lundi 31 août 2009

Un prophète

Malik est un jeune délinquant qui, pour une faute qui ne sera jamais clairement explicitée, se retrouve propulsé dans un univers carcéral impitoyable. Têtu, intelligent, il se retrouve mêlé à des évènements qui marqueront sa vie à jamais.
En effet, il tue un homme pour le compte de César Luciani, un parrain corse qui ne voit en lui qu’un larbin et un homme de seconde main. Hanté par cette vie qu’il a prise, Malik décide de prendre son destin en main et de gravir petit à petit les échelons de la hiérarchie criminelle.
Un prophète sort une semaine après Inglorious Basterds, le nouveau film de Quentin Tarantino, et présente contre toute attente d’étranges similitudes avec lui. De par sa forme d’abord puisque les deux films sont chapitrés, pratique courante chez Tarantino. Un prophète se décline en différents épisodes consacrés à des personnages clef croisant le chemin de Malik. Mais c’est dans l’un des thèmes principaux des deux films que se trouve la plus grande similitude. Un prophète comme Inglorious Basterds traitent en effet de la puissance du langage utilisé comme une arme, un instrument de pouvoir. Considéré tour à tour comme un arabe par le clan corse et comme un corse par les musulmans, Malik fait l’apprentissage des langues. Il commence par apprendre à écrire le français, parle l’arabe et par mimétisme et observation acquiert suffisamment de la langue corse pour pouvoir entendre ce qui se dit et communiquer avec ses codétenus. Il se rend compte que c’est la clef du pouvoir que d’être capable de communiquer avec ces clans fermés sur eux même.
Malik apparait alors comme un lien entre les bandes, mais loin de les unir il use de toute son intelligence et d’un sens du stratège hors norme pour les dresser les unes contre les autres. Comme dans Pour une poignée de dollars, il ne restera qu’un homme debout à la fin, et ce sera lui. Jacques Audiard signe avec ce film une histoire aux multiples facettes.
Conte, film de prison, film de gangster, réflexion sur la notion d’identité, Un prophète est tout cela à la fois. Le réalisateur filme ses acteurs au plus près et met en lumière tout une bande de personnages hors du commun, de véritables gueules enfermées dans une prison ou dans un système criminel tout aussi hermétique et sans issu.
A coté de Niels Arestrup, impressionnant en parrain corse tordu et cruel, Tahar Rahim est une véritable révélation. Acteur tour à tour fragile et manipulateur, jeune voyou effrayé ou criminel déterminé, il envahit l’écran à chacune de ses apparitions. Il est rare de voir sur les écrans français une telle présence aussi bien valorisée par un réalisateur. Jacques Audiard nous fait en effet rentrer en prison avec un jeune délinquant paumé et apeuré, nous en ressortons deux heures trente plus tard en compagnie d’un futur parrain du crime. Entre les deux, Malik aura traversé des épreuves qui auraient pu le briser à jamais. A force de détermination et d’intelligence, il retourne les situations à son avantage et en sort grandi.
Un prophète n’est pas un conte moral ni un pur film de divertissement, c’est bien plus que cela. En mêlant différents genres dont il respecte les codes (encore un point commun avec Tarantino), Jacques Audiard réalise un film majeur, intelligent et divertissant, et démontre que le cinéma c’est avant une histoire interprétée par des acteurs. Lorsque les deux sont d’une telle qualité, il n’y a rien à ajouter.

lundi 24 août 2009

Inglorious Basterds

1992 – 2003, Tarantino signe un parcours sans faute de Reservoir Dogs à Kill Bill, réalisant cinq films qui secouent le paysage cinématographique et impose un jeune cinéaste passionné et bourré de talent.
Avec Boulevard de la Mort, il se regarde un peu filmer et se perd dans des références qui semblent accoucher d’un matériau moins intéressant que d’habitude.
2009, Quentin Tarantino réalise avec Inglorious Basterds le grand film de guerre dont il rêve depuis longtemps. Encore une fois, le verdict est en demi-teinte. On attend de la part d’un cinéaste aussi surprenant, cultivé et doué que Tarantino qu’il nous surprenne à chaque fois. La déception n’en est que plus grande quand le pari n’est pas entièrement gagné.
Inglorious Basterd s’ouvre sur une magnifique séquence qui renvoie directement à Sergio Leone. Plan très large sur une campagne française qui ressemble à s’y méprendre au Far West, musique appuyée. Une famille de paysan s’affaire au travail quand une menace surgit à l’horizon, on n’est pas très loin d’Il était une fois dans l’Ouest. La menace se présente sous la forme du colonel Hans Landa, brillamment interprété par un Christoph Waltz qui est la vrai surprise du film. S’en suit l’un de ces dialogues sous tension entre l’allemand et le français dont Tarantino a le secret. La scène est parfaite, tant dans la manière de cadrer les protagonistes que dans les échanges verbaux qui passent d’une langue à l’autre. Hans Landa est un prédateur qui joue avec sa proie, le langage est son arme. Nul besoin d’explosion de violence ou d’acte sadique pour ressentir la menace que représente cet homme.
Le film s’ouvre donc sur une scène qui laissait présager le meilleur. Malheureusement, le reste ne suit pas toujours.
Après une présentation jouissive des Basterds, nous quittons ces derniers pour suivre des intrigues multiples qui se révèleront mois intéressantes. Alors qu’il commence à nous présenter les membres du commando sous forme de flash back, encore une marque de fabrique tarantinesque, le réalisateur s’arrête et nous laisse sur notre faim. On aurait aimé en apprendre davantage sur le lieutenant Aldo Raine, sa cicatrice de pendu et sa manie des scalps. Ou sur le sergent Donny Donowitz, l’Ours juif et sa batte de base ball. Il faudra se contenter de l’histoire d’Hugo Stiglitz, le tueur de nazi en série.
L’histoire rebondit ensuite d’une intrigue à l’autre avec un manque de cohérence préjudiciable. On suit la vengeance de Shosanna Dreyfus, le complot fomenté par le lieutenant Archie Hicox et l’actrice Bridget Von Hammersmark, l’enquête du colonel Hans Landa en perdant de vue les Basterds qui promettaient pourtant d’être la partie la plus spectaculaire du film.
Tarantino a fait des choix drastiques pour faire rentrer tous ces éléments sur deux heures trente, comme le fait de ne rien montrer de l’histoire de Shosanna entre sa fuite du début et sa vie de gérante de cinéma. Choix d’autant plus douloureux que les scènes ont été tournées. Pourtant, il s’attarde plus que de raison lors de scènes interminables. La partie de carte qui précède la fusillade dans la taverne aurait ainsi mérité d’être coupée de moitié. Les dialogues et le jeu des acteurs ne suffisent pas à maintenir l’attention du spectateur. Il en résulte des moments de lenteur, presque d’ennui, qui plombent le film. Pourtant, on retrouve dans Inglorious Basterds tout ce que l’on aime chez Tarantino. Des références revendiquées, digérées et transcendées comme cette fusillade dans la cave que n’auraient pas renié John Woo ou Johnnie To. Le film lui-même est un hommage aux films de guerre comme les 12 salopards et c’est justement ce que l’on aurait aimé trouver.
Tarantino expose de manière on ne peut plus claire son amour du cinéma en faisant de ce dernier une arme, au sens propre comme au sens figuré. On commençant son histoire par « il était une fois », il nous indique qu’il va nous montrer une fiction dans laquelle il peut tout se permettre, y compris de changer l’histoire. De plus, le cinéma où se déroulent les dernières scènes du film se transforme en immense piège, alors que les bobines qui brulent sont autant d’instrument de mort qui vont anéantir les nazis. Lorsque Shosanna apparait sur la dernière bobine du film, on croirait d’ailleurs voir le visage d’Uma Thurman dans le rôle de la mariée de Kill Bill plutôt que celui de Mélanie Laurent. Enfin, il fait de ses personnages principaux des critiques de cinéma, des passionnés, des projectionnistes. Bel hommage à la France, pays où le cinéma est roi, du moins aux yeux des américains.
Inglorious Basterds est traversé de scènes à double sens comme celle où Shosanna et Frédérik Zoller s’entretuent dans la salle de projection. C’est autant un acte d’amour que de haine, les balles pénétrant les chairs se substituant à l’acte sexuel.
Le film comporte des moments de grâce, comme cette scène d’ouverture, où bien ce repas entre dignitaires nazis durant lequel Mélanie Laurent ne prononce pas un mot mais laisse apparaitre toute une palette d’émotions sur son visage. Enfin, Inglorious Basterds est un film sur le langage, arme vicieuse et mortelle quand elle est maniée par ce génie de Christoph Waltz, objet de plaisanterie quand Brad Pitt plus british que jamais parle italien avec un accent à couper au couteau.
On ne peut qu’imaginer ce qu’aurait pu être le film se focalisant sur les Basterds. Un vrai film de guerre, anti conventionnel et fun comme sait si bien le faire ce réalisateur inclassable et dissipé. Tarantino a-t-il encore une fois été victime de sa trop grande générosité ? Il y a en effet dans Inglorious Basterds matière à faire une série de deux ou trois films, ce qui rend l’ensemble à la fois frustrant et parfois lourd.
Parions que ces deux derniers films, intéressants à bien des égards mais en dessous de ce que l’on est en droit d’attendre de ce réalisateur passionnant, ne sont que des incidents de parcours. Vivement la suite.

dimanche 16 août 2009

GI Joe

On peut raisonnablement se demander quel est l’intérêt d’aller voir GI Joe au cinéma.
Outre le fait d’accompagner son filleul de 11 ans, cela permet de prendre le poul des blockbusters américains. Et force est de constater que ce poul est faible et que les clichés sont plus que jamais de mise dans les dernières super productions à destination des adolescents. A ce titre, GI Joe est un catalogue non exhaustif mais assez complet de ce qui se fait de pire en matière de sales manies vues sur le grand écran ces dernières années.
Cliché numéro un, le héro est un jeune militaire d’une trentaine d’année, séduisant et rompu à toutes les techniques de combat. Il manie les armes les plus diverses et le combat au corps à corps et malgré sa jeunesse, semble avoir 20 ans de carrière tout en ayant participé à toutes les campagnes militaires d’importance depuis la guerre du Viet Nam.
Cliché numéro deux, il est épaulé par un compagnon d’arme lui aussi rompu au combat (pilote de chasse autant que fantassin), qui assure le quota comique du film et qui bien sur est noir. Le jour où le héro sera noir (ou asiatique ou n’importe quoi d’autre) et que ce sera un jeune blanc qui fera le pitre, on aura franchi un grand pas dans l’évolution des mentalités, mais ce jour est encore loin.
Cliché numéro trois, le méchant est un ancien gentil que l’on croyait mort accidentellement et qui, se considérant trahi par les siens, tombe du coté obscur de la Force. Pour faire bonne figure (attention, spoiler), c’est même le frère de la fiancé du héro qui elle-même devient méchante en apprenant sa mort (celle de son frère, pas de son fiancé) mais qui se rachètera au dernier moment, sauvé par l’amour que lui porte encore son héro de fiancé.
Cliché numéro quatre, les méchants décident de détruire Paris, ce qui semble devenir une manie chez nos confères d’outre Atlantique. On pourrait continuer comme cela encore longtemps, c’est l’un des cotés les plus divertissant du film.
GI Joe est il pour cela dénué de tout intérêt ? Il faut reconnaitre que le film se laisse regarder sans trop d’ennui. Même si les méchants débitent leurs tirades de méchants avec un aplomb qui frôle la caricature, sans être pour cela crédible une seule seconde, les scènes d’actions, dont une étonnante poursuite dans les rues de Paris, sont réussies. Les effets spéciaux sont relativement crédibles, le plus impressionnant étant cependant la plastique de rêve de la Baronne interprétée par Sienna Miller. Si cette dernière est fort jolie, il faut cependant admettre qu’elle n’a pas une poitrine très développée. Hors dans le film, on ne voit que son décolleté rebondi qui laisse rêveur autant que perplexe. Les progrès de la science ne connaissant décidément pas de limite.
GI Joe est donc un film d’action honnêtement réalisé à la morale douteuse (les GI Joe sont les meilleurs des meilleurs qui ne connaissant pas la honte de l’échec, quelle horreur !), et dont la fin laisse ouvertement présager une suite. Je passe mon tour.

mercredi 5 août 2009

Là-haut

Réalisé par Pete Docter au sein des studios Pixar, Là-haut conte les aventures de Carl, un vieux monsieur solitaire et grincheux depuis la mort de sa femme Ellie. Alors que sa maison est menacée par les chantiers qui l’entourent, il décide de réaliser le rêve de sa vie et s’envole, littéralement, vers l’Amérique du Sud. Malencontreusement accompagné par un scout bavard et rondouillet qui cache lui aussi des blessures profondes, il va croiser la route d’un oiseau rare, de chiens qui parlent et d’un explorateur héros de son enfance. Ce n’est qu’après bien des aventures qu’il va découvrir le sens réel de son voyage.
Comme toute production Pixar, et on n’imagine pas un retour en arrière un seul instant, Là-haut bénéficie d’une animation impeccable renforcée par la technique 3 D. Celle-ci se fait toutefois discrète, sans effet tapageur, et n’est là que pour renforcer la profondeur de champ et donner aux paysages et au voyage dans les airs une perspective nouvelle.
Les thèmes abordés ici sont peut être plus graves que d’habitude. Il est question de la vieillesse, de la mort, de ces rêves que l’on partage avec celui ou celle que l’on aime et que l’on ne prend pas le temps de concrétiser. Le temps passe, l’un des deux disparait et celui qui reste vit davantage dans ses souvenirs que dans le présent. On peut aussi remarquer que lorsque Carl donne un coup de canne sur la tête d’un ouvrier de chantier, on voit du sang pour la première fois dans une production Pixar.
Là-haut fourmille de séquences magiques, comme cette vie à deux résumée en quelques minutes, avec ses joies et ses drames. Le film comporte nombre d’idées riches et originales, un oiseau coloré et caractériel ou des chiens qui parlent. Pourtant on a l’impression qu’elles ne sont pas exploitées comme elles le devraient. Le potentiel comique de l’oiseau, du chien ou du scout sont énormes, et on reste un peu sur sa faim. Le film comporte aussi un petit anachronisme car l’explorateur Charles F. Muntz a une trentaine d’année quand Carl et Ellie sont enfants et le voient au cinéma. Or, lorsque Carl devenu un vieil homme le rencontre en chair et en os, Charles F. Muntz semble plus jeune et plus alerte que lui.
Contrairement à Wall-E dernièrement, la magie Pixar n’opère donc qu’à moitié. Là-haut reste un film d’une exceptionnelle qualité, tant d’un point de vue de l’animation que de l’histoire, mais le degré d’exigence auquel le studio nous a habitués est tel que l’on ne peut que ressentir une légère déception, au risque d’être parfois trop critique.