Plutôt que de théâtre filmé, il serait plus juste de parler de huit clos pour cette adaptation cinématographique de la pièce de Yasmina Reza. Car si le film se déroule en temps réel avec une unité de lieu, il n’en reste pas moins que les personnages n’en finissent pas de rentrer et de sortir de l’appartement, de se quitter et de revenir, comme irrésistiblement attiré par une force qui les dépasse.
Ces personnages, ce sont deux couples new yorkais aisés qui se rencontrent pour régler un litige qui touche à des sujets ultra sensibles : les enfants, l’éduction, la violence dans nos sociétés occidentales. Dés la première scène le ton est donné. Malgré un discours courtois et des postures civilisées, la tension qui s’installe et qui ne fera que grimper entre les différents protagonistes est palpable. Que ce soit dans les dialogues, par le biais de remarques acerbes, ou par les postures, le vernis de la civilité craque pour révéler les véritables identités de chacun et mettre à jour des vérités qui ne sont bien évidemment pas agréables à entendre.
Si les quatre acteurs se font visiblement plaisir et nous offrent un spectacle délectable, la palme revient cependant au couple Cowan interprété par Kate Winslet et un Christoph Waltz encore une fois impressionnant de maitrise et de morgue. Le running gag du téléphone portable qui aurait pu devenir lassant à la longue fonctionne d’ailleurs tout le long du film grâce au jeu sans faille de l’acteur qui campe un avocat cynique et froid.
Roman Polanski domine remarquablement bien son film, que ce soit au niveau de la direction d’acteurs, encore une fois excellents, ou de l’utilisation d’un espace clos et de la gestuelle de ses personnages. Le seul point noir est le moment où les scénaristes, Roman Polanski et Yasmina Reza, croient utile de faire boire leurs personnages et de les plonger dans l’ivresse, comme s’ils voulaient donner un second souffle à une histoire qui jusque là n’en manquait pas. Déjà caricaturaux, les personnages sombrent alors dans un jeu outrancier qui dessert le film. Alors que Kate Winslet arrive à faire évoluer son personnage de bourgeoise coincée vers une ivresse jubilatoire et libératrice, le jeu hystérique de Jodie Foster agace plus qu’il ne sert son rôle.
Malgré cet artifice, Carnage reste un excellent moment, le spectacle accablant autant que délectable des faiblesses humaines que ne parvient plus à cacher le mince vernis soit disant civilisé de nos sociétés modernes.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire