magiques comme cette communion quasi animale entre une Justine allongée nue dans l’herbe et la planète Melancholia qui se fait de plus en plus menaçante.

Ajoutons à cela une galerie de personnages admirablement écrits servis par des acteurs irréprochables (de Jack Bau…, pardon, Kiefer Sutherland à Charlotte Rampling en passant par John Hurt et Udo Kier), et nous obtenons l’un des films les plus étonnants et réussis de cette année.

mardi 12 juillet 2011

Hanna

Hanna est un film atypique, croisement improbable entre La mémoire dans la peau et le conte de fées.

Hanna est une jeune fille de 16 ans élevée et entrainée par son père, un ex agent de la CIA recherché par ses anciens employeurs. Telle une princesse régnant sur un monde enchanté, Hanna est une tueuse accomplie autant qu’une enfant innocente ignorant tout du monde moderne. Elle est aussi l’instrument de vengeance de son père, le bras armé d’un plan minutieux muri pendant de longues années.

Le film débute dans la blancheur immaculée d’une forêt enneigée. Dès le début, on est plongé dans un monde à part, un univers féérique où l’on s’attend à voir surgir la reine des Glaces à tout moment. Le seul contact qu’Hanna entretien avec le monde extérieur, ce sont les histoires que lui raconte son père à partir d’une encyclopédie et d’un recueil de contes des frères Grimm. Le décor est planté, le réalisateur place dès le début son film sous le signe des contes de fées sans laisser planer aucun doute.

Hanna est la princesse qui découvre le monde autant que le chevalier qui combat le dragon. La sorcière, ou le dragon, c’est au choix, c’est l’agent Marissa Wiegler interprétée par une Cate Blanchett qui trouve enfin un personnage de méchante à la hauteur de son talent, reléguant aux oubliettes son personnage raté d’Irina Spalko dans Indiana Jones 4. Le chasseur qui protège la princesse n’est autre que son père qui en fait un instrument de mort au service de sa vengeance.

Le film est construit en boucle, les paysages naturels du début laissant place à la fausse cabane enneigée du parc d’attraction, le cerf mourant abattu par Hanna trouvant son parallèle dans le personnage de Marissa Wiegler. Entre les deux, c’est à une course effrénée que nous convie le réalisateur Joe Wright.

Porté par la musique des Chemical Brothers, Hanna emprunte aussi bien au film d’action (les combats à main nus secs et violents), au film d’espionnage (l’intrigue mêlant manipulation génétique et trahison) qu’à la parabole des contes de fées dont les symboles qui parsèment le film éclatent dans la dernière partie. De la maison des frères Grimm à la menaçante Marissa Wiegler surgissant d’une gueule de loup, le réalisateur est limpide quand à son intention de raconter une fable.

Alors oui, certains passages du film sont maladroits, comme cette scène où Hanna s’enfuit de la base souterraine. Le jeu sur son visage démultiplié et la musique qui envahit l’espace nous donne l’impression d’assister à un clip. De plus, on peut être gêné par un certain nombre d’incohérences scénaristiques, quand par exemple dans cette même base Hanna échappe à une garnison entière d’agents armés et entrainés. On peut aussi considérer que dans un conte tout devient possible et qu’il faut voir le film davantage comme une fable que comme une histoire d’espionnage.

Alternant les scènes chocs (le premier meurtre d’Hanna dans la base), poignantes (l’exécution de sa grand-mère), des décors impressionnants (la nature admirablement bien photographié dans la première partie, le parc d’attraction), les personnages originaux (le tueur gay et sa bande de skin heads, Marissa Wiegler), une magnifique distribution avec en tête une Saoirse Ronan plus présente et impressionnante que dans Lovely Bones, Hanna est donc un film original de par son approche, efficace malgré quelques longueurs.

dimanche 3 juillet 2011

Comic Con 2011

Samedi 02 juillet, levé à 5H30, dur pour un week end. Je prends le train Rennes Paris et je retrouve un ami à la gare Montparnasse. Métro ligne 4 jusqu’à Denfert Rochereau puis le RER B jusqu’au Parc des Expositions.

Déjà, dans le train, nous croisons un sosie d’un personnage de One Piece, un samouraï armé d’un katana et un groupe de jeunes filles avec des oreilles de lapin. Pas de doute, nous sommes sur la bonne ligne. Nous décidons de suivre les oreilles de lapin.

Nous voici enfin arrivé au Parc des Expositions. Une bonne heure de queue dans la bonne humeur et nous entrons. C’est la troisième édition du Comic Con et de Japanimation, le salon consacré aux mangas, comics, jeux vidéo, cinéma et séries fantastiques ou de science fiction, bref, tout ce qui constitue cette culture alternative regardée d’un œil méfiant par les gardiens du temple culturel français.


Ce qui nous frappe le plus pour cette première visite, ce ne sont pas tant les maquettes, les démonstrations géantes de jeux vidéo ou les files d’attente devant les stands de dédicaces, mais l’ambiance qui règne dans les Halls 5 et 6 du Parc des Expositions. Tout le monde ou presque est déguisé, les exposants bien sur mais aussi une bonne partie des visiteurs. C’est le règne du Cosplay et le grand jeu consiste à deviner qui nous croisons. A peu prés tous les personnages de Star Wars bien évidemment, mais aussi des représentants des jeux vidéos (Final Fantasy en tête mais aussi Silent Hill, Resident Evil ou Street Fighter), de comics (le Punisher côtoie Rorschach des Watchmen), de mangas (Ranma 1/2), de films cultes (Gosthbusters, Alien, le Seigneur des Anneaux). C’est le seul endroit où l’on peut voir Harry Potter boire un coup avec Jack Sparrow et trouver cela normal.

Tout le monde est là pour partager la, ou plutôt les mêmes passions, des jeux de rôles aux jeux vidéo en passant par la bande dessinée. Alors que la polémique autour des jeux vidéo et des mangas qui pousseraient les jeunes à avoir des comportements violents ou asociaux est on ne peut plus d’actualité, l’atmosphère bon enfant du Comic Con démontre plus que toute théorie fumeuse le contraire. Ici personne n’est jugé et tout le monde se parle. On y croise des Xena vieillissantes ou des Batman gras du bide dont les collants peinent à contenir les kilos en trop. Et alors ? Tout le monde est là pour s’amuser dans le respect de l’autre. Il n’y a pas l’ombre d’une agressivité dans les couloirs pourtant bondés de monde.

Il est intéressant de constater qu’alors que l’on ne peut aller à un concert avec une bouteille d’eau bouchée ou que l’on se fait systématiquement fouiller à l’entrée des stades, il n’y a ici aucune fouille et encore moins de vigiles, ou alors très discrets. Où peut-on imaginer ailleurs qu’ici laisser entrer des personnes armées de katana ou d’épées, certes factices, de deux mètres de haut ? Des militaires armées jusqu’aux dents de fusils d’assaut, factices eux aussi, mais tout de même ? Et bien en ce lieu la magie opère, tout le monde est heureux d’être là, de prendre deux cents photos en une journée ou de se faire photographier toutes les trois minutes mais toujours avec le sourire.

La journée passe vite, trop vite. Nous regagnons le flux des visiteurs jusqu’à la station de RER. Plus le train s’éloigne et moins il y a de super héros ou de personnages de mangas autour de nous. A Montparnasse, je suis tout seul. Enfin façon de parler, disons que j’ai laissé derrière moi tous ces personnages de fiction qui ont pris vie l’espace d’une journée. Jusqu’à l’année prochaine.

dimanche 19 juin 2011

Insidious

A l’heure de la 3D quasi systématique et des effets spéciaux abrutissants cachant souvent un vide scénaristique abyssal, James Wan nous propose de revenir aux sources de la peur avec Insidious.

A l’image de Death Sentence pour le film de vigilante en 2008, il n’entend pas renouveler le genre pour autant. Au contraire, il reprend les recettes les plus classiques du film d’épouvante, et plus particulièrement de possession et de maison hanté. Portes qui s’ouvrent ou se ferment toute seules, chuchotements dans le baby phone, ombre qui traverse une pièce, empreintes sanglantes sur un drap, apparition mystérieuse sur une photo, tout y passe ou presque. Quel intérêt alors à réaliser un film brassant tous les clichés d’un genre déjà si souvent visité ?

James Wan sait bien que ce sont dans les vieilles casseroles que l’on fait les meilleures soupes, et partant de ce principe il réalise tout simplement l’un des films les plus effrayants de ces dix dernières années.


Avec une économie de moyen remarquable, une subtile utilisation de la musique (la plupart des morceaux sont basés sur les instruments à cordes, violon et violoncelle en tête, et le piano) et un sens de la mise en scène qui n’est plus à démontrer, il nous immerge dans le quotidien d’une famille américaine qui se voit confronté à des phénomènes paranormaux.

Certes, le film n’est pas exempt de tout défaut ou influences trop évidentes.

Le démon qui apparait dans la seconde partie de l’histoire ressemble étrangement au seigneur Sith Dark Maul dans la Menace Fantôme, lequel se permet même un petit clin d’œil à Freddy Krueger aiguisant ses griffes d’acier.

Le duo de geeks chasseur de fantômes semble tout droit sorti de Ghostbusters et, même s’il est plutôt réussi, dénote et casse un peu l’atmosphère du film.

De plus, le réalisateur a tendance à trop guider le spectateur, notamment lors du passage de Josh dans l’au-delà qui croise différents éléments (la porte rouge, le cheval de bois) dessinés par son fils avant qu’il ne sombre dans le coma. La superposition des dessins souligne le trait de façon un peu trop évidente et maladroite en voulant trop assister le spectateur.


Alors oui, il y aurait à redire sur la façon qu’a eue James Wan de traiter la seconde partie de son film, mais il n’en reste pas moins qu’Insidious est un pur film d’épouvante, sobre et efficace jusque dans le choix des interprètes.

Alors que le film s’ouvre sur le visage de la charmante Rose Byrne et qu’elle apparait durant les deux tiers de l’histoire comme le personnage le plus fort de la famille, le réalisateur nous prend à contre pied en confiant au père la douloureuse mission d’aller chercher son fils dans le royaume des morts. Quand au personnage de la mère de Josh interprétée par Barbara Hershey, comment ne pas penser immédiatement à l’Emprise, autre film majeur de possession dans lequel elle livrait une interprétation hallucinante d’une femme agressée sexuellement par une entité invisible en 1981.

Après avoir assuré ses revenus jusqu’à la fin de ses jours avec la production de la franchise Saw dont il fut l’instigateur, James Wan se permet de réaliser les films qu’il veut comme il le veut. Death Sentence fut une belle réussite, Insidious confirme un talent jusque là jamais démenti en nous permettant d’avoir réellement peur au cinéma. Cela faisait tellement longtemps que ce n’était pas arrivé !

jeudi 2 juin 2011

X Men : le commencement

X Men : le commencent voit le jour grâce à la convergence de deux talents.

A la réalisation, Matthew Vaughn à qui l’on doit notamment l’excellent Kick Ass qui traitait déjà de la condition des super héros. A la production et à l’écriture, Bryan Singer, l’homme qui a donné ses lettres de noblesses cinématographiques aux X Men avec deux films impeccablement maitrisés.

Rien d’étonnant alors que X Men : le commencent soit une réussite totale.


Le film raconte les origines des membres fondateurs des X Men et celles de leurs principaux ennemis. Alors que Bryan Singer avait déjà commencé à esquisser la jeunesse d’Erik Lehnsherr, futur Magnéto, dans le premier film, il développe davantage les origines de l’ennemi juré du professeur Xavier, expliquant par la même occasion ce qui l’oppose à son ancien ami.

Plus qu’une haine personnelle, c’est une conception radicalement différente du statu de mutant qui les poussera à s’affronter par la suite. Traumatisé par les expériences des nazis et le meurtre de sa mère, Erik Lehnsherr craint de voir les mutants pourchassés et exterminés comme l’a été le peuple juif durant la Seconde Guerre Mondiale. Considérant que la meilleure défense est l’attaque, il considère les mutants comme une race supérieure (convergeant ainsi involontairement vers l’idéologie nazie qu’il hait plus que tout au monde) qui doit s’imposer et dominer les humains, notamment par la force.

A l’inverse, Charles Xavier met à profit les supers pouvoirs des mutants qu’il rassemble autour de lui pour protéger les humains, même quand ceux-ci se montrent agressifs envers eux.

Le thème central du film est donc cette scission qui ne cesse d’opposer deux camps adverses, deux conceptions du pouvoir. Tout d’abord, les futurs X Men affrontent le Club des Damnés dirigé par Sébastien Shaw dont la soif de pouvoir va jusqu’à le déclenchement d’une troisième Guerre Mondiale. Ensuite, ce sont les X Men eux-mêmes qui se divisent, emmenés par Magnéto d’un coté, Charles Xavier de l’autre. Il apparait alors clairement que la frontière entre le bien et le mal, les bons et les méchants est ténue, et que l’on peut facilement basculer d’un coté comme d’un autre.


X Men : le commencent, tout comme les deux premiers opus des X Men, allie donc avec intelligence grand spectacle et réflexion sur la différence et l’utilisation du pouvoir. Il est fascinant de voir comment le cinéma créé sa propre mythologie en prenant de grandes libertés avec le matériau de base issu des comics. Avec audace et respect Matthew Vaughn nous invite à découvrir les origines du cérébro, de la paralysie du professeur Xavier, de sa relation si particulière avec Mystique, de la quête des mutants par Charles Xavier et Erik Lehnsherr encore amis. C’est l’occasion pour le spectateur averti d’apercevoir une Tornade encore adolescente et un Wolverine déjà fort accueillant !

L’une des grandes réussites du film est de mêler étroitement réalité historique et pure fiction, conférant à la mythologie des X Men un ancrage indéniable dans la réalité. Il est amusant de voir comment les mutants s’affrontent en pleine crise des missiles cubains, et comment les images d’archive des leaders américains et soviétiques se superposent aux personnages du film. Peut être plus que pour ses prédécesseurs, le film demande d’avoir quelques références en matière de super héros.


L’abondance des personnages (le Hurleur, le Fauve, Emma Frost,…), les clins d’œil (Wolverine, Tornade,…) nécessitent d’avoir lu quelques comics pour en apprécier pleinement la saveur. Mais au-delà de ça, X Men : le commencent est un film d’action efficace porté par une interprétation impeccable, des effets spéciaux réussis et une connaissance du sujet qui force le respect.

Plus qu’une adaptation, le film contribue à la construction du mythe X Men et confère aux personnages une complexité et une crédibilité salutaires.

samedi 7 mai 2011

L'Aigle de la Neuvième Légion

Nous sommes en 140 après Jésus Christ. Marcus Aquila prend le commandement d’un fort isolé dans le sud de l’Angleterre, occupé par les légions romaines. Sa présence dans ces terres reculées et inhospitalières n’est pas due au hasard. Il veut laver l’honneur de son père qui, à la tête des 5000 hommes composant le Neuvième Légion, a mystérieusement disparu au nord de l’île avec l’Aigle, le symbole de la puissance de Rome. Depuis, l’empereur Hadrien a fait construire un mur isolant cette partie de l’Angleterre du reste du pays. Pour récupérer l’Aigle et restaurer l’honneur de sa famille, Marcus Aquila accompagné d’un esclave breton auquel il a sauvé la vie, devra pénétrer dans ces terres inconnues et affronter les tribus du nord farouchement opposées à l’envahisseur romain.


Tout comme le western, le péplum est un genre qui se fait de plus en plus rare sur les écrans de cinéma, et c’est bien dommage.

L’Aigle de la Neuvième Légion commence de façon spectaculaire et le premier quart d’heure laisse espérer un film épique et spectaculaire. Dès les premières images, nous sommes immédiatement immergés le quotidien des soldats romains et l’action ne se fait pas attendre. Alors que le fort est attaqué par les bretons, Marcus Aquila à la tête d’une poignée d’hommes tente une percée spectaculaire pour délivrer ses hommes envoyés en patrouille et fait prisonniers. Nous assistons alors à toute l’ingéniosité des soldats de l’armée romaine qui, en adoptant la position de la tortue, parviennent à tenir à distance des cohortes de barbares enragés. La suite ne sera malheureusement pas aussi épique.


En suivant la chevauchée du soldat romain et de l’esclave breton, L’Aigle de la Neuvième Légion nous invite à une quête quasi initiatique dont l’enjeu sera autant la connaissance de soi et la reconnaissance de l’autre par delà, ou plutôt avec ses différences, que l’emblème en lui-même.

En effet, au fur et à mesure qu’ils s’enfoncent dans les Highlands, le rapport de force entre les deux personnages s’inverse. Ce n’est plus Marcus qui chevauche en tête mais Esca qui devient son guide. Le maitre devient l’esclave et l’esclave le maitre, au sens propre du terme. Le romain civilisé devient un barbare, une curiosité dans un pays dont il ne connait pas la culture, au même titre qu’Esca était considéré comme un sous homme par le peuple romain.

Comme c’est souvent le cas dans les péplums, le réalisateur sous entend même des rapports gays entre le romain et le breton derrière une amitié virile qui n’excluait pas des rapports plus poussés à cette époque.


Alors que le film est porté par une interprétation solide (dont Tahar Rahim méconnaissable sous sa couche de peinture), une nature omniprésente et des décors naturels grandioses qui constituent un élément prépondérant du film, il n’est toutefois pas exempt de défaut. A commencer par un rythme trop lent, des scènes qui s’étirent en longueur comme par exemple la guérison de Marcus qui plombent la dynamique du film.

Alors que la scène de la sortie de Marcus du fort est remarquablement filmée, l’ensemble des affrontements souffrent, encore une fois, d’un manque de lisibilité agaçant. Montage cut, accumulation de gros plans, tout cela fait que l’on a du mal à s’y retrouver.

C’est d’autant plus dommage que le film ne fait guère de concession et se montre même assez réaliste dans la cruauté de certaines scènes, particulièrement l’exécution de deux enfants.


L’Aigle de la Neuvième Légion n’a donc pas le souffle épique du roi Arthur d’Antoine Fuqua, mais reste un péplum efficace et honnête, auquel il faudrait enlever un quart d’heure pour en faire un film captivant.

mardi 26 avril 2011

Détective Dee : le mystère de la flamme fantôme

Détective Dee : le mystère de la flamme fantôme. Le titre annonce la couleur, sonnant comme l’épisode d’un sérial, l’une des aventures de Sherlock Holmes ou une nouvelle de Gaston Leroux.

Et c’est bien de cela dont il est question, un pur sérial comme on n’en produit plus depuis les années 60 – 70.


L’histoire se déroule en Chine en l’an 690 et débute par une série de phénomènes inexpliqués, les combustions spontanées de plusieurs hommes. Pour tirer cette affaire au clair et conserver un semblant de stabilité politique, l’impératrice Wu Ze Tian qui doit accéder au trône malgré l’opposition de la plupart des nobles fait appel au détective Dee emprisonné depuis des années pour s’être opposé au régime en place.

Tel un Guillaume de Baskerville échappé du Nom de la Rose, le détective devra traverser de multiples épreuves pour faire la lumière sur cette ténébreuse affaire.

Commence alors une aventure haute en couleur où se croisent une multitude de personnages tour à tour suspects, traitres ou amis. Les coups de théâtre se succèdent sans aucun temps mort jusqu’au dénouement final et au coupable enfin démasqué.


Détective Dee marque le retour de Tsui Hark absent des salles obscures depuis Seven Swords en 2005 et l’un des segments de Triangle en 2008 en compagnie de Ringo Lam et Johnnie To. Car aussi incompréhensible que cela puisse paraitre, ce cinéaste génial et prolixe est largement mieux servi par le marché de la vidéo que par celui des circuits de distribution en salles.

Détective Dee répare cette injustice et nous permet enfin de profiter du génie filmique de l’un des plus célèbres représentants du cinéma de Hong Kong.

Car non content de nous livrer un spectacle décomplexé et généreux, le réalisateur ne néglige aucun des éléments qui font un film réussi.

Les aventures du célèbre détective nous conduisent de l’intérieur d’une statue géante à une ville souterraine en passant par le palais royal, et tous les décors sont d’une beauté renversante.

Le casting et la direction d’acteurs, parfois déconcertante pour un spectateur européen, sont parfaitement maitrisés. D’Andy Lau que l’on a vu dans Le Secret des poignards volants, Infernal Affairs ou Fulltime Killer, à la charmante Bingbing Li, tous les interprètes sont en phase avec cette aventure épique, et alternent avec la même grâce les moments d’émotion et les scènes d’actions virevoltantes.

Les combats, même s’ils (parce qu’ils) sont cablés, confèrent au film cette magie propre au cinéma asiatique en général qui nous font admirer des prouesses martiales improbables les yeux écarquillés de bonheur.

Enfin, et ce n’est pas le moindre, le contexte politique et idéologique (l’accession d’une femme au pouvoir et les préjugés que cela entraine, l’utilisation du pouvoir à des fins de despotisme ou de gouvernance éclairée) confèrent au film une profondeur bienvenue qui ne le résume pas au seul spectacle qu’il aurait pu être.


Traversé de moment de magie (le cerf représentant le grand prêtre qui semble sorti tout droit d’un film de Miyazaki, les cloportes de feu), Détective Dee est ce qu’Indiana Jones 4 a oublié d’être. Un spectacle sincère, envoutant, qui respecte le spectateur et qui n’a d’autre ambition que de lui offrir le meilleur pendant deux heures d’évasion.

jeudi 31 mars 2011

Sucker Punch

Zack Snyder délaisse pour un temps les remakes et adaptations de comics pour mettre se pencher sur un scénario original. Celui de Sucker Punch met en scène une jeune fille qui, à la suite de la mort de sa mère et de sa jeune sœur, se voit interner par son beau père dans un asile psychiatrique. Le seul moyen pour retrouver sa liberté est de s’enfuir dans un monde fantasmé en compagnie de quatre autres détenues. Baby Doll, Sweet Pea, Blondie, Rocket et Amber vont alors traverser toute une série d’épreuves pour rassembler les cinq éléments qui doivent leur ouvrir les portes de leur prison. Une prison aussi bien matérielle que mentale. Mais la liberté a un prix.

Zack Snyder a prouvé tout au long de sa filmographie qu’il était un réalisateur capable de matérialiser comme personne des univers esthétiquement prodigieux. Sucker Punch ne fait pas exception à la règle.

Au confluent d’influences aussi diverses que le manga, le jeu vidéo, l’héroïc fantasy ou le film de guerre, le réalisateur fait de chaque missions du commando de filles un tableau d’une puissance incroyable.

La première confrontation de Baby Doll avec ses ennemis met en scène la jeune fille en tenue d’écolière, jupette et couettes comprises, armée d’un katana et d’un pistolet. Aux prises avec des guerriers japonais géants, elle représente un condensé de l’imagerie manga à elle seule.

Les missions suivantes verront les filles combattre des soldats allemands revenus d’entre les morts dans des tableaux qui semblent sortis d’une bande dessinée d’un Tardi à mi chemin entre ses travaux sur la première guerre mondiale et l’univers déjanté d’Adèle Blanc Sec. Ou bien un dragon et une armée d’orques que n’aurait pas reniés le Peter Jackson du Seigneur des Anneaux.

Quand aux missions en elles même, qui débutent par le brief d’un mystérieux vieil homme omniprésent et se concluent par la confrontation avec un boss, elles obéissent en tous points aux règles des jeux vidéos.

Zack Snyder assure donc le spectacle comme il sait si bien le faire, en s’appuyant sur une grosse bande son et des ralentis artistiques que certains pourront trouver agaçants. Mais à l’image de 300, le film souffre aussi d’un manque d’humanité qui nous empêche de nous attacher aux personnages. Baby Doll et ses copines sont plus des icones que de vrais femmes, tout comme l’étaient Leonidas et ses spartiates. A force de styliser chaque séquence à l’extrême, le réalisateur oublie qu’une histoire tient surtout par ses personnages et l’empathie qu’ils suscitent auprès des spectateurs.

Alors oui, le spectacle est parfait, chaque combat est un morceau de bravoure, mais l’ensemble reste froid et déshumanisé. C’est d’autant plus dommage que Zack Snyder sait raconter une histoire.

Preuve en est cet incroyable prologue aux allures de clip durant lequel, sans une seule ligne de dialogue, il met en scène la tragédie qui va conduire Baby Doll en enfer. Le tout est parfaitement lisible, le réalisateur raconte une histoire sans que ses personnages aient besoin de prononcer un seul mot.

Cette humanité, il avait réussi à l’insuffler dans cet incroyable remake de Zombie qu’est l’Armée des morts, sans parler de l’adaptation réussie et pourtant casse gueule des Watchmens. Telle une Salomé, Baby Doll danse pour ensorceler les hommes et emmener le spectateur dans un monde magique à chaque fois différent, promesse d’un spectacle puissant et généreux, bien que parfois trop envahissant et démonstratif. Le problème c’est qu’entre deux missions, il ne se passe par grand-chose.

Sucker Punch est une belle machine à laquelle il manque une âme pour emporter totalement l’adhésion des spectateurs. On se contentera donc de cette claque visuelle tout de même jouissive en attendant de voir ce que le réalisateur fera du prochain Superman.

samedi 12 mars 2011

Winter Bones

Winter Bones sonne comme un lointain écho à Frozen River sorti deux ans plus tôt. Deux titres glacials pour deux films qui décrivent le difficile quotidien des pauvres aux Etats Unis.
Mais alors que dans le premier une mère se démenait pour offrir une vie décente à ses enfants, il n’y a plus aucune présence parentale dans Winter Bones.
A 17 ans, Ree Dolly se débrouille comme elle peut pour s’occuper de son frère et de sa sœur. Sa mère est apathique et son père, trafiquant de drogue, a disparu. Si elle veut éviter la saisie de sa maison placée sous caution, la jeune fille va devoir retrouver ce père absent. Commence alors pour elle une quête désespérée qui la conduira à croiser la route de personnages tous plus inquiétants les uns que les autres.
Winter Bones se déroule en plein hiver dans le Missouri, et la nature magnifiquement filmée y a une place prépondérante. Tour à tour nourricière et inquiétante, elle environne la famille de Ree et la communauté fermée dans laquelle elle vit.
Ces marginaux qui survivent comme ils le peuvent en marge d’une société qui les a oubliés font régner une loi tacite faite d’entre aide mais aussi d’omerta. Quiconque cherche à briser cette loi du silence est passible de mort. C’est dans ce contexte que cette jeune fille obstinée et adulte avant l’heure devra lutter pour préserver le peu qu’elle possède.
Le parallèle avec le récent True Grit des frères Cohen est d’ailleurs évident. Les deux films mettent en scène la quête obstinée et peuplée de rencontres inhabituelles d’une adolescente têtue et débrouillarde autour de la figure du père. Mais alors que Mattie est mue par un sentiment de vengeance, c’est l’instinct de survie et de protection de sa famille qui fait avancer Ree.
Winter Bones regorge de qualités, et la plus évidente est surement le regard dénué de toute condescendance que la réalisatrice porte à ses personnages. Loin du moindre apitoiement, Debra Granik dresse les portraits de personnages hors du commun, des héros ordinaire comme Ree, littéralement habitée par une Jennifer Lawrence étonnante ou son oncle Teardrop magnifiquement interprété par John Hawkes.
Le film s’ouvre d’ailleurs sur un plan montrant le frère et la sœur de Ree jouant sur un trampoline comme n’importe quels enfants. Ils ne possèdent rien, ou si peu, ce qui ne les empêche pas d’être heureux ensemble. Comme les poussins de la scène finale, ils se serrent les uns contre les autres pour affronter la rudesse de l’hiver et de la vie.
Mais Winter Bones ne se contente pas d’être une énième chronique sociale sur une classe rarement montrée au cinéma. Le film diffuse une atmosphère étrange, à la limite du fantastique, au travers d’une galerie de personnages peu fréquentables que leur réputation précède. Hommes ou femmes, ils forment une société aux règles strictes absolument hermétique à toute personne étrangère. Ree, et surtout Teardrop, apprendront à leurs dépens le prix à payer pour enfreindre ces règles.
Les personnages de Winter Bones ne correspondent à aucun des stéréotypes si souvent employés dans le cinéma. Par exemple, alors que Ree et sa petite sœur guettent les écureuils dans la forêt, on s’attendrait à ce que la fillette soit émerveillée par ces petits animaux d’ordinaire si charmants. Au contraire, elle aide sa grande sœur à les tuer à la carabine, tout simplement parce qu’ils représentent pour elle un repas potentiel.
Winter Bones regorge de scènes puissantes portées par des interprètes littéralement habités par leurs rôles. (Attention spoilers !) Comme cette promenade en barque hallucinante au cours de laquelle Ree et deux femmes vont couper à la tronçonneuse les mains du cadavre de son père pour prouver qu’il est bien mort.
Ou cette confrontation incroyable entre Teardrop et le sheriff sur une route de nuit, au cours de laquelle ils s’affrontent verbalement. La tension est palpable sans que les deux hommes ne se regardent une seule fois autrement qu’à travers le rétroviseur de la voiture.
L’histoire se conclue sur une note presque heureuse en coupure avec la tonalité du film. Une scène de famille recomposée touchante et apaisée. Jusqu’à ce que Teardrop avoue à sa nièce qu’il sait à présent qui a tué son jeune frère. Ce qui est pour lui synonyme de mort. Il le sait, Ree le sait et elle le regarde partir une dernière fois sans pouvoir faire quoi que ce soit.
Peu de mots sont échangés et pourtant l’impact émotionnel est énorme. C’est cette économie de moyens au service des personnages qui fait de Winter Bones l’un des films les plus réussis et touchants de ces dernières années.

mercredi 2 mars 2011

Batalla en el cielo

Drôle de film que ce Batalla en el cielo. En 1985, Carlos Reygadas filme des personnages mutiques et tragiques dans le théâtre urbain de la ville de Mexico. Cette ville, il la fait vivre au travers de scènes les plus représentatives de cette gigantesque mégalopole. Le levé de drapeau quotidien, le pèlerinage des repentants, les milliers de voitures qui quadrillent la cité, le métro bondé, les marchands de babioles à la sauvette.
C’est dans cette ruche en constante effervescence qu’évoluent les personnages de Batalla en el cielo.
Marcos, le chauffeur et homme à tout faire d’un général que l’on ne verra jamais, sa femme obèse et Anna, la fille de son patron qui se prostitue occasionnellement par plaisir.
Marcos et sa femme ont enlevé un bébé pour toucher une rançon. Mais le bébé est mort accidentellement et ce drame hante Marcos qui avoue son crime à Anna. Dès lors s’enclenche pour lui un processus d’autodestruction à l’issu forcement fatale.
Batalla en el cielo se caractérise principalement par sa lenteur, son statisme et le visage buté et fermé de Marcos et de sa femme. Carlos Reygadas filme en un long travelling circulaire les murs décrépis des immeubles, réalise un plan fixe sur un moteur de voiture et s’attarde sur ces personnages qui semblent déjà mort.
C’est du moins le cas de Marcos et de sa femme que tout oppose à Anna, et c’est cette opposition qui semble être le moteur du film. Marcos est un indien pauvre, laid, âgé, apathique. Anna est une jeune fille blanche, belle, riche et pleine de vie. Ces deux êtres que rien ne devrait réunir finiront par faire l’amour ensemble et par se détruire mutuellement.
Le filme s’ouvre et se termine d’ailleurs par une scène de fellation explicite et douce entre eux, qui s’apparente à une réalité fantasmée. Carlos Reygadas filme ses scènes de sexe de manière frontale, à la manière d’un Larry Clark qui serait fasciné par la trivialité, pour ne pas dire la laideur du quotidien et de la pauvreté, quelle soit matérielle ou intellectuelle. Que ce soit lors d’une scène d’amour entre deux obèses ou quand Marcos urine dans son pantalon avant son déchainement de violence, le réalisateur semble vouloir coute que coute nous mettre face à une certaine réalité.
Malgré la présence impressionnante de l’ensemble des acteurs, la beauté, la jeunesse et le naturel d’Anapola Mushkadiz qui interprète Anna face au mutisme du couple interprété par Bertha Ruiz et Marcos Hernandez, force est de constater que l’on sent passer les une heure trente du film. On a du mal à voir où veut en venir le réalisateur, l’ennui prenant souvent le pas sur la poésie.
Il n’en reste pas moins que Batalla en el cielo est un film suffisamment atypique, osé et en marge de la plupart des productions actuelles pour nous interpeller. Dommage que ce soit l’incompréhension et un imperceptible sentiment d’ennui qui prennent souvent le pas sur l’intérêt qu’aurait pu susciter un tel projet.

dimanche 27 février 2011

True Grit

True Grit est le deuxième remake réalisé par les frères Coen après Ladykillers qui ne figure d’ailleurs pas parmi leurs meilleurs films.
Remake de 100 dollars pour un shérif avec John Wayne et adaptation d’un roman très populaire aux Etats Unis, True Grit suit le parcours de Mattie Ross, une jeune fille entêtée de quatorze ans qui s’est mise en tête de retrouver elle-même l’assassin de son père devant le peu d’empressement des autorités à poursuivre le tueur. Pour cela, elle s’adjoint les services de Rooster Cogburn, un Marshal bourru et alcoolique, et de LaBoeuf, un Texas Ranger imbu de sa personne. Cette poursuite les mènera en territoire indien sur les traces d’une bande de dangereux hors la loi.
Pour leur première incursion dans l’univers ultra codifié du western, les frères Coen signe un coup de maitre. True Grit est surement l’un de leur film les plus abouti tout en demeurant l’un des meilleurs westerns de ces dernières années.
Comme dans tous leurs films, les frères privilégient les ruptures de ton et alternent des moments comiques (la pendaison de l’indien, la grand-mère avec laquelle Mattie partage son lit), tragiques (le poignant sauvetage de Mattie par Rooster) et des flambées de violence aussi brèves que percutantes (le massacre dans la cabane).
Si l’on devait rapprocher True Grit d’un modèle, ce serait sans nul doute Josey Wales hors la loi réalisé et interprété par Clint Eastwood. Les deux films ont plusieurs points communs, à commencer par une galerie de personnages décalés qui semblent surgir de nulle part sur le chemin des principaux protagonistes. L’indien de Josey Wales a ainsi son pendant dans True Grit en la personne d’un guérisseur vêtu d’une peau d’ours.
D’autre part, lors de l’affrontement final, les deux films mettent en scène le héros (Josey Wales / Rooster Cogburn) confronté à plusieurs adversaires à cheval. Dans une scène statique pour Josey Wales, en mouvement pour True Grit quand Rooster Cogburn lance sa monture au galop contre quatre hommes armés. Cette scène est d’ailleurs filmée au début de la même façon que la poursuite finale entre Josey Wales et le capitaine de cavalerie assassin. Nous observons la course en plongée depuis une hauteur vertigineuse (une falaise pour True Grit, le ciel pour Josey Wales), les hommes et les chevaux n’apparaissant que comme de petits points mouvant au milieu d’une nature immense.
Et dans les deux films, cette nature est remarquablement filmée et mise en valeur par une superbe photographie. Mattie et ses compagnons traversent les paysages et les saisons jusqu’à la scène où, mordue par un serpent, elle est emmené par Rooster Cogburn qui n’hésite pas à tuer son cheval de fatigue puis à la porter jusqu’à épuisement pour la sauver. Les frères Coen nous emmène alors à la frontière du fantastique en nous faisant traverser avec eux la Vallée de la Mort.
Comme à leur habitude, ils n’hésitent pas à multiplier les dialogues et les scènes à rallonge où les protagonistes s’affrontent verbalement. C’est le cas pour les incessantes disputes entre Rooster Cogburn et LaBoeuf, ou pour cette discussion absolument brillante entre Mattie et le vendeur de poneys. La scène est longue, statique et ne souffre pourtant d’aucune rupture de rythme. En quelques minutes, les réalisateurs plantent le caractère inflexible de la jeune fille avec un humour à froid qui n’appartient qu’à eux.
Enfin, la réussite de True Grit tient bien évidemment à ses interprètes. Jeff Bridges tient là un personnage à la mesure du Dude du Big Lebowski, et Josh Brolin est parfait dans le rôle du sale type de service. Les nouveaux venus ne sont pas en reste, Matt Damon interprétant avec une sobriété exemplaire un LaBoeuf aussi caricatural au début que finalement touchant. Quand à Hailee Steinfeld, elle habite littéralement le personnage de cette adolescente bornée et pragmatique confrontée trop tôt à la violence du monde qui l’entoure.
True Grit figure parmi les plus belles réussites des frères Coen qui en comptent déjà pas mal. C’est aussi et avant tout un vrai western, genre qui se fait trop rare pour rater celui-ci.

vendredi 18 février 2011

Black Swan

Nina se dévoue corps et âme à son métier de danseuse. Sa vie se résume à des journées de travail spartiate et des soirées partagées avec une mère possessive qui vit avec elle.
Cette jeune fille douce, timide et un peu ennuyeuse est l’incarnation parfaite pour le personnage du cygne blanc dans le Lac des Cygnes que met en scène le chorégraphe Thomas. Mais son caractère effacé ne s’accorde pas avec son pendant, le cygne noir qu’elle devrait aussi interpréter si elle décroche le rôle.
Poussée par Thomas au comportement de plus en plus ambigu, dévergondée par Lily, une nouvelle danseuse sensuelle et libérée, elle va peu à peu explorer la face la plus sombre de sa personnalité. Au point de ne plus pouvoir revenir en arrière.

Black Swan est un film ambitieux qui brasse plusieurs thèmes à la fois.
Darren Aronofsky met en scène une jeune fille qui sombre peu à peu dans la schizophrénie et dont les délires de plus en plus forts donnent lieux à des scènes d’abord inquiétantes avant de verser dans le pur fantastique.
Il nous invite à suivre la descente aux enfers de ce personnage fragile, écartelé entre des personnalités aussi fortes que disparates (la mère, le père / amant, le double fantasmé) qui ne lui laissent d’autres choix que de se perdre dans les abimes de la folie pour enfin se révéler à elle-même telle qu’elle l’a toujours rêvé.
Au final, elle ne fait plus qu’un avec le personnage tragique qu’elle incarne sur scène, livrant une prestation artistique aussi belle que définitive.
Black Swan nous permet aussi de pénétrer dans ce monde impitoyable qu’est la danse classique. Un monde aussi beau sur scène que dur en coulisse. Les danseuses torturent leur corps pour livrer sur scène des ballets que les spectateurs ne soupçonnent pas construits avec autant de souffrance.
Comme il l’a fait pour Requiem for a Dream ou The Wrestler, le réalisateur suit ses personnages en caméra portée et nous fait partager la moindre de leur souffrance. Les similitudes avec The Wrestler sont d’ailleurs évidentes. Que ce soit pour un match de catch ou un ballet de danse classique, les protagonistes souffrent physiquement et moralement pour aller au bout de leur rêve, quitte à ce que l’issue leur soit fatale. Darren Aronofsky filme comme personne le sang et les larmes nécessaires au dépassement de soi, les blessures quotidiennes, les humiliations et cette heure de gloire si chèrement payée.
Porté par une Nathalie Portman impressionnante et bien entourée par l’ensemble des interprètes du film, Black Swan joue constamment l’ambigüité et n’hésite pas à perdre le spectateur pour mieux le surprendre par la suite. On ne sait jamais si ce que l’on voit est la réalité ou les fantasmes d’une jeune danseuse soumise à trop de pression, l’éveil tardif à la sexualité d’une fille surprotégée par sa mère ou les délires d’un esprit malade.
Le fantastique ne s’invite au début que par petites touches pour finalement éclater en un final aussi beau que tragique, le sacrifice d’une artiste à son art ou la libération d’un esprit définitivement perdu dans les méandres de la folie.

Surement un peu des deux à la fois, c’est ce qui fait de Black Swan une nouvelle réussite dans la filmographie jusqu’à présent exemplaire de Darren Aronofsky.

dimanche 30 janvier 2011

Au-delà

Trois histoires, trois destins avec un point commun, la confrontation avec la mort.
Marie, journaliste française fait l’expérience d’une mort imminente lors du tsunami en Thaïlande. Marcus voit son frère jumeau mourir presque devant ses yeux alors que leur mère envisage une cure de désintoxication. Enfin, George est médium bien malgré lui et entre en contact avec l’au-delà pour transmettre des messages aux vivants.
Alors que la mort et la disparition d’un être cher (L’échange, Million Dollars Baby, Mystic River,…) a toujours été au cœur de la filmographie de Clint Eastwood, c’est la première fois qu’il aborde le sujet de l’au-delà frontalement. Qu’y a-t-il après la mort, comment faire le deuil d’un être aimé qui disparait brutalement ?
Autant de questions universelles qu’un cinéaste aussi doué que Clint aurait pu transformer en un film sensible et intelligent, comme il l’avait fait avec brio d’une histoire d’amour improbable avec le magnifique Sur la route de Madison. Malheureusement, il n’en est rien.
La difficulté des films à segments est souvent le déséquilibre entre les différentes parties d’un ensemble qui n’est pas toujours cohérent. A la manière d’un Alejandro González Iñárritu, le réalisateur réunit les différents protagonistes de son histoire à la fin du film, mais la magie n’opère pas.
La partie la plus réussie du film est surement l’histoire du jeune Marcus qui, avec son frère Jason tente tant bien que mal de vivre une existence normale avec une mère droguée et des services sociaux qui voudraient bien les placer en famille d’accueil. Les deux frères s’accrochent l’un à l’autre comme à une bouée de sauvetage et quand Jason disparait, Marcus se retrouve perdu. Il tente alors par tous les moyens possibles de prendre contact avec son frère décédé et commence à expérimenter les multiples arnaqueurs qui se nourrissent du malheur des autres. Clint Eastwood brosse avec la sensibilité et la justesse qu’on lui connait le portrait d’un enfant qui a perdu tout ancrage avec la disparition de son frère et qui tente par tous les moyens de retrouver des repères pour poursuivre son chemin. C’est la rencontre avec George et par son intermédiaire un ultime rendez vous avec son frère qui lui permettra de faire son deuil et de continuer à vivre.
Le segment mettant en scène George et ce qu’il appelle sa malédiction, le fait qu’il puisse communiquer avec les morts, est également bien maitrisé, malgré quelques répétitions dans les séances de spiritisme. L’ébauche de flirt entre George et Mélanie, l’insistance de cette dernière pour expérimenter un dialogue avec les morts puis son refus d’entendre la vérité sont des moments forts portés par des acteurs en phase avec le sujet. Que ce soit avec Marcus ou George, Clint semble tout à fait à l’aise avec le milieu populaire et ouvrier qu’il connait bien.
Le gros problème du film vient de la partie française qui se situe dans le milieu des médias. Si Cécile de France est plutôt convaincante, les personnages mis en scène et les situations décrites sont peu vraisemblables. Le ridicule est atteint lors d’une séance de travail où il est question d’un livre sur Mitterrand. Les dialogues et les personnages sont caricaturaux et plombent définitivement tout ce qui va suivre.
Le film se conclut lors d’un final en total décalage avec le sujet traité, une sorte d’histoire d’amour parachutée entre George et Marie qui tombent dans les bras de l’autre alors qu’ils se connaissent à peine.
Clint est et reste un très grand cinéaste. La preuve en est par exemple dans la façon dont il met en scène le tsunami. Il filme la mer qui envahit les rues de la ville en emportant tout sur son passage de manière calme et posée, sans effet de style ou trucages inutiles, et l’ensemble est d’une force, d’une violence impressionnante. Mais on ne peut que constater que cette fois ci il s’est trompé de script. Le fait même qu’il évite au personnage de Marie de sombrer dans le ridicule alors que le scénario le pousse constamment dans cette voie montre d’ailleurs tout son talent de direction d’acteur.
Clint Eastwood n’a rien perdu de sa force, et Au-delà aurait d’ailleurs pu être l’un de ses films les plus forts. Mais c’était sans compter un scénario à peine digne d’un téléfilm de seconde zone.
Après l’expérience pour le moins malhabile de Peter Jackson avec Lovely Bones, le sujet de l’au-delà ne semble pas réussir aux plus grands réalisateurs. Exception faite du magnifique Always réalisé en 1989 par Steven Spielberg et scandaleusement occulté à l’époque par un Ghost qui traitait d’un sujet similaire avec mille fois moins de délicatesse et d’intelligence.