mardi 20 décembre 2022

Avatar : la voie de l’eau

Il aura fallu attendre treize ans pour renouer avec la révolution numérique que fut Avatar en 2009, un spectacle total technologiquement irréprochable au service d’une odyssée spectaculaire et profondément humaine. 

Treize ans, c’est aussi le temps qui s’est écoulé sur Pandora pour Jake Sully et sa famille confrontés à une nouvelle menace d’invasion par des terriens en quête d’une planète à coloniser alors que la Terre agonise. Si cet air parait familier c’est que le scénario de La voie de l’eau ne s’embarrasse pas d’expérimentations hasardeuses. 

Balisé au point de paraitre convenu et brassant des thèmes pour le moins familiers (le déracinement et l’exil, la famille comme dernier refuge, la relation père fils), le traitement narratif devient même parfois franchement embarrassant et pour le moins anachronique lorsque Jake impose un patriarcat quasi militaire aux membres de sa famille et se fait appeler chef par ses propres fils. 

Film somme résumant la carrière de James Cameron ou recyclage paresseux de ses thèmes de prédilection, La voie de l’eau invoque au détour de quelques scènes clefs à peu près toute la filmographie du réalisateur, de Aliens à Titanic en passant par Abyss. Et pourtant, la magie opère.

Malgré un scénario indigent et prévisible, certains diront naïf, malgré un décalque parfois au plan près du premier opus, La voie de l’eau reste un spectacle de tous les instants porté par des personnages immédiatement attachants et un sens de la mise en scène qui force le respect. L’interaction des protagonistes avec le milieu aquatique, la bataille finale sont autant de moments de grâce qui justifient une trame convenue d’avance. 

Laissons James Cameron terminer son histoire avant de juger son cycle dans son intégralité, et si La voie de l’eau n’est pas la révolution espérée, elle n’en demeure pas moins un voyage au long court dont on ressort ébahi, un peu fatigué mais le sourire aux lèvres.

samedi 19 novembre 2022

X

Le concept de base est alléchant, confronter dans les années 70 une équipe de tournage de film X à un couple de personnes âgées confinées au fin fond du Texas. Libération sexuelle et émancipation des mœurs contre rigorisme religieux et frustration, le mélange entre porno et horreur promettait son lot de déviances et de réjouissances. 

Pari à demi gagné pour Ti West qui remplit son cahier des charges de slasher avec sa galerie de meurtres plutôt ingénieux, sans réussir toutefois à hisser son film à la hauteur de ses glorieux modèles. 

Visiblement très inspiré par le cinéma de Tobe Hooper, (Massacre à la tronçonneuse mais également Le crocodile de la mort), le réalisateur alterne de réjouissantes idées de mise en scène (le plan aérien de Mia Goth et de l’alligator au milieu du lac) avec un traitement parfois pataud de la dualité émancipation / frustration sexuelle. 

A ce titre, le fait de faire jouer à Mia Goth le rôle de l’héroïne et de l’inquiétante vieille dame, au-delà du symbole, n’est pas une bonne idée. Alors que les membres de l’équipe de tournage, tous victimes en puissance (le grand jeu consistant à deviner qui va y passer en premier) sont particulièrement bien écrits et interprétés, le couple de vieillards qui incarnent la grande menace du film souffre d’un manque d’épaisseur flagrant pour figurer des méchants dignes de ce nom, et le maquillage sensé vieillir Mia Goth n'aide pas à crédibiliser son personnage.  

Distrayant dans ses séquences gentiment érotiques comme dans ses meurtres, X rate le coche du film dérangeant qu’il aurait pu devenir en exploitant une situation de départ intéressante et en capitalisant sur ses tueurs en série. Car n’oublions jamais, comme le disait Alfred Hitchcock, plus réussi est le méchant, plus réussi sera le film.

dimanche 6 novembre 2022

Mascarade

Derrière son titre de comédie à la Feydeau, Nicolas Bedos nous livre une tragicomédie amère aux dialogues ciselés et à l’interprétation au cordeau avec pour toile de fond une côte d’Azur idyllique et clinquante, entre fantasme et triste réalité, son étalage de richesse et ses drames passionnels. 

Car derrière son scénario alambiqué et ses retournements de situations à la chaine c’est bien le portrait au vitriol d’une micro-société en fin de règne que nous propose le réalisateur de la Belle Epoque. 

Arnaqueuse et gigolo, semi mondaine et prostituée occasionnelle, actrice sur le retour et promoteur immobilier, prédateurs et victimes expiatoires, personne n’est épargné dans cette représentation acerbe d’une comédie humaine désabusée, et c’est bien ce cynisme poussé à son paroxysme qui finit par devenir presque gênant tant le film ne laisse aucune place aux sentiments et encore moins aux faiblesses des hommes. 

Servi par une distribution haut de gamme et un script réjouissant, Mascarade se révèle par son travail de montage qui commence par nous perdre avant que tous les morceaux du puzzle finissent par s’assembler pour révéler une peinture sans concession de ce que la nature humaine peut proposer de pire dans ses travers et ses bassesses. 

Cynique donc, mais résolument élégant, Mascarade n’en reste pas moins une plongée délicieusement perverse les tréfonds les plus sombres de l’âme humaine que même le soleil méditerranéen ne saurait réchauffer.