dimanche 1 novembre 2009

Le ruban blanc


Après le remake américain de son film choc Funny Games, Michael Haneke poursuit ses investigations sur le mal. Le Ruban blanc met en scène un village allemand à la veille de la Première Guerre Mondiale. Entre pratiques quasi féodales et modernité, toutes les figures traditionnelles d’un village traditionnel de cette époque nous sont présentées dés les premières minutes du film. Le baron qui règne sur ses villageois, le docteur, le prêtre et l’instituteur. Entre chacun d’entre eux, des rapports de force et d’autorité, de domination et de frustration. Surviennent alors toute une série d’évènements violents à priori accidentels qui vont petit à petit semer le doute, la suspicion et la peur. Pour illustrer cette nouvelle analyse de la condition humaine dans ce qu’elle a de plus sombre, Michael Haneke fait preuve d’un formalisme impressionnant. Deux heures trente de film sans aucune musique, un noir et (surtout) blanc somptueux qui transforme chaque plan en tableau, et surtout une direction et un choix d’acteurs impeccables. Alors que les enfants sont des sujets difficiles à diriger et à rendre crédibles à l’écran, ceux du Ruban blanc sont fabuleux. On ne peut s’empêcher de penser au Village des damnés en voyant cette bande de gamins froids et inquiétants jamais loin du drame qui vient de se produire. Et lorsqu’un petit garçon interroge sa grande sœur sur la mort, la scène est simplement impeccable et touchante. Les adultes ne sont pas en reste et chaque personnage est écrit et interprété avec le plus grand soin. Une fois de plus, le réalisateur nous questionne sur la violence propre à l’homme, fouillant avec ce film davantage les origines que les conséquences. Comme à son habitude, et contrairement à la majorité des films traitant de ce sujet, les scènes violentes sont la plupart du temps hors champs ou passées. On n’en voit que les conséquences terribles et l’impact en est décuplé. La seul scène de violence à laquelle on assiste est verbale, et non moins dévastatrice que s’il s’était s’agit de blessures corporelles. Le médecin, lassé de sa maitresse, la rejette avec une violence froide qui transforme ses mots en poignards. La scène est d’une dureté incroyable qui ne passe que par le domaine verbal, et c’est toute la force d’écriture du réalisateur que de nous faire ressentir une telle violence alors que les corps eux ne bougent pas. Les parties du film qui mettent en scène le médecin sont d’ailleurs les seules à ne pas nous être présentées par le prisme du narrateur, l’instituteur que l’on devine vieux et qui nous relate l’histoire tel qu’il s’en souvient. Michael Haneke choisit de nous confronter directement à ce personnage qui cache peut être les plus lourds secrets. De l’aveu même du réalisateur, le film ne traite pas seulement des origines du nazisme mais de toutes les formes de violence, terrorisme, intégrisme religieux, dictature et autres. Pourtant, il parait difficile de s’affranchir du fait que le film se déroule en Allemagne au début des années 1910 et que nombre des enfants que nous voyons seront vraisemblablement parmi les nazis de 1940. Et c’est là que le film se fait un peu réducteur. Si l’analyse de cette société corsetée par des principes qui paraissent aujourd’hui d’un autre âge, aussi bien moraux que religieux, est passionnante, si le réalisateur filme sans pareil les pires sévices qui se déroulent aussi bien derrière des volets clos que dans l’imagination du spectateur, force est de reconnaitre que c’est un peu rapide d’en faire l’origine même du nazisme. Ou de quelque autre forme de fanatisme politique ou religieux. Ce serait faire abstraction de bon nombre d’éléments économiques et sociaux qui, en 1910 comme en d’autres temps, furent les catalyseurs de ces montées d’extrémismes. Il n’en demeure pas moins que le Ruban blanc est un film fascinant (l’histoire est racontée comme une enquête policière, à la lisière du fantastique), ambitieux dans les thèmes abordés et les réflexions qu’il suscite à sa sortie, et d’une beauté formelle à couper le souffle. Comme à son habitude, Michael Haneke ne dévoile pas toutes les solutions et nous laisse avec notre propre interprétation des faits. C’est frustrant, inconfortable mais aussi diablement stimulant !

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