Terry Gilliam est surement le cinéaste le plus contrarié que la Terre ait porté. Après l’enlisement de son Don Quichotte, le tournage de son nouveau film est endeuillé par la mort tragique de son acteur principal Heath Ledger. Plutôt que de retourner toutes ses scènes, il a l’idée géniale de poursuivre son œuvre en remplaçant Heath Ledger par trois acteurs. Ce sont donc Johnny Depp, Jude Law et Colin Farrell qui se relaient pour incarner le personnage de Tony dans l’univers parallèle du fameux Docteur. L’idée est aussi belle que l’hommage rendu à l’acteur disparu est émouvant.
Et d’émotions, le film n’en manque pas.
En suivant cette petite troupe de comédiens itinérants perdus dans un monde moderne d’où l’imagination semble bannie, Terry Gilliam nous invite à un voyage merveilleux à travers l’imaginaire de ses différents personnages. En traversant le miroir, telle Alice au Pays des merveilles, le réalisateur nous convie à des séquences féériques qui nous renvoient directement aux Aventures du Baron de Munchausen, Lily Cole remplaçant Uma Thurman dans le rôle de Vénus. Difficile aussi de ne pas penser aux Frères Grimm devant ce comte de fées aussi cruel et noir que tendre et coloré.
L’imaginarium du Docteur Parnassus est donc un condensé de ce que Terry Gilliam sait faire de mieux, dans le fond comme dans les thèmes abordés. Le Docteur Parnassus qui emmène ses spectateurs dans un voyage fantastique renvoie en effet étrangement au réalisateur, et les difficultés qu’il rencontre font échos aux nombreux heurts qu’il a connu tout au long de sa carrière.
L’une des grandes réussites du film, outre son scénario à plusieurs niveaux de lectures, tiens aussi aux formidables acteurs dont le réalisateur a su s’entourer. Christopher Plummer campe un vieux sage immortel (qui ressemble au Gandalf de Peter Jackson comme deux gouttes d’eau) qui a vendu sa fille au diable et qui n’a plus sa place dans le monde dans lequel il vit à présent. Tom Waits incarne Monsieur Nick, un diable joueur, moqueur, ironique,… diabolique ! Des quatre incarnations de Tony, ce sont surement Johnny Depp et Colin Farrell qui tirent le mieux leur épingle du jeu en jouant la carte de la séduction et de la perversion. Mais la grande révélation du film est à coup sur Lily Cole dont l’étrange beauté envahit chaque scène où elle apparait. A l’instar de Christina Ricci chez Tim Burton, elle incarne une femme enfant tour à tour vulnérable et enjouée, et sa présence s’impose comme une évidence dans ce monde fou, merveilleux et effrayant. Un monde que ne renierait d’ailleurs pas Tim Burton, autre grand loufoque de génie.
L’imaginarium du Docteur Parnassus n’est cependant pas exempte de tout défaut. On peut en effet être gêné par une direction d’acteur parfois trop théâtrale et certains dialogues qui semblent pesant par rapport au reste, la vision du film en version française n’arrangeant pas les choses.
Le film peut être vu comme une somme de l’œuvre de Terry Gilliam, un condensé de séquences (parfois trop ?) hallucinantes, une réflexion sur le pouvoir de l’imaginaire. C’est surtout un voyage fantastique vers des contrées que l’on a peut être tendance à oublier, celles de notre imaginaire.
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