12 Years a Slave fait partie de ces films qu’il faudrait inscrire dans les programmes scolaires au côté de La liste de Schindler tant il nous plonge sans artifice dans la réalité glaçante de ce qu’était l’esclavagisme peu avant la Guerre de Sécession aux États Unis.
Sans se départir d’un sens aigu de la mise en scène et d’une direction d’acteurs au cordeau, Steeve McQueen filme de manière quasi documentaire la triste histoire de Salomon Northup, homme libre de couleur noire qui fut kidnappé et vendu en tant qu’esclave. Il restera douze ans privé de liberté, passant d’un maitre à l’autre avant d’être finalement libéré et de pouvoir témoigner sur l’enfer qu’il a traversé.
Renonçant à toute histoire d’amour ou d’amitié qui parasiterait son propos, le réalisateur se concentre sur la condition des noirs à cette époque et ne fait pas de Salomon un héros plus grand qu’il ne l’est. Car tant qu’il est libre, ce père de famille ne se soucie pas outre mesure du sort ignoble réservé à ses frères de couleurs. Originaire de l’État de New York, il vit loin du Sud esclavagiste, partagé entre sa famille et son violon, et n’a qu’une lointaine idée de ce qui se passe dans les plantations. Il faudra qu’il soit lui-même réduit à l’esclavage pour appréhender pleinement l’injustice et l’ignominie de ce système. Et là encore, quand il quitte son dernier maitre et laisse derrière lui les rares personnes avec lesquelles il a tissé quelques liens, il n’a pas l’ombre d’une hésitation.
Salomon est profondément humain, avec ce que cela comporte comme faiblesse, lâcheté et mesquinerie, et c’est ce qui fait la force de ce film éprouvant. Car comme toutes les situations extrêmes, les systèmes concentrationnaires ou les négations de la nature même de la condition humaine, ces contextes sont sujets à révéler les hommes et femmes dans ce qu’ils sont au plus profonds d’eux-mêmes. Il en ressort quelques authentiques héros et un nombre beaucoup plus grand de malades, frustrés, sadiques qui voient dans ces situations l’occasion de laisser libre cours à leurs plus bas instincts.
12 Years a Slave met admirablement bien en exergue une galerie de personnages tous plus tordus les uns que les autres. Du maitre compatissant qui refuse de voir la réalité de ce qu’il fait au tortionnaire réellement dérangé, du compagnon qui vous tourne le dos dès qu’une occasion de sortir de ce bourbier se présente à celui qui vous trahi à la moindre occasion, tous sont campé par des interprètes au mieux de leur forme et dirigé d’une main de maitre par un réalisateur plus que jamais obnubilé par les méandres de l’âme humaine et les corps torturés.
12 Years a Slave était donc un sujet en or pour Steve McQueen qui le transcende sans jamais tomber dans le piège du parti pris et sans s’éloigner un seul moment de son sujet. On en ressort choqué, mal à l’aise, pas tant par le film que par une réalité historique qu’il nous jette au visage et que l’on n’avait jamais appréhendée avec autant de violence.
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