mardi 29 décembre 2015

Star Wars - Le Réveil de la Force

Trente-deux ans. Il aura fallu attendre trente-deux ans pour retrouver l’univers originel de la saga Star Wars, et c’est à J.J. Abrams que revient l’honneur, mais aussi la lourde tâche de faire la jonction entre les personnages fondateurs du mythe et la nouvelle génération. L’attente était à la hauteur de la déception générée par les épisodes I, II et III que nombre de fans préfèrent carrément occulter. 
Ce qui frappe dans ce nouvel opus, outre la maitrise de la mise en scène du réalisateur, c’est le parfait équilibre entre les anciens et les nouveaux protagonistes, dû en grande partie à des personnages bien écrits et surtout parfaitement interprétés par un casting presque sans faute. Daisy Ridley et Oscar Isaac apportent un souffle résolument rafraichissant au film, mais la palme revient sans conteste à un John Boyega irrésistible dans un rôle à la fois drôle, décomplexé et finalement assez central comme le fut Harrison Ford en son temps. C’est d’ailleurs avec un plaisir réel que l’on retrouve la plupart des figures historiques de Star Wars, avec quelques rides et kilos en plus mais toujours le même plaisir à interpréter des personnages devenus cultes. Jusqu’au personnage du droïde BB8 qui est particulièrement réussi et qui possède une véritable identité sans prononcer un mot, à l’image du Wall-E des studios Pixar. La seule faute d’interprétation et d’écriture, et pas la moindre, revient surement à Adam Driver qui interprète un méchant bien fade. Davantage caractérisé par ses actes et son ascendance que par l’acteur qui l’incarne, Kylo Ren ne parvient pas à décoller d’un personnage pleurnichard, tiraillé entre le bien et le mal et jamais vraiment inquiétant malgré un design très réussi. 
Ceci étant dit, J.J. Abrams arrive à trouver le juste équilibre entre les scènes d’action et l’humour voire les clins d’œil appuyés (Han Solo à Leia : « tu as changé de coiffure ? »), multipliant les séquences de combat aérien à couper le souffle et n’hésitant pas à nous emmener derrière le rideau lorsque nous pénétrons dans les entrailles de gigantesques vaisseaux devenus épaves ou qu’un Stormtrooper enlève son casque. Passons quelques approximations (Kylo Ren sent la présence de Han Solo lorsqu’il débarque sur une planète mais pas quand il se trouve dix mètre derrière lui, Finn, simple soldat, explique en détail à la Résistance le plan détaillé de leur arme la plus secrète…), il reste au final des personnages pour la plupart réjouissants, une réalisation au cordeau et un juste équilibre entre action et humour, entre ancienne et nouvelle génération, alors que demander de plus ? Et bien par exemple que tout cela soit mis au service d’une histoire digne de ce nom. 
Penchons-nous un instant sur le résumé du Réveil de la Force. Dans une galaxie lointaine dominée par un empire tyrannique, un groupe de résistants tente de restaurer une République respectueuse des droits de chacun. Sur une planète désertique envahie par les sables, un pilote membre de cette Résistance cache une carte à l’intérieur d’un droïde avant que les forces du Premier Ordre ne débarquent pour massacrer tout le monde. Ce droïde sera protégé par une jeune femme habitée par la Force sans le savoir et qui sera amenée à quitter sa planète pour combattre les forces du mal aux cotés de la Résistance. L’histoire qui suivra verra un fils tuer son père, la destruction de planètes entières par le laser surpuissant du Premier Ordre, laser protégé par un bouclier et qui ne comporte qu’un seul point faible difficilement localisable. Laser qui sera détruit au cours d’une offensive désespérée par la flotte de la Résistance. On verra aussi une figure du mal drapée de noir, elle aussi habitée par la Force, une taverne peuplée d’extra-terrestres marchands, pilotes et chasseurs de primes, une entité maléfique qui tire les ficelles derrière le méchant le plus emblématique, etc, etc… 
Oui, le résumé du Réveil de la Force n’est au final rien d’autre qu’un condensé des épisodes IV, V et VI de Star Wars. Deux options s’offrent alors à nous. Ecrasé par un héritage trop lourd à porter, J.J. Abrams s’est vu incapable de s’affranchir de la saga d’origine au point de la copier plus ou moins consciemment. Ou bien, hypothèse plus probable, le Réveil de la Force se résume à une synthèse des épisodes précédents, un Star Wars pour les nuls n’ayant pas d’autre utilité que d’installer les bases d’une nouvelle saga pour une génération n’ayant pas grandi avec celle de Georges Lucas. Il aurait pourtant été simple de s’affranchir de l’histoire originale en prenant pour base la fin du Retour du Jedi. L’Empire se trouve défait, la République triomphe avec, pourquoi pas, Leia à sa tête ? Le Réveil de la Force aurait très bien pu prendre pour cadre cet environnement et décrire des forces du mal renaissant de leur cendre à la manière d’un Sauron dans le seigneur des Anneaux. Nous aurions alors là les bases d’une saga à la fois cohérente, complétement nouvelle et donc passionnante à explorer. Au lieu de quoi le réalisateur nous propose une copie carbone de ce que nous avons déjà vu, se permettant à peine quelques digressions pour marquer le film de son empreinte. C’est d’autant plus dommage qu’il nous prouve avec ce film qu’il est l’homme de la situation. 
On ressort du Réveil de la Force avec un sourire sur les lèvres mais un peu abruti par tant de choses à assimiler en si peu de temps, avec l’impression d’avoir avalé de force un résumé accéléré de la saga star Wars. Attendons la suite pour juger de la série dans son ensemble mais une fois l’excitation retombée, il faut bien reconnaitre que ce nouvel opus nous laisse un goût un peu amer dans la bouche.

mercredi 16 décembre 2015

Suburra

La mafia qui agrège pouvoir, violence et corruption demeure une source inépuisable d’inspiration pour les romanciers et les cinéastes. Et l’Italie reste, après l’Amérique, son cadre naturel et le berceau qui l’a vu naitre. C’est donc à Rome que se déroule l’intrigue, ou devrait-on dire les multiples intrigues de ce film choral qui multiplie les arcs narratifs sans jamais perdre le spectateur en route. 
Et c’est bien là que réside l’une des forces principales du film, cette capacité scénaristique à caractériser chaque personnage, et il y en a beaucoup, couplé avec un choix d’acteurs pertinent. Ceci est d’ailleurs particulièrement vrai pour les deux personnages féminins qui prennent une place de plus en plus importante dans l’histoire et ne sont jamais cantonnés aux caricatures habituelles (la petite amie junkie, la prostituée de luxe). 
Suburra met en scène une multitude de protagonistes qui évoluent dans différentes strates de la société et qui partagent un goût commun pour le pouvoir sous toutes ses formes. Du politicien véreux à l’homme d’église perverti par l’argent, de l’homme de main violent à la pute de luxe, des familles mafieuses du sud du pays aux gangs tziganes, c’est à un véritable voyage dans les strates les moins reluisantes d’Italie que nous convie le réalisateur Stefano Sollima, déjà responsable de l’adaptation en série télévisuelle de Gomorra auquel le film fait parfois penser. Adepte d’une réalisation soignée sans pour autant sombrer dans le maniérisme outrancier, le réalisateur apporte aussi une touche particulière à sa photographie qui propulse le film dans une dimension quasi irréelle. Impression encore soulignée par un chapitrage annonçant l’Apocalypse imminente et une musique aux accents techno pour le coup parfois envahissante. 
Si l’on peut regretter le manque de développement des personnages religieux à peine esquissés, force est de constater que Suburra reste dans la droite ligne des très bons films à la fois politiques (l’implosion du système italien rongé par la corruption), mafieux (les différentes forces en présences qui se disputent les marchés les plus juteux, les grandes familles qui essaient de maintenir un semblant d’ordre pour pouvoir œuvrer en paix) et un bel exemple de film choral (la collusion des différents personnages entre eux). Bien sur les thèmes abordés l’ont déjà été maintes fois. Le conflit des générations avec le jeune tueur qui se rebelle contre l’ordre établi par ses ainés, la victime humiliée qui se venge dans un sursaut de violence, les trahisons et les imbrications de la mafia avec le pouvoir politique et religieux sont des sujets récurrents dès que l’on aborde le film de gangsters. 
La force du réalisateur est d’ancrer son histoire dans une Italie très contemporaine aux accents on ne peut plus réalistes et une fois encore de rendre lisible et passionnante une histoire aux multiples ramifications. Ne reculant devant aucune violence (les passages à tabac et les meurtres, la prostitution de mineures ou les humiliations subies par les plus faibles), Stefano Sollima nous livre un film tendu, noir et au final passionnant.