samedi 17 septembre 2011

Warrior

Passons tout de suite sur les défauts qui empêchent Warrior d’être un film de la trempe de Rocky. L’élément principal qui plombe l’histoire est un scénario trop convenu qui accumule les poncifs, jusque dans la dernière scène du film qui le fait basculer vers la lumière alors qu’il aurait dû être un diamant noir.

Un père de famille presque parfait, un jeune homme perdu mais sauvé par un fait d’arme glorieux, l’accident qui permet à Brendan Conlon de prendre part au tournoi sont autant de facilités scénaristiques qui ne parviennent toutefois pas à atténuer l’impact du film. Car si l’histoire se déroule sans grande surprise et emprunte les chemins balisés du film de combat (mise à l’épreuve, entrainement, tournoi, sacrifice, rédemption), si la partie consacrée à l’entrainement des deux frères (dont les méthodes radicalement différentes peuvent faire penser à la même succession de scènes dans Rocky IV) est peu lisible à cause de l’utilisation du split screen, il n’en reste pas moins que Warrior est un film prenant et intéressant à plus d’un titre.

Premièrement, le milieu du free fight, très peu exploité à l’écran, permet aux acteurs d’exprimer sur le ring toute la hargne de leurs personnages et donne lieu à des confrontations hautes en couleur et à des combats secs et brutaux. Le premier combat de Tom Conlon à l’entrainement est à ce titre exemplaire en termes d’efficacité, de rapidité et de violence.

Le film est ensuite porté par les prestations hautes en couleurs de Joël Edgerton dans un rôle qui aurait rapidement pu devenir terne et ennuyeux, de Nick Nolte toujours impressionnant dans le rôle ingrat du père en quête de pardon. L’acteur laisse éclater tout son talent lors d’une scène de beuverie désespérée au cours de laquelle il passe en une fraction de seconde de la déchéance la plus totale à une folie menaçante, laissant entrevoir un bref instant l’homme qu’il fut jadis et qui martyrisa sa femme et ruina la vie de ses enfants. Mais force est de reconnaitre que l’interprétation de Tom Hardy dépasse d’une tête toute les autres. Qu’il soit sur le ring ou dans un café, toujours hanté par ses propres démons, l’acteur livre une prestation tout simplement hallucinante. Il fait de Tom Conlon un homme dévoré par la colère, un animal prêt à bondir sur celui qui se mettrait en travers de son chemin sans se soucier une seule seconde des conséquences de ses actes. Si une pareille colère l’anime pour son prochain rôle de Bane dans The Dark Night Rises, Batman a du souci à se faire !

Dernière raison d’aller voir Warrior et non des moindres, c’est le désespoir et la rage qui animent chacun des personnages. Rarement autant de haine n’aura été véhiculée par des hommes que celle qui lie les deux frères Conlon à leur père. Warrior est un film social car il montre la réalité économique d’une certaine Amérique qui lutte pour garder sa maison tout en travaillant à plein temps. C’est aussi un film qui met en scène des hommes qui se battent chacun à leur manière et pour des raisons différentes. Pour préserver sa famille, pour rattraper les erreurs du passé, pour évacuer une colère trop longtemps contenue qui menace de les détruire. La violence des combats sur le ring n’est que le reflet de cette colère qui s’exacerbe au sein du microcosme familiale. Et lorsque les deux frères quittent le ring en se soutenant mutuellement après s’être quasiment entretués à main nue, le sourire de Nick Nolte qui clôture le film en est la dernière fausse note.

Car si les deux frères se sont retrouvés dans la violence, le père lui reste seul et n’est pour rien dans ce concours de circonstance qui les a vus se confronter dans la cage. Le fait de laisser entrevoir une lueur d’espoir et une possible entente entre le père et les fils, ce que laisse présager ce sourire apaisé, est en contradiction totale avec la tonalité du film. Dommage que le réalisateur cède ainsi à la facilité, il passe à coté d’un grand et beau film en colère.

samedi 3 septembre 2011

Neds

2003, The Magdalene sisters sort en salle. Un choc irradié par la beauté d’Anne Marie Duff et le deuxième film de Peter Mullan.

Huit ans après, le réalisateur livre avec Neds un film qui renvoie à sa propre vie. Nous sommes à Glasgow en 1973. John McGill s’apprête à entrer au collège. Son père, impeccablement interprété dans toute son ignominie par le réalisateur lui-même, est un alcoolique qui terrorise sa femme. Son grand frère est un délinquant dont la réputation le protège autant qu’elle fait peser sur lui le poids des suspicions de ses professeurs, craignant que John ne suive ses traces.

Pourtant, John est un élève brillant qui, dans un tout autre contexte, aurait été promis un avenir prometteur. Seulement voilà, il est né dans une banlieue pauvre, où les affrontements entre les bandes de jeunes font régner la terreur dans le quartier.

Dès son entrée au collège, il est la proie du harcèlement d’un plus grand qui lui promet de faire de sa vie un enfer. Commence alors une spirale de violence qui va le consumer peu à peu.

Loin de dresser le portrait du mouvement hooligans comme le faisait le film homonyme de Lexi Alexander, ou de pondre un énième drame larmoyant, Peter Mullan continue son exploration d’une certaine jeunesse anglo saxonne sacrifiée, comme tant d’autre, sur l’autel de la pauvreté et de la violence qu’elle engendre. A travers le portrait de ce jeune garçon interprété à des âges différents par Gregg Forrest et Conor McCarron impressionnants d’authenticité, le réalisateur met en évidence un système familial et éducatif aussi destructeurs que les pulsions qui poussent John McGill vers le vide.

Si Peter Mullan évite tout manichéisme (c’est par exemple le modèle éducatif plus que les professeurs eux même qui est mis en cause) et ne sombre pas dans le piège du déterminisme sociale en clôturant son film par une fin ouverte laissant libre toute interprétation quand à l’avenir de John, il se raccroche néanmoins à quelques facilités scénaristiques. Ainsi, un concours de circonstance fait sans cesse croiser le chemin de John avec celui de Canta, son premier tortionnaire qui deviendra ensuite la victime la plus emblématique de sa violence. Même chose avec le bus qu’il braque une première fois et dans lequel il s’engouffre un peu plus tard.

Malgré ces petits écueils, Neds est un film puissant, traversé de moments surréalistes, comme cette baston entre John et un Christ descendu de sa croix, ou cette traversé d’un groupe de lions qui le regardent passer sans aucune agressivité. Le seul reproche que l’on peut faire au réalisateur, c’est de se faire si rare sur les écrans.