lundi 24 août 2009

Inglorious Basterds

1992 – 2003, Tarantino signe un parcours sans faute de Reservoir Dogs à Kill Bill, réalisant cinq films qui secouent le paysage cinématographique et impose un jeune cinéaste passionné et bourré de talent.
Avec Boulevard de la Mort, il se regarde un peu filmer et se perd dans des références qui semblent accoucher d’un matériau moins intéressant que d’habitude.
2009, Quentin Tarantino réalise avec Inglorious Basterds le grand film de guerre dont il rêve depuis longtemps. Encore une fois, le verdict est en demi-teinte. On attend de la part d’un cinéaste aussi surprenant, cultivé et doué que Tarantino qu’il nous surprenne à chaque fois. La déception n’en est que plus grande quand le pari n’est pas entièrement gagné.
Inglorious Basterd s’ouvre sur une magnifique séquence qui renvoie directement à Sergio Leone. Plan très large sur une campagne française qui ressemble à s’y méprendre au Far West, musique appuyée. Une famille de paysan s’affaire au travail quand une menace surgit à l’horizon, on n’est pas très loin d’Il était une fois dans l’Ouest. La menace se présente sous la forme du colonel Hans Landa, brillamment interprété par un Christoph Waltz qui est la vrai surprise du film. S’en suit l’un de ces dialogues sous tension entre l’allemand et le français dont Tarantino a le secret. La scène est parfaite, tant dans la manière de cadrer les protagonistes que dans les échanges verbaux qui passent d’une langue à l’autre. Hans Landa est un prédateur qui joue avec sa proie, le langage est son arme. Nul besoin d’explosion de violence ou d’acte sadique pour ressentir la menace que représente cet homme.
Le film s’ouvre donc sur une scène qui laissait présager le meilleur. Malheureusement, le reste ne suit pas toujours.
Après une présentation jouissive des Basterds, nous quittons ces derniers pour suivre des intrigues multiples qui se révèleront mois intéressantes. Alors qu’il commence à nous présenter les membres du commando sous forme de flash back, encore une marque de fabrique tarantinesque, le réalisateur s’arrête et nous laisse sur notre faim. On aurait aimé en apprendre davantage sur le lieutenant Aldo Raine, sa cicatrice de pendu et sa manie des scalps. Ou sur le sergent Donny Donowitz, l’Ours juif et sa batte de base ball. Il faudra se contenter de l’histoire d’Hugo Stiglitz, le tueur de nazi en série.
L’histoire rebondit ensuite d’une intrigue à l’autre avec un manque de cohérence préjudiciable. On suit la vengeance de Shosanna Dreyfus, le complot fomenté par le lieutenant Archie Hicox et l’actrice Bridget Von Hammersmark, l’enquête du colonel Hans Landa en perdant de vue les Basterds qui promettaient pourtant d’être la partie la plus spectaculaire du film.
Tarantino a fait des choix drastiques pour faire rentrer tous ces éléments sur deux heures trente, comme le fait de ne rien montrer de l’histoire de Shosanna entre sa fuite du début et sa vie de gérante de cinéma. Choix d’autant plus douloureux que les scènes ont été tournées. Pourtant, il s’attarde plus que de raison lors de scènes interminables. La partie de carte qui précède la fusillade dans la taverne aurait ainsi mérité d’être coupée de moitié. Les dialogues et le jeu des acteurs ne suffisent pas à maintenir l’attention du spectateur. Il en résulte des moments de lenteur, presque d’ennui, qui plombent le film. Pourtant, on retrouve dans Inglorious Basterds tout ce que l’on aime chez Tarantino. Des références revendiquées, digérées et transcendées comme cette fusillade dans la cave que n’auraient pas renié John Woo ou Johnnie To. Le film lui-même est un hommage aux films de guerre comme les 12 salopards et c’est justement ce que l’on aurait aimé trouver.
Tarantino expose de manière on ne peut plus claire son amour du cinéma en faisant de ce dernier une arme, au sens propre comme au sens figuré. On commençant son histoire par « il était une fois », il nous indique qu’il va nous montrer une fiction dans laquelle il peut tout se permettre, y compris de changer l’histoire. De plus, le cinéma où se déroulent les dernières scènes du film se transforme en immense piège, alors que les bobines qui brulent sont autant d’instrument de mort qui vont anéantir les nazis. Lorsque Shosanna apparait sur la dernière bobine du film, on croirait d’ailleurs voir le visage d’Uma Thurman dans le rôle de la mariée de Kill Bill plutôt que celui de Mélanie Laurent. Enfin, il fait de ses personnages principaux des critiques de cinéma, des passionnés, des projectionnistes. Bel hommage à la France, pays où le cinéma est roi, du moins aux yeux des américains.
Inglorious Basterds est traversé de scènes à double sens comme celle où Shosanna et Frédérik Zoller s’entretuent dans la salle de projection. C’est autant un acte d’amour que de haine, les balles pénétrant les chairs se substituant à l’acte sexuel.
Le film comporte des moments de grâce, comme cette scène d’ouverture, où bien ce repas entre dignitaires nazis durant lequel Mélanie Laurent ne prononce pas un mot mais laisse apparaitre toute une palette d’émotions sur son visage. Enfin, Inglorious Basterds est un film sur le langage, arme vicieuse et mortelle quand elle est maniée par ce génie de Christoph Waltz, objet de plaisanterie quand Brad Pitt plus british que jamais parle italien avec un accent à couper au couteau.
On ne peut qu’imaginer ce qu’aurait pu être le film se focalisant sur les Basterds. Un vrai film de guerre, anti conventionnel et fun comme sait si bien le faire ce réalisateur inclassable et dissipé. Tarantino a-t-il encore une fois été victime de sa trop grande générosité ? Il y a en effet dans Inglorious Basterds matière à faire une série de deux ou trois films, ce qui rend l’ensemble à la fois frustrant et parfois lourd.
Parions que ces deux derniers films, intéressants à bien des égards mais en dessous de ce que l’on est en droit d’attendre de ce réalisateur passionnant, ne sont que des incidents de parcours. Vivement la suite.

1 commentaire:

Drieg a dit…

J'avoue avoir été légèrement déçu par le film, je m'attendais plus à un film plus centré sur les Basterds dans leur campagne de terreur contre les nazis et c'est vrai que j'aurai bien aimé savoir comment Aldo s'était fais sa marque et aussi où il apprit à parler italien xD

Les dialogues restent cependant très intéressants et c'est toujours intéressant de voir un film sur le thème de la 2nde Guerre Mondiale qui ne se prends pas vraiment au sérieux. Tarantino étonne toujours pas ces films, et Inglorious Basterd ne fait pas exception, en espérant une suite !