samedi 18 mai 2013

Mama


Premier film d’Andres Muschietti, Mama porte indéniablement la marque de son producteur Guillermo del Toro. L’histoire met en scène deux petites filles abandonnées pendant cinq ans dans une maison isolée au fin fond d’une forêt à la suite d’un drame familial. Quand une équipe de recherche financée par leur oncle les retrouve, elles sont adoptées par ce dernier et sa femme qui ne se sent pas du tout prête à ce nouveau rôle de mère de substitution. Mais il semble qu’elles ne sont pas seules et qu’une entité veille sur elle. Mama est avant tout porté par une distribution au cordeau, à commencé par les deux petites filles qui incarnent à merveille ces enfants sauvages. La petite Lilly est particulièrement impressionnante dans son personnage qui oscille entre sauvageonne attachante et inquiétante. Dans le rôle de la tante malgré elle, Jessica Chastain campe un personnage hors norme de chanteuse de rock qui se soucie comme de sa première guitare d’être une mère exemplaire. L’histoire n’est pas d’une originalité folle et fait écho à Ring et nombre de films de revenants avec les apparitions de Mama et son dénouement tragique, mais la vraie force du film tient dans ses personnages particulièrement bien écrits et qui sortent des sentiers battus. Les enfants, et plus particulièrement la plus jeune d’entre elles, restent à l’état sauvage, les parents d’adoption sont des artistes peu préparés à leurs rôles de parents.
Pourtant le film n’évite pas certain clichés, comme par exemple (SPOiLER) le personnage du docteur qui enquête et qui trouve une mort brutale à l’approche de la vérité. Ou celui de la tante qui s’introduit de nuit dans la maison et qui connait elle aussi un sort peu enviable. (FIN DU SPOILER).
Si Mama réserve de beaux moments de frayeurs, on peut aussi regretter que le réalisateur ait choisi de montrer le fantôme de façon aussi évidente, désamorçant ainsi une partie du potentiel horrifique du film.
Malgré tout cela, Mama est une belle réussite, un film marqué par l’ombre de son producteur tant l’ambiance sonore rappelle celle de Mimic (les cliquetis de mandibules d’insectes). Certaines scènes renvoient directement aux films précédents de Guillermo del Toro, comme de vol des papillons qui rappelle la petite fée du Labyrinthe de Pan, ou le rôle central des enfants qui se réfugient dans un monde imaginaire. Belle surprise donc que ce film dans un paysage cinématographique qui n’en compte pas tant que cela.

mercredi 8 mai 2013

Stoker



Stoker marque les débuts du sud coréen Park Chan wook aux Etats Unis. Avant lui, un certain nombre de cinéastes asiatiques ont suivi le même chemin, John Woo et Ringo Lam en tête, avec plus ou moins de bonheur. Bonne nouvelle, en traversant l’Atlantique, le cinéaste virtuose n’a rien perdu de son talent et reste fidèle à ses thèmes de prédilection. Si Stoker n’emprunte pas les chemins de la violence frontale qui caractérisait Old Boy, le film n’en reste pas moins délicieusement trouble et pervers. La première chose qui frappe à la vision de Stoker, c’est le soin tout particulier que le cinéaste apporte à chaque plan. Que ce soit au niveau visuel ou auditif, Park Chan wook cisèle ses scènes comme des tableaux où chaque détail, chaque mouvement de caméra semble pensé avec soin. Le film est visuellement parfait, trop peut être, comme ces œuvres d’art que l’on n’ose pas toucher tellement elles sont imposantes. Ce parti pris se ressent jusque dans les personnages qui ressemblent plus à des poupées de cires qu’à des acteurs en chair et en os.
L’histoire met en scène India, une jeune fille renfermée sur elle-même qui doit faire face à la perte accidentelle de son père, et à l’irruption d’un oncle dont elle ne connaissait jusqu’alors pas l’existence. Commence alors un jeu du chat et de la souris entre India, sa mère et l’oncle Charles, dont l’issue sera forcement tragique.
Comme à son habitude, le réalisateur nous convie à un voyage hors normes et nous propose plusieurs niveaux de lecture de son histoire. Les premières images du film nous présentent India comme une enfant solitaire. L’apparition de son oncle va la faire passer de l’enfance à l’âge adulte, passage symbolisé entre autre par des escarpins de femme qui viennent remplacer le modèle de chaussures qu’elle portait depuis son plus jeune âge. Mais cet oncle si parfait qu’il en devient vite inquiétant pourrait tout aussi bien ne pas exister ailleurs que dans l’imagination de la jeune fille. Il surgit à point nommé pour la sauver des griffes d’un amant trop entreprenant, ne mange jamais et remplace peu à peu son père dans le lit de sa mère. Charles est il un manipulateur démoniaque ou représente-t’il que la part d’ombre d’India qui ne demande qu’à s’exprimer ? Libre au spectateur de se faire sa propre opinion, le réalisateur est trop malin pour nous imposer une lecture définitive de son histoire.
Si l’ombre d’Alfred Hitchcock plane en permanence sur le film, Stoker n’en possède pas moins sa propre identité, habile alchimie entre une beauté glacée et des personnages vénéneux qui s’entrainent mutuellement dans une danse macabre. Fétichisme, éveil à la sexualité, folie héréditaire, usurpation d’identité, poids des conventions sociales, les thèmes brassés par le film sont légions et se mêlent adroitement pour former un tout aussi cohérent que troublant.
Si Park Chan wook n’avait pas placé la barre si haut pour l’esthétisme de son film, risquant au passage de laisser quelques spectateurs à la porte au lieu de les embarquer avec lui corps et âme, Stoker aurait gagné en intensité. Il n’en reste pas moins un film envoutant qui demande à son public de construire sa propre interprétation des faits sans rien lui imposer. C’est la marque des grands cinéastes.

mercredi 1 mai 2013

Evil Dead


Evil Dead était l’un des derniers grands classiques du cinéma d’horreur à ne pas être passé par la moulinette du remake. C’est chose faite, et c’est l’uruguayen Fede Alvarez qui s’y colle, sous la houlette de la sainte trinité Sam Raimi, Bruce Campbell et Robert Tapert crédités comme producteurs. Il en résulte un film en demi-teinte qui peine à se positionner, coincé entre références et démarquage. Le réalisateur choisit de commencer son histoire de manière différente de l’original en mettant en scène Mia, une jeune fille possédée par la drogue avant de l’être par les démons. Le parti pris est judicieux, et les crises de manque de Mia préfigurent admirablement sa métamorphose sous l’emprise des forces démoniques qui ne vont pas tarder à se déchainer. Le reste de l’histoire est connue. La découverte du livre des morts qui ouvre les portes de l’enfer, les possessions de l’ensemble des jeunes gens prisonniers dans la cabane et leur calvaire. Fede Alvarez choisit le parti du film d’horreur pur et dur, et en effet le film regorge de scènes gores sans concession.
La scène d’introduction est à ce titre très réussie, brutale et efficace. Elle annonce une succession de morts toutes plus gores les unes que les autres, servies par des effets spéciaux d’autant plus efficaces que le réalisateur n’a pas, ou peu, recours aux CGI (contrairement au Drag me to Hell de Sam Raimi, gâché par des effets numériques désastreux). Cette direction est louable et aurait pu donner lieu à une vraie bonne surprise. Hélas, un film qui ne repose que sur des effets gores est voué à l’échec. Et si le réalisateur maitrise la partie horrifique de son film et nous livre des scènes réellement impressionnantes, il n’évite pas un certain nombre d’écueils.
Le premier tient dans la caractérisation des personnages. Ils sont au mieux monolithiques, au pire inexistants comme c’est le cas pour Nathalie, la petite amie de David qui remplit le quota de la blonde de service.
Ensuite, le réalisateur oublie que pour que l’on adhère totalement au film, il faut que les situations soient crédibles. C’est le paradoxe des films d’horreur, on est prêt à admettre que des démons prennent possession des personnages et leurs fassent subir les pires outrages. Par contre, quand deux des personnages se voient amputés d’un bras ou d’une main et qu’ils continuent à se battre comme si de rien n’était, le spectateur ne suit plus. Sauf si on est dans le second degré assumé comme c’était le cas pour Evil dead 2, mais ce n’est pas la direction prise par le réalisateur dans ce remake. Autres aberrations, (attention, Spoilers), la résurrection express de Mia à la fin du film ou le calvaire d’Eric qui encaisse plus qu’un Terminator de dernière génération (fin des spoilers). Fede Alvarez oublie qu’un film d’horreur réussi ce sont avant tout des personnages crédibles et des situations qui le sont tout autant, ou du moins qui ne sombrent pas dans l’exagération outrancière.
Evil Dead nouvelle génération est donc un film bancal, oscillant entre références à son prestigieux modèle (le collier en forme de crane, la caméra qui fonce dans les bois, le viol par la végétation et tant d’autres, jusqu’à la fin du générique) et une volonté bienvenue de se démarquer et d’exister en tant que tel. Il manque juste un scénariste pour en faire un film digne de succéder au classique de Sam Raimi.