jeudi 26 août 2010

Le bruit des glaçons

Comment faire un pied de nez au cancer qui tue des milliers de personnes chaque année ? En le regardant droit dans les yeux et en se foutant de sa gueule, chose permise par le cinéma où tout est possible.
C’est le parti pris par Bertrand Tavernier pour son nouveau film, celui de l’humour parfois grinçant, et de la dérision. Et qui mieux qu’Albert Dupontel avec sa coupe de cheveux improbable pour incarner cette saloperie qui rend visite à sa prochaine victime, un écrivain alcoolique campé par Jean Dujardin dans un rôle qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler l’Octave de 99 Francs ?
Il s’ensuit alors une confrontation tragicomique prenant pour cadre la demeure de Charles, sous l’œil inquiet de Luisa, la bonne fidèle et aimante.
Le bruit des glaçons est surement l’un des meilleurs films de Bertrand Tavernier depuis Merci la vie. Le cinéaste retrouve sa verve et son goût des situations décalées qui sont sa marque de fabrique. Il y a quelque chose du Bunuel du Charme discret de la bourgeoisie chez ce cinéaste hors norme à la patte reconnaissable entre toute. A chacun de ses films, on a davantage l’impression d’assister à une pièce de théâtre filmée mettant en scène l’absurdité de la vie qu’à un long métrage classique.
Les acteurs qui s’adressent directement à la caméra, une bande son au même niveau sonore que les dialogues et qui joue elle-même son propre rôle dans le film, des dialogues hauts en couleurs bourrés de répliques cultes, telles sont les marques de fabrique de ce cinéaste qui s’était quelque peu perdu ces derniers temps.
Il revient ici en grande forme, épaulé par toute une série d’acteurs fabuleux, Dujardin, Dupontel et Anne Alvaro en tête. Le bruit des glaçons traite bien sur de la maladie de façon frontale en choisissant de prendre le sujet à bras le corps, sans pathos ni commisération mais avec une ironie mordante.
Mais le film met aussi en scène un homme qui a gâché sa vie en se réfugiant dans la boisson plutôt que d’affronter une existence qu’il juge vide de sens. Il faudra l’irruption de son cancer et l’amour enfin révélé d’une femme jusque là effacée pour lui redonner le goût de se battre.
Film tour à tour épicurien et désespéré, délicieusement drôle et touchant, Le bruit des glaçons est un pied de nez à la maladie, un hymne à la vie et à l’amour envers et contre tout, une succession de scènes plus réjouissantes les unes que les autres, et le grand retour d’un cinéaste qui, on s’en rend compte en voyant ce film, nous manquait cruellement.

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