Drôle de film que ce Batalla en el cielo. En 1985, Carlos Reygadas filme des personnages mutiques et tragiques dans le théâtre urbain de la ville de Mexico. Cette ville, il la fait vivre au travers de scènes les plus représentatives de cette gigantesque mégalopole. Le levé de drapeau quotidien, le pèlerinage des repentants, les milliers de voitures qui quadrillent la cité, le métro bondé, les marchands de babioles à la sauvette.
C’est dans cette ruche en constante effervescence qu’évoluent les personnages de Batalla en el cielo.
Marcos, le chauffeur et homme à tout faire d’un général que l’on ne verra jamais, sa femme obèse et Anna, la fille de son patron qui se prostitue occasionnellement par plaisir.
Marcos et sa femme ont enlevé un bébé pour toucher une rançon. Mais le bébé est mort accidentellement et ce drame hante Marcos qui avoue son crime à Anna. Dès lors s’enclenche pour lui un processus d’autodestruction à l’issu forcement fatale.
Batalla en el cielo se caractérise principalement par sa lenteur, son statisme et le visage buté et fermé de Marcos et de sa femme. Carlos Reygadas filme en un long travelling circulaire les murs décrépis des immeubles, réalise un plan fixe sur un moteur de voiture et s’attarde sur ces personnages qui semblent déjà mort.
C’est du moins le cas de Marcos et de sa femme que tout oppose à Anna, et c’est cette opposition qui semble être le moteur du film. Marcos est un indien pauvre, laid, âgé, apathique. Anna est une jeune fille blanche, belle, riche et pleine de vie. Ces deux êtres que rien ne devrait réunir finiront par faire l’amour ensemble et par se détruire mutuellement.
Le filme s’ouvre et se termine d’ailleurs par une scène de fellation explicite et douce entre eux, qui s’apparente à une réalité fantasmée. Carlos Reygadas filme ses scènes de sexe de manière frontale, à la manière d’un Larry Clark qui serait fasciné par la trivialité, pour ne pas dire la laideur du quotidien et de la pauvreté, quelle soit matérielle ou intellectuelle. Que ce soit lors d’une scène d’amour entre deux obèses ou quand Marcos urine dans son pantalon avant son déchainement de violence, le réalisateur semble vouloir coute que coute nous mettre face à une certaine réalité.
Malgré la présence impressionnante de l’ensemble des acteurs, la beauté, la jeunesse et le naturel d’Anapola Mushkadiz qui interprète Anna face au mutisme du couple interprété par Bertha Ruiz et Marcos Hernandez, force est de constater que l’on sent passer les une heure trente du film. On a du mal à voir où veut en venir le réalisateur, l’ennui prenant souvent le pas sur la poésie.
Il n’en reste pas moins que Batalla en el cielo est un film suffisamment atypique, osé et en marge de la plupart des productions actuelles pour nous interpeller. Dommage que ce soit l’incompréhension et un imperceptible sentiment d’ennui qui prennent souvent le pas sur l’intérêt qu’aurait pu susciter un tel projet.
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