vendredi 21 février 2014

Les brasiers de la colère


Les brasiers de la colère fait partie de ces films qui, dans la lignée de Winter Bones, mêlent étroitement chronique sociale et thriller en accordant un soin tout particulier à ses personnages. Car si le film fait la part belle à une nature grandiose et des paysages citadins grisâtres, ce sont bien vers les protagonistes du film que converge toute l’attention du réalisateur. Porté par un casting exceptionnel de vrais gueules (tous les acteurs sont choisis et dirigés impeccablement), le film brosse le portrait aride et sans fard d’une communauté de personnes qui survivent comme elles le peuvent à la veille de l’élection d’Obama dans une Amérique plus que jamais inégalitaire avec son lot de laissés pour compte et de marginaux. Quelque soit la voie qu’ils prennent (l’usine, l’armée, la drogue, la police,…), chacun sera amené à assumer ses choix et à supporter toutes les conséquences de ses actes. Et elles seront parfois très lourdes.
Si Scott Cooper cède parfois à quelques facilités (l’attaque de la maison où est sensé se trouver le dealer, le parallèle entre la partie de chasse au cerf et à l’homme), il fait toutefois preuve d’un vrai sens de la mise en scène avec une capacité à raconter une tranche de vie en quelques plans. Il suffit de voir Russell Baze à l’usine, avec son frère où pendant quelques minutes avec sa petite amie pour cerner le personnage, aidé il est vrai par une interprétation au cordeau de Christian Bale toujours bien entouré.
Alors que l’histoire aurait pu commencer à sa sortie de prison et se concentrer sur la dernière partie du drame, résumant ainsi l’intrigue à son strict minimum, le réalisateur prend au contraire le temps de raconter son histoire du début à la fin. Nous vivons avec les deux frères avant les drames qui vont les séparer et changer leur vie à jamais, nous les suivons, parfois de façon elliptique, tout au long de leur vie jusqu’à un final dont on peut discuter la morale mais qui reste en cohérence avec la noirceur ambiante du film.
Car Scott Cooper ne fait aucune concession scénaristique. Evitant les scènes larmoyantes et un misérabilisme facile, il plonge néanmoins ses protagonistes dans une misère aussi bien sociale qu’affective qui fait du film bien plus qu’une énième histoire de vengeance filiale. Les brasiers de la colère parle de ces milliers de personnes oubliées par le rêve américain, de ces laissés pour compte qui ne peuvent compter que sur eux même pour s’en sortir. C’est rude, inconfortable mais aussi puissant et salutaire.

samedi 15 février 2014

Les voleurs de vie (nouvelle)

« Anatomie du cauchemar » est un recueil de 13 histoires d’horreur réunissant les nouveaux auteurs français du genre. De la terreur psychologique à l’horreur fantastique en passant par la parodie, tous les grands thèmes du genre sont explorés dans cette anthologie. 13 histoires aux univers différents, 13 auteurs au style unique.

 Les voleurs de vie (Christophe Semont) : Un commando militaire envoyé dans les profondeurs de la jungle mexicaine pour traquer des narcotrafiquants y feront une découverte extraordinaire. Et fatale.    
Publié chez House Made of Dawn
http://housemadeofdawn.com/anatomie-du-cauchemar/  

Où l'acheter ? 
http://www.amazon.fr/Anatomie-du-cauchemar-Coulon-Miserque-ebook/dp/B00FPDYD5A  

Ce qu'en pensent les lecteurs : 

Commentaires Amazon : 

 29 octobre 2013 Par Reader N°28394 Très varié malgré une thématique probablement usée jusqu'au cordon, ce recueil de nouvelles nous amène successivement dans les tréfonds d'une mine, dans les profondeurs de la jungle mexicaine, dans un délicieux pastiche de lovecraft, dans la chaleur d'un dester de western, etc. Les styles, les thèmes et les trouvailles s'enchainent et explorent finalement bien d’autres émotions que la simple et seule terreur. Les textes sont pour la plupart de qualité et les illustrations sont très originales. Très bon livre ! 

29 octobre 2013 Par Salyna Les voleurs de vie : La meilleure nouvelle de cette anthologie selon moi. Tous les ingrédients pour flipper sont réunis : un lieu effrayant et mystérieux, une mission militaire et des animaux morts bizarrement…. Bref, très rapidement, la tension monte et l’angoisse arrive à toute vitesse. Et merci à l’auteur d’avoir pris la peine de mettre 2 femmes dans son lot de soldats. Rien ne l’y obligeait, mais il a fait cet effort. Vraiment une très bonne nouvelle, et cela me rappellent une histoire vraie raconter par un chirurgien en…. Les voleurs de vie ne sont peut-être pas qu’une légende… 

 2 novembre 2013 Par Cinzano « Les voleurs de vie » de Christophe Semont Ça démarre avec l’ambiance d’un « Relic » de Preston & Child, se poursuit comme un bon « Predator » des familles et s’achève en horreur absolue. Les codes du genre sont exploités avec brio, ce qui engendre une montée graduelle de la terreur et quelques poussées d’adrénaline pour maintenir le lecteur éveillé. Une maîtrise de la tension assez bluffante avec ces détails qui s’enchaînent et qui n’ont pour seul but que de nous happer, nous engloutir sous les frondaisons de cette inquiétante jungle. 

 Critiques : 

http://laurentpendarias.com/2013/09/chronique-n%C2%B019-anatomie-du-cauchemar/ 

Les voleurs de vie de Christophe Semont Expédition dans une jungle latine. Le décor et l’équipe me faisaient beaucoup penser au premier Predator, Schwarzenegger en moins. J’ai bien aimé cette nouvelle. Pour une fois, les humains réagissent au lieu d’attendre bêtement de se faire décimer par les monstres. On est plus dans le récit d’aventure.

 http://voiretmanger.fr/anatomie-du-cauchemar/
Dans un tout autre genre, « Les voleurs de vie » de Christophe Semont est une nouvelle très réussie également, peut-être parce qu’elle prend le temps d’installer son histoire de fond de jungle. 

 http://www.fantastinet.com/anatomie-du-cauchemar-anthologie/ 
Les Voleurs de vie de Christophe Semont : Antonio Guajardo va mourir. C’est ce qu’il nous annonce, d’emblée. Et la suite de la nouvelle, qui va nous emmener sur des terres encore inconnues, n’est que sa longue descente aux enfers, nous faisant découvrir un univers que nous ne suspectons bien entendu pas ; la peur se trouve à chaque ligne et nous nous inquiétons du devenir de ce professeur, appelé au secours par l’armée. 

http://francoisegrenierdroesch.over-blog.com/article-anatomie-d-un-cauchemar-des-editions-121074508.html 
"Les voleurs de vie" de Christophe Semont. Un délice, cette immersion en terrain hostile. L'ambiance de terreur est extrêmement bien rendu et cerise sur le gâteau, il y a de vrais monstres d'un genre nouveau, sauvages et redoutables. L'équipe qui encadre le spécialiste des indiens dans cette forêt "Amazonienne" est tout à fait crédible. Les personnages sont bien campés. Rien n'est de trop ! Et la fin est vraiment inattendue. 

http://housemadeofdawn.com/anatomie-du-cauchemar/ 
Si on aime l’horreur, on devrait acheter cette anthologie. Ca faisait longtemps que je n’étais pas tombé sur une belle sélection comme ça. Le niveau est bon, les styles variés et les illustrations de toute beauté. Dommage qu’il n’y ait pas de version papier… mais cette version numérique est bien réalisée, ça passe nickel sur ma Kobo. Ps : j’ai adoré l’histoire qui se passe dans la Chiapas “Les voleurs de vie ” de Semont, un auteur à suivre, assurément.

jeudi 13 février 2014

12 Years a Slave

12 Years a Slave fait partie de ces films qu’il faudrait inscrire dans les programmes scolaires au côté de La liste de Schindler tant il nous plonge sans artifice dans la réalité glaçante de ce qu’était l’esclavagisme peu avant la Guerre de Sécession aux États Unis. 
Sans se départir d’un sens aigu de la mise en scène et d’une direction d’acteurs au cordeau, Steeve McQueen filme de manière quasi documentaire la triste histoire de Salomon Northup, homme libre de couleur noire qui fut kidnappé et vendu en tant qu’esclave. Il restera douze ans privé de liberté, passant d’un maitre à l’autre avant d’être finalement libéré et de pouvoir témoigner sur l’enfer qu’il a traversé. 
Renonçant à toute histoire d’amour ou d’amitié qui parasiterait son propos, le réalisateur se concentre sur la condition des noirs à cette époque et ne fait pas de Salomon un héros plus grand qu’il ne l’est. Car tant qu’il est libre, ce père de famille ne se soucie pas outre mesure du sort ignoble réservé à ses frères de couleurs. Originaire de l’État de New York, il vit loin du Sud esclavagiste, partagé entre sa famille et son violon, et n’a qu’une lointaine idée de ce qui se passe dans les plantations. Il faudra qu’il soit lui-même réduit à l’esclavage pour appréhender pleinement l’injustice et l’ignominie de ce système. Et là encore, quand il quitte son dernier maitre et laisse derrière lui les rares personnes avec lesquelles il a tissé quelques liens, il n’a pas l’ombre d’une hésitation. 
Salomon est profondément humain, avec ce que cela comporte comme faiblesse, lâcheté et mesquinerie, et c’est ce qui fait la force de ce film éprouvant. Car comme toutes les situations extrêmes, les systèmes concentrationnaires ou les négations de la nature même de la condition humaine, ces contextes sont sujets à révéler les hommes et femmes dans ce qu’ils sont au plus profonds d’eux-mêmes. Il en ressort quelques authentiques héros et un nombre beaucoup plus grand de malades, frustrés, sadiques qui voient dans ces situations l’occasion de laisser libre cours à leurs plus bas instincts. 
12 Years a Slave met admirablement bien en exergue une galerie de personnages tous plus tordus les uns que les autres. Du maitre compatissant qui refuse de voir la réalité de ce qu’il fait au tortionnaire réellement dérangé, du compagnon qui vous tourne le dos dès qu’une occasion de sortir de ce bourbier se présente à celui qui vous trahi à la moindre occasion, tous sont campé par des interprètes au mieux de leur forme et dirigé d’une main de maitre par un réalisateur plus que jamais obnubilé par les méandres de l’âme humaine et les corps torturés. 
12 Years a Slave était donc un sujet en or pour Steve McQueen qui le transcende sans jamais tomber dans le piège du parti pris et sans s’éloigner un seul moment de son sujet. On en ressort choqué, mal à l’aise, pas tant par le film que par une réalité historique qu’il nous jette au visage et que l’on n’avait jamais appréhendée avec autant de violence.

samedi 1 février 2014

Nymphomaniac – Volume 2

Dans la première partie de Nymphomaniac, Lars von Trier nous prenait par la main pour nous emmener sur les traces de Joe, une jeune fille autoproclamée nymphomane et multipliant les conquêtes pour essayer de combler un vide qui l’aspire inexorablement. Dans ce second volet, le réalisateur nous lâche dans une zone aussi extrême qu’inconfortable. Un endroit où la douleur se mêle au plaisir, où le sexe se mélange aux coups et à la mortification. On se retrouve seul face à des personnages torturés nous renvoyant à nos pires démons. 
Cabossée, meurtrie, Joe continue à raconter l’histoire de sa vie à Seligman dont les digressions à première vue hors sujet illustrent les sujets les plus chers au réalisateur. Dans le volume 1, Lars von Trier filmait ses personnages avec empathie, provocant des émotions aussi diverses que puissantes chez le spectateur. Ici, le réalisateur observe ses sujets avec l’œil d’un entomologiste. Le sexe ne procure plus aucun plaisir qu’il faut aller chercher ailleurs. Joe, interprété par Charlotte Gainsbourg dans la deuxième partie de sa vie, s’enfonce de plus en plus profondément dans les affres d’une quête qui ne peut la mener nulle part. 
Comme pour les précédents films de Lars von Trier, Nymphomaniac est une véritable catharsis pour son réalisateur. Il va même jusqu’à reproduire presque plan par plan la scène d’Antéchrist où le petit garçon livré à lui-même se dirige vers un danger potentiel pendant que sa mère part en quête de plaisir sexuel. Le sexe, le poids du péché originel porté par les femmes, la religion rédemptrice ou au contraire punitive, l’essentiel de ce qui constitue les obsessions du réalisateur sont là, résumées en une femme qui se livre, non pas physiquement mais en mettant son âme à nue, à un homme qui l’écoute sans la juger. 
En clôturant son film fleuve par une dernière scène d’une noirceur absolue qui plonge les personnages et les spectateurs dans les abimes jusqu’ici seulement entre ouverts, Lars von Trier assène son message avec force et obstination. Il n’y a pas d’espoir ni de rédemption possible, ni dans le sexe, ni dans la nature humaine. 
Froid et provocateur, Nymphomaniac volume 2 n’est pas un film aimable, l’objectif de Lars von Trier n’est pas de caresser le spectateur dans le sens du poil, loin de là. On en ressort secoué, bousculé, mal à l’aise, ne sachant pas si l’on a aimé ou pas. Ne serait-ce pas l’essence même du cinéma ?