mercredi 2 décembre 2009

Kinatay


Brillante Mendoza part d’un fait divers sordide pour nous convier à un voyage au bout de l’horreur. Durant une longue nuit, nous suivons Peping, un jeune étudiant en criminologie qui, pour gagner un peu d’argent, traine avec un gang de Manille. Il se retrouve embarqué, et nous avec lui, dans une expédition punitive visant une prostituée junkie qui doit de l’argent à un parrain local.
S’en suit alors un douloureux chemin de croix pour les victimes de ce meurtre horrible. Et ces victimes sont tout autant la prostituée Madonna que le jeune Peping qui perd alors son innocence en même temps que sa dignité et son intégrité.
Dés le début du film, le réalisateur fait reposer sa mise en scène sur une immersion totale du spectateur. Immersion au milieu de la foule de Manille, au sein d’une famille dont nous partageons un moment de bonheur lors du mariage de Peping. Et immersion quand le réalisateur nous enferme avec le jeune homme dans un van, entre la victime et ses agresseurs. Pour ce faire, Brillante Mendoza use aussi bien d’une caméra portée en constant mouvement que d’une bande son qui restitue en les amplifiant tous les bruits des scènes auxquelles nous assistons.
Après une journée ensoleillée et heureuse, la longue nuit de cauchemar peut commencer. Et l’horreur ne réside pas seulement dans le viol, le meurtre et le démembrement de Madonna, mais commence par un interminable trajet en voiture, prélude des atrocités à venir. Et elle se conclut par le sort réservé à son corps, éparpillé tout au long du chemin, ainsi que par le visage ravagé du jeune Peping changé à jamais.
Plusieurs fois, le jeune homme hésite à prendre la fuite avant d’être rappeler à l’ordre par un message sec sur son portable. Ce sont autant de portes de sortie que semble nous tendre le réalisateur en nous faisant comprendre que nous aussi nous pouvons partir, ne pas assister jusqu’au bout à ce qui va suivre. Pourtant, comme Peping, par curiosité, par lâcheté, nous restons assis, redoutant le pire mais ne faisant rien pour y échapper.
Car c’est bien dans une position de témoin que nous place le réalisateur au travers des yeux de Peping (Peping – Peeping – Peeping Tom = voyeur). Contrairement à nombre de film de torture à la mode (Saw et compagnie), Brillante Mendoza ne nous impose pas de façon frontale et complaisante les actes de barbarie qui se déroulent dans la maison. Nous ne faisons que les entrevoir, toujours par le biais de Peping, ou les entendre au travers des cris de Madonna. Le reste, il nous laisse l’imaginer ce qui est mille fois pire.
Outre la peinture sociale d’une certaine frange de la population philippine gangrénée par la corruption (les tueurs sont des policiers véreux), la violence et la pauvreté, c’est surtout un miroir difficilement supportable de l’âme humaine dans ce qu’elle a de pire que nous tend le cinéaste. Que ce soit du point de vue des tueurs pour qui leur victime n’a même plus le statu d’être humain, ou de Peping qui assiste impuissant à tout cela, le film nous met dans la position du jeune homme et nous force à nous poser toujours la même question, et nous, qu’aurions nous fait à sa place ?
Il est clair qu’un film comme Kinatay ne peut que diviser. On accepte de rentrer dans le van avec les bourreaux ou l‘on part dès le début car ensuite, plus question de reculer.

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