mardi 7 décembre 2010

Machete

Le diptyque Grindhouse inventé et réalisé par Quentin Tarantino et Robert Rodriguez comportait une série de fausses bandes annonces aussi réussies que totalement jouissives. Devant le succès rencontré par Machete, Robert Rodriguez décide de franchir le pas et de réaliser le film correspondant.
Il met alors en scène un film dont la tête d’affiche est Danny Trejo, éternel second couteau des films de genre, alors que des stars comme Robert De Niro ou Don Johnson interprètent des seconds rôles. Belle revanche pour cette gueule burinée de 66 ans trop longtemps reléguée au second plan.
Mais au-delà du concept, Machete s’impose surtout comme un film dont le seul but est de procurer le maximum de plaisir coupable aux spectateurs. Et dans ce domaine, le pari est totalement réussi.
Car au contraire de son copain Tarantino, Robert Rodriguez n’oublie pas que pour qu’un hommage à un genre soit réussi, il faut avant tout en respecter les règles. Si Frankenstein Junior, le Bal des Vampires ou Shaun of the Dead sont de telles réussites, c’est parce qu’ils sont des films de monstres, de vampires ou de morts vivants avant d’être des parodies. Alors que depuis Kill Bill, Tarantino semble privilégier le coté référentiel plutôt que le plaisir engendré par les films qu’il cite en pagaille, Rodriguez marie harmonieusement les deux.
Avec Planète Terreur il rendait hommage aux films qu’ils aiment sans oublier de réaliser une authentique série B. Pendant ce temps, Tarantino réalisait un Boulevard de la Mort non dénué de qualité, mais qui se regardait un peu trop le nombril.
Machete est donc un condensé de tout ce que l’on peut trouver dans les séries B réalisées dans les années 70. Une violence exacerbée et presque cartoonesque, un soupçon d’érotisme, des personnages hauts en couleurs, des méchants qui se prennent au sérieux et des héros qui ne meurent (presque) jamais, une flopée de seconds rôles hauts en couleurs et surtout un héros hard boiled comme on n’en fait plus.
Le film regorge de moments de bravoure (la scène d’introduction, redoutable d’efficacité), de situations irréelles (Machete saute d’une fenêtre en s’agrippant à l’intestin d’un méchant qu’il vient d’éventrer…), de dialogues cultes (« Machete n’envoie pas de texto »). Et surtout, chose assez rare pour être soulignée, tous les acteurs, sans aucune exception, sont excellents.
Rodriguez n’oublie pourtant pas le contexte social et invente quasiment le concept de mexploitation des années après celui de blacksploitation. Ici, ce ne sont pas des noirs de Harlems qui sont persécutés et qui relèvent la tête devant l’oppresseur blanc, mais des mexicains immigrés plus ou moins légalement au Texas qui doivent faire front devant des politiciens corrompus et racistes, les cartels de la drogue et des brigades d’auto défense fascistes.
Loin de n’être qu’un spectacle sans cervelle, Machete explore l’une des faces cachées de l’Amérique contemporaine, celle des dos mouillés, des problèmes frontaliers et de l’intégration. Du spectacle engagé donc, mais avant tout du spectacle.
Et la grande force de Rodriguez (largement partagée par Tarantino tout de même) est de créer des personnages immédiatement cultes interprétés par des acteurs qui n’ont jamais été aussi bons. Dans le rôle du trafiquant Torrez, Steven Seagal livre ainsi sa meilleure partition depuis… bien longtemps ! A l’instar Mickey Rourke, c’est à une véritable résurrection que nous assistons là. Il en va de même pour Don Johnson, Lindsay Lohan, un Jeff Fahey hallucinant, Cheech Marin, Michelle Rodriguez ou Jessica Alba, tous plus impressionnants les uns que les autres.
Bon, Machete n’est certes pas un film parfait. Robert Rodriguez cède à la tentation de l’autocitation et nous refait la scène du lit de Desperado où Danny Trejo et Jessica Alba remplacent Antonio Banderas et Salma Hayek alors que les méchants encerclent la maison. Le final dérive quelque peu vers le grand n’importe quoi où tout le monde règle ses comptes dans le plus grand désordre. Certains personnages, comme celui de Lindsay Lohan qui passe de mannequin camée à nonne vengeresse en quelques heures semblent un peu trop artificiels.
Mais en dehors de ça, quelle claque !
Robert Rodriguez possède un vrai sens de la mise en scène, on le savait depuis El Mariachi. Mais surtout, il est lui aussi (avec Tarantino, oui, quand même) un véritable passionné qui connait sur le bout des doigts autant qu’il les respectent les règles des genres qu’il illustre.
Machete est dans la droite ligne de Planète Terreur, un film de passionné pour les passionnés.

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